Parabole du jugement.
Devons-nous conclure des paroles de Jésus : « Venez, vous, les bénis de mon Père... car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire,,, que le salut soit en quelque mesure la récompense des oeuvres de charité que nous pouvons accomplir en vue du Seigneur? Non, sans doute, bien que ce soit l'erreur dans laquelle tombent beaucoup de gens, qui, par suite de cette déplorable idée du mérite des oeuvres, cherchent à établir leur propre justice et se privent ainsi, dit saint Paul, de la grâce de Dieu. Ce qui montre que c'est bien une erreur, c'est la déclaration même du Seigneur aux fidèles qu'il appelle les bénis de son Père : «Possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde.» Ainsi c'était dès la fondation du monde, « avant qu'ils eussent fait ni bien ni mal, » que « ceux que Dieu a préconnus, il les a prédestinés, et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés.»
Le salut est gratuit, absolument gratuit. Il n'y a jamais eu pour une âme pécheresse d'autre moyen de salut que la grâce de Dieu en Jésus-Christ; mais comme cette grâce, qui choisit les bénis du Père, est aussi celle qui les sanctifie, et comme la foi qui met en possession de cette grâce est aussi celle qui produit l'amour pour celui qui nous a aimés le premier, comme enfin il n'y a pas d'amour pour le Seigneur qui ne produise l'obéissance, - il en résulte que les oeuvres d'amour et de miséricorde sont le signe indispensable de la grâce dont elles sont en même temps le fruit. Voilà pourquoi, au dernier jour, nos oeuvres nous jugeront, non comme formant nos titres au salut, mais comme prouvant que nous possédons le seul titre véritable: la foi en Jésus Dieu-Sauveur.
Ceci nous explique ce qui autrement aurait lieu de nous étonner, savoir, que des oeuvres insignifiantes, à parler selon le monde, comme des actes de charité' et d'affection. fraternelle, puissent recevoir une si riche récompense; et que la seule absence de ces actes puisse être punie d'un malheur sans fin. En effet, Jésus ne parle pas dans la parabole de grands dévouements, de grands sacrifices : il parle de donner à boire et à manger à ses disciples, de les vêtir dans leur dénuement; et ce qu'il reproche aux maudits, ce ne sont pas de graves péchés ou des crimes, c'est l'oubli des plus petits devoirs de la charité. Comment comprendre cela, si nous ne savions que le salut nous étant donné en dehors de nos oeuvres, Dieu regarde beaucoup moins à la valeur de ces oeuvres qu'à l'esprit qui nous anime. «Le bien que nous faisons ne va pas jusqu'à lui,» qui n'a pas besoin de nos services; mais voilà justement pourquoi, dans sa condescendance, il promet d'accepter comme fait en vue de lui ce qui est fait pour ses disciples.
Tout est amour dans cet admirable enchaînement des pensées de notre Dieu. Amour pour ceux qui reçoivent les bienfaits de leurs frères. amour pour ceux qui dispensent ces bienfaits au nom du Seigneur, et qui savent que le Seigneur lui-même les accepté. Amour, toujours amour : « Étudiez-vous donc à l'amour. »
PRIÈRE.
Fais-nous vivre habituellement, Seigneur notre Dieu, sous l'empire de cette pensée du jugement qui doit nous exciter à faire en vue de toi tout ce que nous pouvons faire. Puisqu'il nous faut Lotis comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu'il aura fait étant dans son corps, nous te supplions, ô notre Dieu Sauveur, de nous faire fuir le mal et rechercher le bien, en te considérant dans toutes nos voies et en nous efforçant de faire pour notre prochain tout ce qu'inspire la charité selon l'Évangile. Seigneur, ce n'est que par ta grâce toute gratuite que nous pouvons être sauvés ; mais donne-nous de sentir que nous sommes en gagés à faire, par reconnaissance et par fidélité envers toi, au delà de ce que nous aurions fait si nous avions cru devoir acquérir le salut par nos oeuvres. Sanctifie-nous, et rends-nous dévoués et actifs, nous t'en supplions au nom de Jésus. Amen.