Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMONS PRATIQUES

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L’ESPÉRANCE

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L’espérance ne trompe point. Romains V, 5.


Il y a une belle légende que l’antiquité païenne nous a léguée et qui a quelque analogie avec le récit biblique de la chute.

La première femme présenta à son époux une boîte bien close dont le ciel lui avait fait présent et qui devait rester toujours fermée. Qu’y avait-il dedans? Nos communs parents auraient bien voulu le savoir. Les premiers temps ils peuvent réprimer leur curiosité, mais à la fin, n’y tenant plus, et malgré les ordres donnés, ils ouvrent le fatal cadeau.

Dieu! il en sort tous les fléaux qui peuvent affliger l’espèce humaine: les maladies, les famines, les guerres, les procès, les vices s’élancent et régneront désormais sur une terre formée pour d’autres destins. Le couple épouvanté s’efforce de fermer le funeste coffre avant que son effrayant contenu ne soit entièrement sorti, puis tous deux se mettent à fondre en larmes et se tordent les mains dans une grande angoisse.

Soudain un coup retentit sous le couvercle. Ouvrez, dit une voix. — Qui es-tu? — Je suis l’espérance. Et nos parents sourirent au milieu des pleurs et ils sentirent que tout n’était pas perdu pour eux.


L’espérance, cette douce compagne de l’homme, ce remède divin appliqué aux maux de la vie, cette compensation de tant de tristesses, cette consolatrice toujours écoutée, l’espérance, si belle, si fraîche, si attrayante, c’est elle qui se présente à nous en ce jour.


Tous les hommes espèrent quelque chose.

Un homme qui n’espérerait rien ne serait pas un homme; mais autant d’hommes, autant d’espérances différentes.

Celui-ci espère améliorer sa position par un travail honnête et persévérant comme tant d’autres ont fait avant lui. Il ne néglige rien pour atteindre ce louable but, et nous pouvons contempler avec sympathie la régularité de son travail et l’honorabilité de sa conduite.

Ce jeune homme espère fonder une famille, et il voit dans l’avenir une femme aimée, des enfants pleins de tendresse, en un mot le bonheur domestique.

Cet autre, parvenu déjà à l’âge mûr, voudrait voir ses enfants élevés et bien casés; après quoi, pense-t-il, il pourra mourir en paix.

Celui-là espère répandre une idée qui lui semble juste et féconde et la faire prédominer dans l’Église, dans l’État, dans la société.

Cette personne dévouée espère que par ses soins, par son affection, par son dévouement, elle adoucira certains maux et contribuera au bonheur de quelqu’un ou de plusieurs.

Ce malade espère la guérison, ou tout au moins un soulagement;

cet homme qui a beaucoup de luttes à soutenir espère qu’un jour il pourra vivre en paix,

et cet autre se trouvant dans une situation différente ne manque pas de nourrir d’autres espérances.

C’est ainsi que l’humanité nous apparaît comme une troupe en marche regardant toujours en avant.

De telles espérances ne peuvent être blâmées. Elles tiennent à la nature même de l’homme, elles sont légitimes, elles sont un don de Dieu; mais sont-ce bien celles-là qui, selon l’apôtre Paul, ne trompent pas?


Supposez pour un instant qu’on apporte ici un livre dont toutes les pages soient blanches et qu’on le fasse circuler dans cette assemblée. Chacun de vous y inscrira quelques lignes consignant ses espérances actuelles, puis ce livre sera soigneusement cacheté et placé en lieu sûr. Dans dix ans d’ici, nous l’apportons dans cette chaire, nous rompons le sceau, nous tournons les pages et nous lisons.

Combien dont les noms, répétés dans ce temple, n’évoqueront plus qu’un souvenir, combien qui manqueront à l’appel et dont le corps reposera déjà dans le tombeau?

Combien qui viendront nous dire:

Les espérances que j’avais jadis ont été cruellement déçues. Je voulais améliorer ma position, elle est pire que jamais; je cherchais le bonheur domestique, je ne l’ai pas rencontré; je désirais pour mes enfants une place heureuse et honorable dans le monde, je n’ai point vu ce vœu réalisé; je poursuivais un noble but, ce but n’est pas atteint: nous voilà avec nos mêmes misères, avec nos mêmes plaintes qu’autrefois.

Et parmi ceux, il y en aura, qui pourront nous dire:

J’ai réussi comme je l’entendais, oui, j’espérais cela et cela m’a été accordé; tout ce que j’ai écrit sur cette page, je le possède maintenant.

Parmi ces favorisés, combien qui ajouteront:

J’ai trouvé là tout ce que je comptais; mon espérance ne m’a pas trompé; mon cœur est satisfait.

Ah! quand on se borne à espérer pour la terre, il faut s’attendre à des déceptions, à d’amères déceptions; l’eau après laquelle on soupirait rafraîchit, mais ne désaltère pas. Ô livre trompeur à qui nous avions confié notre secret, il faut te déchirer maintenant et jeter au vent tes feuilles inutiles.

Et malgré cela, dirons-nous que ces espérances toutes terrestres et mondaines dans le meilleur sens de ces mots, ne sont que vanité?

Serait-ce une vanité que d’avoir en soi, à défaut d’autre chose, un principe puissant d’activité et de progrès, qui éloigne le découragement, qui fournisse sans cesse des forces nouvelles et qui soit le ressort de la vie humaine? Ah! c’est le coup de fouet qui nous excite sur la pente, c’est un incomparable don de la Providence.

Serait-ce une vanité que d’être empêché de s’alanguir dans le présent, que d’être poussé, vers l’avenir par une force interne et irrésistible, et que de se proposer toujours un but devant soi? Ah! c’est une grande révélation de Dieu, qui nous montre l’homme voyageur, marchant à tâtons vers une patrie qu’il ne connaît pas, mais où il aspire d’arriver et qui est en avant.


Pour que l’espérance ne trompe point, il faut qu’elle offre trois caractères que nous allons énumérer.

Il faut que sa réalisation puisse nous satisfaire entièrement, en tout, en sorte que nous n’ayons ensuite plus rien, absolument plus rien à désirer. Autrement l’espérance trompe: c’est une brillante étoile que l’on poursuit, après laquelle on se fatigue jusqu’à l’exténuement, et quand on l’a dans les mains, ce n’est plus qu’un ver luisant, et d’autres lumières scintillent encore après lesquelles il faut s’élancer de nouveau.

Pour que l’espérance ne trompe point, il faut qu’elle se réalise sûrement un jour. Vous vous représentez un bel avenir, vous l’ornez de toutes les façons, vous en faites un tableau splendide qui vous éblouit de son éclat. À quoi cela sert-il si ce n’est qu’un mirage qui se dissipe à mesure que vous croyez vous en approcher?

Pour que l’espérance ne trompe point, il faut que son objet soit durable, éternel. Autrement celui qui arriverait à le posséder serait perpétuellement en transes; son bonheur serait agité, fiévreux, crainte de voir s’écrouler ce qui le constitue. Ce serait encore du provisoire, ce ne serait pas du bonheur vrai. Je me rappelle ici le mot touchant d’un enfant. Il avait perdu successivement ses fleurs qui s’étaient flétries malgré ses soins, puis son cher oiseau qu’il n’avait pourtant jamais négligé, enfin son petit frère qu’il aimait tant. Oh! disait-il en pleurant, que je voudrais avoir quelque chose à aimer qui ne mourût jamais!

Ces trois caractères que nous venons d’énumérer sont justement ceux de l’espérance chrétienne; de cette espérance que l’Évangile nous fait concevoir, qu’il nous offre comme un don, qu’il nous impose comme un devoir.


Oui, nous espérons, nous chrétiens, nous disciples de Jésus, nous espérons qu’un jour nous serons délivrés du mal, de toute espèce de mal, que notre cœur sera pur, que notre vie sera sainte, que nos yeux pénétrant jusque dans les profondeurs de l’univers ne verront plus que ce qui est éternellement beau et bien.

Oui, nous espérons qu’un jour nous serons exempts de toutes les douleurs qui peuvent nous atteindre ici-bas. Notre nouveau corps sera à l’abri de la souffrance, notre âme ne connaîtra plus de peine d’aucune sorte, nos fronts ne seront plus assombris par la vue de tant de larmes et de misères, car tous seront heureux, entièrement heureux, éternellement heureux.

Oui, nous espérons qu’un jour il y aura un épanouissement complet de notre être dans ce qu’il a de plus élevé et de plus grand; nous verrons, nous comprendrons, nous aimerons; nous serons connus, nous serons compris, nous serons aimés; nous serons parfaits comme le Père céleste est parfait.

Oui, nous espérons qu’un jour nous jouirons d’un bonheur sans mélange et d’une gloire divine dans le sein même de Dieu, auprès du Seigneur Jésus, avec les milliards de créatures qui lui appartiennent pour toujours; nous espérons sans pouvoir tout nous représenter, car le ciel est infini comme celui qui l’a fait:


MAIS NOUS ESPÉRONS AVEC FOI.

CAR C’EST UNE ESPÉRANCE SOLIDEMENT BASÉE.


Elle n’est pas basée sur un sable mouvant, sur un océan perfide, sur une neige qui fondra au feu du dernier jour, sur une imagination fertile, sur des propos sans valeur, elle est basée sur la parole de Dieu qui nous dit:

que nous serons assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob,

que Jésus nous prépare une place,

que nous vivrons là où il est,

que nous jouirons de sa gloire,

que nous régnerons avec lui,

que nous recevrons une couronne,

que nous aurons un héritage qui ne se peut gâter, ni souiller, ni flétrir et que le Seigneur nous prépare dans les cieux.

Dieu essuiera toutes larmes de nos yeux; la mort ne sera plus; il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car ce qui était auparavant sera passé.


Cette espérance est basée aussi sur le sacrifice de Christ.

Christ l’a scellée de son sang. Il nous a rachetés de la malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous; il a donné sa vie en rançon pour les hommes.

Une goutte du sang de l’agneau tomba sur la terre languissante et malade: la terre se transfigura, les âmes reprirent vie, elles se reprirent aussi à espérer; voilà la signature du Fils. UN CRUCIFIÉ EST SORTI DU TOMBEAU POUR REMONTER GLORIEUSEMENT DANS LE CIEL; voilà la signature du Père.

Cette espérance est basée encore sur le témoignage de l’Esprit de Dieu au dedans de nous, comme dit notre texte: L’espérance ne trompe point, parce que le sentiment de l’amour de Dieu pour nous est répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

Nous sentons, — quel est le chrétien véritable qui ne le sente pas?

Nous sentons que nous ne sommes pas repus d’illusions dans notre foi, et notre espérance, comme tout ce qui vient d’en haut, porte avec elle un rayon lumineux et chaud qui nous remplit d’un bien-être intime et profond et qui est sa légitimation non pas tant aux yeux de la raison, mais ce qui vaut davantage, à ceux du cœur.

Et ne voyez-vous pas qu’à l’inverse des autres espérances que nous pouvons caresser ici bas, NOTRE ESPÉRANCE CHRÉTIENNE EST DURABLE? Tandis que les premières s’envolent comme des troupes d’oiseaux et se dissipent comme des songes, celle-ci, rien sur la terre ne saurait l’anéantir.

Représentez-vous en effet les choses les plus fâcheuses qui puissent vous arriver, imaginez un concours de circonstances extraordinaires qui vous réduisent à la dernière extrémité, accumulez sur votre vie toutes les tristesses:


SI VOUS ÊTES CHRÉTIEN...

QU’EST-CE QUI POURRAIT VOUS ARRACHER L’ESPÉRANCE?


Seraient-ce des maladies, des souffrances excessives dans votre corps?

Mais elles vous feraient désirer avec plus d’ardeur le lieu d’où elles sont bannies.

Seraient-ce des revers de fortune?

Mais ils vous feraient soupirer après ces biens éternels que les vers ne rongent point, que les larrons ne percent ni ne dérobent.

Serait-ce une séparation, un deuil?

Ah! Dieu vous en garde, mais une telle épreuve pourrait avoir comme effet de tourner vos aspirations vers le grand et suprême rendez-vous auprès du Seigneur.

Cherchez autre chose, si vous voulez. Que trouverons-nous?

Qu’est-ce qui nous séparera de l’amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ et des espérances qui s’y attachent?

Rien, pas même la mort, car la mort, cet écroulement de tous les plans, de tous les projets terrestres, la mort n’est pour le chrétien que le renversement du dernier obstacle s’opposant à la réalisation complète de son espérance.


Demeurons donc fermes dans notre espérance. C’est une espérance qui ne trompe pas. Oh! que nous sommes privilégiés de l’avoir reçue! que nous serons heureux un jour de l’échanger contre la possession qui nous est promise!

Qu’elle nous pousse à une sanctification scrupuleuse et persévérante, à une vie toujours plus pure dans ses mobiles et dans ses actes; car c’est vers le Saint des saints que nous nous avançons. Que tout ce qui est impur soit rejeté, que tout ce qui est souillé soit brûlé au feu!

Qu’elle nous engage à renoncer davantage à nous-mêmes, dans un esprit de paix, d’amour et de sacrifice.

Que sont les légères satisfactions de notre amour-propre, de nos goûts, de nos désirs mondains même les plus légitimes, comparées à la grande satisfaction qui nous attend?

Que sont les chandelles et les flambeaux qui nous éclairent et nous charment, comparés à ce soleil qui blanchit déjà l’horizon et lance vers le ciel des gerbes éblouissantes.

Qu’elle nous encourage enfin, notre espérance, au milieu des peines qui ne nous sont point épargnées, dans les temps difficiles et mauvais qu’elle nous soutienne!

Qu’elle nous relève! qu’elle nous stimule sur le chemin!

Ce que nous ne possédons pas encore, nous l’attendons avec patience, nous le poursuivons sans nous relâcher, nous l’entrevoyons déjà devant nous.

Courage donc, voyageur. Le sac pèse quelquefois sur tes épaules meurtries et ton pas s’alourdit; NE TE LAISSE PAS RALENTIR.

Voici des arrêts délicieux qui te sollicitent; n’y séjourne pas trop longtemps.

En avant, en route vers le sommet. C’est là que flotte le drapeau de la patrie, que la table de fête est dressée et que le Père assigne rendez-vous à tous ses enfants.



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