Les idoles. (Lire Ézéch., VIII.)
Saint Jean s'adressait à de vrais chrétiens quand il disait : « Gardez-vous des idoles; , il parlait à des chrétiens de la primitive Église, à ceux auxquels il venait de dire : « Le Fils de Dieu nous a donné l'intelligence pour connaître le Véritable, et nous sommes en ce Véritable par son Fils Jésus-Christ. » Il n'est donc pas à présumer qu'il éprouvât le besoin de prémunir ses disciples contre le culte des faux dieux du paganisme, auquel la grâce de Dieu les avait arrachés. Mais il y a des idoles de plus d'un genre, et il est malheureusement facile pour les chrétiens de tous les temps qui manquent de vigilance à cet égard, de tomber dans une idolâtrie non moins funeste, et plus dangereuse parce qu'elle est plus subtile, que celle dont les chrétiens des premiers siècles étaient entourés et à l'influence de laquelle ils demeuraient parfois exposés.
« On n'a guère à se défendre des idoles de pierre, » a dit un homme de Dieu., « mais combien y en a-t-il dans notre coeur auxquelles nous ne sommes que trop attachés! Tout ce que nous aimons contre la loi de Dieu est l'idole que nous adorons. Où nous cherchons notre bonheur, c'est là qu'est notre Dieu (1). » Ceci nous explique qu'il soit aisé de se faire des idoles, non-seulement de son or et de son argent, de ses péchés ou de l'amour du monde, mais encore, hélas ! des choses les plus légitimes, des choses même les plus saintes, des jouissances de coeur qui, à leur place et dans leur mesure, sont plus que des jouissances permises, sont des devoirs positifs. « Celui qui aime son père ou sa mère... son fils ou sa fille plus que moi, n'est pas digne de moi. » Dieu est un Dieu jaloux; jaloux d'une jalousie sainte, mais jaloux profondément et inflexiblement, parce qu'il a lieu de l'être et que cette jalousie est « pour notre salut. » Il s'est acquis au prix du plus douloureux sacrifice le droit d'occuper la première place dans le coeur de ses créatures sauvées, et il tient à ce droit. Voilà pourquoi il veut que nous nous gardions d'aimer aucune créature plus que lui.
Sommes-nous effrayés de la faiblesse de notre coeur, et craignons-nous d'y laisser une trop grande place à des affections terrestres? Alors soumettons-lui nos craintes, et demandons-lui de nous enseigner à aimer selon lui en aimant en lui et dans la mesure qu'il permet et approuve. L'Évangile est le principe des plus profondes affections; en sanctifiant les sentiments nobles et légitimes, il les développe et les fortifie; mais ces affections et ces sentiments doivent se porter tout d'abord sur Dieu lui-même, pour revenir ensuite, purifiés, calmés, dégagés de cet élément de passion qui n'est pas compatible avec la paix du chrétien, se répandre sur tous ceux que Dieu lui-même nous donne à aimer. « Petits enfants, » enfants de Dieu et frères de Jésus, «gardez-vous » donc « des idoles, » et pour cela ouvrez toujours plus votre coeur à celui que «nous aimons parce qu'il nous a aimés le premier. »
PRIÈRE.
Seigneur notre Dieu, nous te le disons du fond de notre coeur, garde-nous des idoles quoi qu'il puisse nous en coûter; ne permets pas que nous donnions jamais à des créatures la place que tu dois seul occuper dans nos pensées et dans nos affections. 0 Seigneur! tu sais qu'il y a là pour nous un danger plus grand et plus réel que nous n'osons nous l'avouer ; ouvre nos yeux, et quand tu nous fais voir une plaie de notre âme, que nous n'ayons pas de repos avant d'en avoir obtenu de toi la guérison. Fais-nous toi-même renoncer à nos idoles, Seigneur, en employant pour cela les moyens que tu jugeras bon d'employer, mais en épargnant notre faiblesse autant que tu jugeras pouvoir le faire! Nous te prions de toucher notre coeur et d'y faire pénétrer un sentiment si profond de ton amour pour nous, qu'il nous soit tout naturel de t'aimer à notre tour de tout notre coeur, de toute notre force et de toute notre pensée, en Jésus notre Sauveur. Amen.
1. Quesnel.