Pilate.
Pour comprendre l'impression que le Sauveur du monde, lié comme un criminel, portant sur son visage les traces de sa douloureuse agonie de Gethsémané et de sa nuit de fatigues devant le Sanhédrin, produisit évidemment sur Pilate, ce païen, cet homme indifférent et railleur qui ne croyait à rien et détestait les Juifs, il faut se rappeler ce que raconte Tacite, que le bruit de la prochaine venue du libérateur promis s'était très-généralement répandu en Orient.
Ce bruit, qui avait sans doute pour point de départ les prophéties de Daniel concernant les soixante-dix semaines d'années, Pilate l'avait méprisé comme tout ce qui venait des Juifs; mais il se le rappela probablement quand il se vit en présence de Jésus. Ce qui semble le prouver, c'est qu'il lui dit : «Es-tu le roi des Juifs? » dès qu'il le vit et sans que les principaux sacrificateurs eussent accusé Jésus de prétendre au trône; l'idée de mettre ce prétexte en avant ne leur était pas encore venue, ils ne cherchaient même pas à formuler d'accusation contre Jésus et désiraient seulement que Pilate le fit crucifier. « Si cet homme n'était pas un criminel, nous ne te l'aurions pas livré. »
Pilate comprit bien alors qu'ils ne le lui livraient que « par envie, » c'est-à-dire craignant son ascendant sur le peuple; aussi la pensée que ce prisonnier était peut-être un homme de mérite, jointe à la voix de sa conscience, lui fit-elle vivement désirer de relâcher Jésus. Il était de bonne foi en l'interrogeant; aussi le Sauveur lui répondit-il, tandis qu'il se taisait chaque fois que les Juifs prenaient la parole : il savait bien que ceux-là n'écoutaient que leur haine. Pilate était de bonne foi, disons-nous; hélas! de bonne foi autant qu'on peut l'être quand on ne l'est qu'à la condition de rester personnellement en dehors du débat; c'est une triste sincérité que celle-là, et qui tourne en piège et en condamnation à ceux-là mêmes qui s'en font un mérite. Oui, Pilate a sincèrement désiré de pouvoir délivrer Jésus, parce qu'il a vu et senti que Jésus n'était pas coupable; mais à quoi lui ont servi ce désir et cette conviction ? A rendre plus profonde encore la douloureuse indignation avec laquelle, de siècle en siècle, l'Église universelle associera son nom au souvenir du supplice de Jésus, « qui a souffert sous Ponce Pilate. »
Pilate n'osa pas refuser courageusement de condamner Jésus à mort, parce qu'il avait déjà été mandé à Rome à cause de ses exactions et qu'il craignait, en mécontentant de nouveau les Juifs, de s'attirer de nouvelles plaintes de leur part auprès de l'empereur. Mais ce qui ajoute à sa culpabilité, c'est non-seulement qu'il a été convaincu de l'innocence du Sauveur, mais qu'il y a eu un moment où, sous l'empire du regard de Jésus, il a soupçonné ou entrevu qu'il avait devant lui plus qu'un homme. Il a écouté sans ironie ce que Jésus lui disait de sa royauté spirituelle, et il a compris que ses paroles avaient un sens profond: mais il s'est arrêté là, il a eu peur de ce qu'il pourrait être amené à voir, et il s'est hâté d'étouffer la voix de sa conscience sous l'incrédulité la plus légère et la plus moqueuse : « Qu'est-ce que la vérité? » Hélas! en plein christianisme, que de Pilates dans le monde!
PRIERE.
Seigneur notre Dieu, daigne ouvrir notre âme par le Saint-Esprit à tous les enseignements que nous donne ta Parole. Veuille nous préserver de la légèreté, nous rendre sérieux, nous rendre vigilants et fidèles. Béni sois-tu de nous avoir révélé le prix de cette grâce étant de pauvres pécheurs méconnaissent et repoussent; béni sois-tu de nous avoir fait reconnaître en Jésus la vérité éternelle et puissante, qui sauve et qui sanctifie! Que cette précieuse vérité devienne nôtre chaque jour davantage ; que nous la serrions dans notre coeur et qu'elle nous fasse croître dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, auquel soit rendu comme à toi, Père céleste, et au Saint-Esprit, l'honneur, la louange et la gloire aux siècles des siècles. Amen.