Une demande ambitieuse.
Saint Marc raconte que pendant ce dernier trajet de la Galilée à Jérusalem, Jésus marchait devant les disciples, « et ceux-ci étaient effrayés et craignaient en le suivant. » Que craignaient-ils : ils ne le savaient pas bien eux-mêmes; mais en le voyant s'avancer avec tant de résolution vers le lieu où se trouvaient ses ennemis les plus acharnés, ils avaient comme un pressentiment de ce qui allait s'accomplir. Quel privilège possèdent ceux qui, sentant peser sur leur coeur cette tristesse vague que nous connaissons probablement tous, peuvent se fortifier dans l'assurance qu'ils marchent sur les pas de Jésus! Ce bon Sauveur nous permet, et même nous recommande, de chercher auprès de lui les forces qui nous manquent; mais il ne veut pourtant pas que nous reculions devant la souffrance ou que nous perdions de vue l'indispensable nécessité de la croix. Au lieu de distraire ses disciples de leur tristesse, il profita de ce moment pour leur annoncer ses souffrances avec plus de précision qu'il ne l'avait encore fait.
Ne semble-t-il pas inexplicable que la mère de Jacques et de Jean ait choisi ce même moment pour adresser au Sauveur une demande ambitieuse, qui prouvait combien étaient charnelles ses idées sur le règne de Jésus? Elle n'avait donc pas compris, non plus que ses deux fils, ou bien elle n'avait pas reçu dans son coeur, les leçons d'humilité que Jésus avait si souvent données à ses disciples ? Quelle patience il faut que le Sauveur ait avec nous, gens sans intelligence et d'un coeur tardif à croire!» Pourtant, il y avait au fond plus d'ignorance que d'orgueil dans la requête de cette mère; remarquons qu'elle ne s'appuie sur aucun mérite de ses fils, et demande pour eux une faveur., non une récompense : « Ordonne que mes deux fils... » De plus, cette demande prouvait de sa part une foi réelle; elle croyait à la puissance, a la gloire, à la royauté de Jésus, et pourtant le moment ne paraissait pas favorable.
Jésus venait de parler de ses souffrances et de sa mort, et les deux frères savaient que pour le suivre il faudrait participer à sa coupe de douleurs et à son sanglant baptême; et cette perspective ne les décourageait pas. C'est pour cela que Jésus ne repoussa pas leur demande aussi sévèrement que nous nous y serions peut-être attendus> et se contenta de répondre aux deux disciples et à leur mère : « Vous ne savez ce que vous demandez. » Mais le désir de s'élever est toujours une triste chose, propre surtout à exciter les querelles; » nous voyons, en effet, les autres disciples indignés contre ces deux frères. Ils avaient tort de l'être, eux qui plus d'une fois avaient fait preuve du même orgueil; aussi Jésus recommanda-t-il à tous ensemble de borner leur ambition à être les serviteurs les uns des, autres. Recevoir cette recommandation et la mettre en pratique, est un sûr moyen d'être assis un jour avec Jésus sur ce trône où il y a place pour tous ceux qui auront vaincu, car «l'humilité va devant la gloire. »
PRIÈRE.
Seigneur Jésus, elle s'adresse bien certainement à nous aussi, ton indulgente mais sérieuse parole : Vous ne savez ce que vous demandez! Nous reconnaissons que souvent l'orgueil, ou la légèreté, ou l'ambition, mettent sur nos lèvres des prières dont il ne nous serait pas bon de recevoir l'exaucement. Aussi désirons-nous être pleinement persuadés, Seigneur, que lorsque tu n'accordes pas une grâce visible, c'est pour en accorder une plus excellente encore; donne-nous de le croire, et d'appliquer cette conviction à notre vie de tous les jours. Humilie-nous, sauve-nous, et daigne faire qu'au lieu de nous exciter mutuellement à l'envie, nous nous soumettions les uns aux autres dans la charité; nous t'en supplions pour l'amour de ton nom. Amen