Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Réflexions des ministres

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Parmi les treize pasteurs qui prirent part à la discussion, on compte trois anciens cordeliers (moines franciscains) et un ancien chanoine. Un seul était genevois ; un autre était un Bâlois habitant Paris, un Niçois. Nous avons souligné le nom de la Paroisse qu'ils desservaient en 1551.

Michel Cop et Raymond Chauvet eurent un long ministère à Genève, mais le plus distingué fut certainement Nicolas des Gallars, fidèle lieutenant de Calvin et traducteur latin de plusieurs de ses opuscules français.



PREMIÈREMENT M. ABEL POUPIN.

 

De Seiches en Agenois, ancien cordelier, prédicateur à Issoudun et Valleiry, Pasteur à GENÈVE dès 1548.

La doctrine que nous avons entendue et qui a été suffisamment déduite ne se devrait point répéter, et n'est pas besoin d'y rien ajouter ni d'y rien apporter, sinon seulement une pleine et entière foi. Car voilà d'où vient la faute que nous ne profitons pas en cette sainte parole comme il appartient : c'est que nous ne pouvons pas ajouter foi à ce qui nous en est montré, laquelle toutefois est très nécessaire. Voilà donc l'adjonction nécessaire à la proposition que nous avons ouïe, c'est que nous y apportions la foi, laquelle (comme j'ai dit) est si nécessaire qu'il faut que nous la demandions à Dieu afin qu'il nous y fasse profiter de plus en plus. Cependant nous voyons aussi qu'il n'est grandement nécessaire d'amener les passages de la sainte Ecriture, dont les principaux et les plus urgents et les plus pertinents ont été allégués, voire et très bien déduits. Mais encore nous voyons que les choses que nous avons en commun et privé usage nous apportent une connaissance et intelligence de cela, que nous ne pouvons pas ignorer que cette profession que nous faisons de notre chrétienté sera en ce mot de la foi, que quand nous parlerons de la foi, nous dirons que ce sera en vertu de la foi que nous sommes chrétiens. Or, si ainsi est, il est certain que la foi nous apporte une persuasion vraie, une résolution certaine de la bonne volonté de Dieu envers nous, qui a été manifestée et tellement révélée en notre Seigneur Jésus-Christ qu'elle est scellée par son saint Esprit en nos coeurs. Et cela fait que nous recevons aussi les promesses de Dieu, lesquelles aussi dépendent de sa bonne volonté.

Il nous est donc impossible de pouvoir connaître Jésus-Christ sans la bonne volonté de Dieu envers nous par laquelle il nous a choisis et élus, comme il a été dit et déclaré amplement. Voilà donc ce mot de foi lequel nous avons en usage commun, lequel nous apporte suffisante raison que c'est l'élection de Dieu d'où dépendent tous les biens que nous avons en notre Seigneur Jésus-Christ, c'est à savoir cette bonne volonté de Dieu par laquelle il nous élit en nous donnant à Jésus-Christ, et Jésus-Christ à nous.

Semblablement nous voyons que suivant cette foi, quand nous voulons faire protestation d'icelle (la Professer), nous mettons la bonne volonté de Dieu. Comme quand nous l'appelons notre Père qui es aux cieux, nous protestons par cela qu'il nous a donné tellement à connaître sa bonne volonté que nous croyons' fermement qu'il est notre Père, qu'il se veut démontrer tel envers nous, que nous ne sommes point ignorants de cette grande sagesse laquelle il a voulu nous être révélée en notre Seigneur Jésus-Christ, à savoir qu'il nous a élus et choisis devant que nous eussions connaissance de lui, voire devant que le monde fût créé, comme il a été très bien déduit.

Et même nous voyons qu'ayant protesté (déclaré) cela, nous demandons que son Nom soit sanctifié. Or il est certain qu'en cela nous approuvons la volonté de Dieu être juste, bonne et droite, comme à la vérité elle est, en déclarant que non seulement il doit être glorifié, mais en tous ses actes il doit être connu et aperçu juste, pour lui en rendre la louange qui lui appartient. Autrement nous ne pourrons pas contempler cette bonne volonté de Dieu, sa bonté et miséricorde, de laquelle il a usé envers les siens. Au reste, il nous faut connaître la bonté de Dieu en ce qu'il veut être nommé notre Père, que cependant aussi nous le connaissions tout-puissant. Car ce sont deux choses inséparables, la puissance et la bonté de Dieu. Et c'est le premier article de notre foi et que nous devons croire, que nous confessions tellement Dieu être notre Père que cependant nous soyons résolus (convaincus) de son omnipotence et en cela nous avons à nous consoler grandement et à nous humilier. Car quand nous serions considérés tous en général, nous trouverions que nous sommes d'une même condition. Il faut donc que les enfants de Dieu s'arrêtent à sa bonté, laquelle il leur fait sentir et qu'ils lui en rendent actions de grâces, quand ils connaissent que sa volonté est qu'ils soient séparés des infidèles ; non pas qu'ils en soient ou qu'ils en eussent été dignes, mais d'autant qu'il les a élus par sa bonté gratuite. Et aussi ils ont de quoi s'humilier quand ils appréhendent (perçoivent) cette puissance et bonté de Dieu, laquelle il ne déploie envers eux sinon pour leur salut. Et ainsi, voilà les choses que nous avons en commun usage, lesquelles nous doivent servir pour nous faire entrer en considération de cette doctrine, afin d'approuver et tenir pour résolu ce qui a été dit.

Il ne reste sinon d'ajouter à cette doctrine un Amen pour dire : Telle est ma foi, je veux ainsi croire ; je me veux là arrêter du tout, sans jamais en varier ni décliner quelque peu que ce soit. Et ainsi demandons à notre bon Dieu qu'il lui plaise de nous conduire tellement par son saint Esprit que nous ayons nos oreilles fermées à tous ces blasphémateurs et méchants qui nous veulent détourner de la vraie simplicité de sa Parole, mais que nous le suivions en telle crainte et obéissance que nous puissions tous ensemble dire cet Amen en vérité : Ainsi nous le croyons et en cela voulons mourir et vivre.



M. JACQUES BERNARD.

 

Genevois, gardien du couvent des Cordeliers de Rive,

Pasteur à Archamps, Genève et SATIGNY.

Je consens à ce qui a été dit et affirme que c'est la pure et simple parole de Dieu et sur laquelle nous devons appuyer notre foi. je dirai davantage que je n'ai point de honte de parler ainsi à tous: C'est que je loue le Seigneur de ce qu'il lui a plu nous faire la grâce en cette ville de nous donner personnages si savants et éloquents comme ceux qui ont déjà parlé pour maintenir cette doctrine et confondre ceux qui y contredisent ; comme saint Paul, vaisseau d'élection, n'a point eu de honte de la prêcher aux Romains et aux Ephésiens, ainsi que nous avons entendu par les chapitres déjà allégués.

Ce que je dis notamment, pource qu'il y a plusieurs qui disent qu'il ne faut point tenir tels propos devant un peuple. Comme si c'était péché de soutenir la vérité. Et quand nous disons ce que le Seigneur commande, qu'est-ce qu'on nous voudrait demander ? Nous oyons (entendons) ce que disait Balaam à Balak des Madianites, au 22e des Nombres: je dirai tant seulement ce que Dieu aura mis en ma bouche. Il met aussi au 23e de ce même livre des Nombres : Ne t'ai-je pas dit que je ferai tout ce que le Seigneur m'a commandé ? Le Seigneur a mis en notre bouche que nous annoncions que les uns sont élus pour vivre éternellement et que les autres sont délaissés en corruption. Et qu'est-ce que cela, sinon que les uns sont élus pour être sauvés et les autres destinés au feu éternel ?

Nous avons donc à parler, puisque le Seigneur a mis de telles paroles en notre bouche. Et de cela je prie mes frères d'en dire ce que le Seigneur leur en aura donné, afin qu'il soit notoire à tous que nous ne sommes point de ces chiens (desquels il est parlé au prophète Isaïe) qui ne peuvent aboyer, mais que vraiment nous sommes ministres de l'Evangile de notre Seigneur, pour soutenir (en tant qu'en nous sera) cette doctrine à laquelle je consens (comme j'ai dit) et icelle approuve, comme aussi c'est la vérité de Dieu infaillible et qui ne peut mentir.

Pourtant je prie tous ceux qui sont de Dieu qu'ils la reçoivent avec une telle crainte et révérence qu'il appartient, sachant que s'ils en sont entièrement persuadés et résolus, qu'ils appartiennent à la vie éternelle. Autrement ceux qui la rejettent et qui ne se veulent point assujettir à icelle sachent qu'ils ne sont point appelés à cette vie mais qu'ils sont destinés à perdition éternelle.



M. NICOLAS DES GALLARS.

 

Seigneur de Saules Près Paris, Pasteur à GENÈVE, à Jussy, Paris, Londres et Orléans, député au Colloque de Poissy (1561), Participa aux synodes de Paris (1565), La Rochelle (1570) et Nîmes (1572). Il fut enfin ministre de la reine de Navarre et Professeur à Lescar (Béarn).

Mes frères, nous devons connaître combien il est nécessaire à un chacun de nous d'être résolu en cette doctrine. Car il est impossible que jamais nous puissions être en paix ni en repos de nos consciences, sinon que nous ayons un tel fondement en nous, c'est à savoir que nous connaissions que Dieu nous a élus. Mais cependant il faut que tout cela soit fondé en Dieu, car si nous en voulons attribuer une seule goutte à nous, il n'y aura rien de ferme ni de certain. Il faut donc que nous connaissions qu'étant appelés nous avons déjà été élus et que cela dépend de cette bonté paternelle de notre Dieu et de son élection qu'il a faite de tout temps. Si nous n'avons ce fondement-là, nous passerons par-dessus toute l'Ecriture sans en recevoir instruction qui soit à notre profit. Regardons comment saint Paul procède pour assurer ceux auxquels il écrit. Il montre que cette sanctification vient de ce qu'il les a élus. Or saint Paul parle entièrement de cette élection que, quand nous en dépendons, nous voyons que c'est un conseil immuable de Dieu.

Autrement, si nous n'avons pas cette certitude-là, Satan nous aurait bientôt mis à sac, pour nous renverser les principaux fondements de notre foi et pour nous envelopper tellement en ses erreurs qu'il serait bien difficile de nous en retirer. Au reste, quand nous ne pourrons pas comprendre ce qui surmonte notre entendement, ne soyons point si téméraires de vouloir assujettir Dieu à nous, comme s'il était tenu de nous révéler ce qu'il nous veut être caché. Mais au contraire, que nous nous assujettissions du tout à lui, comme c'est bien raison et que ne passant point outre ce qu'il nous déclare par sa Parole, nous disions avec David : Seigneur, je chanterai jugement et miséricorde.

Et ce n'est pas sans cause qu'il conjoint ces deux mots, car ceux qui ont connu la miséricorde de Dieu en leur élection, il est certain qu'ils connaissent son juste jugement en la réprobation des méchants. Et cela sert pour nous humilier. Que quand nous regardons la miséricorde de Dieu de laquelle il a usé envers nous, si puis après nous concevons quel est son jugement, nous nous défions alors de nous-mêmes pour mettre entièrement notre confiance en sa bonté. Quand ces deux choses seront connues de nous pour en être bien résolus, nous serons alors assujettis à notre Dieu en vraie obéissance.



M. PHILIPPE DE ECCLESIA.

 

Pasteur à Genève et VANDOEUVRES.

Quant à cette élection de Dieu, il n'y a celui (personne) qui en puisse juger aucune chose, sinon ce qui nous a été révélé par sa Parole qui est certaine. Or nous avons plusieurs passages en l'Ecriture qui nous en rendent témoignage et entre autres sentences dignes de mémoire, prenons celle qui est plus certaine, des Ephésiens, 1er chapitre, où il est fait mention de la cause de notre élection quand il est dit que tel a été le bon plaisir de la volonté de Dieu. Voilà quelle est la cause d'icelle, et nous doit suffire, vu que saint Paul n'amène point d'autre cause que cette bonne volonté de Dieu; et par cela il veut forclore (exclure) tout mérite et toute dignité et veut montrer que cette élection de Dieu est gratuite et fondée sur sa pure bonté. Mais cependant aussi, il ne faut point (comme il a été dit) tellement considérer ce bon plaisir de Dieu que nous le séparions de ce qui s'ensuit en saint Paul quand il ajoute : en Jésus-Christ. Car Dieu ne nous a point élus seulement en soi, mais il nous a aimés en Jésus-Christ et nous accepte en Jésus-Christ. Et comme il a été dit, Jésus-Christ est le miroir et le patron auquel nous pouvons considérer la cause de notre élection, car nous ne pouvons pas connaître ni savoir si nous sommes élus de Dieu ou non, si ce n'est que Jésus-Christ qui est descendu de Dieu son Père nous le révèle. Or puis après saint Paul ajoute la cause finale de l'élection quand il dit : afin que nous fussions saints et sans macule (tache) devant sa face. Nous avons donc été élus selon le bon plaisir de la volonté de Dieu, en Jésus-Christ ; et notamment il dit : en Jésus-Christ ; car si nous voulions chercher l'élection hors de Jésus-Christ, nous n'en trouverions point ; et ceux qui ne sont point en lui sont réprouvés.

Or cependant, il y en a aucuns qui disent : Comment saurons-nous si nous sommes élus ? Vrai est que je confesserai bien que c'est le plaisir de Dieu quand je suis élu en Jésus-Christ, sans aucuns mérites. Mais comment pourrai-je connaître que je suis du nombre des élus de Dieu ? je ne suis point clerc, voire encore je ne pourrais point entrer en ce conseil de Dieu qui m'est caché. Comment donc est-ce que Dieu m'a déclaré que je suis de ses élus ? Or il est certain que nous ne pourrons pas connaître que nous soyons des élus de Dieu a priori (comme l'on dit), c'est-à-dire que nous soyons entrés en son conseil pour le savoir ; mais a posteriori nous pourrons le comprendre, quand il le nous déclare et il nous le révèle par Jésus-Christ. Comme quand nous voyons du feu, nous ne pouvons connaître comment il a chaleur en soi, mais tant y a que nous jugerons bien qu'il est chaud. Aussi quand nous venons à Jésus-Christ, ce nous est un certain signe que nous sommes élus, quand nous appréhendons (saisissons) par foi, qu'il nous a reçus en sa protection et sauvegarde.

Quant au second membre de la prédestination, qui est la réprobation, il est certain que si nous voulons faire cette antithèse de choisir et réprouver quand il est dit que Dieu nous a choisis par son vouloir et par le plaisir de sa bonne volonté, voire en Jésus-Christ, afin, dis-je, que l'antithèse soit bonne, il faudra conséquemment inférer qu'il en a aussi réprouvé hors de Jésus-Christ.. Il est vrai qu'aucuns ont voulu (comme les docteurs anciens), quand ils ont parlé de réprouver, que de réprouver ceux qui sont méchants n'est autre chose que de les laisser en leur nature mauvaise, mais tout revient à un. Car quand Dieu ne besogne point aux hommes et qu'ils demeurent en leur nature mauvaise, ils sont réprouvés de lui. Non pas qu'on puisse inférer par cela que Dieu soit auteur de péché. Il est la règle de toute justice et droiture ; la chose quant à soi demeure toujours bonne, juste et droite ; mais ce qu'il en dispose ainsi que bon lui semble, est d'autant qu'il est maître sur toutes choses et qu'il ne nous y faut pas trouver à redire.

Et ainsi ce qui a été allégué de l'élection et de la réprobation est une doctrine très véritable et à laquelle il se faut tenir et arrêter du tout.



M. FRANÇOIS BOURGOING.

 

Originaire du Nivernais, seigneur d'Agnyon, chanoine de Nevers, pasteur à Bossey-Neydens, GENÈVE, Jussy, Troyes, Chaumont et Moulins.

On se devrait bien contenter de ce qui a été dit jusqu'à présent. Toutefois afin que de ma part je montre que j'approuve la doctrine qui a été annoncée, je dirai un mot. Pour ce que ce brouillon qui trouble l'Eglise de Dieu insiste principalement sur ce point que notre élection dépend de notre foi, et qu'il renverse ici l'ordre qui a été mis de Dieu en son Ecriture sainte, il nous faut entendre que Dieu nous rend témoignage que nous sommes assurés de notre élection par la foi qui nous est donnée. Il faut donc que l'élection précède la foi et que la foi aille après. Et d'amener et alléguer le contraire, c'est envelopper l'esprit des hommes en des erreurs dont ils ne se pourront pas retirer facilement.

Qu'ainsi soit, quelle raison y a-t-il de dire que nous avons un franc arbitre, par lequel nous avons liberté de rejeter ce que Dieu nous veut donner, c'est à savoir la foi, ou bien de la recevoir quand bon nous semblera ? Si ainsi était, où serait la certitude et fermeté de notre salut ? J'alléguerai un passage d'Esaïe pour confirmer cette doctrine, c'est à savoir que nous dépendons totalement de l'élection de Dieu et qu'il faut nécessairement que cette bonté gratuite de Dieu prévienne avant que nous puissions croire, et la foi se rapporte à Jésus-Christ comme à son vrai but ; et nous n'aurons jamais accès ni. adressé (chemin) à notre Dieu, sinon que son Fils nous y mène et nous y conduise ; cependant il faut que nous sachions premièrement comment nous venons à Jésus-Christ.

Voilà que le prophète Esaïe dit : Me voici, et les enfants que tu m'as donnés. Lequel passage est attribué par l'apôtre (aux Hébreux, 2e chapitre) à notre Seigneur Jésus-Christ, lequel dit de semblables paroles. Cela est dit expressément de Jésus-Christ : il se présente à Dieu son Père non seulement comme le chef des docteurs et des ministres de la parole de Dieu, mais aussi comme le Docteur unique, par la bouche duquel tous les docteurs anciens parlent. Il présente ses élus, ceux qui lui sont donnés. Il est vrai que nous ne pouvons aller jusqu'à Dieu, nous n'en pouvons nullement approcher, sinon que Jésus-Christ nous y mène par la main. Si faut-il que nous connaissions que Dieu donne au Fils ce qu'il lui amène, et qu'il faut qu'il lui ait donné ses élus devant qu'il les lui présente.

Par cela donc nous connaissons que, quand nous avons la foi en Dieu par Jésus-Christ, cela vient d'autant qu'il lui a plu de nous choisir, voire selon son conseil qui nous est incompréhensible, dedans lequel nous ne devons point présumer d'entrer, seulement nous nous devons contenter de cette foi qu'il nous a donnée, par laquelle il nous rend certain témoignage que nous sommes de ses élus. Mais il nous faut toujours noter que le Père donne au Fils ceux qu'il a élus et lesquels il ne veut point laisser périr.

Et cela est confirmé par le passage qui a été allégué du 6e de saint jean, où il est dit : Tout ce que mon Père m'a donné viendra à moi. Et ce qui vient à Jésus-Christ, il nous faut présupposer qu'il lui est donné de son Père. Aussi ce n'est pas à dire que les hommes aient cette liberté d'accepter ou refuser la foi selon leur bon plaisir, autrement il faudrait dire que les élus ne fussent point menés de Dieu à salut. Mais au contraire, il faut que nous connaissions que Dieu a les siens, lesquels il a choisis de tout temps et lesquels il baille de main en main à notre Seigneur Jésus-Christ, comme s'il lui disait : Voici, je te donne les miens et veux que tu sois protecteur de mes élus. Voilà comment nous devons connaître que nous sommes tellement en la main de notre Seigneur Jésus-Christ, que nous lui avons été donnés de Dieu son Père à cause qu'il nous avait élus par sa bonté gratuite.

Car autrement, si cela était en notre liberté de recevoir ou rejeter la foi quand elle nous serait présentée, de l'accepter de notre propre vertu (force), que serait-ce ? Où serait le fondement de cette certitude de la béatitude éternelle que nous devons avoir ? Sur quoi serait fondé notre salut ? Sur la volonté inconstante des hommes! Et quelle assurance y aurait-il s'il fallait que l'homme élût cela à sa fantaisie, pour dire : je veux croire ! et incontinent après il pourrait plaquer là tout ! Eh bien, prenons le cas qu'un homme ait bonne affection de croire, selon qu'il est inconstant et muable (changeant) et que son propos lui changera, le voilà diverti (détourné) sitôt qu'il lui viendra quelque fantaisie en l'esprit. Et ne pourrait autrement advenir, je dis même à tous les plus constants et les plus fermes du monde, voire si notre foi était fondé sur notre propre vertu, comme ces malheureux l'affirment.

Mais quand nous savons maintenant que nous sommes donnés de la main du Père à son Fils et qu'il nous prend en sa garde par le moyen de cette donation ici, nous voyons sur quoi notre foi doit être appuyée, sur quoi elle a pris son fondement, c'est à savoir sur la bonté et miséricorde de Dieu, étant assurés que ce que le Fils a pris une fois en garde du Père ne périra jamais; que quand nous serons sous la protection et sauvegarde de notre Seigneur Jésus-Christ, nous serons hors de tous dangers, pour le moins nous ne serons point frustrés du salut qu'il nous a acquis et duquel nous entrons déjà en possession par la foi que nous avons en lui. Voilà en bref ce que je voulais ajouter à ce que les frères ont dit pour confirmer la doctrine qui a été amenée.

Au reste, je prie de ma part au nom de Dieu que nous ne nous laissions point éblouir par la grandeur des hommes qu'il semble avis qu'ils doivent ravir les simples jusqu'au ciel par leur hautesse et excellence ; car c'est alors qu'ils s'efforcent de renverser la vérité de Dieu. Davantage, quand nous verrons ici leur belle rhétorique, qu'ils auront de gros mots et magnifiques pour emplir les oreilles des ignorants, ne nous laissons point transporter par cela, mais cheminons en la crainte et en la vérité de Dieu. Il est vrai qu'elle est simple, mais elle a plus de majesté que toute la pompe et excellence de ces langues bien affilées qui se transportent (répandent) en paroles vaines et qui pensent résister à la vérité de Dieu, à laquelle il nous faut toujours arrêter et jamais n'en être détournés, en sorte quelconque, ni pour quelque chose qui nous en puisse advenir.



M. LOUIS TREPPEREAU.

 

De Saint-Vincent, près Toulouse, pasteur à Genève, CÉLIGNY, Crans, Nyon et Lausanne.

Cette sainte doctrine est si entière et si parfaite qu'il n'est plus besoin qu'on y ajoute quelque chose. Mais le principal est que nous en fassions notre profit, qu'elle nous serve d'armures contre tous blasphémateurs qui nous voudront détourner de la vraie doctrine de notre salut et de la voie d'icelle. Et pour comprendre en bref ce que nous en devons connaître, sachons que quand il est parlé de l'élection et de la réprobation, que l'élection se fait par grâce et la réprobation se fait par juste jugement de Dieu. Car il ne faut point dire que Dieu soit cause de la damnation des méchants, mais c'est le vice qui est en eux. Et même, comme il a été dit, encore que nous fussions tous perdus et abîmés et que jamais Dieu n'eût pitié de nous, ce serait un juste jugement et n'y aurait occasion en cela sinon de lui donner gloire, confessant qu'il est juste juge puisqu'il punit les méchants pour leurs vices et pour leurs iniquités.

Et quant à ce qu'aucuns disent que Dieu accepte (lait acception de) les personnes en damnant l'un et sauvant l'autre, c'est un moyen que le diable cherche, par lequel il ne demande sinon d'obscurcir et renverser la certitude que nous avons de notre salut. Mais encore quand il est question de montrer comment Dieu est juste en tout ce qu'il fait, s'il y avait similitude qui fût digne d'amener avant. pour nous donner à entendre que la gloire qui appartient à Dieu doit être conjointe à ses jugements, il n'y en a point de plus propre que celle que nous avons en la justice des hommes. Regardons, mes frères, voilà un juge qui condamne un homme à la mort justement et le condamne à mourir d'un tel supplice de mort, à savoir si on viendra à murmurer contre un tel jugement ? Non, mais au contraire, on louera une telle justice. Oh ! loué soit Dieu ! dira-t-on. Et pourquoi ne louerons-nous pas Dieu quand il réprouve les méchants ? Et toutefois il ne faut pas dire que Dieu soit cause de leur condamnation, mais, comme j'ai dit, que c'est leur vice qui est en eux.

Bref, l'élection de Dieu est gratuitement faite et la réprobation des méchants est justement faite. Et cependant il ne faut point enquérir pourquoi Dieu fait cela, mais regardons de cheminer en toute humilité et modestie, considérant ce que nous avons reçu de Dieu, pour lui en rendre louange ; surtout quand il nous rend témoignage de notre élection et qu'il nous fait participants de sa grâce, laquelle il nous a élargie (donnée) par Jésus-Christ. Et quand nous l'aurons une fois goûtée, nous suivions sa doctrine car elle nous est annoncée par lui et que nous persévérions en icelle jusqu'à la fin, nonobstant tous les empêchements qui pourraient advenir pour nous en détourner, Comme je prie à ce bon Dieu qu'il nous en fasse la grâce d'y vivre et d'y mourir.



M. RAYMOND CHAUVET.

 

De Saint-Celli en Gévaudan, ancien cordelier, avait rencontré Calvin à Strasbourg; prisonnier à Beaucaire, pasteur à Genève (SAINT-GERVAIS) de 1545 à 1570.

Mes frères, je rends grâces à Dieu des grands trésors qu'il nous déploie en cette doctrine pleine de consolation. Vrai est que combien que cette doctrine soit telle que je viens de le dire, riche et pleine de consolation, si est-ce que ce n'est pas (quand on en viendra à disputer) qu'il n'y ait du danger et de la difficulté. Mais aussi on ne pourrait passer le lac ou entrer dedans la mer pour faire quelque bon trafic, sans grande difficulté, et qu'il n'y ait des dangers beaucoup. Celui qui voudrait passer par la mer ou par le lac sans bateau et sans conduite, il se mettrait en des gouffres, il se pourrait précipiter et ruiner. Mais s'il y entre avec un navire et avec une bonne conduite, ce lui sera une joyeuse navigation et délectable, voire et qui lui portera grand profit. Ainsi, quand nous voudrons traiter de la prédestination de Dieu, en ce qu'il a élu les siens et qu'il a réprouvé les méchants et iniques, il nous y faut entrer par la navigation qui a été proposée par le frère proposant et par ceux qui ont confirmé la doctrine, c'est à savoir que nous connaissions en général que nous sommes tous perdus et damnés. Mais si nous voyons que Dieu nous ait fait la grâce de nous illuminer et de nous appeler à la connaissance de sa vérité, par laquelle nous connaissions et soyons certains et assurés que nous sommes ses enfants, d'autant qu'il nous a prédestinés devant la création du monde, nous avons là matière et occasion de glorifier Dieu et de l'avoir en admiration de ce qu'il déploie ainsi sa grâce et sa miséricorde sur nous qui sommes si pauvres et si misérables créatures.

Si nous voyons d'autre part que Dieu en réprouve aucuns, nous avons occasion et matière de connaître son juste jugement, qu'il ne fait rien sans juste raison, combien qu'elle nous soit cachée, Que sur cela nous venions où saint Paul nous amène, à savoir à cette admiration des secrets et jugements de Dieu incompréhensibles, pour dire avec lui : 0 hautesse, ô profondeur et richesse de la patience de Dieu! Combien sont incompréhensibles tes jugements! (Rom. 11 : 33).

Je veux ajouter un mot pource qu'il y a aujourd'hui des chiens qui aboient et circuissent (rôdent) çà et là, cherchant s'ils pourront trouver à mordre et disent : Oh il ne faut point croire aux hommes, mais à Dieu. Eh malheureux, qui est-ce qui dit le contraire ? Mais quand les hommes parleront au nom et en l'autorité de Dieu et qu'on recevra tout ce qu'ils apportent au nom d'icelui, sera-ce croire aux hommes ? Mais il ne se faut point ébahir si tels chiens ne cessent d'aboyer à l'encontre de la doctrine de Dieu, pource qu'ils sont possédés du Diable qui les conduit et gouverne (2 Tim 2 : 26). Nous savons que de tout temps Satan a eu en horreur et détestation la doctrine du salut, pourtant faut-il qu'ils y contredisent tant qu'il leur sera possible, comme nous voyons qu'ils ne tâchent que d'obscurcir et renverser cette sainte doctrine, d'ensevelir l'Evangile de notre Seigneur Jésus-Christ.

Parquoi, mes frères, au nom de Dieu, je vous admoneste tous ensemble de retenir cette doctrine qui nous est proposée par la bouche des hommes, voire de ceux qui parlent au nom de Dieu. Et en icelle je crois et en icelle je veux vivre, persévérer et mourir, moyennant la grâce de Dieu.

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