Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMONS PRATIQUES

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LE CONTENTEMENT

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J’ai appris à être content dans toutes les positions où je me trouve. Philipp. IV, 11.

Si l’apôtre Paul nous dit qu’il a APPRIS à être content, c’est parce qu’il ne l’a pas toujours été. Il a connu sans doute ce mécontentement douloureux qui est le partage d’un si grand nombre d’hommes. Il comprend pour l’avoir lui-même éprouvé ce sentiment de murmure et presque de révolte contre la destinée, qui à certaines heures s’empare d’une âme et la remplit d’amertume.

Mais il surmonta victorieusement cette impression qui empoisonne parfois des existences à tous égards admirablement favorisées; il dépassa ce stage précaire et malheureux où tant d’autres s’éternisent; l’expérience de la vie lui ouvrit les yeux, et ses rapports avec le Christ lui donnèrent la force de tout supporter avec une sorte de joie: J’AI APPRIS, dit-il, à être content.

Nous aussi, nous devons arriver au même point que l’apôtre. À l’école de l’expérience il nous faut déposer ces rêves et ces chimères qui accompagnent pour l’ordinaire nos plus jeunes années; À L’ÉCOLE DU SEIGNEUR il faut nous former à discerner les vrais biens pour les faire nôtres et les posséder à toujours; il faut en un mot, profitant à la fois des leçons de la vie et de celles de l’Évangile, que nous apprenions à être contents.


Contentement n’est pas gaieté.

La gaieté est intermittente et passagère. Elle naît d’une occasion et disparaît avec elle; elle est l’apanage de l’insouciante jeunesse ou le privilège de quelques-uns dont l’enjouement persiste et qui savent se conserver gais malgré les ans; elle est quelquefois un voile dont on aime à s’envelopper dans la société, mais quand on est chez soi le voile tombe et laisse voir un caractère d’autant plus morose qu’on a fait plus d’efforts pour le dissimuler. Les éclats d’une joie bruyante, les saillies les plus spirituelles, une vivacité aimable et charmante peuvent recouvrir un fond de tristesse intime et un grand mécontentement.

Contentement n’est pas bonheur.

Ce contentement nous est recommandé justement parce que le vrai bonheur est insaisissable ici-bas.

On peut être content tout en aspirant au mieux, en luttant avec énergie pour améliorer son état, en faisant de grands efforts pour écarter une éventualité fâcheuse, en formant des vœux ardents pour voir arriver telle chose qui comblerait de légitimes espérances.

On peut être content tout en se sentant sur une terre d’exil, travaillé de ces besoins inassouvis, de cette noble attente, de ces généreuses aspirations, de ce mal du pays enfin qu’on a si gracieusement appelé la nostalgie du ciel.

On peut être content, au sens chrétien de ce mot, même au milieu des coups qui frappent et qui semblent devoir abattre et désespérer.

Qu’est-ce donc que le contentement?

C’est l’état de celui qui SANS MURMURER accepte sa situation, sans faiblir y fait courageusement face, et qui, quelles que puissent être les circonstances extérieures, garde la paix intérieure.

C’est une vertu; la philosophie antique l’avait reconnu déjà et en faisait la principale condition de la vraie sagesse: voyez les Stoïciens. C’est une vertu que tout homme doit acquérir, autrement il n’y a pour lui, en dernier ressort, que trouble et agitation sur la terre: consultez tant d’expériences faites.

C’est une vertu chrétienne que l’Évangile seul peut nous donner et surtout nous conserver: demandez-le à tous ces témoins qui ont marché sur les traces de Paul et appris à être contents.

Ô vous qui, oubliant les biens sans nombre dont vous jouissez, plus sensibles encore à ce qui vous manque et à ce que vous voudriez avoir qu’à ce que Dieu vous a donné, consumez vos jours en vœux stériles ou en injustes lamentations!

Ô vous qui ne savez pas supporter ces contrariétés que chaque jour amène, piqûres insupportables que vous ne subissez qu’avec impatience!

Ô vous qui êtes accablés peut-être par l’un de ces coups funestes auxquels il est si rare d’échapper dans le cours d’une vie!

ÉCOUTEZ LE LANGAGE DE L’ÉVANGILE, contemplez les grands modèles qu’il nous met sous les yeux, et recherchez avec moi quelle est la source où l’apôtre Paul puisait son contentement, pour boire aux mêmes eaux et donner ensuite les mêmes exemples.


Le contentement de Paul venait d’abord de sa foi inébranlable dans le gouvernement de Dieu.

Il avait compris ce mot de l’Écriture: Il y a dans le cœur de l’homme beaucoup de projets, mais c’est le plan de l’Éternel qui s’accomplit; il avait reconnu la vérité de ces paroles du prophète: Qui est-ce qui dit que cela s’est fait et que le Seigneur ne l’a pas commandé? Les maux comme les liens ne procèdent-ils pas de l'Éternel?

Il le voyait ce gouvernement, dirigeant l’humanité dans son ensemble, et par un plan admirable de sagesse et d’amour la conduisant à son salut.

La chute de nos premiers parents,

la promesse d’une rédemption,

la formation d’un peuple chargé de conserver cette promesse dont le souvenir se serait autrement perdu,

la venue du Christ arrivant au temps propice,

la conduite insensée de la nation élue qui, en rejetant pour elle-même le Rédempteur, nécessitait l’appel immédiat de tous les païens dans le nouveau royaume de Dieu, dans ce nouvel Israël dont le premier n’était que le type,

les succès enfin de cette vocation dont il était lui Paul le principal instrument:

tout cela lui apparaissait clairement comme le résultat de l’action directe d’une puissance supérieure, comme la manifestation indubitable de lA MAIN DE DIEU DANS L’HUMANITÉ.

Il le discernait aussi ce gouvernement, dans tout ce qui concerne les individus auxquels Dieu donne la vie, le mouvement et l’être, auxquels Dieu dispense les saisons fertiles et dont il remplit le cœur de joie; mais il éclatait surtout en chants d’allégresse, il entonnait comme une hymne joyeuse lorsqu’il songeait à ceux qui recevaient grâce sur grâce et qui étaient conduits d’étape en étape, par l’effet d’une miséricorde inouïe, jusqu’au bonheur éternel.

Nous savons, disait-il, que toutes choses contribuent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qu’il a appelés conformément à son plan, et ceux qu’il a appelés, il les a justifiés, et ceux qu’il a justifiés il les a aussi glorifiés

Mais ce gouvernement lui semblait surtout visible dans sa propre histoire. Il en était une preuve vivante, un témoignage parlant.

Élevé dans la doctrine des Pharisiens, fanatique jusqu’à la persécution, puis converti par une dispensation merveilleuse, admis au bonheur de voir et d’entendre le Seigneur, appelé à l’apostolat, béni dans son ministère au delà de toute prévision...

Ah! n’avait-il pas raison de se sentir toujours sous la direction d’un plus grand que lui, et de s’abandonner dans tous les moments à la main puissante du Seigneur?

Tout ce qui lui arrivait, tous les détails de sa vie procédaient d’une volonté souveraine.

Était-il empêché de se rendre dans une province où il croyait sa présence nécessaire, pour être entraîné d’un autre côté: VOLONTÉ DE DIEU!

Quelque épreuve humiliante et indissolublement attachée à sa personne, épreuve que dans son langage pittoresque il appelle un soufflet de Satan, lui survenait-elle: VOLONTÉ DE DIEU?

Ses adversaires qui n’étaient autres que les adversaires de Christ triomphaient-ils momentanément, avait-il devant lui la perspective de laisser son œuvreinachevée et de sortir de la lutte avant le temps: Volonté incompréhensible, mais VOLONTÉ DE DIEU! miséricordieuse, sage, agréable, parfaite VOLONTÉ DE DIEU!


Exemple profitable à tous, mais qui doit être plus spécialement médité par ceux qui seraient tentés de donner comme prétexte à leurs murmures, à leurs impatiences, à leur mécontentement, les maux de toutes sortes qu’ils ont rencontrés et qu’ils rencontrent dans la vie.

Exemple qui se trouvait sans doute présent à l’esprit de ce pauvre jeune malade, privé de l’usage de la parole, accablé de toutes sortes de misères corporelles, devant qui quelques personnes compatissantes se disaient: «Comment peut-il se faire qu’un pareil sort soit infligé à ce malheureux qui n’a jamais connu que la douleur dans sa vie.» Alors il inscrivit sur une ardoise (c’était le seul moyen qu’il avait de s’exprimer): «Il en est ainsi, ô Dieu, parce que tu l’as trouvé bon.»

Il en est ainsi, Dieu, parce que tu l’as trouvé bon. Oh! savons-nous aussi nous courber avec foi devant les décisions de la Providence; savons-nous reconnaître une volonté de Dieu dans tout ce qui nous arrive; avons-nous la religion de nous dire que Dieu est un Père qui fait notre éducation même lorsqu’il frappe, justement parce qu’il frappe?

Nous sommes exposés de mille manières, nous souffrons de causes diverses. Celui-ci est affligé d’un corps malade, celui-là a le cœur atteint, les uns luttent péniblement pour la vie, les autres ne voient pas aboutir leur plus chère espérance, la plupart arrangeraient autrement leur sort s’il leur était donné de le diriger.

Ô foi puissante de saint Paul, où es-tu?

Où es-tu pour leur montrer derrière la verge qu’ils sentent la main paternelle de Dieu?

Où es-tu pour leur apprendre qu’ils sont non pas les jouets d’un sort aveugle, mais des enfants dont l’âme doit s’épanouir, dont le cœur doit se développer et se purifier, dont l’être doit se réaliser par une sage et divine éducation?

Il en est qui trouvent leur tâche difficile, leur lot maigre, leur destinée bien dure. Pensent-ils aux épreuves qui leur sont épargnées et qui tombent pourtant tout autour d’eux sur un si grand nombre d’hommes, aux biens inestimables dont ils font si peu de cas et qui leur sembleraient si désirables si soudain ils en étaient privés, à toutes les compensations qui leur sont accordées?

Je veux entrer néanmoins dans leur sentiment, je veux croire que leur vie est aussi noire qu’ils se la représentent, je veux me mettre exactement à leur point de vue, mais en apportant cette ferme croyance que LA VIE PRÉSENTE N’EST QU’UNE PRÉPARATION À LA VIE FUTURE, que Dieu nous destine pour le ciel et qu’il veut nous y élever par tous les moyens, qu’il fait concourir à ce but les événements qu’il dirige et jusqu’au moindre détail de notre histoire.

Ô vous qui n’êtes encore que des enfants par rapport au ciel, vous qui ne serez des hommes faits que lorsque vous aurez quitté ce séjour provisoire pour pénétrer dans cet au delà lumineux qui s’ouvrira plus tard devant vous, ne vous laisserez-vous pas instruire par ce qui se passe ici-bas?

N’avez-vous pas remarqué que parmi les hommes supérieurs, parmi ceux qui ont atteint les plus hautes limites du savoir et du pouvoir humains, parmi ceux qui ont acquis le plus de gloire ou qui ont fait le plus de bien, un grand nombre eurent des débuts difficiles, durent lutter péniblement et douloureusement pendant de longues années et n’auraient jamais été ce qu’ils furent si leur cœur ne se fût trempé comme l’acier à cette rude école.

Heureux donc peut-être, si nous regardons à l’issue, ceux qui, selon nos vues bornées, sont le plus à plaindre, ceux dont l’âme sillonnée et profondément labourée, mais enrichie d’une semence divine, se préparent une belle récolte pour le Royaume de Dieu.


Le contentement de saint Paul. provenait encore de la conscience qu’il avait d’être dans la ligne du devoir et de remplir sa tâche ici-bas.

Appelé à la charge difficile de l’apostolat, il s’y était aussitôt consacré sans consulter la chair ni le sang, nous dit-il, et sans regarder en arrière.

Les sacrifices ne lui coûtent rien. Il renonce à tout, il se dévoue absolument à l’œuvre qui lui est confiée. Le voici qui part, qui s’expose à tous les périls, qui subit la fatigue, le dénuement, la tempête, la prison, le fouet, la persécution. Qu’importe? Son devoir est d’aller, et il va; de prêcher, et il prêche; de mourir s’il le faut, et il est prêt à donner sa vie.

Avec quelle ardeur il parle aux âmes, avec quel amour il les presse de se convertir, avec quelle sollicitude il les conjure de garder la foi et de rester dans le droit sentier!

Sans doute il n’est point parfait. Il y a dans son caractère des défauts dont il souffre et contre lesquels il ne cesse de lutter; il y a dans son œuvre des déficits qu’il s’attribue et qu’il déplore; mais il est fidèle, il veut l’être, et il trouve dans cette fidélité même la source d’une incomparable satisfaction.

Ah! éclairons-nous à cette lumière! Dieu a établi dans le monde cette loi pleine de sagesse qui veut que CELUI QUI S’ÉCARTE DU DEVOIR EN SOUFFRE, mais que celui qui y reste fidèle reçoive en retour une grande joie intérieure.

Mon frère, vous éprouvez peut-être un certain malaise de conscience, vous êtes pour l’ordinaire mécontent, vous êtes souvent oppressé comme si un fardeau pesait de tout son poids sur vous. Prenez garde!

Je ne dis pas qu’il y a un vice secret que vous caressez;

je ne dis pas qu’il y a un péché, inconnu de tous sauf de Dieu, auquel vous vous livrez dans l’ombre;

je ne dis pas que votre vie ne soit point tout à fait honorable;

mais j’affirme qu’il y a UN DEVOIR QUE VOUS DÉLAISSEZ, je suis certain qu’il y a un déficit dans la façon dont vous remplissez quelques-unes de vos obligations sur la terre.

Prenant donc en mains le flambeau de l’Évangile portez-le dans votre cœur, faites des perquisitions dans les sentiers que vous foulez, recherchez avec soin ce que Dieu attend de votre fidélité dans la situation qui est faite à vous et aux vôtres, puis mettez-vous à l’œuvre, ferme au devoir, quel qu’il soit, et vous retrouverez la joie et la paix; vous goûterez le contentement de saint Paul.


Le contentement de l’apôtre avait une source plus élevée encore et plus pure que celles que je viens de faire jaillir devant vous.

L’assurance qu’il avait d’appartenir à l’alliance de grâce et d’être au nombre des rachetés de Jésus-Christ lui tenait lieu de tout le reste.

Qu’est-ce qui pouvait le troubler d’une façon durable, lui qui se sentait l’objet d’un amour éternel?

Qu’est-ce qui pouvait lui arracher la douce satisfaction d’appartenir pour toujours à Dieu et au Seigneur?

C’était pour lui un perpétuel sujet d’actions de grâces. Béni soit Dieu, disait-il, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, de ce qu’il nous a comblés en Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans les cieux.

C’est en Christ qu’il nous a élus avant la fondation du monde, pour être saints et parfaits devant lui, après nous avoir, dans son amour, désignés d’avance pour ses fils adoptifs par Jésus-Christ, d’après le bon plaisir de sa volonté...

Ah! si nous apprenions à être vraiment chrétiens, nous apprendrions en même temps à être vraiment contents. Si nous avions une foi plus ferme, nous aurions aussi une plus grande joie, à la lueur de laquelle tous nos jours seraient éclairés.


Nous sommes chrétiens. Quel bonheur de nous sentir aimés de Dieu, adoptés comme enfants du Père céleste!

Nous sommes chrétiens. Quel bonheur de nous sentir libres, libres de la condamnation du péché, libres de l’esclavage du mal, participants de l’esprit du Seigneur, car là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté!

Nous sommes chrétiens. Quel bonheur encore de posséder une solide espérance, et de pouvoir nous dire: Soyons joyeux dans l’espérance.

Ah! nous ne sentons pas assez vivement ces choses, parce que NOUS EN SOMMES BLASÉS, parce que nous les avons entendu répéter dès notre enfance, parce que nous ne les avons pas saisies comme une vivante réalité.

Elles nous plaisent, car enfin nous y tenons, mais ELLES NE NOUS ÉMEUVENT QUE DE LOIN EN LOIN, elles ne pénètrent pas assez notre cœur.

Oh! si elles nous étaient pour la première fois annoncées, quelle impression elles feraient sur nos âmes, comme sur l’âme de ce pauvre sauvage qui, ayant entendu prêcher l’Évangile, apprenant à connaître l’amour de Dieu, la personne de Christ, le salut offert à tous les pécheurs, touché jusqu’aux larmes, transporté de joie, incapable de maîtriser son sentiment, se mit à parcourir la rue de son village en criant à haute voix: J’ai trouvé ce qu’il me faut, j’ai trouvé ce qu’il me faut!


Résumons.

Croyons-nous que Dieu gouverne toutes choses par sa mystérieuse et souveraine Providence?

Oui, nous croyons que Dieu gouverne toutes choses par sa mystérieuse et souveraine providence.

Nous efforçons-nous d’être fidèles dans notre conduite journalière, et demandons-nous à Dieu de nous aider à remplir consciencieusement tous nos devoirs et toutes nos obligations?

Oui, nous nous efforçons d’être fidèles et nous demandons à Dieu de nous aider à remplir consciencieusement tous nos devoirs et toutes nos obligations.

Sommes-nous convaincus que Dieu a envoyé son Fils pour nous chercher et nous sauver, et que nous avons par lui la vie étemelle?

Oui, nous sommes convaincus que Dieu a envoyé son Fils pour nous chercher et nous sauver, et que nous avons par lui la vie éternelle.

EST-CE VRAI? AVONS-NOUS BIEN RÉPONDU?

Si oui, chacun de nous peut répéter après l’apôtre Paul:


J’ai appris à être content dans toutes les positions où je me trouve.

Je puis tout par Celui qui me fortifie.




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