Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMONS PRATIQUES

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LA FOI

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Examinez-vous vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi. 2 Cor. XIII, 5.

Il est un mot qui, soit dans la Bible, soit dans le langage religieux, revient constamment: c’est le mot foi.

Il est bon de rechercher exactement le sens de ce terme si employé, et de voir si l’on se fait toujours une juste idée de ce qu’il représente dans la vie spirituelle du chrétien.

C’est une question malaisée à traiter, car il n’y a pas sur le sujet un accord unanime d’opinions, et le langage usuel tend à propager là-dessus de véritables erreurs qu’il convient de dissiper.

Apportons donc à l’étude que nous allons faire, un redoublement d’attention, en demandant à Dieu de nous donner et de développer en nous la vraie foi.


La foi, c’est la confiance poussée à son plus haut point.

Comme une opinion devient une conviction lorsqu’elle est tellement arrêtée qu’elle revêt pour l’esprit une évidence absolue, qu’elle fait corps avec l’individu, qu’elle est en quelque sorte une partie de lui-même; ainsi la confiance portée à son maximum d’intensité et d’étendue, devient de la foi.

Entre confiance et foi, deux termes qui du reste proviennent philologiquement de la même racine, il n’y a donc qu’une différence de degré, si bien qu’on les confond dans le langage de tous les jours.

Pour appuyer notre dire, prenons quelques exemples dans la Bible.

L’homme de l’Ancienne Alliance dont la foi est le plus célébrée, est certainement Abraham. Eh bien! en quoi consistait cette foi, sinon dans LA CONFIANCE ABSOLUE que Dieu accomplirait les promesses faites au patriarche, quelque difficile, quelque lointain, quelque incroyable que pût paraître cet accomplissement.

Le Nouveau Testament est encore plus clair à cet égard.

Lorsque le paralytique, après avoir ingénieusement surmonté tous les obstacles, parvint, amené par ses quatre porteurs, auprès de Jésus, celui-ci, voyant leur foi, est-il écrit, dit au pauvre malade: Mon enfant, tes péchés te sont pardonnés.

Voyant leur foi, et cette foi, n’était-ce pas LA CONFIANCE que le Seigneur était assez bon pour prendre en pitié l’impotent et assez puissant pour le guérir?

En vérité, en vérité, je vous dis, je n’ai pas trouvé une aussi grande foi, même en Israël, lisons-nous dans l’histoire du centenier de Capernaüm. Or, ce qui distingue le centenier de Capernaüm, c’est SA REMARQUABLE CONFIANCE EN JÉSUS. Que le Seigneur agisse de près, ou qu’il agisse de loin, peu importe: son pouvoir n’a pas de limites.

Regarderons-nous à cette pauvre femme qui sollicitait la délivrance de sa fille souffrant d’un mal cruel? Femme, ta foi est grande, lui dit Jésus.

Pourquoi?

Parce que la Cananéenne, repoussée durement par les disciples et reçue par le Maître avec une apparente froideur, avec un refus même qui pouvait lui sembler catégorique, persiste malgré tout dans sa confiance. En vain ses yeux voient, ses oreilles entendent, et toute autre aurait reculé. Elle croit, elle, que Jésus est incapable de rester indifférent à l’état de son enfant, qu’à la fin il voudra, et que, dès qu’il voudra, il pourra la sauver. SA FOI ÉTAIT GRANDE.

Un dernier exemple. Voyez la pécheresse qui se jette en pleurs aux pieds de Jésus, malgré la retenue que doit lui inspirer sa conduite passée, malgré le mépris qui l’entoure, malgré les gens qui blâment son audace. Ta foi t’a sauvée, va en paix: tels sont les mots qu’elle entendit et qu’elle garda désormais dans son cœur. Cette femme humiliée et repentante avait eu confiance, elle aussi, dans la miséricorde du Seigneur.

LA FOI n’est donc pas un ensemble de dogmes que l’on adopte et que l’on déclare être la vérité, autrement dit, CE N’EST PAS LA CROYANCE.


La croyance peut faire naître la foi. En cela elle est très importante.

Si vous élevez un enfant dans certaines idées chrétiennes qu’il accepte, vous pouvez développer en lui la foi.

Si le pasteur prêche à son troupeau les vérités de l’Évangile, c’est évidemment parce qu’il espère convaincre de ces vérités au moins quelques-uns de ses auditeurs qui, par là, sentiront la foi surgir et s’affermir en eux.

Si j’arrive en effet à reconnaître que Dieu est puissant et bon; que Christ, absolument saint, émane directement de lui; qu’il y a un salut qui nous est proposé;–

si ce sont pour moi des choses tout à fait certaines et non pas uniquement probables:

IL EST ÉVIDENT QUE J’AURAI CONFIANCE EN DIEU ET EN CHRIST POUR OBTENIR CE SALUT.


D’autre part les croyances naissent souvent sur l’arbre de la foi.

Si je raisonne sur ma foi;

si, m’aidant de l’Écriture sainte, de mon expérience et de celle des autres, aussi bien que du témoignage de l’Église, j’étudie l’objet de cette foi;

si j’en cherche la raison d’être, les conditions, les bases, les effets;

si je l’analyse enfin dans les éléments qui la composent,

j’arrive à me former des croyances, et, en qualité d’homme, c’est-à-dire d’être intelligent, je ne puis autrement que d’en venir là.

En tant que résultat de l’activité humaine, ces croyances participent à l’imperfection de tout ce qui est humain.

ELLES ONT UN ÉLÉMENT D’ERREUR, PLUS OU MOINS GRAND, selon les individus. Elles peuvent, malgré le point de départ commun, diverger extrêmement, suivant les esprits. Nous ne devons ni nous en étonner, ni nous en affliger plus que de voir au milieu des hommes des figures différentes, des goûts opposés, des races blanches, noires ou jaunes, des gens qui se trompent dans leurs calculs, des citoyens en désaccord sur les affaires publiques, des personnes qui observent mal les choses ou qui ne discernent pas les couleurs.


L’éternelle erreur de l’homme a été de vouloir transporter le siège de la religion,

du cœur qui est son domaine dans l’intelligence qui n’est qu’une alliée.


De là les étroitesses, les exclusions, les divisions appelées improprement religieuses, je dis improprement, car elles n’ont pas leur source dans la religion, mais dans les erreurs des hommes sur la religion, ce qui est tout autre chose.

La foi peut donc être accompagnée de beaucoup d’obscurités intellectuelles, c’est le cœur qui est éclairé.

Et l’intelligence peut être très au clair sur une foule de sujets religieux sans que le cœur soit pris, par conséquent sans qu’il y ait foi.


L’objet de la foi chrétienne c’est Dieu révélé par et en Jésus-Christ.

Bâtissez là-dessus tous les systèmes et toutes les théories possibles. Tant que vous restez fermes sur cette base, vous êtes chrétiens.

Ce Dieu m’est présenté au début, au milieu ou à la fin de ma vie, n’importe, l’essentiel, c’est qu’il me soit présenté ou qu’il se présente lui-même tel qu’il est, et que je le contemple un jour avec les yeux de l’esprit.

Alors le phénomène de la foi se produit. Je suis pris, je suis saisi, je me donne, j’espère, j’ai la foi.

Et cela ne vient pas de moi, c’est un don de Dieu. Si je ne sentais pas que c’est une pure grâce, si je l’attribuais pour un peu à ma sagesse ou à mes efforts, CE NE SERAIT PLUS DE LA FOI, C’EN SERAIT LA CONTREFAÇON.

D’autre part il faut, pour que la foi se produise en lui, que l’homme soit disposé d’une certaine façon, et dans cette disposition sa volonté entre pour quelque chose.

Quand le Fils de Dieu parcourait la terre:

il vit Simon, et il lui dit: Tu t’appelleras Pierre;

il vit Nathanaël et il lui dit: Israélite sans fraude;

il vit les enfants de Zébédée et il leur dit: Suivez-moi;

il vit aussi les Scribes et les Pharisiens dans le temple et il leur dit: Malheur à vous.

C’est qu’il y avait dans les uns ce qui manquait absolument aux autres.


Les uns reçurent la foi.

Les autres s’endurcirent comme Pharaon.


La volonté est donc pour quelque chose dans la production de la foi, et c’est pourquoi l’on dit souvent que la foi est un acte de la volonté.

Elle ne peut naître en effet chez l’homme qui ne veut pas et qui ferme son cœur, et si l’homme ne veut pas, s’il ferme son cœur, c’est qu’il a une autre foi qui remplit déjà ce cœur et qui lui suffit, pour le moment du moins, par exemple la foi aux choses de ce monde pour trouver le bonheur, ou la foi en lui-même pour faire sa trouée et parvenir au but.

Tant que cet état persiste, tant que l’homme est résolu à ne pas le changer et à ne pas le laisser changer, la vraie foi ne saurait entrer dans son cœur. La place est occupée.

Mais supposez ces obstacles écartés, je répète que LA FOI EST UN DON DE DIEU qui nous a ainsi faits que nous ne puissions nous suffire à nous-mêmes et que, comme le lierre, nous ayons besoin de nous attacher à quelque chose de supérieur et de solide:

un don de Dieu qui se présente de lui-même en Jésus-Christ pour que nous puissions le prendre pour appui;

un don de Dieu qui se sert de tout dans notre vie, succès et insuccès, joies et douleurs, grands et petits événements, pour nous engager à le contempler et à nous reposer sur Lui, en sorte qu’en le faisant nous nous conformons à son désir, nous répondons à son appel, nous acceptons simplement la grâce qu’il nous offre, sans aucun mérite de notre part. TOUT VIENT DE DIEU.

Mais s’il n’y a aucun mérite personnel à avoir la foi, il y a du démérite à ne pas l’avoir, puisque ce manque de foi, en face de toutes les dispensations de l’amour divin, dénote un endurcissement opiniâtre et coupable.

C’est en ceci que les hommes de nos pays chrétiens sont plus responsables que ceux des pays païens, et seront traités plus sévèrement, c’est que le soleil a lui pour eux dans tout son éclat, et qu’ils ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. Ils n’ont pas voulu, et les autres n’ont pas connu.

Il est bon de rechercher quelles sont les circonstances humaines qui facilitent ou amènent l’éclosion de la foi dans une âme, autrement dit quelle est la genèse historique de la foi.

Si les chrétiens qui m’écoutent veulent bien se donner la peine de réfléchir, ils trouveront certainement à l’origine de leur foi l’un et peut-être simultanément plusieurs des faits suivants.

L’influence d’un chrétien proclamant de bouche les infinies perfections du Dieu d’amour ou montrant par sa vie le pouvoir admirable de la religion pour conduire dans tout ce qui est bien.

Tantôt c’est un pasteur qui, dans sa carrière humble et paisible, n’a cessé d’être fidèle devant les hommes et devant le Seigneur et a pris dans ses bras plus d’une brebis pour l’amener au divin berger;

tantôt c’est un ami qui touché du feu de la grâce n’a pas eu de repos qu’il n’eût communiqué ce même feu tout autour de lui;

tantôt c’est un père dont la foi, virilement trempée, a fait impression sur les siens;

tantôt c’est une mère qui par sa douce piété a édifié toute une famille;

tantôt enfin c’est un homme dont les œuvres écrites ont porté la conviction dans une âme jusque-là réfractaire à l’Évangile, ou c’est une femme dont la biographie a pu inspirer le désir de l’imiter et de puiser aux mêmes sources qu’elle la paix et l’amour chrétien.

Qui dira tout le bien qu’ont pu produire dans le monde les écrits d’un Vinet, d’un Adolphe Monod, ou les vies si belles d’un Félix Neff ou d’une Élisabeth Fry?

Ce qui vous a amenés à la foi, c’est peut-être simplement la lecture et la méditation de la sainte Écriture.

LES PAROLES DE LA BIBLE PORTENT AVEC ELLES LEUR TÉMOIGNAGE et ce n’est pas en vain que les saints hommes de Dieu ont écrit. Si des voix humaines qui ne sont que des échos de celle de Jésus, si des vies qui ne sont que des reflets de celle du Maître peuvent toucher à salut, à plus forte raison la voix même de Jésus, la vie même du Maître, accompagnées des réflexions et des expériences de ceux qui ont eu le privilège de l’approcher dans son terrestre pèlerinage.

Je sais un pauvre soldat, catholique romain de naissance, qui, à Paris, dans un hôpital où une main inconnue lui remit un Évangile, a trouvé le Dieu invisible et s’est remis sur Lui pour la vie et pour la mort. Le même fait se reproduit souvent.

La Bible circule dans le monde comme une monnaie qu’on passe de main en main et cette monnaie est précieuse, car elle est capable de racheter les âmes perdues.


Plusieurs de ceux qui sont arrivés à la foi et qui la possèdent maintenant pourraient nous dire aussi qu’ils se sont trouvés, à telle époque de leur vie, dans des circonstances si pénibles, dans des afflictions si fortes, dans une angoisse telle enfin qu’ils n’ont eu d’autre alternative que de se plonger dans l’abîme du désespoir ou de se lancer dans les bras de Dieu.

D’autres nous diraient que les expériences faites, la marche du temps, leurs réflexions sur l’humaine destinée, l’approche de la mort peut-être ont contribué à les tourner vers le Seigneur.

D’autres enfin vanteraient les bienfaits d’une maison pieuse, d’une éducation chrétienne, d’une enfance rendue sagement attentive aux choses de Dieu.

Mais, quoi qu’il en soit des origines historiques de notre foi, l’important, c’est que nous l’ayons reçue ET QUE NOUS LA GARDIONS AU FOND DE NOTRE CŒUR.

Elle devient alors le principe d’une vie toute particulière: la vie en Dieu, en Christ. Cette vie a deux faces.

L’une regarde le ciel: c’est la vie d’adoration, de contemplation, de prière, trop réduite, j’ai lieu de le craindre, dans l’ensemble des chrétiens de notre temps, car l’existence moderne est une fièvre où l’on trouve à peine le loisir de se sentir vivre.

L’autre face regarde la terre: c’est l’activité chrétienne, la vie employée à glorifier le Dieu qui réside au centre du cœur.


La foi, cette adhésion de l’âme à la personne du Dieu saint, est ainsi dans un homme une puissance incomparable, la source d’une divine énergie. Elle permet de supporter les coups du sort qui, dans le langage chrétien, ne sont autre chose que les sages décrets du Seigneur; elle aide parfois à accomplir des œuvres qui sans elle paraîtraient au-dessus des forces humaines; elle donne enfin de persister dans l’espoir au milieu de tous les sujets de découragement.

Et elle est destinée, comme l’amour, à rester dans l’âme jusqu’à la fin des siècles. Elle nous accompagnera dans l’éternité.

Si elle enrichit les chrétiens qui luttent sur la terre, elle sera leur trésor aussi dans le monde futur. Il y aura de la foi dans le ciel. L’espérance ne sera plus, car l’espérance, par le fait même qu’elle existe quelque part, révèle un état provisoire et passager, mais il ne nous est pas dit que la foi ne sera plus, elle sera changée en vue, c’est-à-dire que, l’invisible étant perçu par notre âme dégagée de la matière, nous reconnaîtrons combien notre ferme attente était justifiée.

Cette foi, cette confiance imparfaite encore en tant qu’humaine, qui faisait de nous une dépendance de Dieu, arrivant à sa perfection absolue, changera cette dépendance en unité spirituelle et indissoluble.

La vue qui nous est promise est à la foi ce que la fleur est au bourgeon, la fleur est contenue tout entière en principe dans le bourgeon. Vous savez qu’elle y est et qu’elle s’épanouira bientôt.

Votre foi, car c’est de la foi, votre foi à cet égard est certaine. Elle est basée sur une foule d’expériences.

Puis arrive un moment où vos yeux découvrent la fleur qui sort, fraîche et parfumée, de son enveloppe verte: c’est la vue.

De même, chrétiens, aujourd’hui vous dites: Je sais que Dieu me connaît, m’aime, et prépare mon bonheur. C’EST LA FOI.

Alors vous direz: Je vois que Dieu me connaît, m’aime et me donne le bonheur. CE SERA LA VUE.


En terminant, je vous engage tous à écouter l’exhortation que saint Paul adressait aux membres de l’Église de Corinthe et que nous avons lue au début de notre discours:


Examinez-vous vous-mêmes pour voir si vous êtes dans la foi.


Si vous entrez dans les vues de l’apôtre, si vous étudiez votre être intérieur, si sérieusement vous vous examinez là-dessus, si vous vous demandez devant Dieu, à la lumière de l’Écriture:

Ai-je la foi?

J’ose affirmer que c’est un symptôme fort réjouissant, car cela montre d’abord que vous aimez à réfléchir sur les sujets religieux, ce qui dans notre monde de matérialisme pratique est un fait plutôt rare. Ensuite, que vous reconnaissez l’avantage, la nécessité de posséder la foi dont nous avons parlé, enfin que dans le cas où cette réponse serait négative...

Que feriez-vous dans ce cas-là, quand après vous être examinés, vous devriez dire:

Non, je n’ai pas la foi?

Ce que vous feriez?

Vous n’auriez qu’une chose à faire: SONDER PLUS À FOND VOTRE CŒUR ET VOTRE VIE POUR DÉCOUVRIR CE QUI VOUS EMPÊCHE D’AVOIR LA FOI, vous décider d’avance à faire le sacrifice de tout ce qui vous écarte de Dieu, et tomber aux pieds du Seigneur pour lui dire:

Donne-moi la lumière, car je ne vois pas; donne-moi la force, car je ne peux pas; prends pitié de moi, qui suis un pécheur!

Ai-je tout dit? Si j’ai omis quelque chose, le Seigneur lui-même vous l’enseignera.



 

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