Le jeune homme riche.
L'Évangile ne s'adresse pas seulement aux grands pécheurs. Saint Marc nous dit qu'aussitôt que ce jeune homme aperçut Jésus, il vint en courant se jeter à ses genoux; or, il lui fallait pour cela beaucoup de sincérité, d'humilité et même de courage, car il était un des principaux du lieu, c'est-à-dire un de ces hommes sur lesquels tous leurs concitoyens ont les yeux; et il aurait pu hésiter à se prosterner ainsi dans la rue ou sur la route devant Jésus de Nazareth, ce qui était faire connaître à tout le monde son anxiété à l'égard de son âme. Il était pieux, rempli de bonnes qualités; Jésus l'aima pour la candeur avec laquelle il put lui dire qu'il avait observé tous les commandements depuis sa jeunesse, ce qui nous prouve qu'il n'avait pas fait cette déclaration dans un sentiment d'orgueil.
Le coeur ne se serre-t-il pas quand on voit des gens aussi bien doués ne pas suivre la bonne route, et gaspiller, si l'on peut ainsi dire, de précieuses qualités en ne les mettant pas au service du Seigneur? Ce jeune homme, cet aimable et intéressant jeune homme, était de ce nombre. Malgré sa sincérité, ses pieux désirs, sa vie exemplaire, il était dans une grande erreur; il croyait pouvoir gagner le ciel par ses oeuvres, aussi fit-il à Jésus la même question que le docteur de la loi : « Que faut-il que je fasse pour obtenir la vie éternelle? »
Jésus le renvoie, lui aussi, à sa conscience. « Garde les commandements, » lui dit-il; mais le jeune homme croit de bonne foi les avoir toujours gardés, et le Sauveur va plus loin. Il met le doigt sur une plaie de l'âme de son interlocuteur, afin de lui faire sentir que cette plaie, dont il ne soupçonne pas l'existence, est pourtant grande et vive. Tu crois ton obéissance parfaite, tu crois parfaitement sincère et inébranlable ta résolution de me suivre : tu vas voir quel fonds tu peux faire sur toi-même. Voilà la portée de cet ordre : « Vends ce que tu as et le donne aux pauvres, » qui tombe comme du plomb sur le coeur du jeune homme et le contraint de se voir tel qu'il ne s'est jamais vu. Ses biens! il ne s'est jamais encore rendu compte de l'empire qu'ils exercent sur lui, jamais il n'aurait cru les aimer autant ! S'en défaire ! impossible; et pourtant' Jésus l'ordonne... Il est douloureux de désobéir... mais obéir serait plus douloureux encore. Il se retire, mais abattu, découragé, humilié. Il n'est pas seul triste : Jésus l'est aussi.
Ce que Jésus lui dit pour parler à sa conscience, c'est ce qu'il dit à tous ceux qu'un lien terrestre quelconque retient loin de lui. Le jeune homme aimait trop ses richesses, un autre aime trop sa paresse, sa vanité, sa légèreté, son luxe, son bien-être. Accomplir ce retranchement difficile, c'est prendre sa croix pour suivre Jésus, et cette croix semble parfois lourde : mais elle ne l'est pas trop, puisque Dieu veut la porter avec nous. « Qui peut donc être sauvé ? » demandaient les disciples. Jésus répond : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. » Pauvre jeune homme, que ne se jetait-il dans les bras de Jésus, pour lui demander de briser l'idole à laquelle son coeur était trop attaché!
PRIERE.
Seigneur notre Dieu ! en serait-il de quelqu'un de nous comme du Jeune riche ? Nous désirons suivre Jésus, nous savons qu'il peut seul nous faire hériter de la vie éternelle. Oh! ne permets pas qu'une attache terrestre, ou que la crainte du renoncement et l'horreur de la croix nous empêchent de nous donner à lui sans réserve et sans partage ! Préserve-nous des idoles, empêche-nous de clocher des deux côtés, et si tu vois maintenant même dans notre coeur un interdit quelconque, Seigneur, par ton amour et par ta pitié, arrache cet interdit, brise cette idole, ne nous laisse pas en possession d'une chose qui puisse nous éloigner de toi! Nous te le demandons pour l'amour du Seigneur Jésus, comptant sur ta grâce et sur la promesse de ton secours pour le moment du besoin. Amen.