MATTHIEU, XXVI, 36-44.

Gethsémané.

 

On arrivait au jardin de Gethsémané en traversant le torrent de Cédron, qui coule au fond du ravin par lequel Jérusalem est séparée de la montagne des Oliviers. « Judas, qui le trahissait connaissait aussi ce lieu-là, parce que Jésus y était souvent venu avec ses disciples. » Jésus ne prit avec lui que Pierre, Jacques et Jean, parce que ces trois apôtres, ayant été témoins de sa transfiguration, étaient mieux préparés que les autres à contempler, pour le raconter ensuite aux générations à venir, l'excès de son abaissement et de ses souffrances.

Ce que fut cet abaissement, ce que furent ces souffrances, ce que furent l'angoisse et l'agonie du Sauveur pendant cet obscur et mystérieux moment, nous ne le comprendrons jamais, pas même quand la main de la mort nous balancera au-dessus de cet épouvantable abîme où nous ne pouvons plus tomber, grâce à Jésus. « L'aiguillon de la mort, c'est le péché, » c'est la terreur du compte à rendre; si Jésus a paye notre dette, cette terreur n'existe plus pour nous : mais pour la payer, qu'a-t-il dû souffrir !

Les terreurs, les angoisses, les agonies accumulées de tous ceux qu'il sauvait par sa mort expiatoire. Lui qui n'avait pas connu le péché, lui à qui le péché inspirait une horreur que ne connaissent pas les plus saints d'entre les hommes, il a été «fait péché pour nous, » c'est-à-dire, il a été chargé de nos péchés, et regardé et traité, à cette heure terrible, comme. le péché lui-même, le pêche maudit, entraînant la mort et faisant de la mort le roi des épouvantements. Aussi, sous ce fardeau dont lui seul pouvait se charger, le Fils de Dieu, le Fils de l'homme, lui qui pourtant était l'homme de douleur et savait ce que c'est que la langueur, a-t-il fléchi un instant. Il a dit: « Mon âme est saisie de tristesse, même jusqu'à la mort, » parce qu'il y avait dans sa réjection d'auprès de Dieu presque plus que sa nature humaine ne pouvait porter; il s'est prosterné le visage contre terre, il a sué des grumeaux de sang, il a prié jusqu'à trois fois son Père de le délivrer de cette agonie, comme s'il redoutait que la force ne lui manquât pour accomplir son oeuvre jusqu'au bout. C'est cette prière dont saint Paul nous dit que Jésus, « ayant offert avec de grands cris et avec larmes des supplications à celui qui le pouvait délivrer de la mort, fut exaucé et délivré de ce qu'il craignait. » Un ange apparut du ciel pour le fortifier.

L'exemple de Jésus nous montre qu'il n'y a pas péché de notre part à redouter la souffrance, et même à prier qu'elle nous soit épargnée; pourvu toutefois que cette crainte, qui nous est naturelle, ne nous fasse pas douter du secours de Dieu, et nous permette d'ajouter comme Jésus : «Non ce que je veux, mais ce que tu veux. » Dieu ne nous épargnera que ce qu'il jugera bon de nous épargner; mais il nous fortifiera tellement dans les moments d'épreuve, que nous aussi pourrons dire que nous sommes délivrés de ce que nous craignions. Après tout, ce que le disciple doit redouter le plus, c'est de ne pas persévérer jusqu'à la fin.

 

PRIERE.

Seigneur Jésus! nous sentons si profondément qu'il y a eu dans ta douloureuse agonie des abîmes dont nous ne pouvons nous faire aucune idée, que c'est à peine si nous osons aborder en tremblant ce mystérieux sujet : révèle-nous-en par ton Saint-Esprit tout ce qu'il peut nous être bon d'en connaître, tout ce qui peut nous rendre plus vif le sentiment de ton amour pour nous tes rachetés. Explique-nous et applique-nous toi-même ce que nous allons maintenant étudier du récit de tes derniers jours sur la terre, et en nous aidant à mesurer la longueur, la largeur, la profondeur et la hauteur de ton amour, enseigne-nous à voir jusqu'au bout dans ta vie terrestre le modèle que tu nous as laissé afin que nous suivions tes traces. Amen.


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