MATTHIEU, XXVII, 31-35. La crucifixion. (Lire Ésaïe, LIII.)
« Il a été mené comme un agneau à la boucherie. . . et il n'a point ouvert la bouche, » pas même lorsqu'il s'est vu abreuvé d'outrages et d'amertume par cette foule que la curiosité ou le besoin d'émotions vives amenait à son exécution, et que les chefs excitaient à se moquer de lui de peur qu'elle ne retirât quelque impression salutaire de la majestueuse douceur du condamné. En arrivant « au lieu appelé le Calvaire, qui se nomme en hébreu Golgotha,» on offrit à Jésus le breuvage amer, du vin mélangé de myrrhe et fortement épicé, qu'un reste de compassion faisait donner aux criminels pour les engourdir au moment de leur supplice. Jésus y porta les lèvres, pour goûter toutes les amertumes de la coupe que le Père lui donnait à boire; mais ensuite il refusa ce breuvage, voulant mourir dans la plénitude de ses facultés, de son obéissance à son Père et de son amour pour nous. Quelle leçon, quel exemple, pour nous qui cherchons si souvent à éviter la souffrance même quand nous la rencontrons sur le chemin que Dieu nous trace! Il était environ la troisième heure, c'est-à-dire neuf heures du matin.
« ET ILS LE CRUCIFIERENT LA. »
On le dépouilla de ses vêtements, on l'étendit sur le bois de la croix et on l'y attacha en enfonçant des clous dans ses mains et dans ses pieds; ensuite, on redressa la croix et on .la planta en terre, élevant ainsi aux regards de tous celui dont il est écrit: « Ils regarderont vers celui qu'ils ont percé ... »
«Vous, tous les bouts de la terre, regardez vers moi et soyez sauvés ! » Ce qu'il souffrit là de douleurs physiques, les deux brigands crucifiés avec lui le souffrirent aussi; mais essayons de nous représenter ce que l'angoisse morale, la malédiction du péché qui donne à la mort son aiguillon et ses terreurs, le désaccord qu'il y avait entre le sentiment du péché et l'absolue justice de Jésus, ajoutèrent d'horreur au supplice de cet innocent souffrant pour nous coupables. Y eut-il jamais douleur comme sa douleur? Y eut-il jamais amour comme son amour?
Pendant qu'on le crucifiait, il priait pour ses bourreaux et disait : «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Devons-nous donc admettre que les Juifs ne savaient pas ce qu'ils faisaient en condamnant Jésus à mort? Oui;. plusieurs passages du Nouveau Testament nous montrent qu'ils l'ont fait par ignorance, ainsi que leurs gouverneurs (1), car autrement jamais ils n'auraient crucifié le Seigneur de gloire (2). Mais cette ignorance, tout en rendant leur crime moins criant, était pourtant elle-même un grand péché parce qu'elle était volontaire. Ils auraient pu savoir ce qu'était Jésus et ne l'avaient pas voulu. Voilà ce qui fait de la prière de Jésus pour ses bourreaux, non-seulement le plus admirable exemple de charité que la terre ait jamais contemplé, mais encore le plus solennel avertissement pour les gens qui restent dans l'erreur quant aux intérêts de leur âme, et se tranquillisent en se disant que Dieu ne peut leur demander compte de ce qu'ils n'ont pas su. Dieu leur demandera compte des moyens qu'ils auront eus de savoir.
PRIERE.
Nous regardons à toi, Sauveur crucifié, Agneau de Dieu immolé pour nos péchés, Dieu manifesté en chair et fait malédiction pour nous; nous regardons à toi comme les Israélites regardaient jadis au serpent d'airain, pour recevoir par ce regard le salut qui ne vient que de ton sacrifice. 0 Jésus! Maître du ciel et de la terre, Roi des rois et Seigneur des seigneurs! chacun de tes rachetés jette sa couronne au pied de ta croix sanglante, en adorant, en bénissant avec des larmes de repentance et de gratitude, l'amour infini dont tu l'as aimé. Fais-le-nous sonder, cet amour insondable; puissions-nous comprendre avec tous les saints quelle en est la longueur, et la largeur, et la profondeur, et la hauteur; et puissions-nous y répondre, Seigneur Jésus, en t'aimant comme nous avons lieu de L'aimer. Amen.
1. Actes, III, 17.
2. 1 Cor., II, 8.