LUC, XXIII, 26-31. Jésus conduit au supplice. (Lire Jér., XXV, 27-fin.)
Il était d'usage que les condamnés à la crucifixion, après avoir été flagellés, portassent eux-mêmes leur croix, ou du moins la barre qui en formait la partie transversale, jusqu'au lieu fixé pour leur supplice. On chargea donc Jésus de la sienne; mais ses forces, diminuées encore par les souffrances de cette longue nuit, étaient probablement insuffisantes, et ce fut sans doute pour cela qu'on la fit porter à Simon de Cyrène. Le supplice de la croix était considéré comme si humiliant, que les citoyens romains ne pouvaient y être condamnés et que le terme de porteur de croix était un terme de mépris réservé aux esclaves; aussi les soldats qui entouraient le Sauveur n'auraient-ils pas consenti à lui rendre ce triste service.
Nous ne savons si ce Simon de Cyrène connaissait déjà le Sauveur; quoi qu'il en soit, nous pouvons croire que ce moment douloureux passé auprès de Jésus eut pour son âme des conséquences bénies, car saint Marc nous le fait connaître comme père d'Alexandre et de Rufus, deux disciples zélés dont les noms se retrouvent dans les épîtres apostoliques. Ils sont nombreux, ceux que des afflictions redoutées et même repoussées d'abord ont amenés à Jésus, et auxquels elles ont fait comprendre et adorer le but de la souffrance et de la croix! C'était un privilège qu'avait là Simon : Jésus nous en offre un du même genre quand il nous juge dignes de souffrir quelque chose pour son nom, et de porter ainsi une petite part du fardeau d'indifférence, d'ingratitude,. de mépris, dont le monde l'accable en retour de sa charité.
Joignons-nous au lugubre cortège qui accompagne le Sauveur à Golgotha; mêlons-nous à ces femmes de Jérusalem qui, saisies par l'horreur de la scène qu'elles contemplent, pleurent et se frappent la poitrine. Ah! nous avons sujet de verser comme elles des larmes amères; mais que les nôtres ne soient pas les larmes stériles d'une émotion passagère ou d'une impuissante pitié ! Que ce soient celles de la repentance la plus profonde, de la douleur la plus vive, pour la part que nous avons eue à ce supplice du Sauveur! C'est sur nous-mêmes qu'il faut pleurer, sur nos péchés qui ont rendu sa mort nécessaire, sur la terrible condamnation qui attend ceux qui le repoussent et «tiennent son sang pour une chose profane. » « Si l'on a fait ces choses au bois vert, que fera-t-on au bois sec? » Si le Saint et le Juste a dû tant souffrir pour expier le péché, à quoi doivent s'attendre les impies qui, « pour autant qu'il est en eux, crucifient de nouveau le Seigneur de gloire? »
Lorsque Jérusalem fut prise, les paroles du Sauveur, qui étaient la citation d'une prophétie, s'accomplirent à la lettre : les Juifs cherchèrent dans les cavernes et les souterrains des montagnes de la Judée un abri contre la furie de leurs vainqueurs; mais cet accomplissement n'est pas épuisé, et il reste à venir un jour déterminé » où les ennemis de Jésus «se mettront à dire aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous et cachez-nous de devant celui qui est assis sur le trône et de devant la colère de l'Agneau : car le grand jour de sa colère est venu, et qui est-ce qui pourra subsister (1) ? »
PRIÈRE.
Oh! ne permets pas, Seigneur notre Dieu, qu'un seul d'entre nous, un seul d'entre ceux qui nous sont chers, se trouve au dernier jour parmi ceux qui auront lieu de redouter ta venue! Donne-nous à tous de fuir la colère à venir et de porter des fruits convenables à la repentance! Apprends-nous à pleurer sur nos péchés; touche nos coeurs si durs, et fais-nous sentir combien il est vrai que le péché est en abomination devant toi, puisque tu n'as pu nous sauver qu'en livrant à la mort ton Fils unique et bien-aimé. Père de toute miséricorde, que te rendrons-nous pour ta grâce ineffable et pour ton amour sans bornes? Enseigne-nous à te louer par notre bouche et par notre vie, renonçant à nous-mêmes et acceptant avec joie de porter l'opprobre de Christ pour le suivre et être rendus conformes à lui. Amen.
1. Esaïe 11, 19; Apoc., VI, 16.