CHAPITRE PREMIER.

DE L'INTÉGRITÉ DES ÉCRITURES, OU LA BIBLE TELLE QUE LES HOMMES INSPIRÉS DE DIEU L'ONT ÉCRITE.

 

L'intégrité des documents de la foi chrétienne est établie jusqu'à l'évidence par des preuves dix fois plus variées, plus nombreuses et plus concluantes que toutes celles que l'on peut faire valoir en faveur d'un autre livre quelconque de l'antiquité.

(Isaac TAYLOR.)

 

SECTION I

L'intégrité définie et prouvée.

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§ 7. Définition. - Si l'on possédait encore aujourd'hui le manuscrit original de chaque livre de la Bible, écrit de la main même de son auteur, et que le fait de cette identité fût bien établi, toute copie exacte et parfaitement conforme au manuscrit primitif serait ce qu'on appelle une copie ou un manuscrit intègre et pur. Malheureusement il n'existe plus un seul de ces autographes. Mais si la preuve de l'intégrité des manuscrits existants ne peut plus être faite sous ce rapport, elle peut être fournie avec une certitude presque égale par les circonstances qui se rattachent à la conservation et à la transmission des manuscrits de l'Ecriture , tels qu'ils se rencontrent aujourd'hui dans nos différentes bibliothèques.

On appelle de même intégrité d'un livre son entière conformité avec le livre tel qu'il a été écrit par l'auteur. Si le texte varie, on dit qu'il est corrompu; interpolé, s'il s'y trouve des additions; enfin si l'on a lieu de croire que le livre n'a pas été écrit par l'auteur dont il porte le nom, ou l'appelle inauthentique ou supposé.

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§ 8. L'imprimerie a simplifié les questions d'intégrité. - Les questions relatives à l'intégrité des différents livres de l'Ecriture-Sainte ont été de beaucoup simplifiées par la découverte de l'imprimerie. Cet art merveilleux fixe les dates, et, par la multiplication des exemplaires et des éditions, protège le texte contre toute altération. Comme des livres imprimés ne peuvent être changés ou retouchés à la plume sans que l'oeil n'en soit immédiatement prévenu, toute modification matérielle du texte est rendue impossible, toute tentative de falsification serait vaine. Les manuscrits des différents livres imprimés sont donc pour toujours placés à l'abri de la fraude sous l'égide immortelle de l'imprimerie.

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§ 9. Les premières éditions hébraïques de la Bible (1188 à 1516). L'Ancien-Testament, après que plusieurs fragments en eurent paru isolés , sortis des presses de l'Italie, fut, pour la première fois, publié en entier en langue hébraïque à Soncino (1188), petit in-folio ; il s'en trouve un exemplaire à la bibliothèque du collège d'Exeter, à Oxford. Une autre édition parut à Brescia (1494), dont un exemplaire, celui-là même dont Luther s'est servi pour sa traduction de la Bible , se trouve à la bibliothèque royale de Berlin. On possède également des exemplaires de l'édition grecque du Nouveau-Testament, publiée à Bâle, en 1516, par Erasme, ainsi que de l'édition grecque et latine de 1511, imprimée à Alcala ( ou en latin Complutum). Comparées les unes avec les autres, ainsi qu'avec les éditions modernes , elles sont notoirement identiques , comme il est facile de s'en convaincre. Il en résulte ce double fait : d'abord que les saintes Ecritures existaient déjà comme un ensemble au quinzième siècle; puis, que le texte n'en a pas été sensiblement modifié depuis trois cent cinquante ans.

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§ 10. Le Texte Reçu. - Les deux éditions du Nouveau-Testament dont il vient d'être parlé, publiées d'après un examen très-attentif des manuscrits , formèrent la base de ce qu'on est convenu d'appeler le texte reçu. La première édition de ce texte fut publiée, en 1624, par Elzevir. Il put consulter, en outre, les éditions «Etienne (Paris, 1546), et de Bèze (Genève, 1565), mais il ne leur emprunta pas beaucoup de variantes importantes.

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§ 11. Manuscrits de l'Ancien et du Nouveau-Testament postérieurs au quatrième siècle. - A l'époque où ces ouvrages furent imprimés, il y avait des manuscrits des saintes Ecritures dans la plupart des bibliothèques publiques de l'Europe. Ils formaient, avec les écrits des Pères et avec quelques autres ouvrages ecclésiastiques du moyen-âge , le fonds principal de la plupart des catalogues littéraires du quinzième siècle. Le docteur Kennicott (1718-1783) compulsa et compara six cent trente de ces manuscrits pour son édition critique de la Bible hébraïque. De Rossi , professeur d'hébreu à Parme vers 1776, en collationna sept cent trente-quatre de plus. Pour les éditions les plus récentes du Nouveau-Testament grec, plus de six cents manuscrits ont été mis à contribution.

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§12. De l'âge des manuscrits. - Quant à l'Ancien-Testament, la plupart des manuscrits hébreux que l'on possède aujourd'hui ont été écrits entre les années 1000 et 1157. Quelques-uns cependant appartiennent au neuvième et même au huitième siècle, et, dans le nombre, deux des manuscrits (les No 631 et 503) récemment examinés par M. de Rossi, qui a publié les diverses leçons et variantes qu'ils renferment. - Les manuscrits du Nouveau-Testament et ceux des Septante (traduction grecque de l'Ancien -Testament) sont encore plus anciens. Le manuscrit Alexandrin, Codex Alexandrinus, que depuis Wettstein et Griesbach on désigne ordinairement par la lettre A, et qui se trouve, depuis Charles ler, au musée britannique de Londres, parait avoir été écrit avant la fin du cinquième siècle, et pour le plus tard au commencement du sixième; il renferme l'Ancien et le Nouveau-Testament.

Le manuscrit du Vatican, appelé B, et qui se trouve à Rouie dans la bibliothèque qui lui a donné son nom, date du quatrième siècle, ainsi que le Cottonianus (ou 1), dont des fragments existent encore au musée britannique. L'archevêque Ussérius (Usher) l'a eu tout entier à sa disposition et en a publié les variantes. Le manuscrit C, ou Codex Ephrem, qui se trouve depuis longtemps à la bibliothèque royale de Paris, parait plus ancien que le manuscrit Alexandrin. Il contenait autrefois la Bible entière; vers le dixième ou onzième siècle, des copistes effacèrent, autant qu'ils le purent, l'écriture ancienne pour copier sur le même parchemin quelque ouvrage du père Ephrem (c'est de là que lui vient son nom); heureusement ils n'ont pas réussi tout-à-fait dans leur oeuvre de vandalisme monacal. Le Codex Bezae, ou Cantabriensis, appelé D (pour les Evangiles et les Actes seulement, car il ne contient que ces livres), a été donné à l'université de Cambridge par Théodore de Bèze (1581), qui l'avait reçu de Lyon, où on Pavait trouvé dans un monastère en 1562. On est incertain sur son âge; Wettstein et quelques critiques l'attribuent à la fin du cinquième siècle, d'autres le mettent beaucoup plus bas, jusque vers la fin du huitième.

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§ 13. Les manuscrits des classiques comparés aux manuscrits de la Bible. - Quand il S'agit des ouvrages grecs ou latins de la littérature classique et profane, on regarde vingt manuscrits et même dix comme suffisant amplement à garantir l'intégrité du texte. On connaît une quinzaine de manuscrits d'Hérodote, dont le plus ancien remonte à peine au dixième siècle : un Virgile du Vatican, chose unique, paraîtrait remonter jusqu'au quatrième siècle; mais, en général, c'est dans la période qui s'étend du dixième au quinzième siècle que doit se placer la date de presque tous les manuscrits existants. Ainsi, quant à l'âge et quant au nombre , les manuscrits des livres de la Bible l'emportent de beaucoup sur tout ce que peuvent fournir les documents les plus importants de la littérature classique ancienne. Le nombre des manuscrits a donc puissamment contribué, par la comparaison qui a été faite des uns avec les autres, à conserver la pureté primitive du texte sacré en même temps qu'il présente une garantie presque absolue contre tous les essais de falsification, d'altération ou d'interpolation qui auraient pu être tentés.

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§ 14. Citations de l'Ecriture-Sainte par les auteurs ecclésiastiques des premiers siècles. Targums. - Au moment où les manuscrits commencent à faire défaut, une autre source d'évidence se présente qui n'est ni moins sûre ni moins abondante; ce sont les longues et nombreuses citations des Ecritures et les allusions directes ou indirectes à certains textes qu'on trouve dans les écrits des Pères de l'Eglise on dans les paraphrases des rabbins. Sous ce rapport encore , pour le dire en passant, l'infériorité des auteurs classiques est bien remarquable; suffisantes pour établir l'âge à peu près exact d'un ouvrage, les citations des auteurs classiques les uns par les autres n'ont presque aucune valeur au point de vue de la correction du texte; ce ne sont, en général, que des allusions à un fait ou à un passage et non point des citations proprement dites, ou même, lorsqu'il y a citation, c'est d'une manière souvent si peu exacte et si vague qu'il est impossible d'accorder une grande importance critique au texte ainsi reproduit. Il en est tout autrement des Ecritures; elles sont habituellement citées avec le plus grand soin dans les termes mêmes dont se servent les écrivains sacrés , et forment le sujet, soit d'une discussion approfondie, soit d'un enseignement pratique important.

Ainsi, nous avons au cinquième siècle les écrits de Théodoret de Cyrus en Syrie, sur les épîtres de Paul et sur la plus grande partie de l'Ancien-Testament. Avant lui, Cyrille d'Alexandrie avait écrit sur les prophètes et sur l'évangile de Jean. Au quatrième siècle, les commentaires de Chrysostôme sur tout le Nouveau-Testament, et les écrits de Grégoire de Nysse. Au troisième et au deuxième, les ouvrages d'Origène et de Théophile d'Antioche; on en possède encore de nombreux fragments (de Théophile, seulement en latin) par les citations et reproductions des auteurs postérieurs. Au deuxième siècle , les écrits §Irénée et de Clément d'Alexandrie. Mentionnons encore au quatrième siècle les importants commentaires de saint Jérôme sur l'Ecriture et les nombreux ouvrages de saint Augustin. Nous donnerons plus loin, § 53 , la liste complète des écrivains appartenant à cette catégorie.

On compte jusqu'à cent quatre-vingts auteurs ecclésiastiques des premiers siècles du christianisme, dont les ouvrages, encore existants aujourd'hui, renferment des citations du Nouveau-Testament, et ces citations sont tellement nombreuses que, si tous les manuscrits du Nouveau-Testament avaient disparu, on pourrait reconstruire le texte original tout entier à l'aide des commentaires et des citations qui se trouvent dans les écrits des six premiers siècles seulement. Le docteur Bentley l'a essayé et avec succès.

La même observation s'applique aux livres de l'Ancien -Testament. Pour cela, nous devons remonter plus haut encore dans l'histoire. Le Targum (ou interprétation ) d'Onkélos fat écrit environ 60 ans avant Christ; il donne une traduction du Pentateuque en hébreu chaldéen (de l'ordre le plus pur). Le Targum de Jonathan sur les prophètes et les livres historiques date du commencement de l'ère chrétienne. Au quatrième siècle, Joseph l'aveugle écrivit un Targum sur les hagiographes, et peu de temps après , d'autres travaux semblables sur différentes parties des Ecritures furent publiés. Ces Targums, au nombre de dix, sont d'une grande valeur, le premier surtout, pour déterminer et fixer le texte original de l'Ancien-Testament hébreu dont ils sont la paraphrase littérale.

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§ 15. Traductions de la Bible. - Un autre moyen de contrôler et d'établir la fidélité du texte des Ecritures, soit de l'Ancien, soit du Nouveau-Testament, se trouve dans les anciennes et nombreuses traductions qui en ont été faites, et qui ont eu pour résultat de conserver intact le texte original, en rendant les falsifications impossibles. Or, on possède une version de la Bible en slavon ou ancien russe, d'une grande valeur critique, qui date du neuvième siècle. Au cinquième, la version arménienne faite par les soins de Miesrob, l'inventeur de l'alphabet arménien , et la version gothe d'Ulphilas à peu près complète. Au troisième et au quatrième siècle, tout le Nouveau-Testament et de nombreux fragments de l'Ancien sont traduits en cophte (ou memphitique), langage de la basse Egypte (les Cophtes étaient les Egyptiens convertis au christianisme ) , et en sahidique (ou thébaïque) , langue de la haute Egypte. Au quatrième siècle , la traduction éthiopienne est donnée à la patrie de Candace, à la moderne Abyssinie. Plusieurs de ces traductions furent faites d'après les Septante, quelques-unes d'après le syriaque , le petit nombre «après la Vulgate latine.

Mais les plus importantes et les plus célèbres des traductions de la Bible dans les anciens temps sont les suivantes :

La Peshito (ou la fidèle, l'exacte) , version syriaque de l'Ancien et du Nouveau-Testament. Elle date, à ce que Von croit, du premier siècle. Elle était généralement en usage dans les Eglises de la Syrie vers l'an 378; Ephrem, le Syrien, la cite très-souvent comme la version généralement reçue , assez ancienne de son temps déjà pour que la langue en eût vieilli et pour que de nombreuses expressions du texte dussent être expliquées. Elle est très-importante pour la détermination du texte, à cause de son caractère de traduction littérale. La version philoxénienne, en syriaque plus moderne, date du sixième siècle; celle d'Héraclée (faussement attribuée quelquefois à Philoxène) du septième : elles portent l'une et l'autre le nom de leur auteur.

La Vulgate, quelque défectueuse qu'elle soit, n'est pas non plus sans importance au point de vue du texte. Faite par saint Jérôme vers l'an 385, elle n'est, dans quelques-unes de ses parties, que la reproduction d'une version plus ancienne, la Vetus Itala, déjà citée par Tertullien en 220 ; mais le reste, et c'est la portion la plus considérable, a été traduit par Jérôme lui-même d'après l'hébreu. L'Eglise latine a peu à peu adopté cette version; le besoin de posséder la Bible en langue vulgaire se faisant sentir de plus en plus, un choix a dû être fait entre les traductions existantes , et le travail de saint Jérôme, malgré les altérations successives qu'il eut à subir pendant le moyen-âge, fut déclaré texte authentique et version vulgaire par le concile de Trente, au moment où le latin avait cessé d'être la langue de tous, pour n'être plus que l'apanage du petit nombre. Le texte actuel est extrêmement corrompu.

Les versions grecques sont beaucoup plus anciennes encore; on en compte quatre: celles de Symmaque, d'Aquila, de Théodotion et des Septante. Origène les avait, les unes et les autres, entre les mains en 228 , et c'est d'après leur comparaison qu'il a corrigé et révisé le texte des Septante. Plus tard, il les publia en y ajoutant le texte hébreu en lettres hébraïques , et le même texte en lettres grecques; ce travail est appelé les Hexaples, ou la Bible en six colonnes. La version d'Aquila fut faite vers l'an 160 pour l'usage des Juifs hellénistes; elle est citée par Justin Martyr, en 160 , et par Irénée en 476. Elle est extrêmement littérale, et les Juifs la lisaient dans leurs synagogues. La traduction de Théodotion fut faite vers la même époque, et elle est citée par les mêmes auteurs. Celle de Symmaque est postérieure; elle est plus élégante, mais moins littérale. Toutes les trois sont perdues maintenant; mais leurs variantes les plus importantes ont été conservées dans l'édition des Septante, publiée par Montfaucon, à Paris, en 1713, avec les notes du texte des Hexaples.

Les Septante, ou la version des Septante, ainsi nommée, à ce que l'on croit, du nombre de ceux qui ont coopéré à sa rédaction, est beaucoup plus ancienne. Elle a été reçue avec autant de faveur par les Juifs que par les chrétiens; elle est plus souvent citée dans le Nouveau-Testament que le texte hébreu; on la lisait également dans les synagogues et dans les églises chrétiennes des premiers temps. Aristobule, qui vivait au second siècle avant l'ère chrétienne, la mentionne. On suppose que cette traduction fut achevée vers l'au 285 avant Jésus-Christ, sous le règne de Ptolémée Lagus et de Ptolémée Philadelphe. C'est au moins l'opinion de Hody, Usserius, Walton, Eichhorn et d'autres, qui ont pour eux l'autorité de Clément et d'Eusèbe. D'autres pensent, et de Wette est de ce nombre, que cette version a été faite par différentes personnes et à différentes époques; mais la date la moins ancienne qu'on lui attribue , c'est l'époque du fils de Sirach, 130 avant Jésus-Christ.

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§ 16. Conclusion. - Il résulte de là jusqu'à l'évidence que, dès le premier siècle de l'ère chrétienne, et pour l'Ancien-Testament déjà deux siècles plus tôt , il existait, répandus dans toutes les parties du monde romain, des livres appelés les saintes Ecritures, écrits par les hommes inspirés, et que le texte actuel de la Bible est identique avec le texte de ces livres à leur origine.

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§ 17. Homologoumènes. Antilègomènes. - Ces observations s'appliquent, sans aucune exception , à tous les livres de l'Ancien-Testament et à vingt des vingt-sept du Nouveau. Ces vingt sont les quatre Evangiles, les Actes, les épîtres de Paul (sauf celle aux Hébreux) et les premières de Pierre et de Jean; ils furent universellement reconnus comme authentiques et reçurent le nom d'homologoumènes , c'est-à-dire reconnus. Les autres sept furent contestés et même rejetés pendant un temps par quelques Eglises, et furent , à cause de cela, nommés antilègomènes, c'est-à-dire contestés. Néanmoins , après un long examen, ils finirent par être reçus comme authentiques; l'hésitation même qu'on avait mise à les recevoir est une preuve de plus du soin avec lequel fut formé et fermé le canon définitif de l'Eglise.

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§ 18. Preuve tirée du peu d'importance des variantes. - Mais, quelque décisifs que soient ces faits, ils ne donnent encore qu'une faible idée de la masse de preuves qui se réunissent pour établir l'intégrité des Ecritures. Les manuscrits sont innombrables - ils appartiennent à toutes les époques, et beaucoup d'entre eux sont fort anciens. Ils ont été conservés pendant des siècles, dans différentes parties du monde, sous la sauvegarde de sectes opposées et dans des circonstances qui rendaient impossible toute altération ou modification un peu importante. Les possesseurs de ces manuscrits leur attribuaient la plus grande valeur et professaient de vivre sous l'influence des vérités qu'ils contenaient. Des copistes les reproduisaient avec une religieuse exactitude, comptant toutes les lettres de chaque livre et enregistrant jusqu'aux détails les plus insignifiants, points ou lettres défectueuses du texte de la loi. Et maintenant que toutes les bibliothèques de l'Europe et du monde renfermant quelques fragments des Ecritures ont été visitées, maintenant que toutes les anciennes versions de la Bible ont été comparées, les manuscrits de tous les pays, depuis le troisième jusqu'au seizième siècle, collationnés, les commentaires de tous les Pères étudiés et interrogés, on doit constater comme une preuve décisive et bien remarquable de la sollicitude avec laquelle Dieu a veillé sur son ouvrage , ce fait que rien n'a été découvert, pas même une seule variante, qui compromette l'authenticité d'un seul passage de quelque importance. Cette conclusion négative , que notre Bible actuelle ne diffère pas essentiellement de la Bible de la primitive Eglise, est une ample et belle récompense pour le temps et les travaux qui ont été consacrés à ces recherches.

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§ 19. Exemples. - Pour expliquer le mot essentiellement que nous venons d'employer et pour montrer combien peu les variantes affectent le sens général des Ecritures, à supposer que le texte actuel ne soit pas de tous points le texte ancien, nous donnerons quelques exemples tirés du Nouveau-Testament. Ainsi , dans l'épître aux Romains, qui contient quatre cent trente-trois versets, on ne compte que quatre passages au plus dont le sens soit modifié par des leçons qui, selon Griesbach, doivent être préférées :

VII, 6. Celle (la loi) dans laquelle nous étions retenus étant morte. Griesbach lit: Etant morts à celle dans laquelle nous étions retenus. Dans l'original grec , la différence ne tient qu'au changement d'une seule lettre, un au lieu d'un

XI, 6. Il omet la dernière partie du verset.

XII, 11. Il lit temps au lieu de Seigneur, pour

XVI, 5. Les prémices de l'Asie au lieu de l'Achaïe.

(Le passage IX, 5, ne doit pas être compté ici, parce que les différences de traduction ne proviennent que de différences dans la ponctuation.)

Telles sont les seules variantes qui affectent le sens, et elles sont, comme on voit, peu importantes. Pour les trouver, il a fallu collationner les manuscrits déjà indiqués, cent dix autres manuscrits, et trente manuscrits du mont Athos examinés par Matthaei, qui parcourut, pour cet objet, une grande partie de la Russie et de l'Asie.

Dans l'épître aux Galates, on ne trouve que les trois corrections suivantes qui puissent affecter le sens ou, pour mieux dire, la forme du sens :

IV, 17. Ils vous veulent exclure; Griesbach lit nous.

IV, 26. Il omet le mot tous.

V, 19. Il omet le mot adultère.

Dans les 7959 versets du Nouveau-Testament, il n'y a pas plus de dix ou douze variantes de quelque gravité; dans l'original , elles ne consistent le plus souvent que dans la différence d'un mot, quelquefois même d'une seule lettre. Elles ne touchent ni les unes ni les autres à la doctrine de l'Ecriture, et vont tout au plus jusqu'à diminuer le nombre des passages que l'on peut invoquer à l'appui d'un dogme. Voici les corrections les plus importantes apportées par Griesbach au texte reçu :

Actes, VIII, 37. Il omet le verset

Actes, IX, 6. Il omet la première partie du verset.

Actes, XX , 28. Au lieu de l'Eglise de Dieu, il dit l'Eglise du Seigneur (, au lieu de ).

Philip. IV, 13. Par Christ, il lit : par celui qui.

1 Tim., III, 16. Au lieu de : Le mystère de piété est grand; Dieu a été manifesté en chair , justifié, etc., Griesbach lit : Celui qui a été manifesté en chair a été justifié, etc. D'autres disent : Le mystère de piété est grand, qui a été manifesté, etc. (En grec, ; différence d'une seule lettre, ou même de deux traits de lettre).

Jacq., II, 18. Montre-moi ta foi par les oeuvres; Griesbach lit : sans les oeuvres.

1 Jean, V, 7. Griesbach omet la première partie du verset, qui se trouve ainsi réduit à ces mots: « Il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l'Esprit, l'eau et le sang, et les trois se rapportent à cet un. »

Jude, 14. Griesbach omet le mot Dieu.

Apoc., I, 11. Griesbach supprime les mots: « Je suis l'alpha et l'oméga , le premier et le dernier, » qu'il a conservés au verset 8, et XXII , 13.

Apoc., VIII, 13. Au lieu de : un ange qui volait , Griesbach lit un aigle qui volait.

Toutes ces corrections de Griesbach, sauf pour Actes , XX , 28, et 1 Tim, III, 16, sont sanctionnées par Scholz et Hahn, qui, du reste, se rapprochent plus habituellement du texte reçu pour des variantes moins importantes.

Quant à l'Ancien -Testament, des recherches faites avec beaucoup de soin ont fait connaître treize cent quatorze variantes de quelque valeur; cinq cent soixante-six d'entre elles ont été adoptées dans la version anglaise, dont cent quarante-sept seulement affectent le sens du texte, mais aucune n'a la moindre importance théologique; ce ne sont, en général, que des corrections de chiffres et de dates ou la substitution d'un mot plus clair à un autre qui l'est moins (voyez Hamilton, Codex Criticus , Londres, 1821 ).

Si maintenant on se rappelle que les seules comédies de Térence, qui ne sont qu'au nombre de six et qui ont été copiées mille fois moins souvent que le Nouveau-Testament, renferment trente mille variantes, on admirera l'étonnante et providentielle supériorité des saintes Ecritures au point de vue de leur parfait état de conservation , et l'on comprendra, en s'y associant, les belles paroles qu'après de longues recherches l'excellent Bengel écrivait, en 1721, à son disciple Reuss : « Mange simplement le pain des Ecritures tel qu'il se présente, et ne t'inquiète pas si parfois tu trouves çà et là un petit grain de sable qu'y a pu laisser la meule du moulin. Tu peux donc écarter tous les doutes qui dans le temps m'ont si horriblement tourmenté moi-même. Si les saintes Ecritures, qui ont été si souvent copiées et qui ont si souvent passé par les mains fautives d'hommes toujours faillibles, étaient absolument sans variantes , le miracle en serait si grand que la foi en elles ne serait plus la foi. Je m'étonne, au contraire , qu'il ne soit pas résulté de toutes ces transcriptions un bien plus grand nombre de leçons différentes. »

(Voir sur tout ce paragraphe le chapitre correspondant de la Théopneustie de M. Gaussen).

Dans tout ce qui précède, nous n'avions qu'un seul objet en vue, montrer l'identité de notre Bible actuelle avec la Bible des premiers âges. C'est à ce point de vue seulement que nous avons traité les différentes questions au fur et à mesure qu'elles se présentaient, manuscrits, variantes, langues, traductions diverses, etc. Ce que nous en avons dit suffit à notre but; nous avons maintenant à examiner ces questions pour elles-mêmes; nous aurons ainsi l'occasion d'expliquer quelques-unes des expressions dont nous nous sommes servi, et qui ne sont peut-être pas familières à tous les lecteurs.


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