Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMON

SUR

L’ABATTEMENT

***


Note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et changé certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre.


* * *


Mon Âme, pourquoi t'abats-tu? (Psaume XLIII, 5.)


Mes Frères,

Notre dessein, en choisissant pour sujet de nos méditations les paroles que nous venons de vous lire, est de travailler à vous pénétrer des mêmes Dispositions qui soutinrent le Roi Prophète dans le cours de ses nombreuses infortunes.

Ce Prince composa le Cantique de notre texte et celui qui le précède pendant des temps orageux où il se vit contraint de se dérober par la fuite, à la fureur d’un Fils ambitieux et dénaturé.

Chassé de la Capitale de son Royaume, errant de lieu en lieu avec un petit nombre de serviteurs fidèles, ne trouvant de retraite qu’aux derniers confins de ses états, il n’est pas étonnant qu’il se livrât à de douloureux regrets et à de cuisantes sollicitudes.

Mais jusqu'à quel degré s’y abandonne-t-il?

Étouffent-elles dans son coeur ces sentiments de confiance dans la Bonté Divine, dont la «Religion» et la Foi sont les sources?


NON...! Arrière de ce saint homme un découragement aussi dangereux!

Il s'afflige de ses maux, il est vrai, mais IL NE PERD PAS DE VUE COMBIEN SONT PUISSANTES LES CONSOLATIONS DU DIEU FORT.

Son coeur s’élève vers le Ciel, lorsque la Terre ne lui présente que des sujets d’amertume et de crainte.

Persuadé, que les yeux de l'Éternel sont sur les Justes, et que Son oreille est toujours attentive à leurs cris, (Psaume XXXIV, 15.) Il fait monter vers Son trône ses humbles, mais ferventes requêtes.

Ô Dieu! (s’écrie-t-il) Comme le cerf brame après le courant des eaux, ainsi mon âme soupire après Toi. (Psaume XLII, 1.)

Envoie sur moi Ta lumière et Ta vérité afin qu'elles me conduisent, et m'introduisent en la montagne de Ta Sainteté et en Tes tabernacles! (Psaumes LXIII, 3.)

Déjà sa Foi lui fait voir sa prière exaucée.

Déjà, joyeux en espérance, il entonne ce chant de triomphe.

Alors je viendrai jusqu’à l’Autel de Dieu, vers le Dieu Fort de l'allégresse de ma joie, et je Te célébrerai, ô Dieu, mon Dieu! (Psaumes LXIII, 4.)

C’est pénétré de ce consolant espoir qu’en cherchant à bannir de son coeur toutes les terreurs qui pourraient le faire succomber aux maux qui le pressent, il s’adresse jusqu'à trois fois à lui-même cet encourageant langage:


Mon âme, pourquoi t'abats-tu?

Pourquoi frémis-tu au dedans de moi?

Attends-toi à Dieu, car je Le célébrerai encore.

Il est ma délivrance et mon Dieu.


Ce que nous venons de dire suffit, mes Frères, pour nous conduire au sujet sur lequel notre Texte nous appelle à fixer nos méditations.

Elles devront rouler sur l'Abattement funeste, là où les calamités de ce Monde nous plongent que trop souvent.

1. Dans une première Partie nous en déterminerons la nature;

2. Dans une seconde nous chercherons à vous faire sentir ce qu’il a de dangereux et de «criminel»;

3. Et dans une dernière nous vous donnerons quelques conseils dont l’observation pourra contribuer à vous en préserver.

C’est le plan général de ce Discours.

Puisse, par une attention religieuse, vous faire découvrir toute l’importance de son objet! Et veuille le Dieu de toute grâce, nous faire éprouver à tous, pendant cette heure et jusqu'à la fin de notre course mortelle, la consolante efficace (efficacité) de Sa Parole! Amen!


* * *


I.


C’était une idée bien chimérique que celle que la Secte orgueilleuse des Stoïciens se formait du vrai Sage.

Selon eux une absolue insensibilité était sa première, ou plutôt, sa seule vertu.

Une noble supériorité sur tout ce qui communément affecte les hommes devait lui assurer en tout temps une égale tranquillité. Ne cherchant son bonheur et sa gloire QUE dans cette entière indifférence, on dans cette stupide apathie, il devait considérer du même oeil, ce qu’on nomme les revers ou les faveurs de la fortune, et trouver dans le mépris des uns et des autres le fondement d’une inaltérable félicité.


Mes Frères, ne renouvelons point, par des notions outrées (exagérées) de ce Détachement du Monde et de ce Renoncement à soi-même que l’Évangile prescrit, ne renouvelons pas ces fantômes, autrefois de l'Héroïsme, aujourd’hui de Sainteté.

Ne dépouillons jamais le Sage, le Chrétien, de cette Sensibilité, qui appartient à l’essence de l’âme. Si la sagesse impose des lois, si le Christianisme prescrit des devoirs, la Nature a cependant des droits auxquels ni l’une, ni l’autre, ne sauraient porter atteinte.


La dernière fin de l’homme, c’est le Bonheur:

Interdire à cet homme tout sentiment de plaisir ou de tristesse, ce serait lui ôter jusqu'à la capacité d’être heureux.

Ces Réflexions doivent vous faire comprendre, mes Frères, que nous n’avons aucun dessein de condamner l'Impression pénible que font naturellement sur nos coeurs les chagrins, qui peuvent nous échoir en partage.

Bien loin qu’elle soit illégitime, elle est absolument NÉCESSAIRE pour que nous répondions, comme nous le devons, aux Vues que la Providence Se propose en nous dispensant des maux.

Mais si dans ces occasions la tristesse est permise jusqu’à un certain degré, quel est ce degré?

Quel est le point fixe, qui distingue alors une sensibilité louable de cet Abattement que l’on pourrait nommer peut-être, une Sensibilité excessive.

Ici les effets extérieurs, indices ordinaires de la violence de nos passions, ne sont presque d’aucun secours pour diriger nos jugements.

Souvent la douleur la plus forte n’est pas celle qui s’exhale en sanglots et en gémissements; une tranquillité externe peut être aussi bien le fruit du découragement, et même du désespoir que celui de la résignation.

Sans nous arrêter à des marques extérieures toujours plus ou moins équivoques, nous allons vous indiquer quelques Règles qui pourront mieux servir à nous donner de justes idées de la nature de cette Disposition contre laquelle le Psalmiste cherche à munir son coeur lorsqu’il se dit à lui-même:


Mon âme, pourquoi t'abats-tu?


PREMIÈRE RÈGLE.

Notre Sensibilité aux peines de la vie dégénère en Abattement, lorsque la tristesse qu’elle excite en nous FIXE NOTRE ATTENTION TOUT ENTIÈRE sur nos maux et nous porte, par cela même, à refuser absolument les Motifs de consolation propres à récréer notre âme et à adoucir sa douleur.

Par conséquent, c’est UNE SECONDE RÈGLE touchant notre Sensibilité aux peines de la Vie:

celle qui dégénère en Abattement, lorsqu’elle nous fait MÉCONNAÎTRE LES BIENS que, malgré nos chagrins, notre situation nous présente toujours;

ou lorsqu’elle nous rend totalement INCAPABLES DE NOUS LIVRER AUX IMPRESSIONS DE SATISFACTION ET DE GRATITUDE que ces Biens devraient exciter dans nos coeurs.

Ajoutons, comme UNE TROISIÈME RÈGLE, que notre Sensibilité aux peines de la Vie dégénère en Abattement, lorsque, d'une manière ou d’autre, elle nous met HORS D’ÉTAT DE DÉCOUVRIR OU D’EMPLOYER LES MOYENS D’AMÉLIORER NOTRE CONDITION; des Moyens dont un emploi courageux et non interrompu nous est également prescrit par la Nature et par la «Religion».

Enfin, cette DERNIÈRE RÈGLE est la plus importante de toutes: notre Sensibilité aux peines de la Vie dégénère en Abattement lorsqu’elle nous fait PERDRE DE VUE CE QUE NOUS DEVONS À CETTE PROVIDENCE BONNE ET SAGE DE LA VOLONTÉ DE LAQUELLE DÉPEND TOUT CE QUI ARRIVE ICI-BAS.

Cette Providence qui, lorsqu’Elle le juge convenable, peut tirer la lumière du sein des ténèbres pour ceux qui La reconnaissent dans toutes leurs voies, et cherchent par l’acquit fidèle de leurs devoirs, à se concilier Sa bienveillance.


Reconnais-le dans toutes tes voies,

Et il aplanira tes sentiers.

(Prov. III, 6.)


Quelques certaines que soient les Règles, que nous venons d’indiquer, il importe cependant de vous faire observer, mes Frères, que nous ne saurions être assez circonspects (Prudents), en en faisant l’application à nos compagnons de service.

Incapables de pénétrer dans l’intérieur de leurs Consciences, nous devons, pour la plupart du temps, laisser le jugement de leur état à Celui qui sonde les coeurs et les reins. (Rom. VIII, 27.)

Après tout! Qui est-ce qui nous a établi juges de nos frères?

Replions-nous plutôt sur nous-mêmes!

En faisant à nos propres dispositions l’application des Règles que nous avons énoncées, nous courrons moins le risque de nous tromper.

Malgré cette limitation leur importance n’en est pas moins universelle, et leur usage n’en est pas moins général.


Y a-t-il en effet un seul de mes Auditeurs... Que dis-je?

Y a-t-il un seul homme sur la terre qu’une triste expérience n’ait instruit des misères auxquelles nous sommes exposés dans cette Vallée de larmes?

Y en a-t-il un seul qui, dans la carrière qui lui reste à fournir encore, ne doive s’attendre à trouver de nouvelles occasions de s’en convaincre?

Travaillons donc, mes Frères, soit par rapport au passé, soit pour le présent, à déterminer par les principes que nous avons posés, la Nature des impressions qu’ont faits sur nous les maux de la Vie.

Examinons, d’après ces principes, si notre Sensibilité est toujours demeurée dans ses justes limites, ou si elle les a excédées.

C’est afin de vous faciliter un examen de ce genre, que nous allons parcourir avec vous les différentes classes des sujets ordinaires de nos afflictions.


D’abord se présente à nos regards la privation de ce que l’on a coutume de nommer les biens de la fortune.

Par là nous n’entendons pas seulement cet état de pauvreté ou d’abjection où nous place la naissance et dont l’habitude adoucit plus ou moins l’amertume; mais encore ces revers inopinés, ces chutes éclatantes, ces passages fâcheux de l’abondance à la disette, des grandeurs à la bassesse.

Qui en effet, sans substituer à la Vérité de vaines Déclamations, pourrait contester que, lorsqu’on en use sans en abuser, les Richesses et les Dignités n’offrent pas à leurs Possesseurs des sources multipliées de jouissances permises?

On peut donc jusqu'à un certain point les désirer.

On peut même en sentir la perte d’autant plus vivement, qu’on en avait mieux goûté les douceurs.

Mais mettre en oeuvre des moyens illicites pour les conserver ou les acquérir de nouveau;

Conclure qu’après les avoir perdus il n’y a plus de joie ni de bonheur à attendre;

Ne pas vouloir reconnaître que Dieu, qui avait donné ces biens a pu, pour l’intérêt même de notre Salut, nous les ôter;

Adopter les sentiments que manifeste ce langage de Jonas: La mort m'est meilleure que la Vie: (Jonas IV, 3.)


C’EST SE LIVRER À UNE SENSIBILITÉ EXCESSIVE;

C’EST TOMBER DANS UN CONDAMNABLE ABATTEMENT.


Ce serait encore rappeler les visions d’un orgueil stoïque, que de refuser de mettre la Maladie, et les Douleurs, qui si souvent l’accompagnent, au nombre des maux.

La Santé est un grand bien; c’est après la Vie le premier de tous les biens temporels.

C’est un bien, qui peut en quelque sorte suppléer à tous les autres, tandis que tous les autres ne sauraient nous dédommager de sa perte.

Condamnerons-nous donc les plaintes de ces malheureux, qui, couchés dans des lits d’infirmité ou de souffrance comptent, pour ainsi dire, leurs heures par les tourments qu’ils endurent?

Condamnerons-nous un Job, qui, couvert d’ulcères, expose aux pieds du trône d’un Dieu dont il implore la Miséricorde toute l'amertume de sa situation?

Non sans doute, mes Frères!

Mais nous condamnerons:

Tous ceux qui comme Asa, ne recherchent point l'Éternel dans leur maladie; (2 Chron. XVI, 12.)

Tous ceux qui, à la moindre indisposition corporelle, se laissent aller à un découragement qui quelquefois aggravent un mal nullement dangereux par lui-même;

Tous ceux que la crainte de la mort tient encore assujettis à la servitude;

Tous ceux qui, aux approches de leur dernière heure ne pensent, ne sentent et n’agissent point, comme des Chrétiens qui savent, que Bienheureux sont les morts qui meurent au Seigneur. (Apoc. XIV, 13.)


Un autre Bien infiniment précieux, c’est une bonne Renommée.

Elle est, dit le Sage, préférable aux richesses.

Elle est, pour la plupart des hommes d’un si grand prix, qu’ils s’imposent souvent les plus rudes travaux et quelquefois les plus douloureux sacrifices pour s’assurer la satisfaction qui naît de l’Estime publique.

Qu’il est douloureux en effet de se voir en butte à d’indignes calomnies et de lire, en quelque sorte sur tous les visages, la fâcheuse impression qu’elles ont faites sur les coeurs!

Ah! Malheur à l’homme stupide ou abruti, pour qui sa Réputation serait assez peu chère (importante), pour qu’il put avec une entière indifférence en considérer la flétrissure!

Mais aussi, Malheur à l’homme lâche et pusillanime (peureux), qui succomberait sous une épreuve de ce genre, et qui, n'entrant point dans les sanctuaires du Dieu Fort, s’écrierait avec une criminelle défiance: C'est donc en vain, que j'ai purifié mon coeur et lavé mes mains dans l'innocence! (Psaume LXXIII, 17, 13.)

Malheur à celui qui, lorsqu’il a pour lui le témoignage de sa conscience et l’assurance de l’approbation de son Dieu, n’adopterait pas avec une fermeté généreuse ce langage de l’Apôtre, Je me soucie peu d'être jugé du jugement des hommes. Celui qui me juge, c'est le Seigneur. (1 Corinth. IV, 3-4.)


Enfin mes Frères, car il faut mettre des limites à une énumération qui jamais ne saurait être complète:

Les Relations, que nous soutenons ici-bas avec nos semblables nous ouvrent aussi une nouvelle source d’afflictions.

Les intérêts de ceux, qui nous sont unis par les noeuds du Sang ou de l’Amitié, deviennent en quelque sorte les nôtres, et lorsque ceux qui nous sont chers essuient des chagrins, nous ne pouvons aussi que partager leurs peines.

Ce n’est pas tout.

Une Épreuve plus cruelle accompagne nécessairement des liaisons dont une mort inexorable rompt tôt ou tard les fragiles liens.

À une Séparation de ce genre, toujours rude, souvent inopinée, toute la vivacité des sentiments se développe.

Le coeur profondément navré semble émousser toute la force de l’esprit.

Le courage le plus ferme s’amollit; et des regrets douloureux, des larmes amères sont un tribut, qu’alors l’Homme religieux, non moins que le Mondain et l’Ouvrier d’iniquité, paye à la nature et à la Tendresse:

Tel Jacob qui mène deuil sur Joseph, qu’il croit mort et celui-ci sur son Père décédé.

Tel David déplore le trépas de Jonathan et d’Absalom.

Tel Jésus lui-même verse des pleurs sur le tombeau de Lazare.

Ah! Ne craignons donc pas, dans ces douloureuses circonstances, de nous livrer à la Sensibilité de notre coeur.

Sentons ces coups, MAIS SENTONS LES EN CHRÉTIENS.

Ne nous attristons pas à cause de ceux qui dorment, comme les autres, qui n'ont point d'espérance.

Gardons-nous de taxer les Voies de la Providence de n’être pas bien réglées à notre égard.

Pensons au bonheur, dont nous pouvons espérer que ceux qui nous furent chers et qui nous ont été enlevés, jouissent dans une meilleure Existence, tout en nous pénétrant de l’idée que pour TOUS CEUX QUI SE SONT SANCTIFIÉS SUR LA TERRE, le Ciel sera le séjour d’une Réunion éternelle.

Portons dans notre coeur la Consolation, la Joie et la Paix.

Nous en avons dit assez pour déterminer la Nature de la disposition que le Psalmiste s’efforçait d’éloigner de son âme. Il faut vous montrer maintenant que de puissants Motifs nous en font, comme à lui, un Devoir essentiel.

C’est à quoi nous avons destiné notre seconde Partie.


* * *


II


Nous osons croire, mes Frères, que ce que nous vous avons dit de la nature de l’Abattement vous aura déjà fait comprendre ce qu’il y a de funeste à plus d’un égard.

Être sans cesse obsédé d’idées propres à éloigner du coeur tout sentiment de plaisir, et d’espérance même.

Se nourrir constamment de pensées sombres et décourageantes.

Ne former aucun désir de soulagement.

Se complaire dans la douleur.

Se refuser à l’usage des moyens, qui pourraient contribuer à en tempérer l’amertume.

Regarder la Mort comme le seul asile qui reste contre le malheur.

Est-il une situation plus déplorable?

Encore, si elle contribuait à abréger la durée des maux, on pourrait peut-être s’assujettir à ses rigueurs pour en éprouver les favorables suites.

Mais au contraire, elle ne sert qu’à prolonger ces maux: elle les rend en quelque sorte sans remède en ôtant à ceux qui s’y abandonnent, la liberté d’esprit et l’activité nécessaires pour s’en délivrer.

Combien de fois, hélas! ne conduit-elle pas à cet état de démence ou de fureur?

Étouffant le premier cri de la Nature, l’homme porte des mains sacrilèges sur lui-même et se plonge en désespéré dans la nuit du tombeau et de l’Éternité!

Tels sont les Motifs, que la Raison fournit contre un funeste Abattement. Mais la «Religion» porte plus loin ses vues.

À ces Motifs qu’elle laisse subsister dans toute leur force, elle en ajoute d’autres infiniment plus puissants.

À ses yeux cet Abattement n’est plus seulement une situation accablante, mais c’est une disposition très «criminelle».

S’y abandonner, ce n'est plus manquer de Prudence; méconnaître ses Intérêts; blesser la Sagesse: mais c’est aussi manquer de Piété, méconnaître ses Devoirs; blesser la Vertu.

La «Religion» nous dit, que ce n’est ni un Hasard aveugle, ni une Destinée fatale, qui règlent les événements de ce Monde, mais que l'Éternel seul forme la lumière et crée les ténèbres, fait la paix et crée l'adversité. (Ésaïe XLV, 7.)

Si c’est de Lui seul que procèdent les Maux non moins que les Biens, n’est-il pas de la dernière évidence que, lorsqu'il nous dispense les premiers, notre grand devoir, la seule chose nécessaire pour nous, est alors de démêler les Vues, les intentions qu’il Se propose dans cette dispensation afin d’y correspondre?


Entrerons-nous ici dans le détail de ces Vues?

Vous devez le sentir, elles varient à l’infini. Il faudrait bien plus d’un Discours pour en faire l’énumération; et après cela nous serions encore forcés à nous écrier: voilà tels sont les bords de Ses Voies, (Job XXVI, 14.)! Combien est petite la portion que nous en connaissons!

Contraints à rester dans des généralités, et réunissant ce que la Raison et l’Écriture nous enseignent sur cet article, nous croyons cependant pouvoir rapporter toutes les Vues plus particulières de la Providence lorsqu’Elle nous envoie des Maux, à ces deux principales:

l'une, de porter l’homme coupable à la Repentance;

l'autre, d’affermir l’homme vertueux dans la pratique du Bien.


1. Je dis d’abord que, DANS LES VUES DE DIEU, les Maux de la vie sont destinés à porter l’homme coupable à la Repentance.

Si notre corruption n’avait pas une pernicieuse influence sur nos lumières, la nature seule du péché suffirait pour nous en inspirer le repentir.

Mais qui ignore l’empire fatal de ses passions?

Aveuglés par elles nos yeux ne découvrent plus la difformité du vice!

Fermant l’oreille aux reproches de la Raison, étouffant les remords de la Conscience, nous nous livrons sans réserve à de séduisantes illusions.

En vain alors un Dieu, qui ne veut point la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie le convie-t-il et la repentance.

J'ai parlé, et vous n'avez point écouté, j'ai appelé, et vous n'avez point répondu: (Ésaïe LXV, 12.) c’était le reproche que l’Éternel fit aux Juifs d’autrefois; et ce reproche ne s’adresse-t-il pas aussi aux pécheurs de tous les temps?

Les invitations les plus tendres, les exhortations les plus pressantes, les menaces mêmes les plus terribles ne sont pour eux que de vains sons.

Subjugués par leurs penchants «criminels», ILS S’AVEUGLENT SUR LEURS SUITES et, plongés par une jouissance presque continuelle des délices empoisonnées du péché, dans une fatale ivresse, ils jouissent d’une paix apparente et s’endorment dans les bras d’une perfide sécurité.

C’EST POUR LES RÉVEILLER de cette malheureuse léthargie, que SOUVENT DIEU MET EN OEUVRE DES CHÂTIMENTS REDOUTABLES.

Sa main s’appesantit sur leurs têtes et renverse tous les fondements ruineux de leur félicité illusoire.

Heureux alors, si écoutant la Verge et Celui qui l'a assignée: ils se convertissent de leurs mauvaises voies!

Heureux, si n’endurcissant plus leur coeur à cette Voix d’un Dieu, qui est un feu consumant pour quiconque s’obstine à braver Son courroux, ils peuvent adopter, après avoir reçu instruction, ce langage de David:


Avant d’avoir été humilié, je m’égarais;

Maintenant j’observe ta parole.

(Psaume CXIX, 67.)


2. J’ai dit en second lieu que, DANS LES VUES DE DIEU, les Maux de la vie sont destinés à affermir l’homme vertueux dans la pratique du Bien.

Si nous considérons le nombre des tentations, qui nous environnent et que nous les comparons avec notre extrême faiblesse, nous ne pourrons, aussi à cet égard, nous dissimuler toute l’utilité des afflictions.

Nous vivons dans un Monde, qui ne cesse de tendre des pièges à notre innocence.

Quelle Vigilance peut suffire à les prévoir!

Quels Efforts ne sont pas nécessaires pour s’en garantir ou pour en obtenir la victoire!

Le brillant des Richesses,

le faste des Grandeurs,

l’éclat de l’Autorité,

les amorces du Plaisir,

la séduction des Maximes relâchées du Monde,

le torrent de l’Exemple,

ce sont là tout autant d’obstacles, qui nous arrêtent ou nous ralentissent à chaque pas dans la carrière que nous devons parcourir jusqu’au bout pour remporter le prix.


Il est vrai, LA GRÂCE DE DIEU N'EST POINT VAINE POUR NOUS quand, avec sincérité de coeur, nous en implorons son secours.

Mais cette Grâce n’agit-elle pas par des Moyens convenables à notre nature?

Entre ces Moyens, les Maux de la Vie ne tiennent-ils pas un rang considérable?

Par eux notre vertu éprouvée reçoit de nouvelles lumières.

Par eux nos yeux dessillés ne voient plus dans les Biens de la terre, qu'une figure qui passe.

Par eux notre foi fortifiée ne fonde plus ses espérances que sur le Rocher des Siècles.

Par eux, détachés de plus en plus d’un Monde qui nous trompe sans cesse, nous apprenons à placer notre coeur LÀ OÙ EST NOTRE VÉRITABLE TRÉSOR:

Et sanctifiés par eux, préparés par eux pour une Béatitude sans fin, nous éprouvons:

qu'une discipline, qui sur l'heure ne semble pas un sujet de joie, mais de tristesse, produit cependant ensuite, un fruit paisible de justice en ceux, qui sont exercés par elle. (Héb. XII, 11.)


Et s’il en est ainsi, mes Frères; s’il est vrai que toutes nos afflictions ont pour but, ou de hâter notre Conversion, ou d’affermir notre Sainteté; n’en résulte-t-il pas que c’est outrager Dieu qui nous les envoie, et nous exposer, par cela même, aussi à tout ce que Son courroux a de redoutable, quand on tombe dans un Abattement, qui nous empêche d’entrer dans Ses Vues?


Il nous dispense toujours ces afflictions par un effet de Sa Bonté;

et nous, nous les recevons que comme des marques d’une inexorable Colère!


C’est un Berger charitable qui, voyant ses brebis s’égarer dans des champs empoisonnés ou marcher sur les bords de dangereux précipices, les frappe de sa houlette pour les ramener dans le bercail.

Et nous, nous Le représenterions comme un Maître rude et tyrannique qui se plairait à nous rendre les victimes infortunées d’une Puissance que dirigerait le caprice ou la cruauté! Quelle Audace, ou plutôt quelle Impiété!


Ah! mes Frères, si nous considérions ainsi sous son vrai point de vue la Disposition funeste que David cherchait à éloigner de son coeur, serait-il possible que nous nous fissions illusion sur tout ce qu’elle a de dangereux et de criminel?

NON. Alors convaincus que l’on ne peut la fomenter, la nourrir, sans blasphémer indirectement contre un Dieu Tout sage et Tout Bon, nous rejetterons toujours avec un saint effroi toutes les pensées décourageantes que nos peines pourront exciter dans notre sein.

JAMAIS NOUS NE PERMETTRONS À CES PENSÉES D’Y PRENDRE RACINE, de peur d’éprouver, à notre confusion éternelle, toute la vérité de cette sentencieuse maxime:

L’Esprit d’un homme fort supportera son infirmité, mais l'Esprit abattu, qui le relèvera? (Prov. XVIII, 14.)

Quelque difficile que soit la chose, l'expérience prouve cependant qu’elle n’est pas impossible, lorsqu’on met en oeuvre avec zèle les Moyens convenables.

Pour terminer, nous allons vous indiquer quelques-uns de ces Moyens principaux, et nécessités à serrer nos idées; nous sollicitons de votre part un renouvellement d'attention.


* * *


III


Si vous voulez, mes Frères, vous préserver, ou vous guérir de l'Abattement funeste dont nous vous avons fait connaître la nature et le «crime»:

1. Ayez toujours la pensée de la Providence présente à l’esprit;

2. Songez que les afflictions vous préparent pour le Ciel;

3. Comparez les maux que vous pouvez souffrir avec la Félicité qui vous attend après cette Vie;

4. Proposez-vous votre Sauveur souffrant en exemple;

5. Étudiez-vous à avoir toujours une Conscience sans reproche;

6. Et faites un usage habituel de la Prière.

Six Directions, que nous allons développer succinctement.


PREMIÈRE DIRECTION.

Ayez toujours l’Idée de la Providence présente à l’esprit

Nous pouvons nous dispenser de vous prouver que c’est Dieu qui gouverne le Monde. Nous parlons à des Chrétiens, et ce serait leur faire injure que de les soupçonner de douter d’une Vérité irrévocable démontrée par la Raison et qui sert de base à tout le Système de «Religion» que l’Évangile, enseigne.

Mais si nous sommes tous convaincus d’une Providence générale, ne perdons-nous jamais de vue que cette Providence universelle devient PARTICULIÈRE POUR CHACUN DE NOUS, et qu'elle S’étend à TOUS les événements de notre vie?

C’est ce que la Raison conclut de la Souveraineté de Dieu et de la Dépendance des créatures.

C’est ce que l’Écriture établit partout de la façon la plus expresse;

C’est aussi ce qui doit être le fondement inébranlable de notre fermeté dans les maux.

Ah! Cessez donc, Âmes défiantes et timides, de démentir dans la pratique ce dont vous convenez dans votre for intérieur. — Si un Dieu Tout Bon est l’Auteur de vos maux, pouvez-vous douter que ce ne soit pas pour votre plus grand bonheur qu’il Se propose en vous les envoyant:

JE VOUS AI AIMÉS: (Mal. I, 2.) c’est la Voix que Dieu vous adresse par Ses bienfaits aussi bien qu’aux Juifs

Porteriez-vous l'ingratitude jusqu'à répondre comme le Peuple rebelle le fit?

EN QUOI NOUS AS-TU AIMÉS?

Si un Dieu Tout Puissant est l’Auteur de vos maux, pouvez-vous douter que, selon Ses promesses, avec la tentation (1 Corinth. X, 13.) II ne vous en donne aussi une heureuse issue, si seulement de votre côté vous la rapportez à Ses vues charitables?

Et vous vous écrieriez quand même? IL N’Y A PLUS D'ESPÉRANCE!  (Lam. III, 18.)

Si un Dieu Tout Sage est l’Auteur de vos maux, pouvez-vous douter que même si Ses pensées ne sont pas vos pensées, si Ses voies ne sont pas vos voies, elles ne soient néanmoins infiniment préférables à celles que votre ignorance, vos préjugés, vos passions auraient voulu Lui prescrire.

Prétendriez-vous obscurcir le Conseil de l'Éternel par des paroles sans science?


Qui est celui qui obscurcit mes desseins

par des discours sans intelligence?

(Job XXXVIII, 2.)


Quelle ne serait pas la tranquillité de notre âme, si nous nous faisions toujours un devoir de détourner nos pensées des causes secondes pour les fixer ainsi sur la Cause première.

Alors découvrant, même dans nos misères, les vestiges d’une Providence Sage, Puissante et Charitable, ce ne serait pas en vain que nous dirions à notre âme: Mon Âme, pourquoi t'abattrais-tu? L’Éternel règne; et un seul de Ses regards est la délivrance même!


SECONDE DIRECTION.

Songez que les afflictions vous préparent pour le Ciel.

Les réflexions, que nous vous avons présentées sur les Vues de Dieu en nous dispensant des maux ont déjà dû vous en convaincre.

Si cependant il vous restait quelques doutes, fixez vos regards sur tous ces Fidèles dont les Auteurs sacrés célèbrent les vertus, et qu’ils nous représentent même comme les objets distingués de l'affection du Très-Haut.

Voyez tant de Patriarches, de Prophètes, d’Apôtres, de Martyrs, misérables, fugitifs, errants, persécutés, mis à mort.

Oserez-vous dire, parce qu’ils n’ont été amenés à la Gloire que par le chemin des afflictions, que Dieu ne les aimait pas?

Ceux qu’il a le plus aimé..., ne sont-ce pas ceux qu’il a le moins épargnés?

N’en conclurez-vous donc pas que quelque douloureuse que soit aux yeux de la chair et du sang la voie des tribulations, il n’en est cependant aucune de plus propre à nous préparer pour le Ciel.

Voilà aussi ce que l’Évangile ne cesse de nous inculquer?

... Ils retournèrent à Lystre, à Icone et à Antioche, fortifiant l’esprit des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi, et disant que c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. (Actes XIV, 21-22.)

Le Seigneur nous dit aussi:

Le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il reprend tout enfant qu’il avoue (qu'Il aime). (Hébr. XII, 6.)

L'affliction produit la patience, et la patience l'épreuve, et l'épreuve l'espérance, qui ne confondra point. (Rom. V, 3-4.)

Bienheureux est de lui, qui endure la tentation, Car quand il aura été éprouvé, il recevra la Couronne de Vie! (Jacques I, 12.)


TROISIÈME DIRECTION.

Comparez les maux que vous pouvez souffrir avec la Félicité qui vous attend après cette Vie.

Saint Paul nous a laissé le parallèle suivant:

Notre légère affliction, dit-il, qui ne fait que passer, produit en nous un poids éternel d’une gloire souverainement excellente. (2 Corinth. IV, 17.)

OUI. Quels que puissent être nos maux, notre affliction est toujours légère quand on la met en opposition avec la Béatitude, pour laquelle elle est destinée à nous préparer.

Cette affliction se rapporte toujours à la privation de ces biens terrestres qui n’ont qu’une valeur souvent imaginaire et certainement très bornée.

Le Prix des Biens à venir ne surpasse-t-il pas toutes nos conceptions?

Il y a plus.

Ces maux, dit l’Apôtre, ne font que passer!

La Réflexion en adoucit l’amertume;

l’Habitude en émousse la pointe;

le Temps en efface le souvenir;

et il n’est pas rare même de voir régner le soir l'allégresse, là où le deuil habitait encore le matin.

Mais la félicité du Ciel sera inaltérable dans son cours. Là, l’ardeur sera sans inquiétude, la jouissance sans dégoût, la paix sans alarmes et la béatitude sans interruption.

Quand même nos maux seraient de nature à ne pas pouvoir espérer ici-bas d’adoucissement, ils ont cependant un terme peu éloigné; et un terme que rapproche chaque jour une Vie incertaine et réduite à la mesure de 4 quatre doigts (largeur d'une main).

Mais dans le Ciel, Dieu nous réserve UN POIDS ÉTERNEL DE GLOIRE; une Félicité dont des millions de siècles, multipliés par des millions de siècles, n'en raccourciront point la durée.

ET PUISQUE NOUS AVONS DE TELLES PROMESSES, pourquoi notre âme s'abattrait-elle au dedans de nous?

Les choses visibles ne sont que pour un temps; et tout bien compté, les souffrances du temps présent ne sont point à contrebalancer avec la gloire; qui est à venir.


QUATRIÈME DIRECTION.

Proposez-vous votre Sauveur souffrant en exemple.

OUI. Regardez à Jésus, le Chef et le Consommateur de votre Foi. Il a souffert pour nous, nous laissant un modèle, afin que nous marchions sur ses traces.

Ah! Si Jésus, ce Fils bien aimé de Dieu en qui II prenait tout Son bon plaisir, si Jésus lui-même a souffert, s’il a été, et dans sa vie et dans sa mort, un homme de douleur et sachant ce que c'est que la langueur, nous laisserions-nous aller à un funeste Découragement, parce que nous avons ce trait de conformité avec Lui?

Le Serviteur est-il donc plus grand que son Maître? D'ailleurs Jésus a souffert pour nous.

Il était innocent et ne connût jamais le péché, et nous, à cause de nos péchés, ne mériterions-nous pas d’être battus des plus rudes coups?

Cette seule pensée ne devrait-elle pas nous former à cette Patience, à cette Résignation dont Jésus souffrant nous a laissé un beau modèle?

Il n’était pas insensible à la douleur, mais SA SOUMISSION SANS RÉSERVE À LA VOLONTÉ DE SON DIEU le garda toujours d'effets désordonnés.

Écoutez, pour vous en convaincre, le langage qu’il tint à l’approche de ses dernières Souffrances et au sein de la plus violente Agonie:

Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je?... Père, délivre-moi de cette heure?... Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure. (Jean XII, 27. V. S.)

Mon âme est triste jusqu’à la mort.... Mon Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. (Matth. XXVI, 38-39. V. S.)

Considérons donc soigneusement celui, qui avec une magnanime constance a enduré les plus rudes contradictions et, bien loin de devenir lâches en défaillant dans notre courage, nous adopterons, si ce n’est pas avec une Résignation aussi parfaite que celle de notre Divin Sauveur, du moins avec un désir sincère de régler nos sentiments sur les siens avec ce langage sorti de sa bouche:


La coupe que mon Père m'a donnée à boire, ne la boirai-je point?

(Jean XVIII, 11.)


CINQUIÈME DIRECTION.

Étudiez-vous à avoir toujours une Conscience sans reproche.

Nous l’aurons cette Conscience sans reproche, SI nous nous efforçons toujours de penser, de parler et d’agir d'une manière digne de l'Évangile de Christ.

Il est vrai, jamais nous ne serons totalement exempts de fautes, d’ignorance, de surprise, de faiblesse; mais n’en ayant plus à nous reprocher dans lesquelles nous persévérerons volontairement:

nous pourrons toujours avoir de l'assurance envers Dieu et L’envisager comme un Père, qui, pour l’amour de Jésus, nous pardonne nos infirmités, et daignera nous couronner de Ses gratuités et de Ses compassions.

Si tant de fois Ses Dispensations nous abattent:

c'est que nous sentons que les taches qui nous souillent ne sont point des taches d'enfant de Dieu:

c’est que nos Consciences nous crient que, n'en ayant point encore les Sentiments et les Vertus, nous sommes encore éloignés de la vie de Dieu, et n’avons point encore de communion avec Lui.


Faisons la paix avec Dieu...,

et nous aurons la paix avec nos Consciences.


Alors cette paix, dont ceux qui sont du Monde ne sauraient connaître le prix, gardera toujours en Jésus-Christ nos coeurs et nos pensées; et, supérieurs à toutes les tribulations de la vie, nous pourrons en tout temps nous approprier ce langage de Saint Paul:

Qu’est-ce qui nous séparera de l'amour de Dieu?

Sera-ce l'oppression ou l'angoisse, la persécution, la famine, la nudité, le péril ou l'épée? Au contraire, en toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. (Rom. VIII, 34 et 36.)

Oui nous le serons, mes Chers Frères, si nous joignons enfin un usage habituel de la Prière aux autres Moyens de nous garantir d’un dangereux Abattement.

Quelqu'un parmi vous, qui souffre? Qu'il prie: dit l'Apôtre Saint Jacques.

Sans entrer ici dans le détail de tous les Motifs, qui fondent ce précepte, et que nous vous avons exposés dans une autre occasion, contentons-nous d’observer aujourd’hui, que la Prière, lorsqu’elle est faite dans des Dispositions convenables, est, tant par sa Nature, que par ses Effets et ses Suites, un Moyen efficace de MAINTENIR NOTRE ÂME DANS LA TRANQUILLITÉ, de la faire rentrer dans son repos.

C’est un humble aveu, que nous faisons de NOTRE DÉPENDANCE ABSOLUE.

C’est un hommage solennel, que nous rendons à l’Empire Souverain de l’Être des Êtres, et à toutes les Perfections, qui constituent Son Essence.

C’est un recours ardent, et fondé sur les plus positives Promesses à Celui qui n'est pas homme pour Se repentir, et qui peut faire en nous et pour nous, au-delà de tout ce que nous pouvons demander et même penser.

C’est enfin un acte d’acquiescement filial à tout ce qu’il Lui plaira de disposer à notre égard.

Et quelle efficace toutes ces considérations réunies n’ont-elles point par leur nature même, je ne dirai pas seulement pour éloigner de notre âme un funeste Découragement, MAIS MÊME POUR Y FAIRE RÉGNER LA CONFIANCE, LA SÉRÉNITÉ ET L’ESPOIR!

Ce n’est pas tout encore.

La Révélation nous assure, que L'ÉTERNEL EST PRÈS DE TOUS CEUX QUI L'INVOQUENT EN VÉRITÉ (avec sincérité) (Psaume CXLV, 18.) et que jamais leurs Prières ne montent en vain vers Son trône.

Il les exauce dans Son Amour ou, si par un effet de ce même Amour, II ne juge pas à propos de les exaucer, Il soutient, Il console, Il rend joyeux en espérance, ceux qui placent en Lui leur attente.


Ici, mes Frères, quelle nuée de témoins ne pourrons-nous pas vous produire!

Bornons-nous à un seul; c’est Saint Paul:

Une écharde douloureuse lui avait été mise en sa chair de peur qu'il ne s'élevât par orgueil; ne démêlant point les motifs de cette Dispensation rude, mais paternelle, il pria ardemment le Seigneur d’en être, délivré. Sa requête ne fut point exaucée, mais le Seigneur lui dit: Ma Grâce te suffit, car ma vertu s'accomplit dans ton infirmité. (2 Corinth. XII, 7-10.)

Et bientôt, se glorifiant même de ses douleurs, il s’écrie:

À cause de cela je prends plaisir dans les infirmités, dans les injures, dans les nécessités, dans les persécutions et dans les angoisses pour Christ: car QUAND JE SUIS FAIBLE, C'EST ALORS QUE JE SUIS FORT.

Grand Dieu! Nous aussi nous reconnaissons devant Toi notre extrême faiblesse.

Mais pourquoi notre âme s'abattrait-elle puisque nous pouvons trouver auprès de Toi la force que nous n’avons point en nous-mêmes?


TA GRÂCE NOUS SUFFIT.

Ô! Daigne nous en accorder à tous selon nos besoins divers une abondante mesure, afin qu’au milieu des tribulations les plus navrantes de la Vie, et même au milieu des détresses du sépulcre, nous puissions nous réjouir toujours de la joie de Ton salut! AMEN!

 

- Table des matières -