MATTHIEU, XVIII, 1-14.

Les petits.

 

Nous voyons dans saint Luc qu'avant de venir poser au Seigneur cette question orgueilleuse et insensée, les disciples s'étaient querellés ensemble pour savoir lequel d'entre eux était le plus grand. Comme ils étaient ignorants et charnels; avec quelle persistance ils revenaient à l'idée de ce royaume visible de Jésus qui n'existait que dans leur imagination ! On, perd souvent bien du temps, et l'on se fait spirituellement du mal, en s'occupant de choses imaginaires et qui peut-être n'arriveront jamais. Apprenons à être sobres et sérieux dans nos pensées comme dans nos désirs et nos habitudes, tenons-nous dans la réalité de la vie que Dieu nous assigne au jour le jour; là seulement est la paix.

En proposant un petit enfant comme modèle à imiter pour entrer dans le ciel, Jésus ne voulait pas dire que cet enfant fût sans péché, ni même que son coeur ne renfermât pas le péché qu'il voulait combattre chez ses disciples : l'orgueil. Mais les petits enfants, parce qu'ils sont faibles et incapables de rien faire pour eux-mêmes, acceptent volontiers et sans effort la position d'humilité, de dépendance, qui est nécessairement la leur. Ils se laissent guider en toute chose, ils n'éprouvent pas le besoin de s'élever; en fait, ils pratiquent l'humilité, et c'est sous ce rapport qu'ils nous sont en exemple. Voilà aussi pourquoi Jésus nous dit que « les petits qui croient en lui, » c'est-à-dire les chrétiens faibles et timides qui n'ont ni beaucoup de connaissances, ni beaucoup de dons propres à attirer les regards, mais qui le savent et le sentent, qui sont, en un mot, vraiment humbles, sont de sa part l'objet d'une affection que nous devons aussi leur porter. Nous devons reconnaître en eux l'empreinte du caractère de Jésus, la présence de Jésus, l'oeuvre du Saint-Esprit; nous devons les recevoir au nom de Jésus.

La recommandation du Sauveur à cet égard nous était certainement nécessaire; nos mauvais préjugés humains nous font souvent mépriser, ou tout au moins laisser de côté, ces gens chétifs, embarrassés d'eux-mêmes; tandis qu'à l'exemple de Jésus, qui aurait quitté les cieux pour chercher et sauver « un seul de ces petits » s'il avait été seul perdu, nous devrions les aimer, les encourager, les réjouir par notre sympathie. Nous permettons-nous de les juger selon le monde, nous tombons dans ce grand péché auquel, dit Jésus, nous devrions préférer d'être jetés à la mer une meule au cou; nous leur sommes en scandale. Comment cela? En leur donnant lieu de pécher; en fournissant à l'ennemi de leur âme l'occasion de réveiller dans leur coeur un sentiment d'orgueil ou d'irritation; nous sommes alors responsables des pas rétrogrades que nous leur faisons faire dans la voie de l'humilité. Ah! veillons pour ne pas tomber nous-mêmes en tentation; mais prenons garde aussi à ne jamais jouer avec les tentations du prochain ! « Jugez vous-mêmes qu'il ne faut donner aucune « occasion de chute à son frère (1). »

 

PRIÈRE.

Seigneur notre Dieu, non-seulement nous désirons ne pas donner de scandale aux plus humbles et aux plus petits de nos frères, mais encore nous te supplions de faire de nous de ces pauvres en esprit auxquels appartient le royaume des cieux. Nous ne sommes pas humbles, Ô notre Dieu; tu le sais, toi qui sondes les coeurs et les reins; mais tu peux, par ton Saint-Esprit, nous donner l'humilité véritable, en nous montrant à nos propres yeux tels que nous sommes devant toi et non tels que nous croyons être. Oh! fais-nous croire et sentir que nous ne possédons rien que nous n'ayons reçu de ta grâce, et mets en nous les dispositions qui peuvent être les plus favorables au développement de ton oeuvre en nous. Tiens-nous devant toi et près de toi dans une humble et filiale dépendance, dans l'esprit du petit enfant, ô notre Dieu et notre Père en Jésus! Amen.


Table des matières
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1, Rom., XIV, 13.