Rassasiement des quatre mille hommes.
Ce récit ressemble beaucoup à celui du rassasiement des cinq mille hommes; cependant il en diffère en quelques points, dont un, surtout, est digne de remarque et plein d'instruction. Ici, c'est Jésus qui, touché de compassion même pour les besoins matériels des foules qui l'entourent, pense le premier à les nourrir; tandis que lors de la première multiplication des pains et des poissons, les disciples lui avaient rappelé que ses auditeurs étaient à jeun depuis le matin. Jésus avait-il besoin qu'on le lui rappelât? Non; mais il voulait alors déployer sa puissance, et faire sentir à la multitude combien elle avait besoin de son secours.
Dans la circonstance qui nous occupe, il en était tout autrement; Jésus voyait bien, à l'ardeur avec laquelle le suivaient ces gens capables de passer trois jours auprès de lui sans penser à la nourriture de leur corps, qu'ils avaient réellement trouvé en lui le Pain de vie. À ceux qui cherchent premièrement le royaume de Dieu et sa justice, toutes les autres choses sont données par-dessus; plus on met d'empressement à suivre Jésus et à l'écouter, plus on lui demande les biens spirituels et éternels qu'il dispense, et plus, dans sa fidélité, il prend soin du bien-être même temporel de son enfant. Il témoigna certainement plus de sympathie aux quatre mille hommes qui le suivaient depuis trois jours, les yeux et le coeur fixés sur lui, qu'aux cinq mille qu'il rassasia à la fin d'une seule journée.
Hélas ! qu'il est rare de nos jours, ce besoin de rester auprès de Jésus qui domine toute autre préoccupation! Combien souvent, au contraire, le souci des intérêts matériels, la crainte de compromettre sa fortune, ses aises, de perdre la considération dont on est entouré, empêche d'aller au Sauveur! Combien souvent ces préoccupations-là suivent jusque dans la maison de Dieu ceux qui semblent y venir pour ou blier la terre et se rapprocher du ciel! Ne savons-nous pas qu'en faisant ainsi nous imitons les païens, « qui recherchent toutes ces choses, tandis que notre Père céleste sait bien que nous en avons besoin»? Mais nous sommes ingrats et oublieux comme les disciples, qui ne se souvenaient déjà plus des cinq mille hommes nourris au désert, et qui disaient: « D'où pourrions-nous avoir, dans ce lieu désert, assez de pain pour rassasier une telle multitude? »
Nous aussi, nous avons reçu ou contemplé plus d'une délivrance, plus d'une manifestation de la puissance, de la bonté, de la fidélité du Seigneur : comment n'apprenons-nous pas à compter sur lui avec une foi vivante, paisible, inébranlable? Efforçons-nous, dans la pratique de notre vie, d'entrer dans la pensée qui faisait dire à la femme de Manoah : « Si l'Éternel eût voulu nous faire mourir... il ne nous aurait pas fait voir toutes ces choses, en un temps comme celui-ci, ni fait entendre les choses que nous avons entendues (1). »
PRIERE.
Seigneur Jésus, vrai pain de vie, nourris notre âme, et, en la rassasiant, fais-nous sentir que nous n'avons besoin de rien, sinon de toi et de ta grâce ! mets toute chose à sa place dans notre vie, et fais-nous toujours chercher premièrement le royaume des cieux et sa justice ! Que nous ne soyons ni ingrats ni oublieux des occasions si nombreuses où tu nous as fait du bien, où nous avons senti que nous pouvions nous reposer absolument sur toi (lu soin de pourvoir à ce qui nous concerne! 0 Seigneur notre Dieu! rends-nous ardents à te suivre, fidèles à te servir. La source de la vie est par devers toi, et c'est par ta lumière que nous sommes éclairés. Continue ta faveur sur ceux qui te connaissent; daigne les rassasier de la graisse de ta maison et les abreuver au fleuve de tes délices! Amen.
1. Juges, XIII, 23.