Judas. (Lire 1 Jean, II, 1-6; III, 3-9.)
Arrêtons-nous un instant sur ce triste passage, et particulièrement sur ces tristes mots : « Alors Judas. l'un des douze... » Ah ! que de choses dans ces mots, et comme le coeur se serre chaque fois qu'on les prononce! Mais cette douloureuse impression ne doit pas nous empêcher de les méditer attentivement, car il y a certainement un but dans la persistance, si l'on peut ainsi dire, avec laquelle le Saintesprit, en nous racontant la trahison de Judas, a soin de nous rappeler qu'il était un des douze, un des apôtres choisis du Sauveur, un de C'eux qui, pendant trois ans, avaient eu le privilége de jouir de son intimité, de l'accompagner de lieu en lieu;, de recueillir ses enseignements, de contempler ses miracles, d'avoir son exemple sans cesse sous les yeux; plus encore, un de ceux qui avaient reçu de lui le pouvoir de faire des miracles,, de guérir les lépreux, de chasser les démons... Hélas., hélas ! et Judas finit par laisser le démon maître de son propre coeur!
Devons-nous croire, cependant, qu'il n'y avait eu que fausseté dans l'attachement témoigné au Sauveur par cet apôtre, et qu'il avait formé longtemps à l'avance le dessein de trahir son Maître ? Non, puisqu'il nous est positivement dit que même quand il vendit Jésus pour trente pièces d'argent, il ne prévoyait pas l'affreuse conséquence de son crime; il se disait sans doute que Jésus, ou ne se laisserait pas arrêter, ou échapperait comme il l'avait fait si souvent. S'il n'y a pas là une excuse pour le malheureux Judas, il y a du moins un sérieux avertissement pour nous.
En effet, ce qui porta Judas à ce crime qui fait l'horreur de tous ceux qui en entendent parler, ce n'était, ni la haine pour son Maître, ni une opposition décidée à l'Évangile; c'était la conséquence d'un péché dont il ne s'avouait pas la puissance, mais d'un péché dominant, d'un péché de prédilection, qui, soigneusement cultivé par le prince de ce monde, finit par prendre possession de son coeur et par perdre son âme pour l'éternité. Ce péché, c'était l'amour de l'argent.
Judas était avare et il portait la bourse; irrité de voir que Jésus approuvait l'action de Marié, «cette perte, » lui semblait-il, il alla demander aux prêtres la somme d'argent que Marie aurait pu, selon lui, donner aux pauvres; mais cette somme était « le prix de celui qui a été apprécie et que les « enfants d'Israël ont mis à prix. » Son exemple nous montre jusqu'où peut aller l'empire d'un seul péché qui n'a pourtant pas. beaucoup d'occasions de se développer. Ah! ne nous croyons pas à l'abri de la tentation parce que nous éprouvons quelque attrait pour la piété, quelque affection pour Jésus, quelque désir de le suivre. Rappelons-nous qu'aussi longtemps que notre coeur n'est pas tout entier au Seigneur, le démon y occupe une place, et une place que notre propre convoitise lui fera toujours plus grande si nous ne veillons pas sur nous-mêmes. « Soyez donc sobres, et vigilants dans la prière. »
PRIÈRE.
Seigneur notre Dieu, ne nous laisse pas écouter la voix du tentateur, qui nous dit que l'histoire du malheureux Judas ne nous concerne en rien parce que nous ne pouvons pécher par une transgression semblable à la sienne! Fais-nous comprendre, fais-nous sentir, avec une sainte frayeur, que si nous laissons notre adversaire maître d'une petite partie de notre âme, c'est que nous ne sommes pas résolus à te servir toi seul, et que nous ne pouvons savoir jusqu'où notre coeur rusé et désespérément malin nous entraînera dans la voie de l'infidélité. Oh! préserve-nous de jamais trahir Jésus, ne fût-ce que pour un instant, ne fût-ce qu'en faisant au monde et au péché la plus légère concession! Seigneur Jésus, qui t'es soumis, par amour pour chacun de nous en particulier, à la trahison de Judas et au supplice que tes ennemis t'ont fait subir, nous t'en bénissons, et nous désirons contribuer, par notre amour et notre fidélité, à te réjouir autant que Judas t'a affligé. Amen.