CHAPITRE VII.

DE LA LECTURE PRATIQUE DE LA BIBLE.

 

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§ 154. Nécessité de l'étude pratique des Ecritures. - «Je ne connais pas, a dit John Newton, de meilleure manière d'étudier la Bible, que de la lire d'un bout à l'autre , puis de la recommencer, et de la recommencer encore. Peut-être la première fois trouverons-nous bien des passages dont nous ne retirerons que peu de profit ; mais la deuxième fois il y en aura moins, et la troisième encore moins. » - Le prédicateur Arnold dit dans un de ses sermons - « Toute l'Ecriture est pratique; elle a pour objet de nous rendre meilleurs , et non de satisfaire notre curiosité. »

Si la philosophie et l'étude des sciences n'ont de valeur qu'à la condition de se traduire pour la vie présente en une augmentation de ressources et de jouissances, l'Ecriture-Sainte, elle aussi, n'a de valeur qu'à la condition d'augmenter la sagesse de l'homme et de le faire croître en sainteté. Chercher à comprendre le sens de ses déclarations, résumer ses doctrines en système, c'est n'avoir fait qu'une partie du travail, c'est n'avoir répondu qu'en partie au grand but pour lequel les Ecritures nous ont été données. Chaque précepte , chaque promesse doit trouver son application. Chaque verset doit ajouter à nos connaissances, vivifier nos coeurs, nous encourager, nous éclairer et nous guider dans le chemin (lu devoir. La méditation nous révélera la plénitude de la doctrine ; l'application de la vérité, à la vie pratique récompensera surabondamment nos recherches et nos travaux, et nous fera faire des découvertes surprenantes.

L'étude pratique de la Bible est celle qui, à chaque page, travaille à déduire de chaque vérité toutes les conséquences pratiques qu'elle peut renfermer, et à les appliquer soit à nous-mêmes , soit à toutes les grandes questions de caractère ou d'expérience religieuse. Elle n'est pas distincte de l'interprétation , elle en est bien plutôt le couronnement et la fin. L'interprétation a pour but de répondre à la question Que signifient les mots , quel est le sens d'un passage détermine La théologie systématique travaille à coordonner le sens de chaque passage avec, l'ensemble du système. L'étude pratique de l'Ecriture pose cette question : Que suppose , que renferme tel passage ? quelle vérité, quel devoir implique ou suggère-t-il quant à la vie en Dieu , quant à mon histoire personnelle ! La base de cette étude, c'est l'harmonie constante qui existe entre la vérité divine et la vie morale. Elle suppose avant tout une connaissance générale des enseignements de l'Ecriture, et un esprit rempli « du modèle des saines paroles dans la foi et dans la charité qui est en Jésus-Christ (2 Tim. , I, 13 ). » Avec cette connaissance préliminaire , les vérités bibliques sont si intimement unies les unes aux autres , qu'il sera très-facile à un chrétien de se reconnaître et de se retrouver partout dans les Ecritures.

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§ 155. Règles à suivre. - Pour l'étude pratique et morale de l'Ecriture , il convient de se rappeler les mêmes règles que lorsqu'il s'agit de son interprétation. Le mot, sa place dans la phrase, le rapport des mots avec le but général de l'auteur, leur rapport avec d'autres parties des Ecritures, sont autant de points à considérer, et dont l'examen attentif épuisera toutes les leçons pratiques qui résultent des enseignements de la vérité de Dieu.

a. Les mots peuvent renfermer de grandes leçons. - Le mot royaume de Dieu ( Rom. , XIV , 17 ) veut dire l'Evangile ; c'est en effet là le règne de Dieu, il a sa source dans sa grâce, il est basé sur son pouvoir, il fait comprendre son action et la nature de son gouvernement dans ce monde. - Le mot aujourd'hui ( Héb., III, 15; IV, 7 ) a une portée que tout le inonde comprend ; il sert de base a tout un raisonnement. - Christ est appelé ( Héb., III, 1 ) l'apôtre et le souverain sacrificateur de notre profession. Chaque mot a sa signification. Christ a été d'abord choisi et ordonné de Dieu ; puis il a été envoyé de lui , après avoir reçu son mandat. Le péché commis en le rejetant est proportionné à sa dignité. L'efficacité de sa rédemption est garantie par la parole de celui qui l'a envoyé. Il est souverain sacrificateur sous l'Evangile c'est-à-dire que , bien que l'Evangile soit une économie de grâce et de pardon , nous avons besoin d'un sacrifice, nous avons besoin d'être reçus de Dieu.

b. Des leçons peuvent découler de la place d'un mot dans la phrase. - Soyez parés d'humilité, - parce que Dieu résiste aux orgueilleux (1 Pierre, V, 5). Examinée de près, cette phrase renferme les enseignements suivants :

1° L'humilité, quoique méprisée par les païens, est une grâce chrétienne;

2° notre plus bel ornement est une juste, c'est-à-dire une humble appréciation de nous-mêmes, et cet ornement doit être si étroitement uni à notre nature que personne ne puisse nous l'enlever (telle est la force du mot dans l'original);

3° tout devoir puise sa force dans la considération du caractère de Dieu;

4° l'orgueil est un péché public manifeste ;

5° il brave Dieu, et s'établit en lutte avec lui.

Le passage Rom., XIV, 17, déjà cité (a), nous fait voir que :

1° la paix n'existe que par la justice;

2° la joie est le fruit de la justice et de la paix;

3° une justice qui n'entraîne après elle ni paix, ni joie, n'est pas la justice du royaume de Dieu.

c. Les mots dans leur rapport avec le contexte. - Les corps de plusieurs saints ressuscitèrent, Matth., XXVII, 52, mais on voit par le verset 53, que ce ne fut qu'après la résurrection du Sauveur. Il est donc les prémices de ceux qui dorment, et c'est à lui que les saints furent redevables de la grâce qui leur fut faite (cf. 1 Tim., I, 15 avec le verset 4). On verra que les légendes des Juifs et les histoires des Gentils sont traitées de fables, tandis que l'Evangile est appelé une chose certaine et digne d'être entièrement reçue.

d. Le but d'un livre ou de certains passages est quelquefois fécond en enseignements (cf., par exemple, Jean, VIII, 51 avec XX, 31). Il résulte de la comparaison de ces deux passages que la foi en Christ se montre par l'obéissance à sa Parole ; que la foi accepte non-seulement son sacrifice, mais encore ses enseignements , et que celui qui a la vie par son nom ne mourra point. Si l'on compare le premier de ces deux passages avec le but immédiat du Sauveur (il voulait prouver qu'il n'avait pas un démon) , il en résulte qu'une doctrine qui donne la vie éternelle est, selon toute apparence , véritable; que la vérité qui sauve finira par triompher , même contre ceux qui la calomnient, et que, folie pour les hommes, l'enseignement de Christ n'en doit pas moins être reçu et obéi.

e. On peut tirer enfin des leçons de la comparaison des passages parallèles.

Au lieu de multiplier les exemples, nous allons résumer sur un seul passage l'application des différentes règles qui précèdent.

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§ 156. Exemple. - Nous lisons 2 Tim., I, 8 : « Ne prends donc point à honte le témoignage de notre Seigneur, ni moi, qui suis son prisonnier : mais prends part aux afflictions de l'Evangile. » - Le sens de la phrase étant bien clair , si maintenant nous voulons l'étudier au point de vue pratique , nous l'analyserons ainsi qu'il a été dit ci-dessus :

a. Des mots, il résulte que

1° l'Evangile est appelé un témoignage : il n'est donc pas une assertion sans preuves ;

2° Le, chrétien ne doit pas en avoir honte. Le courage est souvent nécessaire à la profession de l'Evangile, surtout dans des temps de persécution;

3° Ce courage n'est pas une vaine présomption sans preuves ni raisons, mais une assurance fondée sur des motifs - « Ne prends donc point à honte, etc. »

4° L'Evangile est le témoignage de notre Seigneur - il rend témoignage de Christ qui est notre Seigneur. Paul et Timothée étaient serviteurs de Dieu au même titre (Philip., I, 4) ; ils étaient placés dans la même position vis-à-vis de Jésus-Christ , et, par conséquent, tenus de lui obéir;

5° Paul était son prisonnier ; les hommes l'avaient mis en prison , mais il n'était pas en leur pouvoir, et il ne souffrait pas non plus comme un malfaiteur.

b. De la place de chaque mot dans la phrase, il résulte que

1° Ne pas prendre part aux afflictions de l'Evangile quand on y est appelé, c'est avoir honte du témoignage de notre Seigneur;

2° Celui qui a honte des chrétiens quand ils souffrent comme chrétiens, a honte de Christ lui-même;

3° Nous devons rendre témoignage à Christ, non pas seulement dans la prospérité, mais encore dans l'affliction ;

4° Même dans ses liens, Paul prêchait l'Evangile;

5° Paul rendit toujours un fidèle témoignage à la vérité; il adjure maintenant Timothée d'en faire autant. Il est nécessaire que tous les serviteurs de Dieu s'unissent pour rendre témoignage,

6° Un coeur timide et sans foi n'est propre ni à rendre témoignage , ni à prendre part aux afflictions de l'Evangile.

c. Si l'on fait attention au contexte, on verra que le but de Paul, dans cette partie du chapitre, est d'exhorter Timothée à tout souffrir pour la cause de Christ, et il appuie son exhortation de nombreux et puissants arguments.

- Le verset 4 montre que les chrétiens peuvent se réjouir , même dans l'affliction , et vivre dans la plus heureuse communion les uns avec les autres.

- Le verset 3 nous rappelle que les chrétiens qui sont dans le cas de souffrir pour l'Evangile ont besoin qu'on prie pour eux « nuit et jour. »

- Le verset 5, que le souvenir de parents et d'ancêtres pieux peut être un précieux encouragement à la fermeté et à la fidélité , surtout à des époques de persécution.

- Le verset 6 , que le don qu'un ministre a reçu de Dieu doit être ranime, non-seulement pour enseigner , mais aussi pour souffrir.

- Le verset 7, que les dons de puissance, d'amour (pour Christ et pour les âmes) et de prudence dans l'accomplissement de devoirs difficiles , obligent le chrétien à la fidélité dans l'affliction.

- Le verset 9 , que la pensée de notre salut, de la grâce et du dessein de Dieu envers nous, doit bannir la crainte que pourraient inspirer des souffrances temporelles.

- Le verset 10, que la supériorité de la dispensation évangélique et la confirmation de notre foi par l'apparition et la résurrection de Christ doivent nous rendre plus disposés à souffrir; car nous souffrons, non pour des fables artificieusement composées , mais pour la vérité de Dieu.

En comparant ce verset avec ceux qui précèdent, on en retire encore d'autres leçons. La crainte de la persécution est une cause fréquente d'apostasie. Les hommes ont souvent honte de l'Evangile de Christ, parce qu'ils craignent d'avoir leur part des afflictions de l'Evangile. La prudence, la vraie sagesse consiste à savoir supporter l'affliction plutôt que de renier Christ. La prudence humaine, la sagesse terrestre est éprouvée et reconnue vaine par l'affliction. L'esprit de crainte est dangereux pour notre affermissement dans la foi ; il n'est pas un don de Dieu. La vraie force est dans la constance et la fidélité. L'amour a tant d'influence sur l'âme, que, si nous sommes exposés aux plus sévères épreuves , même à la mort, il nous rend inébranlables. L'apostasie implique faiblesse , froideur, folie; la persévérance suppose force, prudence et amour.

d. Le but de la lettre , les circonstances dans lesquelles se trouve celui qui l'écrit, peuvent suggérer aussi d'importantes leçons. Saint Paul est prisonnier pour l'amour de l'Evangile; il prie Timothée de venir le rejoindre, et il cherche à le préparer d'avance et à le fortifier contre les afflictions et les persécutions qui , à cette époque, désolaient les Eglises à Ephèse et à Rome.

De saint Paul nous apprenons que le chrétien , alors même qu'il est en prison pour la cause de Christ, peut encore être utile à cette cause en encourageant les autres à la servir et à la défendre, et que, bien loin de perdre lui-même courage, il peut encore servir à encourager les autres à souffrir, si cela est nécessaire ; - que dans l'épreuve , nous devons prendre un soin tout particulier de ne pas décourager les autres par le tableau de nos souffrances; - que nous pouvons demander aux autres de participer à nos souffrances, si cela peut contribuer à l'avancement du règne de Dieu, mais que nous devons d'abord fortifier leurs coeurs contre tout ce qu'ils pourront avoir à souffrir; - que les chrétiens peuvent être tentes d'apostasier par crainte de la souffrance, et qu'ils doivent être tendrement avertis et encouragés par les prières de ceux qui pressentent l'approche de l'épreuve.

De Timothée nous pouvons apprendre qu'un chrétien ne doit Jamais quitter son poste ni hésiter à se rendre où le devoir l'appelle par crainte des dangers qu'il peut courir ; qu'il doit toujours être prêt à tout souffrir ; que le danger d'autrui ne doit pas nous intimider, mais nous rendre à la fois prudents et disposés à souffrir les mêmes épreuves; enfin, même lorsqu'il s'agit de chrétiens éminents, l'exemple de Timothée nous montre qu'il n'est pas inutile, quand on les appelle au service de Dieu , d'aplanir toutes les difficultés et les scrupules que les circonstances peuvent soulever pour les retenir.

Quant au but général de l'épître, si on le rapproche des paroles du passage spécial que nous examinons, il nous rappelle que, dans des temps de persécution , le courage moral et la fermeté de l'esprit sont particulièrement nécessaires. Les serviteurs de Dieu ont alors besoin de s'exciter et de s'encourager les uns les autres à persévérer dans l'obéissance et la foi. Avant de nous engager dans l'exécution d'un devoir difficile, nous devons nous y préparer par la prière et l'exhortation fraternelle. Les qualités nécessaires au service du règne de Dieu sont des dons du Saint-Esprit.

e. La comparaison des passages parallèles est un dernier travail à faire, qui fournit à son tour de nouveaux enseignements. C'est , du reste , le parallélisme de la pensée bien plus que celui des mots qui nous intéresse ici. Prenons deux phrases l'une après l'autre.

N'aie donc point honte de l'Evangile, dit Paul à Timothée. L'apôtre dit de lui-même (Rom., I, 16. Philip., I, 20) qu'il n'a point honte de l'Evangile ; c'est la même énergie qu' il réclame de Timothée. Les vrais et fidèles ministres n'exigent des autres que ce qu'ils ont reconnu possible par leur propre expérience; et, en outre, celui qui peut le mieux prêcher la patience, c'est celui qui joint l'exemple au précepte. - Prends part aux afflictions de l'Evangile. On voit par 1 Thes., III, 2-4, que Timothée avait été envoyé à Thessalonique pour y exhorter et affermir l'Eglise, afin que nul ne fût troublé par les afflictions; et par Rom. , VIII , 17, 18, que la participation aux souffrances est nécessaire pour obtenir la participation à la gloire. Il suit de là que Timothée était très particulièrement obligé de pratiquer ce qu'il enseignait aux autres, et que la perspective d'éternelles bénédictions, proportionnées à la grandeur et à la sainteté de nos souffrances, doit nous apprendre à supporter la honte et quelques souffrances passagères. - On peut comparer encore 1 Cor., IV, 9. 2 Cor. ,XI , 13-33, où l'apôtre envisage les afflictions comme le sceau de son apostolat; 1 Pierre, IV, 13. Col.,. I, 24, où les chrétiens sont appelés, non-seulement à endurer les afflictions , mais à se réjouir en elles; Apoc., XII, 11, qui nous montre dans la joie de ceux qui sont devant le trône , la fin et le terme des souffrances de ceux qui ont accepté les conséquences de la profession de leur foi ; 1 Pierre , III, 13 ; IV, 17, où l'on voit enfin que les impies eux-mêmes ne sont pas exempts de souffrance, et que le plus sûr moyen, sinon d'éviter l'épreuve, au moins d'en adoucir l'amertume, se trouve dans la fidélité chrétienne.

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§ 157. Autre exemple. - Les règles que nous avons indiquées sont simples; elles sont, en outre, d'une application générale; et comme ce genre d'étude est non-seulement fort intéressant , mais encore très-instructif , nous donnerons encore un exemple ou deux de la manière dont il convient d'examiner et d'analyser un passage, quand on veut en extraire tout ce qu'il renferme de lumière et de force. « J'ai de la joie pour l'amour de vous, dit Jésus, de ce que je n'y étais point , afin que vous croyiez; mais allons vers lui (Jean, XI, 15). » Que trouvons-nous dans ces paroles?

Christ était joyeux. - La joie est quelquefois bien naturelle. En relisant les versets 14 , 35, 36, nous voyons qu'un événement, en lui-même pénible, peut être parfois un sujet de joie pour le chrétien. En comparant d'autres passages des Ecritures, on reconnaît, que la joie de notre Sauveur avait toujours son origine dans ce qui pouvait contribuer au bien spirituel de ses disciples ou à la gloire de son Père.

Il avait de la joie pour l'amour de ses disciples. - Qu'un esprit bienveillant se complaise dans ce qui peut contribuer au bonheur des autres, et qu'en particulier, quelques-unes des actions de Jésus-Christ aient été provoquées par la pensée de l'utilité qui pouvait en résulter pour ses disciples, c'est évident. Les paroles de notre texte vont cependant plus loin encore. Le contexte nous montre que le chrétien peut être appelé quelquefois à souffrir pour le bien de, ses frères. En comparant ce passage avec d'autres parties des Ecritures , nous en tirons une conclusion encore plus générale. Tout ce qu'a fait et souffert Jésus-Christ , il l'a fait pour l'amour de l'Eglise. C'est pour elle qu'il s'est dépouillé volontairement de la gloire céleste. C'est pour nous qu'il s'est fait pauvre. Il a porté nos langueurs; il a chargé nos douleurs. S'il s'est consacré tout entier à nos intérêts, s'il s'est sanctifié lui-même pour l'oeuvre de la rédemption et de l'intercession, c'est pour nous qu'il l'a fait, afin que nous aussi nous soyons sanctifiés par la vérité (Jean, XVII, 19).

Une voix est-elle descendue du ciel pour le fortifier? ce n'est point pour lui, mais pour nous (Jean, XII, 30). S'il est remonté au ciel après avoir souffert, c'est qu'il était convenable pour nous qu'il s'en allât ; s'il est assis maintenant, à la droite du Père, c'est afin que si quelqu'un a péché, il ait un avocat auprès du Père. Les lois même de sa providence sont soumises aux intérêts de l'Eglise; c'est pour elle qu'il a « frappé plusieurs grands rois. » Il a épargné l'ancien Israël coupable, à cause des serviteurs fidèles qui s'y trouvaient encore (Esaïe, LXV, 8). Enfin, d'une manière tout-à-fait générale, il nous apprend que « toutes choses sont pour nous (1 Cor., III, 21. 2 Cor., IV, 15), b et que « toutes contribuent au bien de ceux qui l'aiment (Rom., VIII, 27). »

3° Il avait de la joie de ce qu'il n'y était point pour guérir Lazare. - Le retard apporté dans une délivrance est quelquefois une bénédiction. En comparant ces paroles avec les versets 21 et 32, où Marthe et Marie s'étonnent qu'il n'ait pas été là, et avec les versets 44, 45, où il est dit que les Juifs crurent , nous pouvons conclure que Jésus atteint quelquefois son but par des moyens qui ne sont pas conformes à ce que ses disciples avaient attendu. Et si nous comparons cette histoire avec d'autres récits analogues , nous en tirons cette conclusion générale, que les voies de Dieu ne sont pas nos voies, ni ses pensées nos pensées. C'est ainsi que Joseph, par exemple , fut vendu aux Egyptiens dans l'angoisse de son âme et au grand deuil de son père. Là il fut tenté, emprisonné, éprouvé de bien des manières , et néanmoins tout cet ensemble d'épreuves était, dans le dessein de Dieu , une grâce pour lui , un moyen de sanctification, et certainement pour sa famille une source de grandeur et d'élévation , sans doute aussi une préservation merveilleuse contre les horreurs de la famine.

Toutes ces épreuves tournèrent d'ailleurs à l'honneur de Joseph , et peuvent fournir de nombreux et sérieux exemples aux jeunes gens de tous les siècles exposés aux mêmes tentations. - Les souffrances de Job ont au premier moment quelque chose de mystérieux : tout s'explique cependant à la fin de son histoire, car Dieu bénit son dernier état plus que son premier , et Job reçut des honneurs nouveaux, proportionnés à ses afflictions passées, de telle sorte que son histoire peut être considérée comme une longue leçon de patience et de foi. - Les trois jeunes Hébreux à Babylone se montrèrent fidèles au milieu des infidèles , et pour leur consciencieuse obéissance à la loi divine , ils furent jetés dans la fournaise ardente. Dieu était-il là, et intervint-il en leur faveur? Non , de la manière du moins que nous l'aurions espéré; mais oui, en réalité. Il fit de leurs souffrances l'occasion de promesses nouvelles adressées à son Eglise touchant la venue du Messie ; car un quatrième personnage fut vu se promenant avec eux au milieu des flammes ; et, en outre , ils furent préservés de tout mal , tellement que rien en eux ne sentit l'odeur du feu. Dans ce cas encore le résultat final fut, ce qu'il n'eût pu être si Dieu était intervenu dès le commencement , qu'un roi païen fut contraint de reconnaître qu'il n'y avait aucun dieu qui pût délivrer comme le Dieu des Hébreux.

Dans toutes ces circonstances , le but divin fut réalisé par des moyens tout autres que ne l'imaginaient ceux qui étaient dans l'épreuve ou dans la souffrance. Il y a donc folie à juger l'oeuvre de Dieu avant qu'elle soit achevée , il y a sagesse à savoir attendre jusqu'au jour où toutes choses seront manifestées et où nous connaîtrons parfaitement. C'est encore une leçon que nous donne le passage de saint Jean.

Jésus fit ces choses afin que ses disciples crussent en lui. - Ce que Christ veut avant tout, c'est notre progrès dans la foi. Ses disciples n'étaient pas des hommes crédules , comme on parait le croire souvent; bien au contraire. Leur foi ne fut pas une affaire d'entraînement ou d'inclination , mais le résultat de l'évidence et de la conviction. Ce qui ajoute à la force de leur témoignage , c'est qu'ils ont été amenés par l'abondance des preuves à croire eux-mêmes ce qu'ils racontent. De ce qui est dit au verset 45 , que plusieurs Juifs crurent aussi , on voit que les mêmes manifestations de la puissance divine , qui affermissent la foi du croyant, peuvent former la conviction de ceux qui sont encore indécis. D'après Jean , XX, 31, les miracles sont destinés à produire la même impression sur nous que sur ceux qui en ont été les témoins , parce que le récit qui nous en est fait par des témoins authentiques et dignes de foi les convertit en miracles permanents. En comparant notre passage avec d'autres qui semblent supposer que les apôtres avaient déjà la foi , nous voyons que la foi a des degrés. En le comparant avec Rom. , V, 1 , où il est dit que les chrétiens sont justifiés par la foi, avec Actes, XXVI, 18, où il est dit qu'ils sont sanctifiés par la foi , et avec Gal. , II, 20. 2 Cor. , I, 24 , où la foi est représentée comme le secret de leur vie et de leur force, nous voyons que l'accroissement de la foi est une chose précieuse aux yeux du Seigneur, parce qu'il produit pour le chrétien un accroissement correspondant de fruits bénis, de paix et de joie.

5° Jésus avait cependant résolu de se rendre auprès de lui. - Le cas de Lazare pouvait paraître désespéré, mais il ne l'était pas pour la puissance divine. Christ fait souvent beaucoup au-delà de ce que nous pouvons penser. Pour lui le moment propice est quelquefois celui où le mal semble sans remède. Comparées avec le verset suivant, on voit que les paroles de notre Seigneur ont été et peuvent être souvent mal interprétées par manque de foi. Comparées avec le verset 6 on voit que notre Seigneur ne craignait pas d'affronter un danger personnel , quand il s'agissait de consoler ses disciples ou de raffermir leur foi. Les versets 42-44 nous montrent que lorsque le but de l'épreuve est atteint, l'épreuve elle-même peut cesser. Enfin, l'ensemble du verset nous rappelle que Dieu nous parle quelquefois par les afflictions envoyées aux autres, et que, si nous méconnaissons sa voix , nous nous exposons selon toute apparence à être châtiés nous-mêmes.

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§ 158. Directions pratiques. - Quelquefois on désire réunir tous les enseignements que l'Ecriture nous donne sur un sujet déterminé. Dans ce cas, au lieu d'examiner chaque passage dans tous ses détails, on ne l'étudie que dans ses rapports avec l'objet spécial dont on s'occupe ; on fait alors un double travail, à la fois systématique et pratique. Si, par exemple, on veut savoir ce que l'Ecriture enseigne sur l'affliction, on commence par rassembler quelques passages qui, bientôt , se groupent et se classent d'eux-mêmes dans l'esprit ; on voit que les uns traitent de l'affliction en général, les autres de l'affliction pour les chrétiens, les autres des afflictions des incrédules et des impénitents. Ça et là quelques vérités de détail sont mises en relief : les exemples se mêlent aux préceptes et les expliquent. Les épreuves de Jacob, celles de Joseph, de David, de Josias, d'Ezéchias, de Manassé, portent «autres fruits, elles ont un autre but et d'autres conséquences que celles de Pharaon, d'Achazia, de Guéhazi, de Joram, «Hathalie, d'Hosias, d'Achaz. Le nombre des passages bibliques que l'on peut réunir ainsi est très-considérable; et les leçons qui en ressortent sont abondantes. Pour n'en toucher qu'un détail, voyons ce que l'Ecriture nous dit de l'utilité des afflictions pour le chrétien. Elles lui montrent ses erreurs (Nomb., XXI, 6, 7. Luc, XV, 16, 17). - Elles le ramènent à Dieu et le maintiennent près de lui (Ps. LXXVIII, 34. Osée, II, 6, 7. Esaïe, X, 20. Ezéch., XIV, 10, 11 ). Elles l'humilient, l'éprouvent et le font croître en patience, foi, obéissance (Rom.., V, 3. 1 Pierre, I, 7. Jude, 3, 4. Héb., XI, 17). Elles éprouvent et garantissent sa sincérité (Job, XXIII, 10. Prov. , XVII, 3 ). Elles le rendent propre à une plus grande activité, elles lui font mieux comprendre la Bible, elles purifient le coeur (Mal., III, 23 ). Elles contribuent aux progrès de l'Evangile (Actes, VIII, 3, 4. 2 Tim., IV, 17). Elles font voir la puissance de l'amour de Dieu ( 2 Cor. , IV, 7-11. Jean, IX, 1-3; XI, 4). Enfin, quand elles sont supportées avec foi, elles se terminent en une joie éternelle et glorieuse (1 Pierre, IV, 13, 14) (1).

D'autres fois on désire étudier l'histoire sainte ou l'histoire évangélique à un point de vue particulier, ou bien les paraboles quant à leur signification pratique, et dans ce cas on doit étudier phrase par phrase, verset par verset, le fragment des Ecritures qu'on a choisi.

Prenons pour exemple la parabole de l'enfant prodigue. On peut y voir, avec Néander, le pharisaïsme et son contraste, ou bien, avec Lisco l'image de la vraie repentance et de l'accueil que Dieu lui réserve toujours, Si nous nous attachons à ce dernier point de vue , voici l'ordre des pensées tel qu'il est facile de le suivre verset par verset ( Luc, XV, 11 -32 ).

I. Nécessité de la repentance : elle est fondée:

1° Sur l'état de péché qui a précédé.

a. Origine du péché, verset 12. La suffisance et le mécontentement. Mon père, donne-moi.

b. Sa nature, verset 13. Peu de temps après.

c. Sa manifestation. Il dissipa.

2° Sur la misère qui en est la conséquence.

a. L'homme conserve toujours des désirs qui ne sont pas satisfaits, verset 14.

b. Il sent sa misère, verset 14. Il commença d'être dans la disette.

c. Il cherche en vain du secours, verset 15. Il s'en alla et se mit au service.

d. Il tombe toujours plus bas, verset 15. Paître les pourceaux.

e. Il ne trouve pas même ce qu'il désire, verset 16.

Il. La nature de la repentance est décrite:

1° Le pécheur revient à lui-même et à une vraie intelligence de sa position, verset 17.

2° Il aperçoit la grandeur de sa misère, verset 17. Combien y a-t-il, etc. !

3° Il prend une bonne résolution. Je me lèverai, verset 18.

4° Il reconnaît sa faute. Père, j'ai péché.

5° Il s'humilie, verset 19.

6° Par la foi il exécute sa résolution, verset 20. Il se leva et vint vers son père.

III. Les résultats de la repentance, versets 20-34.

1° Par rapport à un Dieu plein de compassion, versets 20-24.

a. Dieu reconnaît et discerne bien vite les sentiments d'un coeur repentant, verset 20. Comme il était encore loin.

b. Il reçoit le pécheur avec amour et compassion, verset 20.

c. Il lui facilite l'exécution de ses résolutions nouvelles. Courant à lui, verset 20.

d. Il lui multiplie les marques de son amour et de sa bonté, versets 22 et 23.

e. Il veut que tout le monde se réjouisse, verset 21.

2° Par rapport aux justes de ce monde, versets 25-32.

a. Leur coeur froid et plein d'envie s'irrite, verset 28. Il se mit en colère.

b. Ils accusent Dieu d'injustice, versets 29, 30.

c. Ils oublient les bontés de Dieu envers eux , verset 31.

d. Ils manquent au devoir sacré de l'amour mutuel, verset 32.

On pourrait faire le même travail sur la parabole de Lazare et du mauvais riche (Luc, XVI, 19-31) , et montrer l'incrédulité mondaine :

1° dans ses manifestations, soif insatiable de joie, de luxe , de toute espèce de plaisir, jointe à une absence complète de charité pour le pauvre;

2° dans sa condition finale; il est détrompé, mais trop tard, sur la valeur des plaisirs terrestres , sur l'importance du salut qu'il avait dédaigné, sur les rapports de Lazare et d'Abraham; ses coupables erreurs subsistent encore; il compte sur son titre d'enfant d'Abraham , il crie : Père Abraham! il compte sur une miséricorde qui n'est plus possible; c'est toujours pour la satisfaction de ses besoins sensuels qu'il implore la puissance divine; un peu d'eau froide !

3° il est condamné par sa propre conscience; il doit comprendre que sa sentence est juste; elle est sans remise; il est l'auteur de son propre malheur, parce qu'il a eu à sa portée tous les moyens de salut, et qu'il n'en a pas profité.

On voit par ces différents exemples que l'on peut tantôt partir d'un passage isolé, et grouper autour de lui tous ceux qui s'en rapprochent par le sens, de manière à se former une idée complète d'un sujet déterminé; tantôt, au contraire , considérer un fragment biblique tout entier, de manière a en extraire, par l'examen de tous ses détails, l'idée principale. L'une et l'autre méthode a ses avantages, et peut être utilement employée dans l'étude pratique des Ecritures.

Quelques ouvrages utiles à consulter sur l'ensemble de ce sujet, sont, outre les concordances et les commentaires généraux sur la Bible (la Bible de Talbot, par exemple), les Textes de l'Ecriture, arrangés par Strutt et Locke; Claude, Essai sur la composition d'un sermon ; Lisco, Sur les paraboles ; Dictionnaire des parallèles , concordances et analogies bibliques (veuve Berger-Levrault, 1856); Descombaz, Guide biblique; Burnier, Etudes progressives, etc.


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(1) Voyez le Recueil de passages bibliques, etc. Toulouse.