Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMONS PRATIQUES

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LE  TRAVAIL

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L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder. Genèse II, 15.

L’homme fut placé dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. Son domaine, si beau qu’il fût, devait encore s’embellir par ses soins. Il pouvait multiplier en un même endroit les fleurs et les fruits qui lui plaisaient davantage, varier les dispositions et les arrangements qui flattaient son regard, attirer autour de lui les animaux qui l’enrichissaient de leurs produits ou ceux qui l’égayaient de leurs gentillesses, et dompter ceux qui pouvaient lui rendre service; et, après cette activité saine et normale où sa compagne le secondait avec amour:

quelle joie pour les deux époux de prendre leur frugal et délicieux repas avec un appétit aiguisé par le travail!

quel plaisir de se livrer au repos quand le soleil avait disparu et qu’ils avaient pendant quelque temps encore, en parlant de la tâche du lendemain, admiré les astres luisant au firmament et respiré l’air du soir!

quel bonheur surtout de converser librement avec ce Dieu saint, ce Dieu amour, ce Dieu père, qui parlait si directement à leur conscience qu’ils ne pouvaient méconnaître sa voix.

Leur œuvre s’accomplissait sans fatigue et présentait chaque jour un intérêt nouveau. Point de ces contretemps, point de ces déceptions, point de ces peines amères qui marquent si souvent nos propres travaux, car LE SEIGNEUR N’AVAIT PAS ENCORE PRONONCÉ CETTE SENTENCE:

Le sol sera maudit à cause de toi; c’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie; il te produira des épines et des ronces; c’est à la sueur de ton front que tu mangeras du pain jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été pris, car tu es poussière et tu retourneras dans la poussière.


Que nous sommes loin de ce temps-là!

Comme l’effet de la malédiction divine s’est appesanti sur nous! Nos travaux sont accompagnés de beaucoup de misères, et personne n’échappe, sur ce point comme sur tous les autres, à l’universel châtiment.

Voyez les agriculteurs! Ils ont le premier, le plus noble, le plus utile des métiers, celui que Dieu a en quelque sorte enseigné lui-même à l’humanité naissante. Mais la sueur du front dont il est parlé dans l’Écriture n’est pas pour eux une simple manière de s’exprimer, et cette sueur n’arrose pas toujours un sol qui les récompensera de leurs rudes travaux. Ils ne reçoivent pas toujours le salaire dû à leur labeur.

Les vents qui renversent, les pluies qui détrempent, les gelées qui détruisent, les grêles qui ravagent, les insectes qui dévorent, autant d’ennemis conjurés contre eux et contre qui ils ne peuvent rien. LA NATURE EST FÉCONDE EN FLÉAUX COMME EN BIENFAITS.

Mais, vous le savez, tous les métiers ont des inconvénients analogues.

Le commerçant, l’industriel, sont en butte à de non moins grandes traverses. Pendant des années souvent les affaires languissent, les faillites pleuvent, les pertes d’argent se multiplient, et les soucis, les inquiétudes, les angoisses, sont à l’avenant.

Pour un individu qui réussit et qu’on se montre avec envie, combien qui vivent d’expédients, dans la gêne et la détresse, pendant toute une difficile carrière! Combien qui perdent en un moment ce qu’ils ont lentement amassé et qui finissent plus pauvres qu’au début et réduits à un morceau de pain.

N’allez pas croire que les professions qu’on appelle libérales soient beaucoup plus épargnées et qu’elles soient exemptes de pareilles misères. Si vous assistiez aux longues veilles, aux incertitudes, aux fiévreuses recherches qui accompagnent ces carrières si enviées, vous reconnaîtriez avec l’Ecclésiaste que là aussi il y a vanité et rongement d’esprit.

Tandis qu’au bout de la journée l’ouvrier, le commis, l’employé, peuvent se dire qu’ils ont terminé leur travail, et se délasser dans la satisfaction d’une tâche accomplie, un homme de cabinet n’a jamais achevé la sienne. La responsabilité dont il est chargé est souvent fort grande. A chaque jour arrivent de nouveaux cas auxquels il faut faire face.

Une idée le poursuit jusque dans ses repas, jusque dans ses promenades, et ne respecte pas même le repos de ses nuits. S’il ne connaît guère la fatigue des membres, il connaît celle d’un cerveau constamment tendu.

Ah! les épines croissent partout, jusqu’aux pieds de celui qui occupe la position la plus élevée, et celles-là ne sont pas les moins aiguës ni les moins cuisantes.

Il n’est pas jusqu’au ministère évangélique lui-même, dont on se fait parfois une idylle, qui n’ait ses douloureuses difficultés. Sans doute:

il est beau d’être habituellement occupé, par devoir d’état, des choses les plus sublimes qui puissent remplir l’esprit humain;

il est beau de proclamer aux hommes les promesses et l’amour de Dieu, de leur répéter que Jésus est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu, et de les presser de se donner à lui;

il est beau d’être tour à tour instructeur, consolateur, prédicateur, et de sentir qu’on est entre les mains du Seigneur un instrument de salut.

Pour moi, je ne me suis jamais repenti d’avoir répondu à la vocation que j’ai discernée dès mes jeunes années; si je devais recommencer la vie, je ferais encore des études de théologie et j’aspirerais aux saintes fonctions du pasteur; et je conjure les parents qui auraient un enfant animé des mêmes dispositions de ne pas le détourner de sa vocation, mais de l’y encourager au contraire.

Et pourtant ces épines que connaissent ceux de nos frères qui ont un autre genre d’activité ne nous blessent-elles pas le cœur aussi?

Notre insuffisance pour la tâche immense qui nous est confiée nous trouble souvent;

notre conscience nous reproche notre peu de zèle, et plus nous faisons, plus nous sentons qu’il faudrait faire;

les souffrances des autres que nous sommes appelés à voir tous les jours et de près nous émeuvent douloureusement;

le péché de tant d’âmes qui ne veulent pas accepter le remède de l’Évangile nous désole;

nous sommes attristés à chaque moment, pour ainsi dire, par l’incrédulité des uns, par l’indifférence des autres et par le peu de fruits visibles de notre ministère.


Mais pourquoi vous parler ainsi, pourquoi remuer ces sujets d’amertume, pourquoi venir ajouter à votre fardeau une partie du nôtre?

Ne savez-vous pas que l’activité de l’homme, quelle qu’elle puisse être, est un labeur, que la sentence de Dieu pèse sur nous comme sur nos premiers parents, et que, lorsque le Christ lui-même est apparu sur la terre, il a dû subir la loi commune. Et cependant, si bien des peines sont attachées à nos travaux, sachons reconnaître que LE TRAVAIL EST, comme aux premiers temps, UNE BÉNÉDICTION, UN INCOMPARABLE BIENFAIT.

Le travail fournit à la vie son emploi. Celui qui n’est pas obligé de travailler pour vivre et qui ne trouve pas, du reste, dans les sciences, les lettres, les arts ou la bienfaisance, un aliment à son activité, est un être digne de pitié.

J’aimerais mieux être un ouvrier mineur enseveli pendant la moitié de sa vie dans les entrailles de la terre, j’aimerais mieux être le manœuvre qui tourne une manivelle durant tout le jour, ou un esclave des colonies cultivant la canne à sucre sous un soleil de feu, que d’être un riche oisif.

L’ennui, je ne parle pas de l’ennui temporaire que nous connaissons tous, de ces moments d’ennui toujours plus ou moins fréquents dans la vie, mais l’ennui chronique, l’ennui passé à l’état de maladie incurable multipliant les chagrins imaginaires, tel est le châtiment de celui qui n’a pas su donner à sa vie un aliment et un but. Oh! bénissons Dieu de ce qu’à chaque matin nous n’avons pas à dire: «Comment remplir ces longues heures, comment arriver au soir?» Pour nous le devoir est là: à l’œuvre et le cœur content.


Le travail est un remède aux épreuves si nombreuses dont l’existence est parsemée.

La veuve désolée retrouve du courage à se dire: il me reste l’éducation de mes enfants.

L’époux privé de sa compagne reprend goût à la vie, s’il faut se remettre aussitôt à la tâche pour subvenir aux besoins des siens.

L’homme qui a perdu ses espérances terrestres éprouve une sorte de soulagement à se dévouer avec plus d’ardeur aux devoirs de sa vocation; et l’apôtre Pierre lui-même, qui avait vu son maître périr sur la croix, chercha aussitôt un peu de consolation en retournant à ses filets et à sa barque depuis longtemps abandonnés: Je vais pêcher. Quand notre esprit ou nos mains travaillent, le fardeau qui oppresse le cœur roule à nos pieds.


Le travail a un autre effet encore: il éloigne les tentations.

Ce n’est guère au sein des occupations que les mauvaises pensées entrent dans le cœur et qu’elles peuvent déployer leurs fâcheux résultats. Croyons à la sagesse populaire qui a gravé dans nos mémoires ce proverbe:


L’OISIVETÉ EST LA MÈRE DE TOUS LES VICES.


La même pensée est exprimée autrement dans une maxime qui a cours en Italie. L’homme qui travaille, dit cette maxime, est tenté par un seul diable; celui qui ne travaille pas, par un millier de démons.

Quand le roi David commit-il la grande faute de sa vie?

N’est-ce pas quand il se promenait sur ses terrasses au lieu de conduire ses armées contre Rabbath-Ammon?

Quand Salomon s’affaissa-t-il dans l’idolâtrie et l’inconduite?

C’est lorsqu’il eut terminé ses grandes œuvres et qu’il crut pouvoir s’adonner au repos.

Quand Achab se chargea-t-il du meurtre de Naboth?

C’est lorsqu’il passait de longs loisirs dans le palais de Jizréhel.

Et s’il y a encore aujourd’hui des médisances, s’il y des excès, des impudicités, s’il y a des péchés de toutes sortes, soyez sûrs que dans un grand nombre de cas l’oisiveté a, sinon causé, du moins facilité ces actes condamnables.


Le travail enfin remplit le cœur de joie.

Celui qui travaille se sent utile à quelque chose et à quelqu’un, et le sentiment de la dignité personnelle est par là relevé. L’humanité est un grand corps dont nous sommes les membres, une immense machine dont chacun de nous est un rouage. Personne n’a le droit de vivre dans la société sans y être utile d’une manière quelconque; puisqu’il retire des services de tous, il doit en rendre à son tour.

Quelque place que vous occupiez, quelque métier que vous puissiez exercer, si vous vous y vouez comme il convient de le faire, vous vous sentez dans l’ordre et vous pouvez dire: Je travaille pour une infinité de personnes; qui en revanche travaillent pour moi.

Ici-bas règne un système de services réciproques. Dieu l’a voulu ainsi. Tout objet dont nous usons est le produit du travail d’une foule de gens à qui nous sommes redevables.

Prenez par exemple l’objet qui de notre temps est d’un usage toujours plus universel et qui est devenu indispensable dans notre civilisation: prenons un livre, un de ces jolis livres qui charment nos loisirs du Dimanche et des longues soirées d’hiver.

Ce n’est pas seulement à l’auteur, à l’écrivain que nous le devons, c’est à un grand nombre d’autres gens:

aux chiffonniers qui ont ramassé la matière première,

aux ouvriers qui ont façonné le papier dont il est fait,

aux imprimeurs qui en ont composé et tiré les exemplaires,

aux relieurs qui ont rassemblé les feuillets pour confectionner le volume;

et ce n’est pas tout!

Chacune de ces opérations n’a pu se faire qu’au moyen de substances, d’outils, de machines auxquels ont dû travailler nombre de mains.

En supposant que ce volume que je tiens, considéré dans toutes ses parties, ait passé par mille mains différentes, je n’excède pas la vérité. Voilà donc mille personnes qui ont travaillé directement ou indirectement à me donner ce livre, et autant peut-être pour chaque aliment, chaque vêtement, chaque objet à mon usage. Ils ont tous travaillé pour moi, et je ne ferais rien pour eux! Ah! qu’elle est sage, qu’elle est raisonnable, qu’elle est digne d’attention la parole de l’apôtre:


Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus.


Je n’ai pas à vous recommander le travail.

Nous sommes tous laborieux par goût, par raison ou par nécessité. Tout au plus pourrais-je dire aux plus jeunes de mes auditeurs: — Gardez-vous de la paresse qui est un défaut fréquent à votre âge; prenez dès l’enfance de bonnes habitudes sous ce rapport; et, cultivant soigneusement votre intelligence sur les bancs de l’école, préparez-vous un instrument qui vous sera précieux plus tard dans la lutte pour l’existence, quelle que soit votre carrière. — Mais voici ce que je puis dire à tous:

Travaillez avec joie, non pas servilement et en murmurant contre votre sort, mais par obéissance pour Dieu.

Travaillez avec conscience et fidélité, vous attachant à tout faire et à tout bien faire ce que vous devez.

Travaillez paisiblement, mettant de côté toute agitation, tout souci coupable, toute inquiétude provenant du défaut de vraie religion.

Travaillez avec reconnaissance, car c’est un privilège de pouvoir le faire, et ceux qui sont pour un temps réduits à l’inaction le savent bien.

Travaillez avec piété, comme attendant tout du Dieu qui bénit l’œuvre de ses enfants, car en vain vous levez-vous matin, en vain vous couchez-vous tard, dit le psalmiste, si l'Éternel n’est avec vous.


Enfin, et prenez bien garde à ceci: L’homme du monde le plus actif, le plus laborieux, le plus occupé, n’est qu’un homme OISIF qui passe sa vie à ne RIEN faire ou à faire des RIENS,


LORSQUE SON GRAND BUT N’EST PAS DE SAUVER SA PROPRE ÂME

ET DE GAGNER LE CIEL POUR TOUS LES SIENS.


C’est à quoi nous exhorte la sainte Écriture dans deux déclarations que je veux vous citer pour que vous vous en souveniez et que vous vous y conformiez dès à présent, si vous ne l’avez fait jusqu’ici:


Travaillez non pour la nourriture qui périt,

mais pour celle qui subsiste dans la vie éternelle.


* * *


Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement.

Ainsi donc, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables,

travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur,

sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur.



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