Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PIERRE DE SALVE DE BRUNETON, DIT VALSEC

Christ m’est gain à vivre et à mourir.

***

(Philippiens I, 21.)


La vie est un commerce qui a pour but un gain; mais ce gain est différent selon que nous commerçons avec le monde ou avec Dieu, avec l’Église ou avec les créatures.

De ces deux commerces un seul est raisonnable.

Tandis que LE COMMERCE AVEC LE MONDE consiste à donner son temps, sa vie, son éternité, sa félicité en échange de quelques pièces de terre, de quelques maisons, de quelques biens sans valeur puisqu’ils sont sans durée;

LE COMMERCE AVEC DIEU consiste à donner des biens périssables, qui ne sont rien, pour gagner Christ avec lequel nous possédons toutes choses.

Il a la vie et nous la communique,

Il tient les clefs du paradis et de l’enfer,

Il juge, il condamne, il absout.

Il est un avec Dieu, et nous unit à Dieu;

Il est tout et fait tout dans le ciel et sur la terre; nul ne va au Père que par lui,

Il est le chemin..., il est la porte..., AINSI ON GAGNE TOUT EN LE GAGNANT.

Il est donc honteux, insensé et extravagant de s’attacher principalement au commerce mondain, et sage, prudent et nécessaire de nous livrer au seul trafic qui soit digne de nous, parce qu’il est le seul dont le résultat soit certain.

C’est ce caractère de nécessité que l'Écriture sainte a en vue lorsqu’elle nous propose Jésus-Christ sous l’image du pain, d’une viande, d’un breuvage; voilà qui s’adresse à ceux qui ne conçoivent pas de plus grand plaisir que celui de manger et de boire, car l’Écriture veut nous prendre et nous sauver par nos propres passions.

Elle veut les laisser vivre en nous, mais elle veut les détourner vers les choses qui soient dignes de nous et qui nous puissent rendre heureux.

Tantôt elle nous propose Jésus-Christ et sa justice comme une robe précieuse qui, couvrant nos difformités, nous permettra d’entrer dans la salle des noces de l’agneau; voilà pour ceux qui mettent le bonheur dans le luxe et la magnificence.

Tantôt elle nous le propose comme un trésor de sapience (sagesse) et d’intelligence, et voilà pour ceux qui mettent la félicité dans le savoir.

Enfin l’Écriture nous propose Jésus-Christ comme un gain incomparable, sans doute parce qu’elle veut exciter en nous pour Jésus-Christ la même ardeur dont brûle l’avare pour son trésor. Or l’avarice est une des passions les plus violentes et qui met en mouvement toutes les autres pour posséder son objet.

Venez, avares, qui êtes avides des trésors et des gains de la terre, venez ouvrir les yeux sur celui que nous allons étaler aujourd’hui, pour tâcher à le faire devenir désormais l’objet de vos désirs, et en vous arrachant, s’il est possible, aux biens de la terre, vous rendre avares de ceux du ciel.

Venez le contempler ce trésor et ce gain en Jésus-Christ, et venez apprendre en même temps les moyens par lesquels vous pourrez le gagner.

Dieu, qui tient les cœurs en sa main et qui les fléchit comme il lui plaît, veuille fléchir les vôtres vers Jésus-Christ, et en affaiblissant cet amour immodéré que vous avez pour les créatures, vous remplir d’ardeur et de zèle pour gagner Jésus-Christ!

Et nous, pour y contribuer, comme un instrument, quoique faible, dans la main de Dieu, nous vous montrerons:

1. Que Jésus-Christ est un gain, le seul et le plus excellent de tous les gains, parce qu’il s’étend à la vie et à la mort;

2. Nous passerons à vous faire voir comment il devient notre gain, ce que nous vous ferons remarquer surtout dans l’exemple de Saint Paul, qui parle dans notre texte et qui dit: Christ m’est gain à vivre et à mourir.

D’entrée nous nous attacherons à notre version qui dit que Christ est gain au fidèle et dans la vie et dans la mort, bien que nous sachions que les termes de l’original semblent ne pouvoir signifier que ceci, qui est le sens admis par plusieurs interprètes: Jésus-Christ, qui est la vie du fidèle dans cette vie, est un gain dans la mort (1).


note 1

(1) La Reynie n’avait pas le loisir de lire ce sermon, il le fit examiner, sans doute par le même Pirot, docteur de Sorbonne, qui analysa les manuscrits saisis sur Cardel, et examina les Maximes des Saints de Fénelon et les ouvrages de Bossuet. L’examinateur, après avoir transcrit l’exorde tout entier, ajoute le commentaire suivant, qui est très digne de remarque:

«Tout ce discours ne tend qu’à prouver que l’Église et le monde ont des sentiments fort différents, et opposés dans leurs prétentions; que le monde, ou ceux qui en suivent les maximes, ne recherchent que les créatures, qui ne peuvent leur donner aucun bien véritable; que toutes les grandeurs et tous les biens du monde ne sont que de la fumée, et qu’il ne peut rien y avoir dans

cette vie que l’on puisse dire être un véritable bien, si ce n’est de gagner Jésus-Christ, en qui seul consistent toutes les grandeurs, toutes les richesses et tous les véritables plaisirs.

L’auteur exhorte les fidèles de s’attacher à ce seul gain; et, par une infinité de preuves tirées de l’Écriture tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, et particulièrement des épîtres de Saint Paul, il fait voir qu’en Jésus-Christ seul doit être établie notre espérance, notre bonheur en la vie présente et notre félicité éternelle.

«Il n’y a rien dans cet ouvrage qui paraisse contraire aux sentiments de l’Église, et où il paraisse nécessaire de faire d’autres réflexions.»

Comment, docteur, pas d’autres réflexions?

N’en auriez-vous point fait une que vous n’avez pas cru nécessaire de communiquer à la police, celle-ci, par exemple:

Comment un homme qui n’enseigne rien de contraire aux sentiments de l’Église peut-il mériter d’être jeté en prison et conduit à l’échafaud?

O. D.



PREMIÈRE PARTIE.


Tout le monde sait assez ce que c’est que le gain..., nous allons montrer que Jésus-Christ est le SEUL gain qui mérite ce nom.

Il faut seulement vous avertir que par Christ, nous devons entendre:

sa croix, ses souffrances, son sacrifice, sa mort,

sa justice, son intercession auprès du Père,

son mérite,

tout ce qu’il a fait pour ouvrir le ciel, fermer l’enfer, réconcilier le pécheur avec Dieu, le faire devenir son ami, le transporter des ténèbres à la lumière de la vérité, et de cette lumière lui frayer le chemin à la gloire.

Car c’est tout ce qu’emporte ici ce mot de Christ; tout cela donc pris ENSEMBLE et considéré en gros dans la personne de Jésus-Christ est un gain qui enrichit d’abord celui à qui il est appliqué, et qui de l’état de disette et de misère spirituelle où il est né, le fait passer à un état d’abondance; car:


TOUT CE QUE JÉSUS-CHRIST A,

IL NE L’A QUE POUR LE COMMUNIQUER AUX FIDÈLES:


s’il a des lumières et un esprit qui les rend efficaces, c’est pour les leur communiquer;

s’il a une justice parfaite, c’est pour les en revêtir;

s’il a mérité la gloire éternelle, c’est pour les y élever;

enfin tout ce qu’il a, ce n’est que pour en enrichir le fidèle, et de misérable qu’il était le rendre heureux.

C’est pourquoi Saint Paul parlant de la grâce de Jésus-Christ la représente comme des richesses inénarrables (les richesses incompréhensibles de Christ... v. S.) (Ephés. III, 8), c’est pourquoi il dit que nous sommes enrichis en lui (en lui vous avez été comblés de toutes les richesses... v. S.) (1 Cor. I, 5), et qu’il s’est fait pauvre pour nous enrichir. Christ est donc un gain...

Pris à la rigueur, le mot gain exprime un résultat de notre industrie et le contraire d’un don dû à la libéralité d’autrui.

Ce n’est pas ainsi qu’il faut entendre chrétiennement le gain dont parle notre texte. Nous ne pouvons rien faire pour gagner Jésus-Christ, car, hélas! que pourrions-nous donner pour l’obtenir?

Sera-ce nos œuvres? Mais:

1° Ne sont-elles pas l’effet de Jésus-Christ qui les opère en nous?

Et plutôt que de dire que par elles nous gagnons Jésus-Christ, ne serait-il pas plus vrai de dire qu’elles sont un moyen dont Jésus-Christ se sert pour se donner à nous?

2° Ne les devons-nous pas, ces œuvres?

Et en les donnant, que faisons-nous que satisfaire à notre devoir sans pouvoir prétendre à aucune récompense?

3° Quand nous ne les devrions pas, pourraient-elles bien entrer en comparaison avec Jésus-Christ?

Quelle proportion des vertus finies et passagères peuvent-elles avoir avec celui qui est l’auteur même de la vertu?


L’HOMME N’A PAS ASSEZ DE FORCE, quand il aurait assez de présomption, POUR PRÉTENDRE GAGNER CHRIST EN EN DONNANT L’ÉQUIVALENT.

Un misérable ver de terre, rampant dans la corruption, dans le vice, digne d’être écrasé par la justice du ciel, pourrait-il bien s’élever jusqu’à Christ?

Du reste, la voix générale des Écritures nous fait entendre que Jésus-Christ est un don qui nous vient de la pure libéralité de Dieu...

On peut donc dire que c’est un gain... et un don tout ensemble...

C’est un don, mais il faut cependant travailler pour l’obtenir, comme si c’était un gain...

Ce gain nous est présenté comme le sujet d’une grande joie dans la parabole de la drachme perdue et retrouvée...


Jésus-Christ est le véritable gain:

1. Parce qu’il suffit à tout, même à borner nos désirs;

2. Parce qu’il est impérissable, double caractère qui ne convient point aux gains du monde.

Jésus-Christ suffit à tous nos besoins et remplit tellement, dans cette vie, les désirs de nos cœurs qu’il ne leur laisse à souhaiter que son entière possession; cela ressort de l'Apocalypse (III, 18), où Christ, parlant par la bouche de Saint Jean, énumère les maux de l'âme et montre qu’il a des remèdes contre eux tous.

À la pauvreté, à la nudité, et à la cécité, il oppose de l’or, des vêtements et un collyre, cette image est transparente...

Après sa conversion, Saint Paul qui était auparavant pauvre, nu, aveugle, n’a plus rien à désirer, parce qu'il est tout rempli de Christ:


DU MOMENT QUE CHRIST VIT EN LUI,

IL NE VEUT PLUS SAVOIR QUE CHRIST ET CHRIST CRUCIFIÉ.


Si parfois, au milieu de la joie qui inonde l'Apôtre, un nouveau désir apparaît, c'est celui de déloger d'ici-bas pour posséder Christ d'une manière plus étroite et plus complète.

Peut-on dire autant des gains du monde?

Il est certain qu'ils ne nous satisfont jamais, ce qui est une marque de leur vanité et de leur peu de solidité; plus nous en avons et plus nous en désirons.

D'ailleurs ils ne servent qu’à un usage matériel, ils ne peuvent que nous nourrir et nous faire vivre splendidement, voilà tout.

Si nous sommes aveugles, ILS NE SAURAIENT nous donner la vue;

si nous sommes malades, ILS NE PEUVENT nous rendre la santé; et surtout,

si nous sommes étendus dans un lit, attendant le dernier coup de la mort, appréhendant la justice divine, ILS NE SAURAIENT nous délivrer de ces craintes, ni nous mettre à couvert.

C'est donc improprement que l’on appelle gain un bien terrestre; ce n'est que dans la fausse opinion des hommes que les richesses du monde ont pris ce nom, qui ne convient qu'à Jésus-Christ.

Le gain véritable s’élève bien haut au-dessus des gains du monde; au lieu que ceux-ci sont bornés à cette vie et que nous les perdons par la mort, celui-là s'étend à la vie et à la mort.


UNE FOIS GAGNÉ, ON NE LE PERD JAMAIS:

car je suis assuré que ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni puissance, ni choses présentes, ni choses à venir, ni hautesse, ni profondeur, ni aucune autre créature ne nous pourra séparer de la dilection de Dieu, qu'il nous a montrée en Jésus-Christ, notre Seigneur (Rom. VIII, 38-39).


II est vrai que les gains du monde et celui que nous faisons de Jésus-Christ semblent aller de pair pendant cette vie:

nous gagnons les biens du monde et nous nous en servons;

nous gagnons Jésus-Christ, sa connaissance nous console, sa mort et son mérite nous soutiennent contre les terreurs de la justice divine.

Ainsi ce gain a son usage comme les gains du monde, et jusque-là l’un ne semble rien avoir par-dessus les autres, et si les hommes avec des yeux de chair et de sang y remarquent quelque différence, c’est en faveur des gains du monde qui les charment, tandis que le gain véritable leur paraît chimérique.

MAIS ATTENDEZ; À LA MORT, CETTE DIFFÉRENCE SE VERRA.

Les riches ni les puissants n’emportent rien avec eux dans le tombeau.

Les Alexandre, les César, etc., ont-ils emporté les couronnes qu’ils avaient gagnées?

Nous, au contraire, nous emporterons la nôtre; comme Josué, Jésus-Christ passe avec nous le Jourdain de la mort, au lieu que les biens du monde nous quittent, à la vue de la mort, comme Moïse expirant après avoir contemplé la terre promise.

Christ nous est un gain, non seulement dans la vie et dans la mort, mais encore dans la résurrection...



DEUXIÈME PARTIE.


Voyons à quelles conditions le fidèle obtient ce gain sans pareil.

La vraie religion est une espèce de commerce entre Dieu et nous, c’est ainsi qu’elle nous est dépeinte dans les discours où Christ dit que le royaume des cieux est semblable à un trésor caché dans un champ qu’un homme achète après avoir vendu tout ce qu’il a pour pouvoir l’acquérir, qu’il est semblable à une perle de grand prix...

Les fidèles sont donc des marchands qui sont obligés de donner; car, dans tout commerce, IL FAUT DONNER POUR GAGNER:

l’artisan donne son travail pour avoir du pain;

le marchand, ses veilles, son argent, pour en gagner davantage;

le soldat, sa peine, sa sueur et son sang, pour acquérir de la gloire, gagner des villes et des provinces;

le chrétien ne saurait donc s’exempter de cette loi.

Il faut qu’il donne pour gagner Jésus-Christ, c’est un trésor, une perle qu'il ne saurait acheter qu’en vendant ce qu’il a.


Ne venez pas dire qu’Ésaïe (LV, 1) nous invite d’acheter sans argent, gratuitement; car il n’est pas vrai qu’il veuille dire que nous devons acheter la grâce sans rien donner, mais seulement: que ce que nous donnons en échange est un rien en comparaison de ce que nous achetons.

Nos biens, notre vie et notre sang, que nous donnons, sont plus au-dessous de Jésus-Christ et de sa grâce qu’une paille ne l’est de tous les diamants, de toutes les perles et de toutes les couronnes de l’univers...

Ésaïe veut donc dire qu’il faut donner, mais qu’en donnant, nous achetons pourtant gratuitement, parce que NOUS DONNONS UN RIEN POUR GAGNER UNE GRÂCE SANS PRIX, et un rien qui n’est point à nous et qui n’apporte point de profit à Jésus-Christ. (Qu’as-tu que tu n’aies reçu?1 Corinth. IV, 7)


Tout ce que nous pouvons donner se borne à ceci:

Les biens et les richesses de la terre;

Notre propre justice, la confiance que nous pourrions avoir de nous sauver par nos œuvres;

Notre repos, notre liberté, nos plaisirs, nos honneurs et toutes les aises de la chair, notre vie et notre sang.

1° Nous devons donner tous nos biens et nos richesses temporelles; et on les donne:

Ou bien en s’en dépouillant tout à fait, lorsqu’il s’agit de suivre Jésus-Christ et qu’on ne saurait les garder et professer l’Évangile tout ensemble; car il faut tâcher de devenir disciples de Jésus-Christ pour le gagner, et on ne le devient, suivant ce qu'Il dit, qu’en ABANDONNANT père, mère, etc., pour l’amour de lui.

Ou bien, on donne les richesses de la terre pour gagner Jésus-Christ, en les employant à nourrir les pauvres qui sont ses membres; car les leur donner, c’est les donner à lui-même; les vêtir, c’est vêtir Jésus-Christ; les soulager par nos soins, nos visites, par un seul verre d’eau, c’est soulager Jésus-Christ; il le dit lui-même et nous promet un salaire magnifique.

C’est encore donner les biens et les richesses de la terre que de moins les aimer que Jésus-Christ et de ne les aimer QUE pour lui en faire hommage, comme cette femme de l’Évangile qui oignit le Seigneur avec le parfum qu’elle avait, et dont elle pouvait retirer un grand prix; elle le fit pour honorer Jésus-Christ et lui en faire hommage.

C’est là aussi le véritable usage que nous devons faire des gains de la terre; nous devons, en sacrifiant à Jésus-Christ ces richesses iniques, nous faire de lui un ami qui nous reçoive dans les tabernacles éternels; c’est là l’usage qu’en faisaient les Abraham et les Moïse; s’ils ne les ont pas donnés aux pauvres, ils les ont abandonnés au monde et en ont fait le sacrifice à Dieu et à Jésus-Christ pour les gagner.

Ils ont TOUT quitté, TOUT abandonné, pour gagner non des maisons, possessions, parents et amis, mais Jésus-Christ et son opprobre, le seul et le véritable gain.

Tel est l’usage qu’en doivent faire tous les fidèles qui sont héritiers de la foi d'Abraham, comme l’a été un Moïse, etc....

2° Pour gagner Jésus-Christ, il faut donner notre propre justice, etc...

Il faut donner notre repos, notre liberté, nos plaisirs, etc...

Ces deux principaux moyens sont toujours nécessaires et en tout temps, puisque, en tout temps, il est vrai que l'amour du monde est inimitié contre Dieu, que nous ne saurions servir à deux maîtres et que nous ne saurions gagner Jésus-Christ et le monde....

VOULOIR CONSERVER REPOS, LIBERTÉ, VIE, SANG, C’EST SE PERDRE À COUP SÛR; qui voudra sauver sa vie, la perdra; (Matth. X, 39.) mais abandonner tout cela et le perdre, c’est le conserver infailliblement; car on les retrouve en Christ...

Nous gagnons donc Christ en donnant tout ce que nous possédons et, pour vous le montrer par un exemple, tournons nos yeux sur Saint Paul... et nous souvenons de sa conduite en ce monde: il renonce à tout, il n’amasse point de trésors, il ne possède rien, il ne veut rien posséder, il regarde les richesses comme des entraves qui pourraient l’arrêter dans le cours de son ministère et de son salut.

Il y renonce donc pour satisfaire à son devoir avec plus de liberté et pour gagner sûrement Christ en prêchant Christ, et si quelquefois il travaille de ses mains pour faire quelque gain dans le monde, ce n’est pas seulement pour se donner de l’aisance, mais pour n’être à charge à personne, bien qu’il fût digne de son salaire, mais pour subvenir à la nécessité de ses frères et compagnons d’une même foi, et ainsi gagner Christ en faisant des tentes aussi bien qu’en prêchant son Évangile.

Paul donne sa propre justice; et elle était grande à regarder l’opinion folle des Juifs cependant, il la renonce, il la foule aux pieds.

Il donne son repos, sa liberté, sa vie, son sang; il parcourt des provinces et des royaumes entiers, il souffre la faim, la soif, la nudité; il se trouve en péril de mer, en péril de terre..... il perd sa liberté dans les prisons de Néron, à Rome..... et enfin il meurt pour Jésus-Christ, sous le règne du même empereur.

Cependant il est tellement rempli de l’excellence de Jésus-Christ et du besoin qu’il en a..... il ne pense qu’à gagner Jésus-Christ, comme il ne veut connaître que Jésus-Christ..... Christ est son gain; c’est là, pour ainsi dire, sa devise, c’est par là qu’il veut se faire connaître, tout ce qu’il dit se rapporte à ceci:


JE N’AMBITIONNE, JE NE DÉSIRE RIEN SUR LA TERRE QUE DE GAGNER CHRIST.


Voici donc, mes frères, un exemple des paradoxes de l’Évangile: GAGNER EN PERDANT, qui se trouve très véritablement en Saint Paul.

Sa conversion et sa profession de l’Évangile, voilà sa fortune; il est enfin jeté dans une prison, mais il est certain qu’au milieu de toutes ces choses il gagne, car il gagne Christ, en qui il retrouve toutes celles qu’il avait perdues.

Il trouve en Jésus-Christ le repos, la joie, la tranquillité, l’abondance, la liberté; on nous considère, dit-il, comme contristés, et nous sommes toujours joyeux, comme pauvres et nous enrichissons plusieurs, comme n’ayant rien et nous possédons toutes choses (2 Cor. VI, 10)...

Ce n’est qu’au milieu des afflictions que nous gagnons Christ.....

Si les souffrances nous sont communes avec Jésus-Christ, sa gloire, son mérite...

Arrêtons-nous ici, Messieurs, pour considérer notre folie et ROUGIR DE CE QUE NOUS COURONS APRÈS LES GAINS DU MONDE, après un intérêt de terre et de boue, après une créature insensible et incapable de se donner à nous, comme nous nous donnons à elle, elle nous possède et nous ne la possédons pas.

Que Christ devienne notre gain, et il se donne à nous par une union intime, il paye notre amour par un amour réciproque.

Ouvrons donc, mes frères, pour une bonne foi les yeux sur la vanité, et considérons...


... qu’avec tous les biens du monde,

nous n’avons rien si Jésus-Christ n’y est pas!


Ayez des trônes, une cour, des sceptres, commandez à toute la terre, roulez à vos pieds l’or et l’argent, les perles et les diamants comme des cailloux; SI JÉSUS-CHRIST N’Y EST PAS, VOUS N’AVEZ RIEN; au milieu de l’opulence et des trésors vous restez pauvres, dépouillés et nus, tout ce qui vous environne n’est que chimères, illusions; car que profite-t-il à l’homme s’il gagne tout le monde et qu’il fasse perte de son âme? (Matth. XVI, 26.)

Que faisons-nous donc quand nous attachons nos cœurs aux gains du monde et que nous négligeons.... (les biens que Jésus nous a acquis)?

Bienheureux fidèles de la primitive Église qui vendiez volontiers vos biens pour en porter le prix aux pieds des apôtres, afin d’en faire hommage à Jésus-Christ et de le gagner, qu’êtes-vous devenus?

À qui avez-vous transmis votre sang, votre zèle qui vous faisait renoncer à tout pour gagner Jésus-Christ:

Venez, venez nous reprocher nos...

Oui, ces frères s’y prenaient comme il fallait pour gagner Jésus-Christ; et nous, nous prenons le contre-pied..... c’est renoncer à Jésus-Christ..... prions donc, réputons toutes choses comme dommageables, inutiles, viles et indignes.....


* * *

Dans la page finale, presque illisible, bardée de latin et de chiffres, nous ne distinguons que l’idée de Jésus-Christ marchant devant nous, couvert de son sang, comme un vaillant capitaine qui entre dans le ciel, entouré de tous ceux qui l’ont suivi.


Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français / 1869


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