Le levain des Pharisiens et des Sadducéens. (Lire 1 Cor., V, 6-fin.)
C'était probablement dans la hâte du départ que les disciples avaient oublié de se munir de pain; peut-être causaient-ils entre eux de cet oubli, quand Jésus chercha de nouveau à détourner leurs pensées du monde visible pour les élever jusqu'à l'invisible. Ils ne s'en aperçurent pas tout d'abord; l'esprit humain est appesanti, il a de la peine à quitter la terre; pour qu'il comprenne les choses de Dieu, il faut que Dieu les lui révèle par son Esprit. Comment les disciples pouvaient-ils croire que Jésus les blâmait de n'avoir pas emporté de pain ? Ne leur avait-il pas montré plus d'une fois, et tout récemment encore, qu'il se chargeait, lui, de pourvoir aux besoins de ceux qui cherchaient premièrement son royaume et sa justice? Non que ces paroles du Sauveur nous paraissent justifier l'imprévoyance; mais il est évident qu'elles nous enseignent à n'attacher qu'une importance très-secondaire à ce qui concerne uniquement la vie présente. Jésus, d'ailleurs, nous montre aussi par son exemple que nous devons être indulgents pour les autres, même pour nos inférieurs, et ne signaler leurs négligences que pour les rendre attentifs à n'y plus retomber. « Gardez-vous avec soin du levain des Pharisiens et des «Sadducéens, » dit le Sauveur.
Le levain qu'on met dans la pâte fermente, gonfle, s'étend, donne du goût; il en faut très-peu pour agir sur une quantité considérable de farine « un peu de levain fait lever toute la pâte. » Jésus nous exhorte ici à veiller attentivement sur les plus petites choses qui peuvent exercer sur nous une mauvaise influence. Il n'y a pas de petits dangers dans la vie chrétienne; qu'on se permette un peu de malice, un peu de médisance, un peu de rancune, un peu de mensonge, un peu d'orgueil, un peu de mauvaises lectures, un peu de sociétés mauvaises ou seulement frivoles : il n'en faut pas plus pour que la convoitise du coeur enfante le péché; or « le péché, étant consommé, engendre la mort. » N'oublions pas que le péché réside dans notre coeur, et que nous sommes sans cesse en danger de succomber soit aux tentations du dehors, soit à celles du dedans.
Mais il y a certainement une application plus directe encore à faire des paroles du Sauveur. Saint Luc nous apprend que le levain des Pharisiens et des Sadducéens était l'hypocrisie; ce péché, dont la seule idée nous fait horreur, nous est-il bien aussi étranger que nous le pensons probablement ? Que chacun de nous s'examine et se juge. Gardons-nous de paraître autres que nous ne sommes, de paraître meilleurs, plus religieux, surtout, plus chrétiens; gardons-nous d'observer des formes de piété dans lesquelles notre coeur n'entrerait pour rien; ce serait de l'hypocrisie. Il est peu de péchés que la Bible traite plus sévèrement que celui-là.
PRIERE.
Seigneur notre Dieu, il faut que ta grâce nous rende vigilants pour que nous le soyons comme nous devons l'être; tu sais de combien de tentations nous sommes entourés, et tu sais aussi quel déplorable attrait notre coeur naturel éprouve pour tant de choses qui nous semblent insignifiantes, mais dont Satan se sert pour nous faire tomber. Que nous soyons droits devant toi, Ô notre Dieu, et droits devant nos frères, afin que l'orgueil ait moins de prise sur nous. Préserve-nous de nous séduire nous-mêmes, préserve-nous d'une piété toute d'apparence sans vie cachée avec Christ en toi. Daigne nous rendre vraiment fervents d'esprit; daigne nous enseigner à te servir en toutes choses, veillant sur nous-mêmes avec l'attention la plus scrupuleuse, et ne tolérant pas un instant dans notre coeur ce que nous savons être im interdit. Exauce-nous, Seigneur, nous te le demandons au nom de ton Fils, qui a vaincu pour nous notre grand ennemi et par qui nous savons qu'en toutes choses nous sommes plus que vainqueurs. Amen.