Les ouvriers loués à diverses heures.
Le but de cette parabole est d'enlever tout reste de propre justice du coeur des enfants de Dieu. Ce qui nous le prouve, c'est que Jésus, en la prononçant, voulait répondre à la question que Pierre lui avait adressée pour lui faire remarquer que les apôtres avaient fait ce que le jeune homme riche n'avait pas voulu faire; question dans laquelle perçait certainement beaucoup de satisfaction de soi-même : « Voici, nous avons tout quitté et nous t'avons suivi; que nous en arrivera-t-il donc? »
La réponse de Jésus fut bien différente de ce qu'attendait Pierre, et nous ferons bien d'y être attentifs pour qu'elle nous empêche de perdre de vue cette vérité fondamentale, que le salut est donné par pure grâce, même aux enfants de Dieu qui ont dû faire des sacrifices et prendre de la peine pour suivre Jésus. Tout sacrifice de ce genre recevra une riche récompense, oui; « cent fois autant et l'héritage de la vie éternelle; » mais comme cette récompense est elle-même une grâce et nullement une chose due, elle dépendra de l'esprit dans lequel le sacrifice aura été fait. Si cet esprit est celui que vient de manifester la question de Pierre, c'est-à-dire un esprit de propre justice ou d'orgueil, non-seulement la récompense sera perdue, mais avec elle l'héritage céleste le sera aussi. C'est que Jésus veut nous amener à sentir que s'attendre, en récompense de son dévouement., à une part meilleure que celle des autres, et se croire injustement traité si on ne l'obtient pas, c'est se montrer bien étranger aux sentiments du Maître, et peu « disposé pour le royaume des cieux. »
Quel sérieux avertissement! Il est donc bien vrai qu'on peut donner tout son bien pour la nourriture des pauvres et même livrer son corps pour être brûlé, et se voir, en fin de compte, forcé de reconnaître que cela n'a servi de rien (1) ! Il est donc bien vrai que des gens regardés ici-bas comme des chrétiens éminents peuvent se voir refuser l'entrée du ciel, tandis que d'autres, auxquels nul ne faisait attention, seront reçus avec joie par les anges dans les tabernacles éternels! «Plusieurs qui étaient les premiers seront les derniers, et plusieurs qui étaient les derniers seront les premiers, car il y en a beaucoup d'appelés mais peu d'élus! » Comprenons donc l'importance de l'humilité, et demandons au Seigneur de nous rendre vraiment humbles; humbles jusqu'au. détachement, à l'oubli de nous-mêmes; humbles au point de pouvoir entrer sans effort, et avec la plus entière conviction, dans la pensée qui faisait dire à Jésus : « Vous aussi, quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites: nous sommes des serviteurs inutiles, car nous n'avons fait que ce que nous étions obligés de faire. »
PRIÈRE.
Nous croyons, nous savons en principe que nous avons lieu d'être profondément humbles, Seigneur notre Dieu; mais en fait, dans la pratique de notre vie, nous ne le sommes pas assez, tu le sais. Si nous ne nous élevons pas devant toi, parce que nous comprenons à quel point nous serions insensés de le faire, nous nous élevons trop souvent à nos propres yeux et même devant nos frères. Nous reconnaissons, ô notre Dieu, combien cette mauvaise disposition doit t'offenser, et combien elle est peu en rapport avec l'esprit que tu veux voir en nous. Viens à notre aide, Seigneur Jésus, qui est doux et humble de coeur! daigne nous rendre vraiment pauvres en esprit, nous montrer à nous-mêmes ce que nous sommes en réalité, des serviteurs inutiles, ne faisant que ce que nous sommes obligés de faire et ce que pourtant notre maître aurait pu faire sans nous. Fais-nous sentir que notre privilège d'être ouvriers avec toi est assez grand pour être à lui seul une récompense de nos faibles efforts, et des légers sacrifices auxquels tu nous appelles, toi à qui rien n'a coûté pour nous sauver. Amen.
1. I Cor., XIII, 3.