La Cananéenne. 2. (Lire Jacq., IV, 1-10.)
Ceux que Jésus a l'intention d'honorer particulièrement aux yeux des hommes sont ceux qu'il humilie le plus profondément à leurs propres yeux. Il le fait pour que les bénédictions qu'ils reçoivent ne risquent pas de leur tourner en piège, en leur faisant avoir d'eux-mêmes «une plus haute opinion qu'ils ne doivent.» Après tout, la foi de la Cananéenne, quelque grande qu'elle fût, était un don de Dieu; et ce que Jésus admira dans cette femme, ce fut l'oeuvre magnifique que le Seigneur avait accomplie en elle en l'absence des moyens de grâce qu'il avait prodigués à son peuple. La Cananéenne n'avait pas lieu de s'enorgueillir, et elle le sentait, comme le sentent tous ceux dont le coeur est pleinement ouvert à l'oeuvre du Saint-Esprit. Voilà pourquoi il est certain que les chrétiens les plus avancés dans la foi et dans la sainteté ont toujours été les plus humbles, et voilà pourquoi, aussi longtemps que nous trouvons en nous une disposition à nous estimer par orgueil supérieurs à nos frères, nous pouvons, au contraire, être assurés « que nous ne sommes rien. »
Nous sommes aussi indignes des faveurs de Dieu que les chiens le sont de manger le pain des enfants de leurs maîtres; ce n'est pas là une figure de langage, c'est la simple vérité, que nous devons accepter et sentir simplement, comme la Cananéenne; nous apprendrons ainsi à recevoir comme une chose méritée les traitements les plus humiliants, à les prendre en bonne part, à être reconnaissants des moindres faveurs. Cette humilité-là, réelle et profonde, vient de la foi; celui qui la possède a cru à la lettre ce que Dieu lui disait de son péché, de sa misère, de son dénuement. Aussi est-ce la foi seule que Jésus a admirée dans la Cananéenne. Nous trouverions bien des choses à remarquer en elle : sa douceur, sa patience, sa persévérance dans la prière; mais tout cela était le fruit de sa foi. . Elle croyait à l'amour de Jésus, et elle s'y attachait dans la pensée qui a fait dire à Job : « Voilà, quand il me tuerait, je ne cesserais pas d'espérer en lui. » Jésus se plaît à honorer la foi, parue qu'elle l'honore, et qu'il est écrit : , J'honorerai ceux qui m'honorent. »
Ayons donc la ferme volonté d'arriver à une foi inébranlable, qui se montre dans toutes les circonstances; si la foi même faible suffit pour sauver le pécheur, une grande foi fait plus encore : elle est agréable au Sauveur, elle nous rend forts, elle nous fait triompher de toutes les difficultés. « Tu as été le maître en luttant avec Dieu et avec les hommes, et tu as été le plus fort (1). » Elle va même jusqu'à nous mettre en possession de la toute-puissance divine : « Si tu peux croire, toutes choses sont possibles à celui qui croit (2). »
PRIÈRE.
Donne-nous donc une grande foi, ô notre Dieu! Tu l'as donnée, gratuitement donnée, à la Cananéenne; tu peux nous la donner aussi, à nous qui avons autant besoin qu'elle de ta grâce et de ton secours. Nous sommes profondément pénétrés du sentiment de notre misère, et nous savons que rien en nous ne peut nous mériter quoi que ce soit de ta part: mais précisément parce que nous sommes malheureux, misérables, pauvres, aveugles et nus, nous nous présentons devant toi avec courage et confiance, comme la Cananéenne; nous nous appuyons sur tes promesses à ceux qui ont besoin de toi. Exauce-nous, Seigneur Jésus, réponds à notre attente, puisque nous nous reposons sur ta fidélité. Rends-nous forts, nous si faibles; enseigne-nous à te prier avec cette foi qui transporte les montagnes, et qui nous aide à te dire comme Jacob : Je ne te laisserai point que tu ne m'aies béni. Amen
1. Gen., XXXII, 28.
2. Marc, IX, 23.