Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMONS PRATIQUES

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LE SUPPORT

(Supportez et pardonnez)

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Je vous prie donc instamment, moi qui suis prisonnier dans le Seigneur, de vous conduire d'une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, et cela, en toute humilité et en toute douceur, avec longanimité, vous supportant les uns les autres avec charité, vous efforçant de conserver l'unité de l'esprit par le lien de la paix. Éphésiens IV, 1-3.

Sur la porte d’une chambre d’enfants, en Alsace, un voyageur lut un jour cette devise: Supportez et pardonnez. Ces mots paraissent fort bien choisis pour être rappelés à chaque heure non seulement aux enfants, mais à tous, car il convient d’avoir constamment dans la mémoire ce qu’il faut constamment pratiquer. 


Supportez et pardonnez.

Il n’est pas d’heure de la journée où nous n’ayons à mettre en pratique ce conseil, il n’est pas de position où l’on puisse l’oublier, il n’est pas d’âge auquel il soit superflu de le rappeler.

M’appuyant sur la belle parole de l’Écriture que je vous ai lue, je voudrais donc suspendre ces deux mots sous vos yeux, et les graver dans votre cœur, en sorte que désormais, à la maison et dans tous vos rapports avec les hommes, vous conduisant d’une manière digne de votre vocation, avec toute sorte d’humilité et de douceur, et un esprit patient, vous vous supportiez les uns les autres avec charité, ayant soin de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix.

C’est tout particulièrement la famille, le support dans la famille, la charité se manifestant à chaque heure du jour entre ceux qui portent le même nom, qui ont le même sang et qui vivent sous le même toit, que j’ai en vue dans cette méditation sur laquelle j’invoque la bénédiction de Dieu et les grâces de son Esprit.

Il semble, au premier abord, que des hommes auquel la Providence a donné communauté d'intérêts et de vie, qui ont passé de longues années côte à côte, confondant leurs peines et leurs joies, leurs inquiétudes et leurs espérances, leurs larmes et leurs sourires, ou qui ont grandi ensemble autour d’un foyer où se concentrent tous leurs souvenirs; il semble que de tels hommes, attentifs à prévenir leurs mutuels désirs, à oublier leurs torts réciproques, unis par l’affection la plus tendre et la plus continue, devraient vivre constamment en paix, sans qu’aucun sujet de discorde pût troubler l’harmonie de leurs cœurs, sans qu’aucune ombre vînt assombrir la claire flamme du foyer.

Est-ce ainsi que les choses se passent?

Je voudrais le croire, mais la réalité le dément, souvent même dans des maisons où Dieu est en honneur, où la religion n’est pas absente, où l’Évangile de Christ est accepté.

Ah! si nous pouvions ouvrir la porte à certains jours et prêter l’oreille à ce qui se dit, que de manques de support, que d'atteintes à la charité n’aurions-nous pas à déplorer! que de mots piquants et injustes, que de discussions aigres, que de scènes violentes peut-être viendraient nous effrayer et nous forcer à rebrousser chemin!

AU POINT DE VUE CHRÉTIEN, CELA EST BIEN TRISTE; humainement parlant, cela ne saurait nous étonner, si nous réfléchissons à ce que sont les hommes.

Il y a entre eux de grandes différences dans le caractère.

Celui-ci est ardent,

celui-là est enclin à la mollesse;

celui-ci est audacieux jusqu’à la témérité,

celui-là timide jusqu’à l’excès;

celui-ci est gai et voit tout en beau,

celui-là est sombre et voit tout en noir;

celui-ci est franc et ouvert,

celui-là renfermé et taciturne.

Nous n’en finirions pas si nous voulions poursuivre ces contrastes.

Lorsque des caractères aussi opposés sont rapprochés dans une vie commune, des conflits surgissent tout naturellement, à moins que la charité ne soit toujours présente pour comprendre les autres et pour les supporter.


Il y a souvent dans les familles des divergences de goûts.

Le mari par exemple aime sa tranquillité, son foyer, son chez soi, et la femme cherche son plaisir dans des réunions mondaines; ou bien c’est le contraire, et la mère affectionne la vie sédentaire, tandis que le père se plaît dans la société.

Tel membre de la famille est enclin à la dépense et au luxe, ce qui irrite tel autre porté à une sage économie ou peut-être à une excessive parcimonie.

Ici encore nous pourrions continuer longtemps. Ah! si l’on ne se prête pas à des concessions raisonnables et permises, si l’esprit de sacrifice est absent, SI L’AMOUR CHRÉTIEN NE COUVRE PAS TOUT DE SON MANTEAU, que d’étincelles vont jaillir au rude choc de ces volontés opiniâtres et opposées!


Il y a aussi, parmi ceux qui vivent ensemble, des inégalités d’intelligence ou de développement intellectuel et moral.

Ici une femme qui a un certain degré de culture avec un homme qui en a beaucoup moins;

là une personne qui a des besoins religieux intenses et une autre personne indifférente ou sceptique;

celui-ci a sous les yeux un idéal élevé et marche vers la perfection,

cet autre se débat dans la médiocrité de la vie.

À Dieu ne plaise que j’engage ceux qui ont la supériorité d’esprit et d’âme à ne pas faire tous leurs efforts pour élever ceux qui s’agitent au-dessous et pour les entraîner plus haut avec eux; à Dieu ne plaise que je les convie à négliger le plus pressant de leurs devoirs peut-être; mais ce que la religion commande, c’est d’employer la douceur, la plus grande douceur, sans se fâcher, sans s’impatienter, sans présenter même l’apparence de l’irritation, selon cette parole de l’apôtre: Nous vous prions de supporter les faibles.


Il y a enfin dans les familles, c’est inévitable, des fautes commises, des injures lancées, des injustices faites quelquefois, des torts réciproques, dont le souvenir ne disparaît point aisément et qui s’oublient moins vite que les témoignages d’affection, que les soins donnés, que toute une vie de dévouement peut-être, et c’est une menace perpétuelle d’orage, parce que les uns et les autres sont toujours prêts à les rappeler ou à les reprocher.

Ajoutez à tous ces principes de trouble les défauts particuliers de chacun, qui ont le don d’exaspérer ceux qui possèdent justement les défauts contraires; réunissez toutes les causes de division que j’ai passées sous silence, tous les éléments de discorde spéciaux à chaque situation, et demandez-vous ce que deviennent les familles si le support chrétien n’y est pas largement pratiqué. Notre intérêt bien entendu, le simple raisonnement, la considération de l’Évangile concourent à nous pousser dans la voie que je vous recommande.


D’abord notre intérêt bien entendu. Celui qui s’irrite facilement contre ceux avec qui il est appelé à vivre, travaille contre son propre bonheur.

Comment la joie se trouverait-elle en effet là où la paix ne règne pas, et comment la paix régnerait-elle là où le support n’existe pas?

Cette jeune fille avait vu dans son futur époux un homme exceptionnel, doué de toutes sortes de qualités qu’hélas! il est loin de posséder; ce jeune homme avait embelli sa compagne d’une foule de grâces et de vertus; et la réalité est venue, avec son cortège de désenchantements: les défauts de chacun se sont montrés.

Il suffirait d’un peu de support pour arranger tout cela, d’un peu d’indulgence réciproque, et tout irait bien. Au contraire, malgré les années qui passent, ce sont tiraillements perpétuels, contestations incessantes; chacun se croit une victime, en toute bonne foi. Ah! le bonheur a fui cette maison, et il faudrait si peu de chose pour l’y ramener!

Des frères, des sœurs sont séparés par ces différences de caractère et ces diversités de goûts, dont nous avons parlé. On s’aime beaucoup; on se défendrait au besoin les uns les autres avec énergie contre les attaques ou les calomnies du dehors; on pleurerait en se séparant. Toutefois on entre en lutte souvent, la guerre s’allume au foyer, le feu couve sous la cendre, et il suffit d’un souffle, d’un mot, d'un regard quelquefois, pour le faire éclater. Ah! le bonheur, ce bonheur qui réside dans l’union, dans l’intimité des cœurs, comment se trouverait-il dans cette maison?

Ai-je raison? N’est-ce pas ce qui arrive trop souvent? Achevez vous-mêmes ces tableaux. Vous pourriez multiplier les exemples, et nous verrions, en le déplorant, que beaucoup d’existences sont rendues malheureuses, qui pourraient offrir les plus douces joies s’il y avait..... quoi? L’esprit chrétien qui ne s’irrite pas, qui supporte et qui pardonne.


Quiconque ne supporte pas les autres avec leurs défauts et leurs faiblesses, pèche en deuxième lieu contre la raison.

Serait-il parfait lui-même, ne faut-il pas qu’on le supporte?

Est-il sans défaut?

Or, qu’il fasse aux autres ce qu’il voudrait qu’on fît pour lui. — Sans doute, répondra quelqu’un, je ne suis pas parfait, mais... les défauts qu’on peut me reprocher ne sont pas si voyants, si désagréables que ceux de tel ou tel qu’il est bien difficile de supporter.

En êtes-vous sûrs?

Ne regardez-vous pas avec un verre grossissant les défauts des autres?

La poutre dont parlait le Seigneur Jésus-Christ ne serait-elle pas dans votre œil, tandis que vous dénoncez amèrement la paille qui est dans l’œil de votre frère?

Que diraient-ils ceux qui vivent avec vous, ceux qui vous connaissent de près, si nous les interrogions et qu’ils voulussent nous parler sans détours?

Ils diraient que vous êtes laborieux et honnête, il est vrai, mais que vous êtes dur, et que vous pensez beaucoup plus à vous qu’aux autres.

Ils diraient que vous savez diriger un ménage et que vous êtes douée de beaucoup de sens, mais que vous êtes d’une susceptibilité excessive et qu’à certaines heures rien n’égale la violence de votre emportement.

Ils diraient qu’on ne sait trop comment vous prendre, que ce qui vous plaît un jour vous fâche un autre, que vous avez peu de suite dans les idées et dans les impressions.

Ils diraient... mais que nous importe ce qu’ils diraient?

Songeons à ce que nous sommes, soyons modestes, soyons humbles, n’ayons pas une haute opinion de nous-mêmes; regardons les autres comme beaucoup plus excellents que nous; montrons à chaque instant beaucoup de support si nous voulons qu’on en montre un peu à notre égard.


Ce que l’intérêt et la raison nous commandent, la religion nous le prescrit.

De quoi nous parle-t-elle cette religion?

Elle nous parle d’un Dieu tout-puissant, souverainement sage, absolument saint, qui abaisse son regard sur la terre et qui nous voit, oui, qui voit nos faiblesses, nos froideurs, nos révoltes, nos péchés.

Il suffirait d’un geste pour nous anéantir, et il nous supporte, il manifeste en notre faveur une patience... que nous n’aurions pas, non... puisque quelquefois nous accusons cette patience même et nous disons: Si j’étais Dieu, voilà ce que je ferais.

Ah! NOUS QUI AVONS UNE SI GROSSE DETTE LÀ-HAUT, ne remettrons-nous pas à nos frères les petites créances que nous pouvons avoir contre eux?

Nous qui sommes les objets d’une si grande patience, n’exercerons-nous pas par un juste retour la même vertu parmi les hommes?

Cette idée, je la livre à vos méditations, me contentant de l’indiquer et désireux d’employer le peu d’instants qui me restent à énoncer quelques conseils que l’Écriture, d’accord avec l’expérience, dicte à ceux qui ont pris la résolution de travailler à la paix de la famille, en pratiquant le support et la charité.


D’abord veillez sur les paroles qui sortent de votre bouche.

Prenez garde, sous l’action de la colère, du dépit, ou seulement de la mauvaise humeur, de vous laisser aller à quelque expression excitante ou irritante pour vos alentours.

UN MOT LANCÉ NE SE RAPPELLE PAS et fait toute son œuvre détestable, semblable à la balle meurtrière sortie de l’arme à feu. L’intempérance du langage est la cause de bien du mal dans les maisons.

Si quelqu’un ne bronche point en paroles, dit saint Jacques, c’est un homme parfait, et il peut tenir tout son corps en bride. Nous mettons, comme vous savez, des mors dans la bouche des chevaux, afin qu’ils nous obéissent, et par là nous menons çà et là tout leur corps. Voyez aussi les navires; quelque grands qu’ils soient, et quoique poussés par des vents violents, ils sont menés de côté et d’autre avec un petit, gouvernail, selon la volonté de celui qui les gouverne. Ainsi la langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses.

Considérez combien de bois un petit feu peut allumer. La langue est aussi un feu, un monde d’iniquité.

Oui, c’est un feu qui exerce beaucoup de ravages pour détruire la paix des familles. Que de fois les uns se sont repentis amèrement d’avoir prononcé dans un moment d’irritation une parole imprudente, tandis que les autres se sont félicités au bout de la journée, le calme étant rétabli dans leur cœur, leur esprit en étant revenu à une saine appréciation des choses, d’avoir retenu sur leurs lèvres un mot mérité peut-être, mais dur, intempestif et gros d’orages. AH! PRENEZ GARDE À VOS PAROLES.


Voici encore un autre conseil. Combattez l’amour-propre.

C’est un fléau que l’amour-propre, aussi malfaisant que la langue. Il a sa source dans l’orgueil, et L’ORGUEIL EST UNE DES FORTERESSES DE SATAN. Il inspire toujours mal et souffle des résolutions contraires à la charité.

C’est lui qui vous empêche de reconnaître franchement vos torts; si bien que plus vous vous les avouez à vous-mêmes, plus vous élevez la voix pour soutenir que vous avez raison.

C’est lui qui vous fait prendre l’opiniâtreté pour de la fermeté et change une coupable obstination en point d’honneur.

C’est lui qui, après une brouillerie qui pourrait être bien vite oubliée, arrête cette bonne parole, ce sourire, cette prévenance où votre bon cœur laissé à lui-même vous entraînerait, et qui maintient pour des heures, pour des jours entiers, ce silence glacial, cette indifférence affectée, entre des gens qui brûlent de se remettre, mais dont aucun ne voudrait faire le premier pas.


Une troisième règle du support chrétien nous invite à voir dans les hommes qui nous entourent les qualités plutôt que les défauts.

Vous êtes froissé d’une parole, d’un acte, d’un défaut qui se manifeste chez l’un des compagnons de votre vie, et vous êtes près de vous emporter contre lui; rappelez-vous alors les beaux côtés de son caractère, les trésors qu’il porte dans son cœur, les vertus qu’il possède; et l’irritation s’enfuira bien vite pour faire place à la douceur et à la charité.

Il est violent, mais il est fidèle et m’a donné plus d’une preuve de son affection sincère;

il est dominateur et veut toujours faire prévaloir sa volonté, mais il est ferme et montre la même énergie contre les entraînements du dehors;

elle aime à se plaindre et fait d’interminables reproches pour un rien, mais c’est une épouse dévouée, une bonne mère, elle me l’a mille fois montré.

Oui, quand nous sommes offusqués d’un défaut d’un de nos frères, songeons à deux de leurs qualités.


Enfin, si nous voulons nous supporter les uns les autres, méditons sur la vie de notre Seigneur, imitons l’exemple qu’il nous a donné.

Oh! quand nous le contemplons, quand nous voyons cette existence toute de dévouement et de sacrifice, et que nous considérons d’autre part notre indigence morale, notre égoïsme, nos cœurs tout pleins de nous-mêmes, notre conduite où souvent l’on cherche en vain la charité, quelle humiliation d’abord, puis quelle sainte ambition de ressembler à Jésus!

Voyez-le:

Quelle patience avec ses disciples qui, malgré ses enseignements, ne saisissaient point le but de sa venue, et dans leurs cœurs intéressés, dans leurs désirs de jouissances et de gloire mondaines, avaient des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre!

Quel support avec ces foules qui l’obsédaient de leurs malades et de leur poursuite obstinée, tellement qu’il ne pouvait trouver la solitude et le repos dont il avait besoin!

Quelle charité pour ceux qui ne voulaient point le recevoir dans cette apostrophe lancée à ceux de ses disciples qui appelaient le feu du ciel sur les bourgades rebelles: Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés!

Quelle douceur enfin devant les tribunaux des hommes et les injures sanglantes des soldats!

Quelle absence de toute aigreur, quel amour lorsque, hissé sur la croix, pendant qu’on enfonçait les clous dans ses membres crispés, il prononçait cette prière qui fera toujours l’admiration des peuples: Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.

Voilà notre chef et notre modèle; voilà celui qui nous apprendra à nous supporter les uns les autres; voilà l’hôte que vous devez appeler dans votre maison, pour qu’il réside au milieu de vous et vous remplisse de son esprit.


Mes frères, vous allez bientôt rentrer chez vous; vous allez retrouver vos relations, vos parents, vos amis, tous ceux dont le Seigneur vous a rapprochés sur la terre. Qui sait si aujourd’hui même vous n’entendrez pas un mot propre à vous irriter? s’il n’y aura pas dans la conduite de tel ou tel un élément de trouble pour peu que vous cédiez à votre tempérament? Qui alors l’emportera? Sera-ce le support ou la violence du caractère? Sera-ce la passion du moment ou l’esprit du Dieu d’amour?

Oh! rappelez-vous ce que nous avons dit ce matin; rappelez-vous la parole de l’apôtre saint Paul:

Je vous prie instamment de vous conduire d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, et cela en toute humilité et en toute douceur, avec longanimité, vous supportant les uns les autres avec charité, vous efforçant de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix.




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