1 PIERRE, IV, 7. La sobriété chrétienne. (Lire 1 Cor., IX, 19-fin.)
« Sobres. » Voilà un mot sérieux. Il semble presque superflu de recommander la sobriété au chrétien dans ce qui concerne la vie matérielle; et cependant, à côte des excès dans le manger et dans le boire, qui sont incompatibles avec la profession chrétienne et contre lesquels le Seigneur Jésus a pourtant jugé nécessaire de prémunir ses disciples, n'y a-t-il pas la recherche du bien-être, qui joue un si grand rôle dans notre siècle? Ne se glisse-t-elle pas facilement même chez les chrétiens qui, soit nécessité, soit conviction, ont évité le luxe ? Quant à ce qui est permis ou défendu en pareille matière, «que chacun agisse selon qu'il est pleinement persuadé dans son esprit; » mais il faut être « sobre » même à l'égard des plus légitimes de ces jouissances, parce qu'elles nous font aisément oublier que nous sommes étrangers et voyageurs sur la terre, parce qu'elles nous attachent aux choses visibles, qu'elles nous énervent, ce qui est funeste pour ceux qui ont à « combattre le bon combat de la foi. , « Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, , disait saint Paul, « de peur qu'après avoir prêché aux autres, « je ne sois moi-même rejeté.» « Soyez donc sobres. » - Il faut l'être encore dans la vie du coeur.
Ceci paraît étrange à dire à des chrétiens; le christianisme vivant, la religion de l'amour profond et dévoué, de l'amour éternel, n'est-il pas le principe des plus vives affections? Oui; et pourtant il faut que le chrétien aime sobrement, veillant sur son coeur pour le « garder des idoles; » il doit se rappeler que « la fin de toutes choses est proche, » de toutes les choses terrestres, même de celles du coeur, que Dieu peut juger bon de lui redemander ses plus chers trésors. « Soyez donc sobres. » - « Sobres, » il nous faut être aussi dans les jouissances de l'esprit. Non qu'il n'y ait un devoir positif à développer autant que possible nos facultés intellectuelles; mais une certaine réserve est nécessaire. On peut s'attacher aux recherches scientifiques, aux questions littéraires, à la culture des arts, de manière à y consacrer trop de temps et à quitter avec peine ces régions élevées pour revenir aux petits et prosaïques devoirs de la vie habituelle, qui est la vie sérieuse, le premier champ que Dieu ouvre à l'activité de tous.
On peut perdre de vue le but pratique de la vie: on peut aussi, et bien facilement, tomber dans l'orgueil et oublier que les seules choses qui subsisteront toujours sont celles de la piété. « La fin de toutes choses est proche. » « Soyez donc sobres. » - L'expérience de tout chrétien sérieux et sincère lui fera reconnaître combien la sobriété est indispensable, combien elle est rare de nos jours, combien il faut veiller sur soi-même à cet égard. C'est ce qui fait le prix et l'importance de la recommandation par laquelle se termine notre texte : « Soyez vigilants dans la prière. » Prions pour être détachés de la terre en toutes choses, pour être rendus capables de nous affectionner aux choses qui sont en haut et non à celles qui sont sur la terre, pour avoir « nos reins ceints et nos lampes allumées. »
PRIÈRE.
Daigne nous rendre toi-même vigilants et sobres, ô notre Dieu. Tu fais de combien de tentations nous sommes entourés, et combien il nous est difficile de n'abuser de rien; tu sais que notre coeur est faible et que nous avons besoin que tu nous aides à le garder. Fais-nous sentir, rappelle-nous que nous n'avons pas ici de cité permanente parce que le monde passe avec sa convoitise; préserve-nous donc de nous endormir dans des jouissances propres à nous faire perdre de vue la vocation céleste qui est devant nous. Nous te supplions de faire en nous tout ce que tu vois nous être nécessaire, ô notre Dieu, de nous garder du mal et de nous affermir dans ta grâce en Jésus. Aide-nous à aimer en toi et selon toi ceux que tu nous donnes à aimer; fais-nous chercher ta gloire en toutes choses; donne-nous de te considérer en toutes nos voies pour que tu diriges nos sentiers. Exauce notre prière, ô notre Dieu, pour l'amour de ton Fils. Amen.