Jésus devant Caïphe.
Le Sanhédrin avait condamné Jésus avant de le juger; mais il n'osait cependant pas, par crainte du peuple, le mettre à mort sans garder au moins les apparences d'un jugement. Ce fut un triste spectacle que celui qu'offrit alors cette cour de justice, cherchant de tous côtés et appelant à son aide des témoins à charge, fussent-ils faux, n'en trouvant pas, et réduite à saisir avec empressement une parole prononcée par Jésus deux ans auparavant et complètement dénaturée. En présence de menées aussi misérables que criminelles, Jésus garda un silence significatif: « On le presse et on l'accable, et il n'a point ouvert la bouche. » Il est des cas où le silence est la plus éloquente des réponses et le plus sévère des blâmes.
Caïphe comprit si bien la muette protestation de Jésus, que, poussé à bout par le malaise de sa conscience et le désir d'en finir, il lui imposa tout à coup la formule de serment en usage chez les Juifs, pour l'obliger à affirmer nettement sa doctrine sur sa divinité. Jusque-là Jésus l'avait toujours enseignée par des allusions et manifestée par des oeuvres plutôt que déclarée par des assertions positives; mais le moment étant venu de donner une déclaration à cet égard sous peine de paraître désavouer la vérité, Jésus accepta la sommation de Caïphe, quoiqu'il sût bien que ce malheureux, en la faisant, avait pris le nom de Dieu en vain. « Tu l'as dit, » répondit-il. Pour appuyer cette déclaration, il annonça sa seconde venue, et cita ses juges iniques à son propre tribunal. Quand il viendra sur les nuées du ciel, et que ses ennemis verront celui qu'ils ont percé, que sera alors pour eux le souvenir de cette scène qui s'est passée il y a dix-huit siècles dans une salle de la maison de Caïphe, à la clarté de la lune de Pâques, pendant que des soldats indifférents ou railleurs se chauffaient dans une cour voisine!
Enfin, le prétexte était trouvé; la sentence fut prononcée à la hâte, et à peine le fut-elle que les juges eux-mêmes commencèrent à remplir l'office de bourreaux. Ils frappèrent Jésus, lui crachèrent au visage et se moquèrent de lui de la manière la plus vile. Ils voulaient ainsi flétrir aux yeux de tout le peuple celui pour lequel le peuple avait tant de respect. .. et ils rehaussaient l'éclat de sa gloire, en prouvant qu'il était bien celui dont il a été dit par le prophète: « On le presse et on l'accable ... J'ai exposé mon dos à ceux qui me frappaient (1). » Ah! n'oublions jamais les souffrances du Seigneur Jésus, non plus que le but et la cause de ces souffrances; que ces émouvants récits ne perdent pas de leur force et de leur puissance parce que nous les connaissons depuis si longtemps! Jésus a vraiment été « le méprisé et le rejeté des hommes, homme de douleur et sachant ce que c'est que la langueur... or, il était navré pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités (2) ! »
PRIÈRE.
Nous aussi, Seigneur notre Dieu, nous verrons un jour le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel : oh! fais-nous la grâce d'être de ceux qui auront confiance quand il paraîtra, et qui ne trembleront pas devant lui à sa venue! Nous recourons à toi, Seigneur Jésus, et nous te rendons grâces de ce que tu nous assures que celui qui croira en toi ne sera point confus. Daigne retirer de leur engourdissement spirituel, de leurs erreurs, de leurs péchés, ceux qui s'avancent vers le jour du jugement sans s'occuper de fuir la colère à venir, et de se concilier la faveur de celui qui sera alors leur juge; pendant qu'on t'appelle dans le monde le Dieu bon et clément, fais sentir que tu es aussi le Dieu saint et juste, et amène à Jésus tous ceux qui ne le connaissent pas. Amen.
1. Ésaïe, LIII, 7; L, 6.
2. Ésaïe, LIII, 5.