Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMONS PRATIQUES

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L’AUMÔNE DE LA VEUVE

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Jésus s’étant assis en face du trésor, observait la foule qui mettait de l'argent dans le tronc. Plusieurs riches y mettaient beaucoup. Il vint une pauvre veuve qui y mit deux pites, ce qui vaut un quart de sol. Alors Jésus, ayant appelé ses disciples, leur dit:

«Je vous assure que celle pauvre veuve a donné plus que tous ceux qui ont mis dans le tronc, car tous ont mis de leur SUPERFLU, tandis qu’elle a donné de son NÉCESSAIRE, tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.» Marc XII, 41-44.

Quelle scène paisible et touchante! Quel joyau tiré de l’écrin de l’Évangile et qui, semblable à un précieux diamant, brille d’un vif éclat! Quel tableau bien capable d’inspirer une âme d’artiste et de faire naître chez tout lecteur sensible de saines et douces impressions!

Ce portique richement architecturé soutenu par des colonnes de marbre blanc qui élèvent bien haut au-dessus des têtes leurs chapiteaux élégants;

ces treize troncs de métal poli qui sollicitent par leurs ouvertures évasées comparables aux trompettes dont elles portent le nom les largesses des passants, et qui retentissent comme des instruments de musique lorsqu’un donateur les fait sonner devant lui en y jetant avec ostentation plusieurs lourdes pièces d’argent;

cette foule qui sort du temple, composée soit des habitants de Jérusalem soit de ces adorateurs venus pour la prochaine fête des contrées les plus lointaines où le nom juif avait pénétré; tout ce monde mêlé, bariolé, se précipitant hors des parvis ainsi qu’un fleuve tumultueux, et, dans un angle, à l’abri du flot de la multitude,

le Seigneur qui contemple ce spectacle,

le Seigneur devant qui le grand nombre passe INDIFFÉRENT,

le Seigneur dont le regard pénétrant discerne au fond des cœurs LA PENSÉE SECRÈTE, et qui, conformément à son habitude, va trouver pour ses disciples, dans ce qui n’a qu’une minute de durée, un enseignement éternel, quelque lumière destinée à traverser les siècles et à luire sur le monde jusqu’à la fin.


Voici d’abord ces rigides Pharisiens, stricts observateurs des coutumes antiques, qui, gravement, solennellement, viennent déposer dans le tronc une part de leur superflu. Ce sont eux surtout qui font sonner la trompette sous leurs aumônes et qui donnent pour être vus des hommes. Aussi en les voyant Jésus les plaignait-il au fond de son cœur, car c’était à eux qu’il venait de dire: Malheur à vous à cause de votre orgueil, malheur à vous à cause de votre religion toute de traditions et de formes, malheur à vous à cause de votre manque de sincérité.

Voici d’autres gens qui passent et qui donnent aussi avec abondance; mais Jésus qui lit au fond des cœurs comprend qu’ils agissent uniquement par bienséance. La flamme de la charité ne brille pas dans leur cœur. Ils trouvent qu’il est gênant d’avoir toujours à faire des largesses. Ils voudraient pouvoir consacrer tout ce qu’ils ont à leurs propres jouissances, mais la coutume les pousse, leur position sociale les oblige, et ils se résignent à faire le bien.

C’est avec tristesse encore que Jésus voit défiler ces Sadducéens sensuels et mondains. Hélas! quelle sera leur fin? comment pourront-elles être un jour secouées à salut, ces âmes plongées tout entières dans les affaires, dans les plaisirs et dans les vanités du monde?

Cependant le regard du Seigneur se promenant sur la multitude s’arrête de temps à autre sur une scène plus réjouissante.

Ce sont ici ou là des personnes riches et pieuses qui répandent discrètement de larges aumônes. Jésus les reconnaît bien, et leur conduite le remplit de joie. Il sait que si le sentiment religieux qui les anime se traduit ici par la générosité avec laquelle elles ouvrent leur bourse, ailleurs il se manifeste par d’autres actes non moins louables; et intérieurement il ne peut s’empêcher de les bénir.

Oh! c’est une belle chose qu’une fortune bien employée, et il n’y a rien de si digne de notre respect qu’un riche pieux et charitable, regardant son opulence moins comme un bien qui lui appartient en propre que comme un dépôt dont il est le dispensateur.

Il faut, pour entrer dans cette voie, vaincre beaucoup de tentations et d’entraînements dont il est malaisé de se représenter la puissance;

il faut, pour y persévérer, surmonter des difficultés sans nombre, des sujets de découragement qui reviennent chaque jour et dont quelques-uns sont capables de détourner à jamais l’âme la mieux disposée de l’œuvre sublime, mais ingrate qu’elle a entreprise.

Ah! nous nous disons quelquefois, dans l’ignorance où nous sommes de la faiblesse de nos cœurs:

Si j’étais riche, que de bien je ferais!

Si j’avais entre les mains la fortune de celui-ci ou de celle-là, comme je saurais mieux l’employer!

Et pourtant qu’en savons-nous?

Savons-nous si l’opulence ne nous tournerait pas la tête et si notre cœur ne serait pas changé par une excessive prospérité?

N’a-t-on pas souvent vu des familles qui, faciles et aimables dans leur modeste situation, sont devenues soudain hautaines et inabordables dès qu’un événement imprévu les eut mises en possession de la richesse, et n’ont su que se livrer au luxe et aux jouissances que procure l’argent, oubliant les devoirs de la charité aussi bien que leur humble origine et que leurs anciennes relations. 


Ne nous préoccupons pas de ce que nous ferions si nous étions à la place des autres, préoccupons-nous plutôt de ce que nous pouvons FAIRE DÈS AUJOURD’HUI AVEC LES RESSOURCES QUI SONT À NOTRE PORTÉE, et, à défaut d’or, si l’or manque, donnons nos services; mettons nos bras et notre intelligence, quand il le faut, à la disposition des autres; donnons notre temps, notre cœur; donnons-nous nous-mêmes, étant ATTENTIFS AUX BESOINS DU PROCHAIN, saisissant l’occasion de lui venir en aide et de lui témoigner autrement que par des paroles notre chrétienne fraternité.

Tandis que le Sauveur, assis auprès du temple, considérait les riches et leurs abondantes aumônes, ses regards se fixèrent bientôt sur une pauvre veuve qui s’avançait à pas lents, et qui, timidement, humblement, vint déposer dans le tronc son offrande, elle aussi: deux petites pièces de monnaie.

Elle ne croyait être vue de personne. Et qui, en effet, pouvait la remarquer?

N’était-elle pas pauvre, sans apparence et sans nom?

N’était-elle pas veuve, sans appui, sans protecteur, seule au monde?

Seule! Et pourtant si personne dans la foule ne l’avait distinguée, L’ŒIL DE JÉSUS S’ÉTAIT ARRÊTÉ SUR ELLE; son humble action était à cette heure recueillie dans une coupe d’or pour être présentée comme une perle de prix à l’humanité entière, et le Fils de Dieu prononçait cette parole:


Je vous dis en vérité que cette veuve toute pauvre qu’elle est

a plus donné qu’aucun de ceux qui ont mis dans le tronc.


ELLE A PLUS DONNÉ, CAR ELLE A TOUT DONNÉ.

Ô sublime imprudence! La mesure de la charité, comme on l’a dit avec raison, est moins dans ce que l’on donne que dans ce que l’on garde; elle est moins dans l’importance de la somme que dans le sacrifice qu’elle impose.

Oh! l’on donne volontiers de son superflu, et si ce superflu est considérable, on y puise largement pour une œuvre utile ou nécessaire. Mais qu’ils sont rares ceux qui, pour faire du bien ou pour avancer le règne de Christ, sacrifient vraiment quelque chose, se privent d’une jouissance, renoncent à un plaisir!

Qu’ils sont clairsemés les enfants spirituels de cette pauvre veuve que Jésus avait distinguée entre tous dans la grande multitude des adorateurs de l’Éternel!


ELLE A PLUS DONNÉ, car ces deux petites pièces de monnaie, placées dans le capital de l’Église chrétienne, devaient produire comme intérêts des sommes incalculables.

Qui peut dire ce qu’elles ont rapporté en aumônes, en offrandes, en œuvres de charité, depuis dix-huit siècles que l’action de cette femme est prêchée, qu’elle éveille la libéralité de tous les auditeurs de la sainte Parole et de tous les lecteurs de l’Évangile, qu’elle pousse les uns à donner mieux, les autres à donner plus, tous à consacrer quelque chose à Dieu?

Si l’on a songé à réclamer des plus petits une obole en faveur des entreprises que l'Évangile inspire; si l’on a eu l’idée de rassembler dans une caisse commune les dons minimes de l’ouvrier chargé de famille et du petit enfant; si, pour ne prendre qu’un exemple, l’institution des «sous missionnaires» fournit aux Sociétés de missions l’une de leurs plus importantes ressources, c’est à ces deux pites, jadis jetées par une pauvre fille d’Abraham dans le tronc du temple de Jérusalem, que nous le devons.


ELLE A PLUS DONNÉ, car l’Éternel regarde moins à la valeur de l’offrande qu’aux sentiments de celui qui la fait. Et quels sont-ils ces sentiments, chez la pauvre veuve?

Essayons de les définir et d’en tirer profit pour nous-mêmes.

Voyons l’état de ce cœur qui eut le précieux privilège de plaire au Seigneur Jésus.


Nous y trouvons d’abord la compassion pour les malheureux.

Eh! sans doute, elle est pauvre, elle est malheureuse, cette veuve; mais ne se trouve-t-il pas dans le monde de plus pauvres et de plus malheureux qu’elle?

Ne doit-elle point travailler à leur venir en aide?

N’est-ce pas le devoir de chacun de concourir pour sa part, pour sa faible part, si l’on ne peut davantage, à leur soulagement?

Un grain de blé n’est rien par lui-même, mais si tous apportent leur grain de blé, on en fera des boisseaux et des sacs capables de remplir des greniers et de rassasier des armées; une simple note de musique n’est rien par elle-même et peut sembler un vain bruit, mais quand elle est accompagnée et suivie d’autres notes, on entend une mélodie suave qui charme les oreilles et apaise les cœurs, et le plus faible doigt touchant la harpe sublime de la charité fait trembler une corde dont la vibration n’est point perdue dans le grand concert qui monte jusqu’au trône de Dieu.

Ce que je découvre encore dans le cœur de cette pauvre femme c’est: 


Le zèle pour le service du Seigneur, le désir ardent de lui plaire en se soumettant à sa loi.

Ce seul trait nous fait connaître la délicatesse de sa conscience. Si elle accomplit de cette manière un commandement dont elle pouvait se croire exemptée par sa position même, quelle ne devait pas être son obéissance pour tout le reste?

Quelle probité! quelle activité pour le bien des autres!

Quelle fidélité à tous ses devoirs! quelle crainte d’offenser Dieu!

Quelle piété pure et sincère!

Quelle vie enfin consacrée à faire, dans un milieu modeste, au sein de mille difficultés et de luttes sans nombre, la volonté de Dieu!

Ne pensez-vous pas que nous pouvons encore mettre à son actif une vertu sans laquelle on n’est rien dans ce monde: 


L’amour du travail.

Elle donne ce qui est bien à elle, ce qu’elle a gagné de ses doigts, et si elle se dépouille, c’est qu’elle compte sur ses mains vaillantes, sur ses laborieuses habitudes; et, après avoir adoré le Seigneur, elle se remettra courageusement à son métier, elle reprendra ce travail qui a fourni jusqu’ici à ses besoins et à ceux des siens, et devant lequel elle n’a jamais reculé.

Ajoutez deux sentiments qui font partie intégrante de toute piété réelle et qui nous semblent caractériser au plus haut point la veuve du temple au moment même où elle se prive de tout ce qui lui reste: 


Un profond sentiment de reconnaissance pour Celui qui lui a conservé jusqu’à présent la force et la santé,

pour Celui qui a parsemé Sa pauvre vie de plus d’une joie qu’elle a su reconnaître et dont elle jouit sans ingratitude,

pour Celui à qui elle offre comme un sacrifice d’actions de grâces; 


Et un vif sentiment de confiance en ce Dieu qui ne l’a jamais abandonnée, qui ne la laissera pas, qui lui donnera constamment selon ses besoins dans sa grande bonté.

Oh! comme elle aurait compris, si jamais elle l’eût entendue, cette parole du Seigneur:


Ne vous mettez pas en souci.

Quel est celui qui puisse par ses inquiétudes ajouter une coudée à sa taille?

A chaque jour suffit sa peine.


La scène évangélique que nous avons étudiée aujourd’hui, nous donne donc de beaux exemples; mais elle nous invite avant tout à exercer la bienfaisance autour de nous.


Ne nous y trompons pas: LA BIENFAISANCE EST LE DEVOIR DE TOUS, et il n’est aucune considération qui puisse excuser celui qui ne remplit pas ce devoir. Elle donne, cette pauvre veuve; elle donne selon ses moyens; elle donne de bon cœur. Telles sont les conditions de la chrétienne charité.


Une réunion de frères noirs convertis avait décidé de se conformer à ces trois conditions en vue d’une œuvre qu’il fallait absolument exécuter.

1° Nous donnerons tous quelque chose, avaient-ils dit,

2° nous contribuerons selon nos moyens,

3° et nous le ferons de bon cœur.

Après la délibération, le noir qui présidait s’assit à la table et se disposa à inscrire chaque contribution. Aussitôt les fidèles s’avancèrent avec leurs dons plus ou moins considérables. Parmi eux se trouvait un vieillard très riche qui possédait à lui seul presque autant que tous les autres ensemble. Il tendit au président une petite pièce d’argent.

Garde ta pièce, lui fut-il répondu, tu obéis à la première résolution, mais non pas à la deuxième.

Le vieux nègre reprit sa pièce et revint s’assoir à sa place en se mordant les lèvres. Cependant les autres continuaient à se presser autour de la table et à donner avec libéralité. Bientôt il n’y tint plus, et tirant de sa poche une autre pièce, il s’avança et la jeta sur la table en murmurant:

Tiens, prends cela. — Cette fois c’était une belle pièce d’or, mais le ton du vieillard était si bourru que le président lui rendit de nouveau son offrande en disant: Non, mon frère, les choses ne doivent pas se passer ainsi. Il se peut que tu te conformes aux deux premières résolutions, mais certainement tu ne te conformes pas à la troisième.

L’avare retourna de mauvaise humeur à sa place. Il resta longtemps assis, pensif et triste. Peu à peu les souscripteurs se retiraient. À la fin il se leva, et l’air souriant, le regard joyeux, il s’avança vers la table et y déposa plusieurs pièces d’or.

À la bonne heure, s’écria le président, c’est bien, c’est très bien! Maintenant tu tiens compte de nos trois résolutions.

Mes frères, quand une occasion de faire le bien se présente, quand un sacrifice est nécessaire, SACHONS AUSSI DONNER, DONNER SELON NOS MOYENS, et DE BON CŒUR; et si le Seigneur, spectateur invisible de toutes nos actions, ne nous rend pas un aussi beau témoignage qu’à la veuve de notre texte, il dira néanmoins:


Voilà un de mes disciples qui s’efforce d’être fidèle.




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