Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMON

SUR

LES DISPOSITIONS DANS LESQUELLES NOUS DEVONS ÊTRE POUR ENDURER

LES MAUX QUE NOUS FONT NOS SEMBLABLES.

***


Note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et changé certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre.


* * *


Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu L'a pensé en bien. (Gen. L, 20.)

La lumière se lève dans les ténèbres sur ceux qui sont justes.

C’est, mes Frères, une des Prérogatives, que dans le Ps. CXII, 4, le Psalmiste attribue à la Piété.

Il ne nie point que ceux qui en remplissent les devoirs ne puissent pas être exposés quelquefois dans ce Monde à de douloureuses afflictions; mais il affirme, qu’alors même toujours soutenus, toujours récréés, par les consolations du Dieu Fort, ILS VERRONT SOUVENT, par la Direction spéciale de Sa Providence, leur deuil changé en allégresse, et leurs cris de lamentations en chants de réjouissance.

En voulez-vous une preuve frappante?

Jetez les yeux sur le trait d’Histoire, auquel notre Texte se rapporte. Joseph, vendu par ses Frères, calomnié par une Femme impudique, persécuté par un Maître crédule est plongé dans un sombre cachot. Sans Amis, sans Protecteurs, il n’y avait dans toute l’Égypte personne qui pensât seulement à briser ses fers.

MAIS L’ÉTERNEL ÉTAIT AVEC LUI. Du sein des plus épaisses ténèbres, Il fit jaillir pour ce Juste la plus brillante lumière.

L'Humiliation devint pour lui le chemin de la gloire, et les Bénédictions de tout genre dont il se vit comblé l'autorisèrent à adresser ce langage aux Auteurs de ses infortunes passées:


Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu l'a pensé en bien.

(Ge, L, 20.)


Chrétiens!

Les Événements qui donnèrent lieu à ce langage sont si intéressants; les Sentiments qu’il manifeste sont si beaux; les Instructions qui en découlent pour nous sont si importantes, que nous penserions vous faire tort en passant outre.

Nous rapporterons donc ces Réflexions aux trois Chefs, que nous venons d’indiquer.

1. D’abord, en vous faisant un court exposé de l’Histoire de Joseph, nous vous montrerons combien la Déclaration de notre texte était fondée dans sa bouche.

2. Ensuite nous développerons les principaux Sentiments dont il était animé en la proférant cette proclamation.

3. Enfin nous en déduirons les Usages que nous devons en recueillir.

Dieu veuille, mes Chers Frères, Dieu veuille que chacun de nous remporte des Réflexions que nous allons lui offrir, des fruits abondants de Sanctification, de Consolation, de Patience et de Paix! Amen!


* * *


I


Pour justifier dans la bouche de Joseph le langage, qu’il tient dans notre Texte, fixons d’abord notre attention sur LES INTENTIONS SINISTRES DE SES FRÈRES.

Ils avaient pensé en mal contre lui.

Le Patriarche Jacob avait donné au jeune Joseph des marques d’une Prédilection (Préférence) qui, même lorsqu’elle est fondée, doit cependant toujours demeurer cachée dans le coeur des Parents de peur qu’en la manifestant ouvertement ils ne portent eux-mêmes, dans le sein de leurs familles, l’envie et la division.

Joseph, probablement parce qu’il se persuadait qu’il se montrerait plus digne de l’affection distinguée de Jacob, lui avait rapporté quelques actions blâmables de ses Frères et avait donné, par ce moyen, de nouvelles forces au ressentiment qu’une préférence sensible leur avait déjà inspiré.

Bientôt un nouveau sujet de jalousie porta ce ressentiment à son comble.

Dieu envoya à Joseph des Songes mystérieux, présages de Sa grandeur future. Le récit (dirai-je, imprudent?) de ces Songes enflamma de colère ceux dont le coeur était déjà si aigri contre lui.

N’est-ce pas assez des dégoûts qu’ils ont déjà essuyés à son occasion?

Faudra-t-il que, plus humilié encore, ils voient un jour cet objet de leur aversion dominer sur eux?

Telles sont les pensées qu’ils roulent dans leur esprit! Ces pensées, étouffant dans leur Coeur, je ne dis pas la voix de la Nature, de la Conscience, de la «Religion», mais même celle de l’Humanité, excitent de plus en plus une noire envie et font régner une fureur aveugle.

Il ne leur manque plus qu’une occasion pour assouvir leur vengeance.

Elle se présente et ils la saisissent avec une avidité qui décèle l’excès de leur haine.

Comme ils paissaient leurs troupeaux dans les Vallées de Dothan, Jacob envoya Joseph pour s’informer de la santé de ses Frères et de l’état de leurs troupeaux: à peine l’ont-ils aperçu, que leurs funestes passions leur suggèrent le plus horrible complot:

Voici, se disent-ils l’un à l’autre, voici ce maître Songeur vient. Maintenant donc venez; tuons-le, et jetons-le dans une fosse; nous dirons qu'une mauvaise bête l'a dévoré, et nous verrons ce que deviendront ses Songes. (Gen. XXXVII, 17-20.)

Ruben seul n’entre point dans cette trame infernale; mais tout ce qu'il put obtenir de ses Frères suite à ses sollicitations empressées – dont le but secret était la délivrance de Joseph – c’est qu’ils ne trempent point leurs mains dans son sang, mais qu’en le précipitant au désert dans une fosse profonde, ils suppriment d’une façon moins sanglante, il est vrai, mais non moins barbare, une vie qui leur était à charge.

Ni la jeunesse, ni les larmes, ni les supplications de Joseph,

ni la douleur, dont ils prévoient que leur malheureux Père sera accablé,

ni l’idée d'un Dieu Vengeur de l’innocence,

ni l’exemple formidable de Caïn, errant sur la terre en proie à ses remords:


RIEN, RIEN NE SAURAIT TOUCHER CES CŒURS IMPLACABLES.


Un Frère offensé, dit Salomon, est plus difficile à se rendre qu'une ville forte, et les discordes en sont comme les verrous d'un palais. (Prov. XVIII, 19)

Tandis que les Fils de Jacob s’applaudissaient de voir réussir leur projet exécrable, ils virent paraître des Marchands Ismaélites qui s’en allaient en Égypte.

Judas, déjà bourrelé par ses remords et se flattant de les adoucir par un ««attentat»» moins atroce que celui auquel il avait d'abord consenti, Judas proposa à ses Frères de vendre Joseph à ces Ismaélites considérant que son esclavage serait un moyen aussi sûr que sa mort pour se libérer de leurs craintes.

Les Fils de Jacob retirèrent Joseph de la fosse et le vendirent aux Marchands étrangers. Ils se persuadèrent qu’en prenant, cette mesure, non seulement Joseph porterait la peine des Chagrins qu'il leur avaient causés et ne pourrait plus blesser leurs regards jaloux par son odieuse présence, sans compter qu'ils ne courraient plus le moindre risque de voir ses Songes convertis en réalité.


Ils pensaient en mal contre lui; mais Dieu le pensait en bien.

Encore un peu de temps et ils seront eux-mêmes forcés de reconnaître qu'il n'y a ni sagesse, ni intelligence, ni force pour faire tête à l'Éternel. (Prov. XXI, 30.)

SELON LES DÉCRETS DE LA PROVIDENCE Joseph devait voir ses Frères se prosterner devant lui.

En vain ces derniers tentent-ils de le précipiter dans l'état le plus abject. Ils y réussissent d’abord, c'est vrai; mais:


L’Éternel était là, quoiqu'ils n’en sussent rien.


Il dirigea selon les vues de SA Sagesse les «attentats» de leur Haine et les moyens mêmes dont ils se servirent pour humilier Joseph furent, par la Direction du Monarque du Monde, les moyens de Son exaltation, de sa gloire.

Les Madianites, auxquels Joseph fut livré, le conduisirent en Égypte, et le vendirent à un des Officiers de Pharaon. Là, dans la maison de Potiphar, Joseph jouit, durant quelque temps, d’un sort assez doux jusqu’à ce que sa fermeté à résister aux sollicitations impures d’une femme déréglée le rendit l’objet de ses calomnies, comportement qui le conduisit à être jeté dans une étroite prison sur les ordres d’un Époux séduit (induit en erreur).

Mais, nous dit l’Écriture, l'Éternel fut avec Joseph: Il étendit Sa gratuité sur lui, et lui fit trouver grâce envers le maître de la prison, qui se déchargea sur lui d’une partie des soins, qu’exigeait son poste.

Par une suite de cette condescendance Joseph eût occasion de se lier avec deux Officiers du Roi d’Égypte qui, tombés en disgrâce, furent enfermés dans la prison où il était détenu.

Ces deux Officiers, troublés par des songes, les racontèrent à Joseph qui, favorisé des secours du Ciel, leur en donna une explication dont la suite justifia la véracité.

L’un sortit de la prison pour exercer de nouveau les fonctions de sa charge;

L’autre n’en sortit, que pour aller au supplice.

Malgré tous les Motifs, qui auraient dû engager le premier à s’intéresser à la liberté de Joseph et les promesses mêmes qu’il lui en avait faites..., Il ne se souvint plus de lui, dit l’Historien sacré, il ne se souvint plus de lui et l'oublia après qu’il fut rétabli dans son poste et dans la faveur de son Prince.

Mais à la Montagne de l'Éternel il y fut encore pourvu!

Pharaon, effrayé par un songe qui lui parut avoir quelque chose de surnaturel chercha, mais en vain, l’interprétation auprès des Sages de son Royaume.

Ce fut alors seulement que le grand Échanson se ressouvint de Joseph. Il raconta au Monarque d’Égypte ce qui s’était passé dans la prison.

Le Roi fit appeler ce jeune Hébreu dont on lui disait de si grandes choses; et celui-ci, en recommandant que c’était de Dieu SEUL que procédait sa science, expliqua non seulement à Pharaon le Songe qu’il avait fait, mais il lui donna encore de sages directions concernant les sept années d’abondance et de disette que le Songe lui avait annoncées.

Rempli d’admiration pour sa Sagesse, Pharaon crut devoir confier à Joseph l’exécution du plan que celui-ci lui avait proposé et il lui conféra à cette fin une autorité peu inférieure à la sienne.

Revêtu de cette autorité Joseph vit ses Frères qu’une famine générale avait conduits en Égypte se prosternés à ses pieds pour solliciter ses secours. Pardonnant le mal, qu'ils avaient cherché à lui faire, il eût le bonheur d’être le Bienfaiteur de sa Famille ainsi que le Nourricier de l’Égypte.

Qui donc n’admirerait pas ici les Voies adorables de la Providence?

Quelle complication de rencontres fortuites pour parler selon les hommes! Ou plutôt, que de ressorts cachés mis en oeuvre par Celui aux yeux duquel il n’y a point de hasard!

Dès lors, quoi de mieux fondé que ce langage de Joseph à ses Frères: Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu l'a pensé en bien.

Mais c’est assez insister sur l’Occasion de ces Paroles.

Quelqu’intéressants que soient les Événements qu’elles nous rappellent, nous devons développer les Sentiments qui ont été manifestés dans celui qui les prononça.

C’est à quoi nous destinons notre seconde Partie.


* * *


II.


C’est à quatre Dispositions principales que nous rapportons les Sentiments que manifeste le langage de Joseph:


1. Une Conviction intime de l’Empire universel de la Providence;

2. Un Acquiescement entier aux Dispensations de Sa Volonté;

3. Une vive Reconnaissance pour Ses Bienfaits;

4. Enfin, une noble Générosité à l’égard de ses Frères.


1. Je dis d’abord, une Conviction intime de l'Empire universel de la Providence.

L'ÉTERNEL RÈGNE. (Psaume XCIII, 1.) Après avoir créé l’Univers, Il le conserve, Il le gouverne, et RIEN N’Y ARRIVE SANS SA PERMISSION OU SANS SA VOLONTÉ.

Cette Vérité est une des bases fondamentales de la «Religion»!

On ne saurait contester cette Vérité, sans fermer l’oreille à la voix de la Raison, comme à celle de la Révélation.

Mais combien de fois les Hommes ne semblent-ils pas perdre totalement de vue cette Vérité capitale?

Combien de fois s’arrêtent-ils uniquement aux Causes secondes?

Combien de fois n’oublient-ils point cette Cause première, sans laquelle les autres n’auraient jamais été en état de produire le moindre effet?

Combien de fois, uniquement affectés de ce qui frappe leurs sens, paraissent-ils adopter, et dans leurs discours, et dans leurs projets, et dans leurs actions, ce langage insensé de l’Impie? Il n'y a point de Dieu. (Psaume XIV, 1.)

..... Ils voient partout les hommes! Ils voient toujours les hommes! Ce n’est que très rarement qu’ils élèvent leurs regards vers Celui, qui tient les coeurs de ces hommes entre Ses mains, qui les incline à Son gré, et QUI DIRIGE SELON LES VUES DE SA SAGESSE, même leurs intentions «criminelles» et leurs passions désordonnées.

Ah! Ce ne fut point ainsi que pensèrent ces Saints hommes, que nos Livres sacrés nous offrent pour Modèles.

Assur, frappant les Israélites, n’est selon eux, que la Verge de la Colère Divine; (Ésaïe X, 5.)

Schimeï, maudissant David, n’est selon eux, qu’un Instrument dans la Main de Dieu; (2 Samuel XVI, 10.)

Les Ennemis de Job, détruisant ses Possessions, ne sont selon eux, que les Exécuteurs de la Volonté du Très-Haut; (Job I, 21.)

Hérode et Pilate, condamnant Jésus-Christ, ne font, selon eux, que ce que le Conseil de Dieu avait auparavant déterminé; (Actes IV, 27-29.)

Joseph dans notre Texte manifeste une persuasion du même genre. Il était intimement convaincu que les hommes, quels qu’ils soient, ne peuvent rien par eux-mêmes; que Bons et Méchants sont également les Ministres (serviteurs) du Bon plaisir du Maître du Monde.

Par conséquent il ne devait point envisager ses Frères comme les causes premières de ses Infortunes quoiqu’ils eussent eu le dessein de le rendre malheureux; ni même Pharaon, comme la cause première de son Élévation, quoiqu’il l’eût établi sur l’Égypte.

Remarquons ce beau langage, qu’il tient à ses Frères:

Dieu m'a envoyé devant vous, pour vous faire vivre par une grande délivrance.

Maintenant donc, ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, MAIS C'EST DIEU, Lequel m'a établi pour Père à Pharaon, et pour Seigneur sur toute sa maison, et pour commander dans tout le pays d'Égypte.

Ne craignez point. Suis-je à la place de Dieu? Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu l'a pensé en bien.


2. De cette Persuasion intime de l’Empire (du Pouvoir) Souverain de la Providence procédait en second lieu un Acquiescement entier à Ses dispensations.

En effets dès qu’on se propose toujours l'Éternel devant soi, oublierait-on que Ses Voies, quelque rudes qu’elles puissent être à la chair et au sang, sont cependant des Voies d’un Dieu Tout Sage et Tout Bon?

Oublierait-on un Dieu qui, même quand il contriste les fils des hommes, a toujours leur plus grand bonheur en vue?

C’était là ce dont Joseph était persuadé.

C’était là ce qui le soutint au milieu de toutes ses épreuves.

NON. S'il s’était livré au découragement, au murmure, ou au désespoir, jamais il ne se serait concilié la Bienveillance de Potiphar, ni l’affection du Maître de la Prison.

Délivré maintenant de toutes ses souffrances, comblé de biens et d’honneurs, il se rappelle encore ses amertumes passées, mais:


ce n’est pas dans Un esprit de Mécontentement;

c’est dans UN ESPRIT DE SOUMISSION à la Volonté de l’Arbitre suprême de son sort.


La même Résignation, qui au jour de l'adversité avait soutenu son courage, l’anime encore au jour du bien.

Il ne se plaint point que Dieu l’a conduit au Bonheur par la voie de la Tribulation.

Il regarde au contraire l'épreuve qu’il a subie comme étant actuellement pour lui le sujet d'une parfaite joie; et c’est, en rendant hommage à la Sagesse et à la Bonté de l’Arbitre de ses destinées, qu’il dit à ses Frères:


Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu l'a pensé en bien.


3. Qui ne démêlerait pas encore dans ce langage de Joseph la vive Reconnaissance dont il était rempli pour les Bienfaits de son Dieu!

Tu es devenu gras, épais et replet! – Et il a abandonné Dieu, son créateur, Il a méprisé le rocher de son salut...

Tu as abandonné le rocher qui t’a fait naître, Et tu as oublié le Dieu qui t’a engendré. (Deut. XXXII, 15, 18. V. S.)

Ce fut le reproche que Dieu fit autrefois à Son Peuple; et ce Peuple ingrat n’a eu, parmi les hommes de tous les temps, que trop d’imitateurs.

Sont-ils malades, affligés, indigents, en proie à de douloureuses souffrances?

On les voit recourir avec ardeur à Celui, qui fait la plaie, et qui la bande, qui blesse, et qui guérit: AU MILIEU DE LEURS MAUX ILS NE CESSENT DE RÉCLAMER LE SECOURS.

Mais leurs voeux sont-ils exaucés?

Se voient-ils délivrés de leurs angoisses?

Qu’il est rare que l’action de Grâces succède à la Prière!

Qu’il est rare, qu’ils attribuent à L’Éternel la louange due à Son Nom.

Alors, ils sont tout occupés des moyens humains par lesquels leur délivrance a été opérée et concentrent entièrement leur esprit sur les agréments, sur les avances que leur offre leur situation présente.

Hélas! ce n’est pas l’infinie Bonté de la Cause première de leur Bonheur actuel, qui fait le sujet de leurs pensées habituelles et qui embrase leurs coeurs de cette sincère gratitude envers Dieu dont Joseph nous offre un Modèle.


Il s’était souvenu de Lui dans ses Malheurs:

il s’en souvint aussi dans ses Prospérités.


Ce n’est point à lui-même, ce n’est point au Grand Échanson, ce n’est point au Monarque d’Égypte, C’EST À L'ÉTERNEL SEUL QUE CONSTAMMENT IL EN RAPPORTE LA GLOIRE.

Le langage qu’il tient dans mon texte est l’expression d’un coeur religieux et soumis, il est aussi l’expression d’un coeur sensible et reconnaissant.

Ce langage enfin est l’expression d’un coeur généreux et prêt à rendre le bien pour le mal.

Déjà Joseph en avait donné des preuves lorsqu’il vit ses Frères prosternés devant lui alors qu’ils ne l’avaient point encore reconnu. Ce spectacle, qui aurait été si doux pour une âme vindicative (rancunière), ne lui inspira que de la compassion et un ardent désir de soulager leurs peines.

S’il les traita d’abord avec une apparence de dureté, ce ne fut qu’en se faisant violence; ce ne fut que pour s’assurer de leur repentir; ce ne fut que pour être mieux à même de leur montrer dans la suite toute sa tendresse.

L’ont-ils reconnu, et le souvenir de leur barbarie envers lui les remplit-il de frayeur?

Il les rassure; il les console; il cherche même à les excuser.

Cependant, comme il n’y a point d’injures qu’on oublie difficilement surtout quand on a été soi-même l’Auteur, les Frères de Joseph se méfient de la sincérité du pardon qu’il leur a accordé; ils appréhendent d’éprouver tôt ou tard les effets d’un ressentiment qu’ils s’imaginent être d’autant plus redoutable, qu’il est plus concentré.

Leurs craintes redoublent, lorsque la mort leur enlève Jacob, ils supposent, que c’était uniquement pour ne pas affliger la vieillesse de son Père que Joseph ne leur avait point fait éprouver les effets de sa vengeance.

Peut-être, se disent-ils, peut-être que Joseph nous aura en haine, et ne manquera pas de nous rendre tout le mal que nous lui avons fait!

Remplis de ces injustes frayeurs, et cherchant à s’assurer de ses dispositions à leur égard ils envoient dire à Joseph:

Ton Père avait commandé avant qu'il mourût, en disant: Vous parlerez ainsi à Joseph. Je te prie, pardonne maintenant l'iniquité de tes Frères et leur péché, car ils t'ont fait du mal. Maintenant donc je te supplie, pardonne cette iniquité aux Serviteurs du Dieu de ton Père. (Gen. L, 17.)

À ce message inattendu Joseph ne peut s’empêcher de répandre des larmes.

Ses Frères arrivent: ils se jettent à ses pieds et ce fut alors qu’il leur fit cette réponse noble et généreuse dont mon texte fait partie.

Ne craignez point, car suis-je à la place de Dieu? Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu l'a pensé en bien.

Ne craignez donc point maintenant. Moi-même je vous entretiendrai et vous, et vos familles.

Comme s’il leur eût dit.

«Pourquoi des frayeurs qui me sont si injurieuses? Suis-je Dieu? Est-ce à moi qu’appartient la vengeance? Et comment vous ferai-je du mal là où l’Éternel s’est servi de vous pour me faire du bien? Bannissez donc vos alarmes.

Mon coeur, incapable de déguisement, ne cache point une haine sombre et cruelle sous le voile de l’amitié. Bien loin de vouloir vous nuire, je m’intéresse véritablement à votre Bonheur. Il fait l’objet de mes Voeux. Il sera constamment celui de mes Soins. Moi-même je vous entretiendrai, et vous et vos Familles.»

Quelle réponse magnanime!

Sort-elle de la bouche d’un frère de Siméon et de Lévi, ou d’un Disciple du Prince de Paix?

Ah! Qu’ici donc rougissent de honte tant de Chrétiens qui, enseignés par Jésus-Christ lui-même à se pardonner les uns aux autres.....

Mais je vous épargne la suite de ma pensée mes Frères!

Après avoir considéré, les paroles de notre Texte dans leur rapport direct avec celui qui les proféra, nous allons vous proposer les Instructions que nous devons en recueillir pour notre vie. C’est par là que nous finirons.


* * *


III


Dieu pense souvent en bien ce que les hommes pensent en mal. C’est l’intéressante Vérité, dont l'histoire de Joseph nous offre une preuve sensible.

Qui de nous, s’il n’est pas du nombre de CES INSENSÉS QUI VOIENT BEAUCOUP DE CHOSES, MAIS QUI NE PRENNENT GARDE À RIEN, pourrait la révoquer en doute?

Ouvrez les Annales des Peuples et les Fastes de l’Église; consultez l’expérience de tous les temps, aussi bien que la vôtre propre!

Combien de fois le Monarque de l’Univers ne surprend-Il pas les méchants ou les sages de ce monde dans leurs ruses! Il prend les sages dans leur propre ruse (Job III, 15; 1 Corinth. III, 19.)

Combien de fois ne fait-Il pas servir leurs «attentats» pour consolider le bonheur de ceux dont ils tramaient l’infortune!

Combien de fois les mortels ne sont-ils pas redevables aux efforts que leurs Ennemis ont fait pour leur nuire, du degré de prospérité, de fortune, de puissance, de grandeur ou de gloire auquel ils sont parvenus!


Le fait est donc incontestable mes Frères!

Sans entrer dans le détail des Vues particulières, que la Providence peut Se proposer par des Dispensations de ce genre, Vues dont la plus grande partie échappera nécessairement toujours à nos regards bornés, contentons-nous de remarquer que des Dispensations de ce genre sont très propres à nous persuader de plus en plus que ce n'est pas uniquement par la volonté des Hommes que dépendent nos destinées, mais que:


C’EST LE CRÉATEUR DES HOMMES, LEUR MAÎTRE, LEUR DIEU,

QUI SEUL EN EST L’ARBITRE SOUVERAIN.


Ô quels puissants Motifs ne trouverons-nous point dans cette Persuasion consolante,

1. À ne point avoir peur des hommes mortels même lorsqu’ils mettent tout en oeuvre pour nous nuire;

2. À supporter avec résignation les effets de leur malice et de leur injustice;

3. À leur pardonner pleinement les maux, qu’ils nous ont faits.


1. En effet. Pourquoi aurions-nous peur des hommes mortels?

Ils peuvent, je l’avoue, conjurer notre malheur, mais ils ne sauraient le faire.

Leur pouvoir, quel qu’il puisse être, est TOUJOURS subordonné à la Puissance infinie du Monarque du Monde.


ET SI DIEU EST POUR NOUS, QUI SERA CONTRE NOUS?


OUI. Diffamateurs odieux, Pestes publiques, c’est en vain que:

par vos rapports clandestins,

par vos insinuations perfides,

par vos médisances emmiellées,

par vos calomnies ouvertes,

vous cherchez à me faire perdre aux yeux de mes semblables cette bonne renommée qui m’est aussi précieuse que la vie.

Redoublez vos coupables efforts. Multipliez contre moi vos outrages. SI DIEU EST POUR MOI, ces efforts, ces outrages ne serviront qu’à vous couvrir vous-mêmes de honte et à fait briller d’un nouvel éclat ces vertus, qui sont les objets de vos détractions, de vos médisances venimeuses.

OUI. Hommes injustes, qui chercher criminellement à élever l’édifice de votre Fortune ou de votre Grandeur sur ma ruine. Continuez à mettre en oeuvre ces voies sourdes et iniques, dont votre Avarice ou votre Ambition sont les sources empoisonnées.

Accumulez contre moi vos injustices. MAIS SI DIEU EST POUR MOI, vous tomberez vous-mêmes dans la fosse, que vous m'avez creusée, et je remporterai sur vous un triomphe complet.


2. Il y a plus mes Frères! Quelquefois la Providence permet, pour quelque temps, le triomphe des méchants.

Mais n’endurerions-nous pas avec une entière résignation les maux qu’ils nous font si nous nous persuadons fortement que ces maux mêmes peuvent devenir, PAR LA DIRECTION DE L’ÊTRE SUPRÊME, les moyens de notre Bonheur.

Qui est-ce, dit Salomon, qui connaît ce qui est bon à l'homme en sa vie, pendant les jours de la vie de sa vanité? (Eccl. VI, 12.)

Si chacun de nous considérait avec une sérieuse attention les divers événements de sa vie, n’y trouverait-il pas plus d’une preuve de la solidité de cette Question?

Toujours incertains sur ce que l’avenir nous prépare:

Pourquoi, par des pensées sombres et décourageantes, porterions-nous l'abattement au fond de notre âme attristée?

Pourquoi ne chercherions-nous pas plutôt à la recréer par de douces espérances?

Peut-être direz-vous: Il n’y a plus d’espérance pour moi! Mes Amis m’abandonnent; mes ennemis m’oppriment!

Homme pusillanime (peureux, timide)! Homme insensé! Qui es-tu pour limiter, même dans ton coeur, le Saint d'Israël?

Il peut, lorsqu’il Lui plaît, mettre un frein aux Méchants.

Il peut, lorsqu’il Lui plaît, te susciter de nouveaux Protecteurs.

Son Bras n'est point raccourci, en sorte qu’il ne puisse plus faire tourner en bien, ce que les hommes ont pensé en mal contre toi.

Alors que DEMAIN peut-être, tu feras monter vers Lui une Voix de chant de triomphe et de délivrance, pourquoi entendrait-on AUJOURD’HUI sortir de ta bouche une Voix de lamentation, de murmure, ou de désespoir?


3. Ajoutons enfin que nous devons nous disposer à pardonner les injures: c'est UN DEVOIR indispensable – en tout temps – pour tous les Disciples d'après l'Évangile.

En effet, si, lorsque nous avons reçu quelque offense de la part de nos semblables nous ne cherchons pas à détourner d’eux notre attention, quel sera naturellement le résultat de cette imprudente négligence?

Nous rechercherons soigneusement par quels principes ils nous ont fait du mal et notre orgueil blessé ne nous rendra que trop souvent partiaux dans nos jugements.

Les motifs, que nous leur attribuerons et que notre ressentiment peindra des couleurs les plus sombres, seront continuellement présents à notre esprit.

Insensiblement notre coeur concevra pour eux un éloignement qui ne tardera pas à se changer en aversion.

Nous nous les représenterons, comme ayant habituellement le dessein de nous nuire.

Nous donnerons à tous leurs discours, à toutes leurs actions, dès que nous y serons intéressés, une interprétation sinistre.

Leurs procédés, les plus indifférents en eux-mêmes, ne seront à nos yeux que des pièges cachés.

Il est à craindre alors, que DES JUGEMENTS TÉMÉRAIRES, qu’une âpre irritation, que des plaintes passionnées, que des accusations INJUSTES, qu’une animosité SECRÈTE, qu’une disposition «criminelle» à les mortifier et à nous venger du mal qu’ils nous ont fait, NE NOUS RENDE AUSSI COUPABLES si ce n’est pas quelquefois davantage, que ne l’ont été ceux, dont nous nous plaignons.

Qu’ils seront différents nos sentiments mes Frères, si nous nous proposons toujours l'Éternel devant nous même dans le mal qu’Il permet aux Méchants de nous faire.

Principalement occupés des fins salutaires auxquelles le Dieu de notre salut veut que nous fassions concourir les épreuves qu’il nous dispense, nous serons bien moins vivement affectés de ce que les hommes nous font souffrir.

Nous verrons alors le Dieu, juste Juge et Auteur de toute bonne donation, même au travers des trames les plus noires de l’envie, de la cupidité et de la haine.

Notre acquiescement aux dispensations de Sa Providence, notre recours ardent à Sa puissante Protection, empêcheront notre coeur de s’abandonner à des mouvements d’animosité ou de vengeance que ce Dieu réprouve et condamne.

En ne donnant à des hommes faibles, aveuglés ou pervers, qu’une attention secondaire, nous apprendrons à les supporter, à leur pardonner: et si le Monarque du Monde nous fait la grâce de les voir un jour ouvrir les yeux sur leur injustice à notre égard, et en solliciter de nous le pardon, nous pourrons avec une entière sincérité de coeur leur adresser ce langage de Joseph à ses Frères;


Ne craignez point. Suis-je à la place de Dieu?

Ce que vous aviez pensé en mal contre moi, Dieu l'a pensé en bien!


Si c’est dans de semblables dispositions que nous endurons les maux, dont nos Compagnons de service sont quelquefois les Artisans, nous pouvons être assurés que, quoi qu’ils puissent penser en mal contre nous, Dieu sera véritablement alors notre Dieu et le pensera en bien à notre égard.

OUI. Quand même Sa Providence ne jugerait pas à propos d’en faire éclore notre Bien-être temporel, Sa Bonté le fera toujours contribuer à avancer notre Sanctification, à affermir dans nos coeurs la ravissante Espérance d’une Immortalité bienheureuse et à nous assurer, après notre mort, ces Biens de la Gloire, qui doivent faire les objets de nos premiers désirs.

Il dépend donc toujours de nous, mes Frères, de changer en sources de bénédictions éternelles les maux temporels que nous font nos semblables.

Un Ennemi, jaloux de l’estime que vous vous êtes acquise, travaille à ternir votre réputation en publiant, en exagérant vos plus légères fautes!

Eh bien mes Frères, confondez ses intentions sinistres en faisant de nouveaux efforts pour ne plus mériter ses reproches et pour devenir meilleurs de jour en jour.

Des Rivaux ambitieux vous ont fait tomber d’un poste éminent!

Eh bien mes Frères, profitez de la tranquillité qu’ils vous ont procurée, pour vaquer désormais avec plus de soin à la grande affaire de votre Salut, que les affaires du Monde ne vous firent oublier que trop souvent.

Vous êtes journellement exposés à des contradictions de la part de ceux, qui vous entourent !

Eh bien mes Frères, montrez-vous supérieurs à leurs caprices en perfectionnant constamment en vous une patience qui dans tout Chrétien doit avoir son oeuvre parfaite.

C’est ainsi que nos ennemis les plus acharnés deviendront véritablement pour nous des Amis et des Bienfaiteurs. Leur Animosité, leurs Outrages, leurs Persécutions ne seront plus pour nous, que des remèdes salubres qui, sous l’amertume de leur goût, cachent des qualités bienfaisantes.

Ce seront des moyens qui contribueront à rendre notre Vocation et notre Élection sûres, et par cela même ce seront toujours pour nous des sujets d’Actions de grâces envers un Dieu, qui, SI NOUS MARCHONS EN SA PRÉSENCE SUR LA TERRE DES VIVANTS, saura toujours tirer pour nous, du sein même des plus profondes ténèbres, la Lumière, la Bénédiction, la Joie et le Salut.

AMEN!


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