Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SERMON

SUR

LA TRISTESSE QUE CAUSE LA MORT DE PERSONNES CHÉRIES

***

Prêché pendant la tenue du Synode à GORCUM le 10 Juin 1798.


Note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et changé certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre.


* * *

Ne soyez point attristés, comme les autres qui n'ont point d'espérance.
(1Thess. IV, 13.)


Mes Frères.

Ce qui démontre, de la façon la plus évidente, la Supériorité du Bonheur que la «Religion» – et surtout la «Religion» Chrétienne – procure à ses vrais Disciples sur celui que le Monde et l’Incrédulité présentent à leurs Sectateurs (Adeptes), c’est qu’au milieu de toutes les misères de la Vie:

les derniers se trouvent sans ressource,

tandis que relativement aux premiers se vérifie constamment ce mot de l’Écriture:

Lorsque les souffrances abondent en eux, alors aussi leur consolation abonde en Jésus-Christ.

Car, de même que les souffrances de Christ abondent en nous, de même notre consolation abonde par Christ. (2 Corinth. I, 5. V. S.)


Aujourd’hui nous voudrions vous convaincre de cette intéressante Vérité à l’égard du genre particulier de souffrance auquel se rapporte l’exhortation de St Paul que nous avons choisie pour Texte.

Le but que l’Apôtre se proposait était de MODÉRER LA DOULEUR, que causait aux Thessaloniciens le trépas de ceux avec qui ils avaient été unis par une même Foi.

C’est en leur ouvrant, dans les glorieuses promesses de l’Évangile, une source féconde en consolations qu’il cherche à régler leur sensibilité.


Mes Frères, leur dit-il, je ne veux pas que vous ignoriez ce qui regarde ceux qui dorment afin que vous ne soyez point attristés comme les autres qui n'ont point d'espérance.

Ces paroles ont donné lieu à diverses Questions qui ont ouvert à la Critique le champ le plus vaste.

– On a demandé si par «ceux qui dorment» St Paul entend uniquement les Martyrs ou s’il a en vue indistinctement tous les Fidèles décédés.

Nous nous rangeons au sentiment de ceux qui penchent pour la dernière opinion (tous les Fidèles décédés).

– On a demandé qui sont ceux que l’Apôtre a voulu désigner par «les autres qui n'ont point d'espérance

Il nous paraît probable, qu’il comprenait sous cette dénomination tous ceux qui, ou rejetant l’Évangile, ou du moins privés encore de sa connaissance, ne pouvaient par cela même se livrer aux espérances qu’il donne à ceux qui l’ont reçu.

On a demandé de quel principe procédait, chez les Thessaloniciens, «l’Affliction» que St Paul. s’efforçait de modérer.

Nous suivons encore à cet égard la foule des Interprètes qui, fondés sur la Nature des consolations qu’il présente à la suite de notre texte, pensent que la douleur qu’il avait en vue dérivait – chez les Thessaloniciens principalement – de ce qu’imbus de fausses idées sur la fin prochaine du Monde:

ILS S’IMAGINAIENT que les Chrétiens morts avant le second Avènement de Jésus-Christ ne participeraient point au beau Privilège de voir cette brillante Période du Triomphe et de la Gloire de leur céleste Rédempteur.

On a demandé si la manière dont l’Apôtre s’exprime dans les versets qui suivent celui dont notre texte est tiré ne donne pas sujet de penser qu’il avait, concernant la proximité de ce second Avènement de Jésus-Christ, les mêmes idées que les Thessaloniciens.

Nous répondrons... que ni Saint Paul, ni ses Collègues dans l’Apostolat, n’ont eu de Révélation spéciale sur la durée du Monde.

Il ne paraît pas, en comparant notre texte avec d’autres passages plus clairs et plus formels sur la même matière, que les Apôtres aient été dans l’idée, que l’Avènement du Seigneur Jésus-Christ, pour juger le Monde habitable, en justice, aurait lieu de leur temps, ni de sitôt.

Nous croyons pouvoir conclure, que lorsqu’il dit, «puis nous qui vivrons et qui resterons,» il n’a aucune intention de parler de lui-même, mais il se sert d’une manière de s’exprimer dont l’Écriture et l’Usage journalier offrent mille exemples, une manière par laquelle on emploie les termes collectifs nous et vous, pour distinguer une certaine Classe de personnes, d’une autre Classe, avec laquelle on la met en opposition.


Il nous suffit, mes Frères, de vous avoir exposé, en peu de mots, ces Questions et les Réponses qui nous ont parues les plus satisfaisantes.

Si nous avions voulu entrer sur ces points dans un examen approfondi, tout le temps que votre attention accorde à nos discours aurait à peine suffi pour vous mettre en état de juger de la Solidité de nos éclaircissements.

Pourquoi nous y serions-nous étendus davantage?

Les fausses idées des Thessaloniciens du temps de St Paul ne sont pas les vôtres mes Frères!

Laissons donc la LETTRE du Précepte qu’il donne pour en méditer plutôt ensemble L'ESPRIT.


* * *


En ramenant les Thessaloniciens aux Espérances que leur offrait l’Évangile, l’Apôtre avait dessein de modérer chez eux la Tristesse, dont les remplissait le trépas de personnes chères à leurs coeurs: c'est aussi la tâche que nous voudrions remplir aujourd’hui.

Qui est celui d’entre nous qui, même en formant les voeux les plus ardents pour la conservation de ceux qui lui sont chers, puisse être sûr que la Providence ne l’appellera pas bientôt à verser des pleurs sur leur tombe?

Sans anticiper sur les pertes que l’avenir nous prépare peut-être, qui est celui d’entre nous qui puisse, à cet égard, jeter sa vue sur le passé sans que des souvenirs douloureux, mais chéris, n’arrachent quelquefois de ses yeux une larme de sensibilité et de regret?


Je ne saurais vous dissimuler, mes chers Frères, que si j’ai ressenti une Satisfaction réelle en revoyant une Église où j’ai été consacré au saint Ministère et où pendant tout le temps que j’en ai exercé les fonctions, j’ai reçu les plus doux témoignages d’indulgence, d’estime et d’affection, cette satisfaction a cependant été fortement altérée par l’aspect des ravages que la Mort a faits au milieu de ce Troupeau.

De quelque côté que je tourne mes regards, mon coeur et mes yeux cherchent en vain plusieurs de ceux qui furent autrefois mes Auditeurs ou mes Amis et dont cette Mort inexorable a déjà fait ses Victimes. Elle les a choisis parmi les Conducteurs et les Membres, au milieu de la Jeunesse, comme dans l’Âge mûr et la Vieillesse.


Et Vous, mes Chers Frères qui leur avez survécu; Vous, qui pour la plupart soutîntes avec eux des relations si étroites, ne recevriez-vous pas avec avidité le Baume que la «Religion» peut répandre sur des plaies que le Temps n’a point encore consolidées?

Ne prêteriez-vous pas une oreille, attentive à des Consolations puissantes par elles-mêmes, mais qui par la Grâce de Dieu peuvent devenir DOUBLEMENT EFFICACES quand elles partent d’une bouche qui parle de l'abondance du coeur. (Matth. XII, 34.)


OUI, mes Chers Frères, cette bouche est encore ouverte pour vous, et c’est parce que notre coeur s'est élargi, et que vous n'êtes pas à l'étroit dans nos entrailles, que nous avons cru devoir nous attacher de préférence à vous adresser aujourd'hui une Parole de Consolation.

Que dis-je? De Consolation!

Membres de ce Troupeau, Et Vous aussi, mes très Chers Frères, Pasteurs des Églises Wallonnes de cette République, Vous qui, pour ainsi dire, ne vous rassemblez jamais sans être obligés d’inscrire dans vos rencontres les justes regrets qu’occasionne la perte de ceux qui, autrefois vos Amis et vos Compagnons d’oeuvre, ont été retranchés de la Terre des Vivants.

La Parole, que nous allons prêcher sera pour nous tous une Parole de Sanctification et de Salut non moins que de Consolation si, faisant un sage retour sur nous-mêmes, nous entrons dans les Vues charitables d’un Dieu qui pendant que mille sont tombés à notre droite et dix mille à notre gauche, A GARANTI JUSQU’À CE JOUR NOTRE VIE DE LA FOSSE.

Offrons-Lui aussi à cet égard un Sacrifice de louange, (Hébr. XIII, 15.) et, à cette fin, unissons nos Coeurs et nos Voix pour entonner avec Gratitude, avec Sincérité, avec Ferveur et surtout avec un entier Dévouement, le dernier verset du Psaume CXV:


«Mais nous, nous bénirons l’Éternel, dès maintenant et à jamais.

Louez l’Éternel!»


* * *


Grand Dieu! Les Morts ne sauraient Te prier

Ton Nom si Saint ne peut se publier

Où règne le silence,

Nous qui vivons, nous saurons Te bénir,

Et faire entendre aux siècles à venir

Ta Force et Ta Clémence.


* * *


Ne soyez point attristés, dit St Paul, comme les autres qui n'ont point d'espérance.

Ici donc l’Apôtre ne condamne certainement point la douleur qu’occasionne la perte de Personnes chéries.

Laissons derrière nous une orgueilleuse et mensongère Philosophie exalter à son gré une stoïque indifférence: laissons-la tenter d’anéantir tous les liens du Sang, de l’Amitié et de la Reconnaissance; laissons-la se glorifier de trouver des Partisans dans un Siècle dont un Égoïsme, d’autant plus dangereux qu’il est plus raisonné, semble faire le caractère dominant.

Les Progrès d’une semblable Philosophie feraient la honte, et le malheur de l’Humanité! Grâce à Dieu, c’est aussi dans l’Évangile qu’elle trouve sa condamnation fortement prononcée.

NON. L'Évangile n’exige point de l’homme:

ce qui surpasse ses forces;

ce qui dégrade sa Dignité;

ce qui préjudicie à son bien-être;

ce qui détruit celui de ses semblables.

Jamais des Vertus farouches ou sauvages ne seront les Vertus d’un Disciple éclairé de Jésus-Christ.

Il voit, dans l’Évangile, ce divin Sauveur verser des larmes sur la tombe d’un Ami; et, bien loin de former la prétention insensée d’être plus grand que son Maître, il sait que c’est en Lui qu’il trouve un Exemple, sur les traces duquel il est appelé à marcher.

D’ailleurs il reconnaît, il adore une Providence, qui seule crée la lumière et les ténèbres, qui seule fait vivre et mourir.

Il sait, qu’il est de son devoir d’entrer dans les vues que cette Providence Se propose lorsqu’Elle lui enlève des objets auxquels il est attaché.

Porterait-il l’aveuglement ou la démence jusqu’à se persuader que tout ce que cette Providence exige de lui, dans des circonstances de ce genre, c’est une Insensibilité fastueuse, théâtrale?


NON, NON, mes Frères, Il écoutera plutôt la voix forte et pénétrante de la Nature qui aussi est une voix de Dieu qui parle à son coeur.

Il n’étouffera pas des mouvements de douleur que la droite Raison justifie.

Il ne retiendra pas des larmes, que la «Religion» lui permet, lui prescrit de répandre.

Mais, en même temps, il cherchera dans les Vérités consolantes de cette «Religion» des motifs de résignation et de force et, en pénétrant son coeur de tout ce que ces Vérités offrent d’encourageant, IL SERA ATTRISTÉ, IL EST VRAI, mais il ne le sera pas comme les autres, qui n'ont point d'espérance.

Pour vous en convaincre nous allons entrer dans un examen plus détaillé des Espérances Évangéliques propres à tempérer l’Affliction, dont notre texte parle. À cette fin nous rangerons sous quelques Chefs les Principes différents qui séparément ou par leur concours, peuvent produire cette Affliction.

Nous les rapporterons à ces quatre principaux.

1. Un Principe de Charité,

2. Un Principe de Sollicitude,

3. Un Principe de Sensibilité,

4. Et un Principe de Retour sur soi-même.

Nous allons développer successivement les idées particulières que nous renfermons sous ces termes généraux. Nous sollicitons de votre part, mes Frères, pour les Réflexions qui nous restent à vous proposer, un redoublement d’attention.


* * *


I.


Je dis d’abord que l’on peut pleurer les morts par un Principe de Charité.

Nous envisageons en général la Vie comme le plus grand de tous les biens temporels, non sans raison, puisqu’il est le fondement de tous les autres.

Par cela même nous regardons la Mort qui nous prive tout à la fois de la Vie, et de tous les biens dont elle peut être accompagnée, nous la regardons comme étant en quelque sorte le plus grand des Malheurs.

La nature de nos complaintes funèbres offre chaque jour la preuve de ce que nous venons d’avancer.

Pour rectifier à cet égard vos idées, nous ne viendrons pas, à l’exemple des prétendus Sages du Paganisme et de leurs Sectateurs modernes, vous faire un étalage exagéré de toutes les misères de la Vie et en conclure avec eux, que la Mort, qui met fin à toutes ces misères en nous anéantissant est après tout meilleure que l’existence.

Abandonnons ces Déclarations de Rhéteurs (Discoureurs) à ceux qui n'ont point d'espérance.

Oui, nous le reconnaissons, l’Homme ici-bas, quels que puissent être son âge, sa condition, ses relations, ses circonstances, l’Homme a des maux en grand nombre. Le plus beau de ses jours est toujours obscurci par des nuages.

Mais si la Vie à ses chagrins, elle a aussi ses plaisirs, et quelquefois l’Espérance seule d’un plus heureux avenir suffit pour mettre dans la bouche de l’homme, actuellement en proie aux souffrances, ce mot de Salomon: Certes la lumière est douce, et il est agréable aux yeux de voir le Soleil! (Eccl. XI, 7.)

Et Malheur! Oui. Malheur à la Société où se propageraient ces sombres doctrines d’imaginations exaltées, ou de cerveaux mélancoliques!

BIENTÔT ON Y VERRAIT LE SUICIDE ÉRIGÉ EN SYSTÈME, et porter des mains sacrilèges sur soi-même ce qui deviendrait le plus haut point d’une forcenée Sagesse (d'une Sagesse fanatique).


NON, c’est sous un tout autre point de vue que l’Évangile nous fait envisager la Vie.

Il ne nous en dissimule pas les peines, mais il nous inculque, il nous démontre, qu’en tout temps la Vie est un bien parce qu’en tout temps nous pouvons faire servir cette portion de Vie dont nous jouissons actuellement:

POUR JETER OU CONSOLIDER LES FONDEMENTS DE CETTE IMMORTALITÉ GLORIEUSE À LAQUELLE LA VIE PRÉSENTE SERT DE PRÉPARATION.

Voilà selon l’Évangile ce qui constitue le véritable prix de la Vie comme ce qui en fait la grande destination.

Dès lors, il est évident que, si jusqu'à un certain point nous pouvons, par un Principe de Charité, nous attrister à cause de ceux qui dorment – non pas tant parce qu’ils ne jouissent plus des biens de la Vie ou parce qu’ils ne sauraient plus multiplier ces actes de Foi et de Vertu auxquels sont faites les Promesses:

C'est parce que nous avons aussi l'espérance qu’après leur trépas ils ont été rendus possesseurs de la Béatitude promise à CEUX QUI DORMENT EN JÉSUS; pensée qui doit changer à la lettre notre Deuil sur eux en Allégresse.


OUI, SI ces objets de notre affection ont été CONVENABLEMENT PRÉPARÉS POUR L’ÉTERNITÉ, pourquoi les plaindrions-nous de ne plus séjourner sur la Terre des Vivants?

Le Juste est mort et personne ne prend garde qu'il a été recueilli devant le mal. (Ésaïe LVII, 1-2.) Il est entré dans le séjour de la Paix, et son corps repose dans le sépulcre tandis que son âme est auprès du Seigneur. (Luc XXIII, 42-43.)

Pendant qu’il vivait sur la terre, combien de fois les peines du corps, de l’esprit et du coeur ne lui dictèrent-elles pas ce langage de l’Apôtre: Mon désir tend à déloger pour être avec Christ! (Philip. I, 23.)

IL Y EST MAINTENANT; et nous nous affligerions de ce qu’il n’y a plus désormais pour lui ni Cris, ni Deuil, ni Larmes, ni Travail!

Pendant qu’il vivait sur la terre, combien de fois ses infirmités, ses manquements, ses faiblesses, ses chutes peut-être, n’excitèrent-elles pas chez lui de vifs regrets et d’alarmantes craintes.


Maintenant il n’a plus de regrets ni de craintes.

Admis dans la Société des Anges et des Séraphins,

sa conversation sera toujours celle des Bourgeois des Cieux.


Entré au port du Salut il n’aura plus à redouter les Tempêtes, qui auraient pu l’en éloigner encore.

Et nous le plaindrions de ce que, comme HABITANT ÉTERNEL DE CETTE CITÉ D’EN HAUT dont de si grandes choses nous ont été dites, il ne séjourne plus dans ces Tentes de Méschec et de Kédar, où le péché exercerait toujours plus ou moins sur lui son funeste empire! Malheureux que je suis de séjourner à Méschec, D’habiter parmi les tentes de Kédar! (Psaume CXX, 5.)

Direz-vous peut-être, que ce qui ne rend votre douleur que trop légitime, ce sont DES DOUTES CRUELS CONCERNANT LE SALUT DE CEUX QUE VOUS AIMIEZ.

Oui: Nous le sentons, mes Frères!

Des doutes de ce genre sont certainement bien propres à vous remplir de la plus vive douleur et, si malheureusement vous pensiez ne pouvoir nourrir à cet égard aucune espérance, il ne nous resterait, que de vous prêcher la Vertu de la Résignation.

Mais, nous osons le dire, il est bien peu d’occasions, s’il peut même en exister jamais, où nous soyons en droit de nous prononcer définitivement sur la perte éternelle de nos semblables, de ceux-là même, en qui nous avons cru découvrir les caractères les plus marqués de réprobation.

Qui sommes-nous donc, pour oser mettre des bornes à une Miséricorde dont l’Évangile nous déclare que nous ne saurions jamais sonder les profondeurs!

Qui sommes-nous, pour restreindre la Vertu d'un Sacrifice que l’Évangile nous présente, comme pouvant, par son efficacité, laver les taches les plus noires, les plus invétérées?

Je le sais, ce même Évangile nous annonce, que SANS LA FOI ET LA REPENTANCE on ne saurait devenir l’objet de cette Miséricorde, ni obtenir par la Vertu de ce Sacrifice la rémission de ses péchés.

Mais cette Foi, cette Repentance, ne sont-elles pas des Dons de la libre Grâce de Dieu?

Qui sommes-nous pour oser déterminer que ce Dieu, dont les pensées ne sont pas nos pensées, ni les voies, nos voies, (Ésaïe LV, 8.) ne puisse pas départir (distribuer) ces Dons, même dans ces moments où la faiblesse d’un mourant l’empêche de manifester ce qui se passe au dedans de lui; même dans ces moments, où une mort inopinée....


Mes Frères, votre propre intérêt me ferme ici la bouche.

Vous n’êtes en général que trop enclins à chercher, dans l’étendue de la Grâce de Dieu, un oreiller de sécurité pour éviter avec soin d’y chercher des prétextes.

Prenez donc garde de ne pas tourner à votre perte ce qui n’est destiné qu’à votre consolation!

Oui! Anathème à celui, qui dirait en son coeur:

«Dieu peut dans ma dernière maladie, Dieu peut à l’heure même de ma mort, jeter sur moi des regards de Salut, donc je ne me convertirai point encore, et j’attendrai jusqu’aux dernières périodes de ma vie pour me prévaloir de Sa Miséricorde

Sans insister sur l’excès d’une Dépravation réfléchie, que manifeste un pareil raisonnement, je ne sais s’il en est qui décèle une plus grande folie.

Conçoit-on en effet le degré de folie d’un homme, qui ne risquerait pas sa vie, mais même la moindre partie de sa fortune, sur l’espoir d’un Miracle, et qui cependant sur ce même espoir RISQUERAIT LE SALUT DE SON ÂME IMMORTELLE?

OUI. Tout dans l’Évangile nous certifie qu’une Dispensation telle que se la promettent les Pécheurs dont nous venons de parler, est à la lettre, un Miracle dans la Grâce dont ils ne peuvent aussi peu s'appuyer qu’ils ne peuvent pas avoir l'assurance que Dieu en fera un pour eux de cette Nature.

Le premier (s'appuyer) est dans l’ordre des possibilités, quant au dernier (avoir l'assurance): que savons-nous s’il entre dans les intentions de la Grâce, qu'un pareil Miracle s’opère?

Peut-être que tout ce que nous avons dit sur ce sujet n’est-il qu’une illusion de la Charité!

Vous voudriez, ô Pécheurs insensés, en faire le fondement de votre Bonheur pour la Vie à venir!

Craignez plutôt de vous ouvrir à vous-mêmes UNE SOURCE DE REGRETS ÉTERNELS, et songez qu’à coup sûr vous forcerez ceux qui vous survivront sur la Terre, et à qui vous y fûtes si chers, à s'attrister sur vous comme sur les autres qui n'ont point d'espérance.


* * *


II.


J’ai dit en second lieu, mes Frères, que l’on peut pleurer les Morts par un Principe de Sollicitude.

En effet; les larmes que nous versons sur eux ne sont presque jamais entièrement désintéressées.

Souvent, en déplorant leur perte nous pleurons sur nous-mêmes, car leur trépas nous prive de tous les avantages temporels dont leur Vie était le fondement.

Ici une Famille désolée se voit enlever par la mort de son Chef, ses lumières, ses conseils, ses directions qui lui furent tant de fois si utiles et qui lui seraient encore, sans oublier ses moyens de subsistance qui, relativement à la Fortune, faisaient presque son unique ressource.

Là une Naomi, que le décès d’un Époux chéri avait déjà remplie d'amertume, (Ruth I, 3.) se voit comme la Veuve de Naïm réduite à pleurer ce Fils qui était tout à la fois sa consolation et son soutien. (Luc VII, 12.)

Ô qu’il est difficile, quand la Providence nous appelle à subir des épreuves de ce genre, qu’il est difficile alors de ne pas se livrer avec excès à des inquiétudes, des craintes, des angoisses, auxquelles la vue même de tout ce qui nous environne fournit presque sans cesse un nouvel aliment!

«Qui? S’écrie-t-on alors dans l’amertume du coeur: Qui servira de Père ou de Mère à mes Enfants?

Comment pourrai-je désormais pourvoir convenablement à leur subsistance et à la mienne? Où trouverai-je des Conseils, de la Protection, du Secours?

Il n’est plus personne dans ce Monde qui veuille ou qui puisse s’intéresser efficacement à mon sort!

Mes Amis même m’abandonnent, et mes Proches se tiennent loin de moi!»

Situation certainement bien affligeante, mes Frères!

Situation dont on ne saurait, à la lettre se former une idée, à moins d’en avoir soi-même éprouvé l’amertume!

Néanmoins, ô Vous, qui pouvez vous trouver dans cette fournaise ardente, nous vous en conjurons, NE SOYEZ POINT ATTRISTÉS COMME LES AUTRES, QUI N'ONT POINT D’ESPÉRANCE.

NON. Il vous en reste une mes Frères si vos sentiments et votre conduite vous rendent dignes du titre de Chrétien, cette Espérance ne saurait paraître trop petite à vos yeux.

Elle a pour base cette Doctrine consolante d’une PROVIDENCE PATERNELLE, que déjà la droite Raison vous prêche et sur laquelle cette Révélation, dont vous reconnaissez l’origine céleste, s’explique avec tant de clarté et de précision, qu’il ne saurait rester sur cet Article le moindre doute dans votre esprit.


L’Éternel est son nom: réjouissez-vous devant lui!

Le père des orphelins, le défenseur des veuves,

C’est Dieu dans sa demeure sainte.

(Psaume LXVIII, 4-5)


Cette Révélation ne vous présente-t-elle pas le Dieu, que vous adorez:

comme revêtu d’une Puissance illimitée, d’une Sagesse sans bornes, d’une Bonté infinie;

comme ne contristant les Enfants des hommes QUE lorsque les Afflictions leur sont avantageuses et salutaires;

comme pouvant par mille moyens, au-dessus de la portée de votre étroite intelligence, adoucir pour vous ces afflictions dès qu’il le juge convenable;

comme étant l’Appui et le Bouclier de tous ceux qui Le cherchent et qui s’attendent à Lui;

comme ayant Ses yeux particulièrement fixés sur les justes et tenant toujours Son oreille attentive à leurs cris?

Et vous n’adopteriez pas avec sincérité de cœur ce langage du Psalmiste:


Mon Âme, pourquoi t'abats-tu? Et pourquoi frémis-tu au dedans de moi?

Attends-toi à l'Éternel, car je Le célébrerai encore!

Mon Âme, tiens-toi tranquille, regardant à l'Éternel, car mon attente est en Lui!

(Psaumes XLII, 5; LXII, 6.)


Ou bien serait-ce alors qu’une Vie, passée dans la Mondanité ou dans l’oubli de votre Créateur, vous donne lieu de croire que le coup dont Dieu vous a frappé est plutôt pour vous une Punition qu’une Épreuve?

Alors écoutez cette Voix de Dieu, qui vous crie:


Je reprends et je châtie ceux que j'aime.

(Apoc. III, 17.)


Alors répondez par CETTE TRISTESSE SELON DIEU QUI PRODUIT UNE REPENTANCE À SALUT aux vues que Dieu Se propose en vous visitant ainsi, afin que cette Discipline, qui sur l'heure ne semble pas un sujet de joie, mais de tristesse, puisse néanmoins produire aussi pour vous un fruit paisible de justice.

Alors convertissez-vous, et vous verrez la différence qu'il y a entre le Juste et le Méchant, entre celui, qui sert Dieu, et celui, qui ne L'a point servi.

Oui. Si le Juste a de l'espérance même DANS SA MORT, il ne l'a pas moins DANS SA VIE.

Quelque sombre, que puisse paraître à la chair et au sang l’avenir qui se présente à ses regards, jamais, non jamais, le murmure ne souille ses lèvres parce que JAMAIS LA CONFIANCE N’ABANDONNE SON COEUR.

Résigné en tout temps à la Volonté de son Père céleste, cette Résignation même soutient sa constance et sa foi. Elle règle et modère les mouvements trop impétueux de la Nature en souffrance et, en rendant le Fidèle supérieur à tous les soucis de ce Monde, elle autorise dans sa bouche cet encourageant langage:

L'Éternel est mon Berger! Je n'aurai point de disette. (Psaume XXIII.)

Quand mon Père et ma Mère m'auraient abandonnés, toutefois l'Éternel me recueillera. (Psaume XXVII, 10.)

Quels que puissent être, et mes besoins, et ceux de ma Famille:


À LA MONTAGNE DE L'ÉTERNEL IL Y SERA POURVU!

(Gen. XXII, 14.)


* * *


III.


Un troisième Principe, qui nous fait pleurer les Morts, c’est un Principe de Sensibilité.

Par là j’ai particulièrement en vue cette douleur que cause la privation de relations avec ceux qui nous furent chers; abstraction faite de tout ce que nous pouvons perdre d’ailleurs, en les perdant.

Ici donc doit se rapporter déjà en partie ce que nous avons dit dans notre précédent Article de cette Résignation qui dans les épreuves fait la force du Fidèle.

Il y a plus cependant; et à cet égard encore nous ne devons point nous attrister comme les autres qui n'ont point d'espérance parce que:


la Raison et l’Évangile autorisent chez nous le consolant espoir

D’UNE RÉUNION BIENHEUREUSE ET ÉTERNELLE DANS LE CIEL.


Pourtant, prenez garde mes Frères, de ne pas vous former de cette Réunion des idées terrestres et charnelles comme si, dans l’Économie future, vous deviez soutenir avec ceux que vous pleurez, des relations exactement semblables à celles que vous soutîntes avec eux dans ce Monde....

Si des Séparations passagères peuvent quelquefois, même ici-bas, contribuer à notre Bonheur, pourquoi ne le pourraient-elles pas dans une autre Économie?

Ne donnons donc point carrière ici à une Imagination dont il est toujours essentiel de régler notre réflexion d’après les lumières de la droite Raison et celles de l’Évangile.

Ce que l’une et l’autre nous donnent comme légitimes Espérances, c’est que dans la Vie à venir nous reconnaîtrons non seulement les personnes qui nous furent chères dans celle-ci, mais que nous contracterons encore avec elles des relations infiniment plus parfaites, que ne le furent celles qui subsistèrent entre elles et nous sur cette terre.

Nous fondons ces Espérances sur le désir d’une Réunion de ce genre gravé dans tous les COEURS DROITS ET SENSIBLES; un désir qui, n’étant nullement irrégulier en lui-même, ne perdra rien de sa force même après que les affections de notre Âme auront été épurées et perfectionnées.

Et s’il en est ainsi, cette Âme ne serait-elle pas privée, dans l'Économie du Bonheur suprême, d’une satisfaction véritable si ce désir y était illusoire, imaginaire?

J’avoue que cela même donne lieu à une difficulté qui est la seule que l’on puisse objecter raisonnablement.

Cette difficulté consiste dans LES SENTIMENTS PÉNIBLES, qui d’après les principes que nous venons de poser, LES FIDÈLES GLORIFIÉS éprouveraient si:

BIEN LOIN DE PARTAGER LEUR FÉLICITÉ AVEC TOUS CEUX QUI LEUR FURENT CHERS ICI-BAS,

ils étaient pleinement instruits – dans le Ciel – que certains qui, après avoir vécu dans le péché sur la terre, ONT ÉTÉ RELÉGUÉS APRÈS LEUR MORT DANS LE LIEU DES TOURMENTS.

Dans notre ignorance sur la Nature de la Félicité à venir, nous savons cependant que le degré de cette Félicité ne sera pas égal pour tous ceux qui auront été rendus participants de ce bonheur éternel.

En effet, qui osera contester que le Dieu de toute Grâce qui alors sera certainement le centre de toutes nos affections comme II est et sera toujours l’unique source de tout notre Bonheur, ne puisse par des voies, jusqu’à présent au-dessus de la sphère de notre intelligence, nous dédommager avec abondance de leur Privation (privation de ceux que nous avons aimés et qui sont dans le lieu des tourments.).....

La droite Raison favorise donc les espérances d’une RÉUNION BIENHEUREUSE DANS LE CIEL...

Lisez la Parabole remarquable du mauvais Riche et de Lazare; (Luc XVI, 19-31.) et vous verrez, que la manière, dont le Sauveur dépeint l’État et les Sentiments de l’un et de l’autre insinue clairement qu’il y a eu une RECONNAISSANCE, mais que la Réunion fut impossible.

Il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, ou de là vers nous, NE PUISSENT LE FAIRE. (Luc XVI, 27 et suiv..)

Pesez encore ces Déclarations de l’Apôtre St Paul:

Ici-bas nous connaissons en partie, mais quand la perfection sera venue, alors tout ce qui est en partie sera aboli....

Nous voyons maintenant obscurément comme par un miroir, mais alors nous verrons face à face. Maintenant je connais en partie, mais alors je connaîtrai selon que j'ai été aussi connu. (1 Corinth. XIII, 9-12)


Réfléchissez-y mûrement, mes Frères, et vous sentirez, que l’on ne peut guère concilier cette vaste étendue de connaissance que l’Apôtre attribue aux Saints glorifiés, avec la supposition qu’ils ne pourraient pas reconnaître dans le Ciel ceux avec qui ils ont conversé sur la Terre.

D'ailleurs l’Évangile n’affirme-t-il pas en plus d’un endroit, que ces Saints glorifiés communiqueront ensemble dans le séjour de la Béatitude suprême.

Pourquoi n’attribuerions-nous pas à tous les Fidèles ce que cet Évangile nous dit expressément des Apôtres et des Martyrs qui, devant occuper autour du trône de Jésus des places distinguées, devront aussi être universellement reconnus pour ce qu’ils ont été ici-bas.


Enfin. (Car je dois me prescrire des bornes.) Méditez, mes Frères, méditez avec une attention sérieuse et impartiale les endroits nombreux de l’Évangile, dans lesquels l’Économie à venir nous est représentée, comme devant servir:

à manifester les choses cachées dans les ténèbres;

à justifier aux yeux du Monde universel toutes les Voies de la Providence,

et à faire éclater dans les RÉCOMPENSES et dans les PUNITIONS la Justice Souveraine du Juge de l’Univers.

Vous serez forcés de convenir qu’en rejetant la Doctrine d’une Reconnaissance, et par cela même d’une Réunion bienheureuse dans la Vie future, on ne saurait expliquer ces différents Passages sans en faire disparaître absolument la beauté, la majesté et la force.

NON. Coeurs sensibles! Ce n’est donc pas une espérance mensongère, que celle que vous nourrissez de revoir un jour des Personnes qui furent ici-bas les objets de votre tendresse comme vous le fûtes de la leur.

OUI! SI ELLES SONT MORTES AU SEIGNEUR, et si votre propre fin est semblable à celle des Justes,

VOUS LES REVERREZ ces Parents que vous eûtes à peine le Bonheur de connaître dans votre enfance, ou dont les soins tendres et éclairés vous inspirèrent des sentiments si vifs d’attachement et de gratitude.

VOUS LES REVERREZ cet Époux, cette Épouse, dont l’indulgente affection contribua si souvent à adoucir vos chagrins ou à semer – pour vous – des fleurs sur le chemin épineux de la Vie.

VOUS LES REVERREZ ces Enfants, dont les séduisantes caresses, les heureuses qualités, les rapides progrès, ou les succès flatteurs, vous firent sentir tant de fois combien est précieux cet Héritage donné par l'Éternel.

VOUS LE REVERREZ cet Ami, à qui votre Âme fut liée, comme celle de David le fut à l'Âme de Jonathan; (1 Sam. XVIII, 1.) cet Ami, qui fut toujours votre Confident dans vos peines, votre Conseil dans vos perplexités, votre Consolateur dans vos maux, et votre Frère dans la carrière de la sanctification!

Votre Séparation d’avec eux n’est que momentanée. Vous irez vers eux. (2 Sam. XII, 23.)

Chaque jour que vous aurez vécu est un pas que vous aurez fait vers une Réunion bienheureuse.

Chaque année, qui s’envole, est une portion considérable retranchée du temps de votre absence.

Encore quelques années, encore quelques jours peut-être d’une Vie qui passe comme un Songe et là où ils sont, vous y serez, avec eux.

Vous avez maintenant de la tristesse; mais encore un peu de temps, et votre coeur se réjouira, et personne ne pourra plus vous ôter votre joie.

Encore un peu de temps et vous éprouverez que les plus tendres Relations contractées sur la terre – pourvu qu’elles y aient été sanctifiées par la «Religion» – contribueront à augmenter éternellement votre Bonheur dans le Séjour de la Perfection!


Et après cela seriez-vous attristés comme les autres, qui n'ont point d'espérance?


* * *


IV.


Un dernier Principe de la tristesse, qu’occasionne la Mort de Personnes chéries, c’est le Retour que leur mort nous conduit à faire sur nous-mêmes.


OUI. Tout alors nous crie que ceux que nous pleurons, n’ont fait que nous devancer dans un chemin, où à toute heure nous pouvons être appelés à les suivre.

En la maison de deuil, dit Salomon , est la fin de tout homme, et le Vivant met cela dans son coeur.

Mieux vaut aller dans une maison de deuil que d’aller dans une maison de festin; car c’est là la fin de tout homme, et celui qui vit prend la chose à coeur. (Eccl. VII, 2. V. S.)

Ici, c’est une jeune fleur, moissonnée, pour ainsi dire, avant d’être éclose.

Là c’est une plante robuste, qu’un ver rongeant fait dessécher et périr.

Ailleurs c’est un arbre vigoureux qu’un vent impétueux renverse et déracine.

En vain cherchons-nous à placer toujours – pour nous – le tombeau dans un avenir le plus reculé possible.

Tout alors nous fait voir la Fosse ouverte aussi sous NOS pas et prête à NOUS engloutir.

Quelles pensées plus douloureuses pour la plupart des hommes que celles de la CERTITUDE du trépas, ainsi que de L’INCERTITUDE, et peut-être de la proximité de son heure!

Mes Frères, lorsqu’on réfléchit sur les sentiments et la conduite de la plupart des hommes, on ne saurait s’étonner de les voir comme parle Saint Paul:


assujettis toute leur vie à la Servitude par la crainte de la Mort.

(Héb. II, 15.)


Comment seraient-ils affranchis de cette crainte-là s'ils sont sans Espérance, ou du moins sans Espérance fondée concernant LA VIE À VENIR?

Quelles pourraient être les Espérances de ces hommes «abrutis» (sans intelligence), dont malheureusement le nombre est si grand dans le Siècle où nous vivons...!

Eux qui, après avoir érigé par un principe de dépravation l’Irréligion comme un Système, doivent CHERCHER DANS L'ANÉANTISSEMENT – dans ce désolant anéantissement contre lequel la Nature se soulève – LEUR UNIQUE ASILE?

Quelles pourraient être les Espérances de ces hommes insensés qui, livrés entièrement au Monde et aux choses qui appartiennent au Monde, marchent toujours selon leur coeur et selon le regard de leurs yeux, sans s’embarrasser de savoir si les moyens qu’ils emploient pour atteindre le but de leurs désirs sont légitimes, ou s’ils sont «criminels»?

Ces hommes insensés qui vivent comme s’ils étaient assurés qu’il n’y aura point un Jugement à venir!

Quelles pourraient être les Espérances de ces hommes inconséquents, dont la vie offre la preuve la plus frappante de la solidité de ce mot de St Jacques: l'homme double de coeur est inconstant dans toutes ses voies; (Jacques I, 8.) ces hommes qui, aujourd’hui, ont du zèle pour la «Religion» et sont également demain tout de feu pour le Monde.

Ces hommes dont les meilleures résolutions ne sauraient lutter contre la moindre tentation; et dont les bonnes intentions se sont mille et mille fois dissipées comme la nuée du matin qui s'en va?

Quelles pourraient être les Espérances de ces Demi-Chrétiens qui veulent bien faire quelque chose pour leur Salut, mais qui ne pouvant se résoudre à acheter le Royaume des cieux au prix de tout ce qu'ils ont (Matth. XIII, 44.):

C’est-à-dire, au prix de tous les sacrifices qu’exige UNE OBÉISSANCE UNIVERSELLE ET SANS RÉSERVE AUX LOIS DE L’ÉVANGILE; ces Demi-Chrétiens qui se font des systèmes d’accommodation, des règles par lesquels ils retranchent de cette Obéissance leurs Vices les plus chéris dans lesquels ils s’imaginent pouvoir CONCILIER LEURS PENCHANTS AVEC LEURS DEVOIRS, et leurs intérêts dans ce Monde avec ce qu’exigent leurs intérêts pour le Monde à venir?

Quelles pourraient être enfin les Espérances de ces Chrétiens temporiseurs, qui, quoique convaincus qu’ils marchent encore dans des voies dont les issues sont la mort, remettent cependant à un avenir incertain une conversion dont ils ne se dissimulent pas la nécessité, mais à l’égard de laquelle ils adoptent ce langage de Félix lorsque Paul lui parla de la Tempérance, de la Justice et d’un Jugement futur? Pour le présent va-t'en, et quand j'aurai le loisir je te rappellerai. (Actes XXIV, 25.)


Mes Chers Frères, si pendant que ma bouche vient de tracer ces portraits votre coeur vous avait dit à l’un ou à l’autre égard: JE SUIS CET HOMME-LÀ!

Nous vous en conjurons par cette Âme immortelle, DONT LE MONDE ENTIER NE POURRAIT COMPENSER LA PERTE;

Nous vous en sommons au Nom de ce Dieu, qui dans ce moment vous adresse encore par ma voix ces Paroles de Grâce:


Je suis vivant! dit le Seigneur, l’Eternel, ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure,

C’EST QU’IL CHANGE DE CONDUITE ET QU’IL VIVE.

Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d’Israël?

(Ez. XXXIII, 11. V. S.)


Ne rendez pas, par une «criminelle» impénitence, votre état – par rapport au Salut – de jour en jour plus dangereux.....

Songez que cette Mort, dont l’idée pénètre votre Âme de douleur et d’effroi, n’a point encore – pour vous – perdu son aiguillon.


La pensée seule de mourir dans votre péché vous consterne, vous atterre-t-elle?


Si vous avez le malheur d’y mourir (dans votre péché) de quelles couleurs assez sombres vous peindrez-vous à vous-mêmes vos Angoisses et votre Désespoir, lorsqu’une Voix d’Archange jurera par Celui, qui est vivant aux Siècles des Siècles, QU'IL N’Y AURA PLUS DE TEMPS (pour vous repentir)! (Apoc. X, 6.)

Mais Vous, mes Frères, vous qui avez mis à profit ce temps de votre épreuve, afin de vous préparer par une Sanctification réelle pour l’éternelle Béatitude;

Vous, qui dès lors, à proportion de votre sincérité, de vos efforts, de vos progrès, vous pouvez vous appliquer légitimement les consolantes Promesses de l’Évangile:


POURQUOI À L’IDÉE DE LA MORT SERIEZ-VOUS ATTRISTÉS

COMME LES AUTRES QUI N'ONT POINT D'ESPÉRANCE?


Serait-ce le souvenir des péchés de votre jeunesse?

Serait-ce l’idée de tant de fautes plus ou moins graves commises depuis le temps même que vous vous êtes consacrés au Service de votre Dieu?

Serait-ce la vue de tant d’imperfections qui ont accompagné vos meilleures actions et qui maintenant vous inspireraient des perplexités alarmantes?


Mais n’êtes-vous pas venus à Jésus?


N'êtes-vous pas venu à ce Jésus qui peut sauver PARFAITEMENT tous ceux qui se sont approchés de Dieu par lui.

À ce Jésus, dont LA JUSTICE PARFAITE couvre TOUTES les taches de ceux qui, par la Sincérité de leur Dévouement, justifient la Sincérité de leur Foi et de leur Recours à SES MÉRITES.

À ce Jésus, dont vous êtes en droit d’envisager comme vous ayant ACQUIS PAR SON SANG UNE RÉDEMPTION ÉTERNELLE?

Regretteriez-vous donc la privation de tous ces biens temporels, dont la possession contribuât au bonheur de vos jours et auxquels votre départ de ce Monde vous arrache?

Mais un Fidèle, chez qui la Foi est une subsistance des choses qu'il espère, et une démonstration de celles qu’il ne voit point, ne saurait nourrir des regrets de ce genre.

(La foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. (Hébreux XI, 1. V. S.)

Comment, lorsqu’il sait qu’il y a pour lui à la droite de son Dieu des rassasiements de joie, déplorerait-il la perte des plaisirs imparfaits, et si souvent empoisonnés de la Terre?

Ou bien seraient-ce les Objets d'une légitime tendresse, que vous y laissez après vous, qui causeraient votre douleur et vos alarmes?

Mais l’Évangile vous certifie, que vous montez vers leur Père, comme vers votre Père. Vous ne les laissez pas Orphelins.

Le même Dieu, qui vous a conduit par la route du Monde, daignera aussi les prendre par la main et les garder en Son Nom.

S’ILS METTENT EN LUI LEUR ATTENTE, ils trouveront AUSSI en Lui leur Rocher et leur Rédempteur.

Quelle ravissante perspective pour Vous, que celle de les recevoir un jour vous-mêmes dans les Tabernacles éternels!


Direz-vous enfin, que ce n’est pas tant l’idée de la Mort même et de ses suites, qui cause votre abattement et votre tristesse, que celle des douleurs longues ou cuisantes, qui accompagneront peut-être la dernière période de votre Vie.

Vous appréhendez de ne pas pouvoir soutenir, dans les sentiments de Patience, de Résignation, de Foi et d’Espérance, dont vous souhaiteriez, pour votre propre consolation et pour l’édification de ceux, qui pourront se trouver près de vous, d’être fortement pénétrés aux approches de la Mort.

Mais, si c’est là véritablement le principe de vos Appréhensions, ces Appréhensions mêmes, fruits heureux de cette Humilité; à laquelle Dieu a daigné attacher les Promesses les plus positives d’assistance et de grâce, vous sont de sûrs garants, qu’il ne permettra pas, que vous soyez tentés au-delà de vos forces. (1 Corinth. X. 13.)

OUI, s'Il vous appelle à boire une coupe de douleurs, Il accomplira aussi Sa vertu dans votre infirmité.

Il exaucera les souhaits que vous formez pour Le glorifier dans la Maladie et dans la Mort, comme vous vous êtes constamment attachés à Le glorifier durant vos jours de Santé et de Vie.

De quelque manière qu’il jugera convenable pour Sa Gloire et pour votre Salut, de terminer votre carrière terrestre, vous serez – en mourant – les Objets fortunés de cette consolante Déclaration:


Elle a du prix aux yeux de l’Éternel, La mort de ceux qui l’aiment.

(Psaume CXVI, 15. V. S.)


Mes Frères, rentrez dans vos Maisons; retournez dans le Monde remplis et pénétrés de cette idée.

Elle sera pour vous une source d'Espérance, si elle est pour vous un motif de Sanctification.

Or veuille le Dieu d'Espérance, qui dans Sa grande Miséricorde nous a régénérés par la Résurrection de Christ d'entre les morts,

pour avoir une Espérance vive de cet Héritage incorruptible, qui ne se peut ni souiller, ni flétrir, CONSERVÉ DANS LES CIEUX POUR NOUS,

veuille-t-Il vous remplir de toute joie et de toute paix en croyant, afin que vous abondiez en Espérance par la puissance du Saint-Esprit! (Rom. XV, 13; 1 Pierre I, 4-5)

Alors:

Soit la Vie, soit la Mort, toutes choses seront à vous; — Et Vous à Christ — Et Christ est à Dieu! (1 Corinth. III, 22.)

AMEN!


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