L'amour de l'argent.
S'il est vrai qu'un des plus doux privilèges du chrétien soit d'associer Jésus à tout ce qui le touche, même dans les choses de cette vie, il n'en est pas moins essentiel de se rappeler que l'intimité que Jésus nous permet dans nos rapports avec lui, doit avoir pour but et pour résultat de nous sanctifier en nous détachant de la terre. C'est ce que nous montre l'histoire de ces deux frères dont l'aîné se refusait à partager avec l'autre l'héritage paternel, tandis que le plus jeune voulait profiter, pour obtenir ce qu'il désirait, de l'influence que Jésus pouvait avoir sur son aîné. Jésus a toujours coupé court à ces espérances auxquelles le coeur humain ne se livrerait que trop aisément; s'il intervenait, en effet, dans toutes les questions d'intérêt qui séparent les individus et divisent les familles, combien grand serait le nombre de ses disciples; oui, mais combien ne le suivraient que pour cela, et le coeur rempli des sentiments les moins chrétiens!
Que fait Jésus? Beaucoup moins dans un sens, beaucoup plus dans un autre, que n'attendait son interlocuteur. Il refuse d'intervenir dans le partage; mais le frère aîné va-t-il triompher et se croire approuvé dans son égoïsme? Voici pour lui, comme pour son frère : « Gardez-vous avec soin de l'avarice, car quoique les biens abondent à quelqu'un, il n'a pas la vie par ses biens. Les terres d'un homme riche... » Il y a ici une nuance que ne rend pas très-bien le mot avarice; Jésus ne blâme pas seulement la passion hideuse qu'on désigne communément par ce terme, mais encore l'amour de l'argent, l'amour des biens terrestres, à quelque degré que ce soit.
L'homme riche que Jésus nous présente comme un triste exemple, ne devait être qu'un de ces riches comme il s'en trouve beaucoup et chez lesquels il n'y a rien à blâmer selon le monde. Sa fortune était honorablement acquise; il cultivait ses terres, et c'était Dieu lui-même qui les avait fait rapporter avec abondance. Il ne comptait pas entasser ses richesses comme aurait fait un avare de profession, puisqu'il voulait pendant plusieurs années se reposer, manger, boire et se réjouir. Peut-être aurait-il convié ses amis à se réjouir avec lui; peut-être même aurait-il donné aux pauvres; nous ne le savons pas, mais ce que nous savons, c'est que Dieu était complètement étranger à ses préoccupations, que son coeur était tout à la terre. Il aimait ses biens et sa fortune, et il n'aimait pas Dieu; il ne le connaissait pas, ne s'inquiétait pas de le servir. Eh bien ! recevons instruction de son exemple.
Mettons-nous à la place des deux frères pour lesquels Jésus prononça cette parabole; quel effet dut-elle produire sur eux? Ah! n'en doutons pas, quoique cela ne nous soit pas dit, elle dut, sous la bénédiction de Dieu,, les toucher l'un et l'autre; rendre l'aîné moins égoïste, le second moins amer; et quand son frère l'eut à son tour pressé de recevoir sa moitié d'héritage, il n'y mit plus son coeur, et s'humilia d'avoir pu tant désirer des biens terrestres. Humilions-nous aussi chaque fois que nous nous apercevons de l'empire qu'exercent sur nous des préoccupations semblables; gardons-nous avec soin de l'amour de l'argent. Avec soin, dit Jésus, parce qu'on peut si aisément se faire illusion sur l'état de son propre coeur!
PRIÈRE.
Seigneur notre Dieu, nous te supplions de nous rendre attentifs et fidèles. Fais-nous comprendre que nous avons tous besoin de veiller fur notre coeur, de peur que quelque interdit ne nous éloigne de toi et ne nous prive de ta grâce. Détache-nous de la terre, ô notre Dieu, et en nous donnant de nous affectionner toujours plus aux choses qui sont en haut, unis-nous plus étroitement à toi, et bénis-nous abondamment de tes précieuses bénédictions spirituelles. Que ton amour et le sentiment de notre adoption comme tes enfants remplissent notre coeur, et n'y laissent plus de place pour ces choses de la terre qui pourraient nous tourner en piège. Daigne nous exaucer pour l'amour de Jésus. Amen.