MATTHIEU, XII, 33-37.

Les paroles oiseuses.

(Lire Eccles., V, 1-7.)

 

Peut-être, parmi les Pharisiens qui venaient de dire : « Il chasse les démons par Béelzébul,» se trouvait-il quelqu'un qui, si on lui avait fait remarquer combien une telle imputation ô tait à la fois dure et absurde, aurait répondu : J'ai dit cela sans y faire attention et mes paroles ont dépassé ma pensée; car, au fond, je ne crois pas qu'on puisse aller jusqu'à dire sérieusement qu'il est possédé du démon. Mais une explication de ce genre serait-elle une excuse valable? Jésus nous déclare à ce propos que toute parole oiseuse, inutile, vaine, sera examinée au dernier jour et pèsera dans la balance de notre jugement; ce qui revient à dire qu'il n'y a pas en réalité de, paroles inutiles, puisque celles auxquelles nous donnons ce nom doivent avoir pour notre avenir éternel de si solennelles conséquences.

Devons-nous conclure de là que toute parole qui n'est pas vraiment utile soit mauvaise, et qu'il faille nous en abstenir? Il est difficile d'admettre cela; car aussi longtemps que nous serons dans un monde frivole, insouciant, avec lequel nous devons entretenir certains rapports, sous peine, comme dit saint Paul, de « sortir du monde, » nous ne pourrons éviter de prendre quelquefois part à des conversations dont le but et la tournure ne sont ni positivement sérieux, ni. directement utiles. Mais ce qu'implique cette déclaration de Jésus, c'est d'abord que nous devons bannir de nos conversations les paroles coupables à quelque degré que ce soit, telles que les propos peu charitables, légers; ironiques, les exagérations, qui, quoi qu'on en pense, sont autant de petits mensonges; c'est ensuite qu'il nous faut veiller attentivement sur les dispositions intérieures qui dictent nos paroles.

En effet, « c'est de l'abondance du coeur que la bouche parle; » et c'est parce que les paroles expriment les sentiments du coeur, que nous serons justifiés ou condamnés au jour du jugement par nos paroles, même par celles qui ne sont qu'inutiles. Voilà une leçon que nous avons tous besoin d'apprendre; les chrétiens ne sont généralement pas assez vigilants à cet égard; dans les rapports de société qu'ils entretiennent soit entre eux, soit avec des gens du monde, leurs conversations ne se distinguent pas assez de celles des mondains eux-mêmes; on ne les reconnaît pas assez vite à leur « Sibboleth (1). »

Un chrétien qui, pour se rendre aimable ou faire briller son esprit, se laisse aller à des plaisanteries peu convenables, à des railleries, même légères, montre que le monde et la vanité ont encore dans son coeur une place qui devrait être occupée par le Saint-Esprit.> avec ses fruits de bonté., de sérieux, de sainteté, de charité. « Que tous vos discours soient assaisonnés de sel, et qu'ils communiquent la grâce à ceux qui les écoutent (2) » « Qu'aucun discours malhonnête ne sorte de votre bouche... ni parole folle, ni plaisanterie, car ce sont là des choses qui ne sont pas bienséantes; mais plutôt des actions de grâces (3). »

 

PRIÈRE.

0 Éternel! garde notre bouche, garde l'ouverture de nos lèvres! Tu sais quel attrait tout particulier ont pour nous ces péchés de la langue si faciles à commettre, si promptement commis, et dont les suites peuvent être si déplorables! Tu sais aussi qu'aucun homme ne peut dompter la langue, et que notre expérience rend un triste témoignage à la vérité de cette déclaration de ta Parole. Mais, Seigneur notre Dieu, ce qui est impossible aux hommes t'est possible à toi; daigne mettre dans nos coeurs des sentiments sérieux, charitables, chrétiens, dont nos paroles soient l'expression toute naturelle; arrête sur nos lèvres les paroles dures ou mordantes, les paroles légères, les paroles contraires à la sainteté. Qu'en toute chose, petite ou grande, nous soyons vigilants et saints, nous avons souci de la gloire du beau nom qui est invoqué sur nous. Amen.


Table des matières

1. Juges, XII, 5, 6.

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2. Col., IV, 6.

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3. Éphés., IV, 29; V, 4.