Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA CHARITÉ DE JÉSUS-CHRIST

***

Il allait de lieu en lieu, en faisant du bien. (Act. X, 38.)

Sous quelque point de vue qu’on envisage le caractère et la vie de Jésus-Christ, soit qu’on le considère dans ses relations avec son Père, ou dans ses relations avec les hommes, on remarque en lui une grandeur morale extraordinaire et une perfection accomplie.

Quel zèle pour la gloire de Dieu!

Quel dévouement à sa volonté!

Quel amour et quelle confiance filiales!

Et quelle charité inconcevable envers les hommes! Dans chacune de ses paroles quelle douceur et quelle bonté! Dans chacune de ses œuvres quelle touchante compassion!

Quelle conformité admirable entre sa conduite et ses préceptes, entre ses leçons et son exemple! Dans toute sa vie quelle éloquence vivante!

Quel sublime tableau de toutes les vertus qu’il prêche! et comme les circonstances difficiles par lesquelles il passe, servent à faire briller d’autant plus sa divine perfection!

Il serait étranger au but que je me propose, de considérer ce sujet sous tous ses points de vue. Je me bornerai à fixer votre attention sur la charité du Sauveur; et, après en avoir tracé les différents caractères, je chercherai à vous faire sentir l’obligation qui nous est imposée de l’imiter dans notre conduite envers nos frères.


* * *

I.

On peut dire que la vie de Jésus-Christ a été une bonne œuvre continuelle. Et c’est précisément à cause de la perfection de sa charité qu’il est si difficile d’en parler dignement.

Cette vertu divine est à la fois si constante et si naturelle en Jésus-Christ, elle est tellement l’âme de tout ce qu’il dit et de tout ce qu’il fait, que par cela même qu’on n’y remarque jamais de variations, qu’elle n’a point d’inégalités, nous en sommes moins frappés peut-être, que des grandes et belles actions éparses dans la vie des simples mortels.

Il faut beaucoup réfléchir à la charité de Christ pour s’en former une idée qui ne soit pas trop au dessous de la réalité.

Voyez, premièrement, comme elle est universelle dans son objet.

Elle embrasse tous les maux, toutes les douleurs, tous les besoins de l’humanité souffrante.

Descendu du ciel pour rendre la vie, la sainteté, le salut, à nos âmes déchues et condamnées; ayant surtout pour but de nous réconcilier avec Dieu et de mettre en évidence l’immortalité, notre adorable Rédempteur, pendant son séjour sur la terre, ne se borne point à accomplir ce grand objet de sa venue.

Il n’est aucune des misères auxquelles le péché a assujetti les descendants du premier transgresseur, qui échappe à sa tendre compassion.

Elle est aussi étendue, aussi diversifiée, que les maux de l’homme sont nombreux et divers.

Bien différente de la charité humaine, si bornée dans ses vues, si insuffisante dans ses effets, LA CHARITÉ DE JÉSUS NE CONNAÎT PAS DE LIMITES.

Il déploie une puissance miraculeuse sur toutes les maladies du corps. À sa voix, les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont nettoyés, les sourds entendent, les morts ressuscitent.

Il sait adoucir de même toutes les peines de l’âme.

Il pleure avec Marthe et Marie sur le tombeau de Lazare, et rend le frère aux larmes de ses sœurs;

Il ressuscite le fils de la veuve de Naïm;

Il guérit la fille de la Cananéenne.

II a des instructions pour tous les ignorants, des consolations pour tous les affligés, de charitables avertissements pour tous les pécheurs, des paroles d’exhortation et d’encouragement pour tous les faibles.

Médecin spirituel, il compatit à toutes les plaies de l'âme; il n’en est aucune pour laquelle il des remèdes.

Que si l’impénitence ou l’incrédulité s’opposent à l’exercice de son amour, loin de manifester une froide insensibilité aux maux de ceux qui repoussent ses bienfaits, il pleure sur le sort qu’ils se préparent. Il a des larmes même pour l’ingrate Jérusalem.

Enfin pour nous délivrer du plus grand des maux, de la condamnation et de la mort que le péché avait attirés sur nous, il accomplit la plus charitable de toutes les oeuvres: Lui, le Saint et le Juste, il se laisse mener à la boucherie comme un agneau et comme une brebis muette devant celui qui la tond; l'amende qui nous apporte la paix tombe sur lui.

Et, après avoir expié le péché, il nous fournit un moyen assuré de nous soustraire à son funeste empire; il envoie l’Esprit de lumière, de sainteté, de force, pour rendre la lumière, la sainteté, la force morale à des âmes mortes dans leurs fautes et dans leurs péchés.

Lorsque les hommes se privent par leur endurcissement de la participation à ses grâces, quand il semblerait qu’il ne peut plus leur faire de bien, il intercède encore pour eux, il prie même pour ses bourreaux: Mon Père, s'écrie-t-il du haut de la croix, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font.

Ô mes frères! se peut-il que nous ne soyons pas touchés à salut, attirés à Christ, unis pour toujours à lui, par la contemplation de cette charité infinie qui embrasse tous les maux de l’humanité, sans exception!

Se peut-il qu’il y ait des hommes qui ne reconnaissent pas un Dieu dans Celui qui manifesta ainsi, aux yeux de la terre étonnée, un amour qui n’est pas de ce monde, mais qui est du ciel, du séjour de l’amour infini.


II.

La grandeur de la charité de Jésus-Christ nous frappera encore davantage, si nous réfléchissons à l’état du monde dans lequel il parût.

C’était sur une terre maudite où régnaient une affreuse idolâtrie, une profonde corruption, que le Sauveur venait exercer sa charité;

c’était envers des êtres déchus de leur origine céleste, et qui ne méritaient que la condamnation;

c’était au sein d’un peuple qui, bien qu’éclairé d’une lumière divine, n’était guère moins dépravé que les autres peuples.

Et cependant Jésus trouve dans ses compassions infinies de quoi plaider la cause de l’homme; il ne se souvient plus de nos iniquités, il ne voit que notre misère.


L’HORREUR QU’IL A DU PÉCHÉ,

NE L’EMPÊCHE PAS D’AVOIR PITIÉ DES PÉCHEURS!


Il vient habiter dans notre chair; il vient pour consoler, pour bénir, pour endurer les souffrances et la mort la plus cruelle!

Oh! ne serons-nous pas frappés de la grandeur de sa charité envisagée sous ce point de vue, nous qui trouvons si difficile d'aimer nos ennemis, de bénir ceux qui nous maudissent, de faire du bien à ceux qui nous haïssent, de prier pour ceux qui nous persécutent; nous, qui sommes si portés à fermer notre cœur et à refuser nos secours à ceux de nos compagnons de péché, qui nous semblent ne pas bien mériter de nous?

Que serions-nous devenus si, pour faire du bien aux hommes, Jésus avait attendu que les hommes s’en trouvassent dignes?

Remarquez, en troisième lieu, que dans l’exercice de sa charité, notre divin maître n’attendait pas les occasions de faire le bien, il allait les chercher.


LES HOMMES NE POUVAIENT PAS S’ÉLEVER JUSQU’À LUI,

IL S’ABAISSA JUSQU’À EUX!


Il revêtit leur nature; il vécut au milieu d’eux.

Tout grand, tout saint, tout pur qu’il était, comme il se rapprochait des pécheurs, et même des plus grands pécheurs! Comme il était loin de rompre toute communication avec ceux qui n’accueillaient pas le message du salut, et d’élever ce mur de séparation que quelques fidèles pensent de nos jours devoir élever entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas!

Avec quelle touchante bonté il allait au devant de ceux qui s’égaraient! comme il épiait les occasions de leur donner avec sagesse et avec discernement ses instructions salutaires, et de les attirer à lui par tous les témoignages d’intérêt qui pouvaient les disposer à recevoir sa doctrine!

Nous croyons faire beaucoup,

quand nous prêtons aux infortunés qui s’adressent à nous une oreille attentive,

quand nous ne leur fermons pas notre porte,

quand nous écoutons patiemment le récit de leurs infortunes,

quand nous leur donnons les conseils ou les secours qu’ils nous demandent,

quand, en un mot, nous saisissons les occasions d’être utiles qui s’offrent naturellement.

Mais Jésus-Christ ne se bornait pas à les saisir lorsqu’elles se présentaient, il s’occupait constamment à les découvrir.

Les maux des hommes étaient pour lui comme un aimant qui l’attirait près d’eux. Chacune des douleurs que sa toute science lui faisait connaître, excitait son active commisération. Non seulement Jésus allait de lieu en lieu, cherchant les occasions de faire du bien; mais il les cherchait avec une persévérance que rien ne pouvait lasser. Les obstacles ne l’arrêtaient jamais. Persécuté dans un endroit, il ne se rebutait pas, mais il allait porter ailleurs ses bienfaits.

Il trouvait dans son inépuisable charité la force de poursuivre sans relâche et avec une constance inébranlable sa carrière de miséricorde. Il n’y avait ni délais, ni interruption dans son œuvre.

Il ne connaissait pas cette fatigue de faire le bien, ce sentiment d’en avoir fait assez, qui nous retient souvent. L’ingratitude de ceux qu’il comblait de bénédictions, l’ingratitude qui porte si souvent un coup mortel à notre charité, n’arrêta jamais la sienne.

Il ne cherchait point la gloire, ni les louanges qui viennent des hommes; et ne s’étonnait pas quand ses bienfaits étaient payés d’une froide insensibilité. Tant sa charité était grande et inépuisable! tant elle était indépendante de la reconnaissance de ceux qui en étaient les objets! Tant elle trouvait d’aliments en elle-même! Il ne cessa jamais d’être bienfaisant envers les rebelles et les ingrats.

Enfin, pour se former une idée juste, quoique bien imparfaite encore, de la charité de Jésus-Christ, il faut réfléchir à tous les sacrifices auxquels il s’est soumis pour nous.

Les sacrifices sont la pierre de touche du véritable amour; ce sont eux qui témoignent de la réalité et de la force des affections terrestres: plus on est capable d’en faire, plus on aime.

À quel renoncement, à quelles privations une mère ne sait-elle pas se soumettre?

C’est que le sentiment maternel est l’une des plus vives affections du cœur. Ainsi, pour comprendre la charité du Fils de Dieu, pensons à tous les sacrifices qu’il a faits pour nous.

Sans parler de celui auquel IL SE SOUMIT EN RENONÇANT POUR UN TEMPS À LA GLOIRE ET À LA FÉLICITÉ CÉLESTES, pour venir habiter la vallée des larmes et des misères, dévouement dont nous ne concevrons jamais ici-bas toute l’étendue, on peut dire que la vie de Jésus-Christ a été un sacrifice sans cesse répété.

Sa nourriture continuelle était de faire la volonté de son Père.

Ni les fatigues du corps, ni les peines de l’âme n’étaient capables de l’arrêter. Ce n’était pas pour lui, c’était pour les malheureux qu’il vivait. Au sein même des plus grandes souffrances, il s’oubliait tellement lui-même qu’alors encore il avait des paroles de consolation à offrir.

En marchant au supplice, ce n’était pas sur ses propres maux qu’il pleurait. Et après tous les sacrifices dont sa vie avait été composée, il offrit dans sa mort le plus grand, le plus inconcevable de tous.

Victime pure, innocente et sans tâche,

Il se livra lui-même à la justice de son Père;

Il se laissa mettre au rang des malfaiteurs;

Il se rendit obéissant jusqu'à la mort, même jusqu’à la mort de la croix, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

De Bethléem au Calvaire, il alla de lieu en lieu en faisant du bien.

Ô! vous qui n’avez jamais consacré aux malheureux qu’une faible portion de votre or ou de votre argent, vous qui n’avez jamais su renoncer pour l’amour d’eux à aucune des douceurs de la vie, vous qui n'avez jamais su leur sacrifier ni votre temps, ni votre repos, ni votre orgueil, ni vos plaisirs; vous qui ne vous êtes jamais soumis pour vos frères en Christ à une privation véritable, n’apprécierez-vous pas la charité du Fils de Dieu? N’en comprendrez-vous point la grandeur?

Tel fut, autant du moins que nous pouvons la comprendre, la charité de Jésus-Christ. Mais que nous sommes loin, nous qui n’avons que des coeurs terrestres, de nous en former une juste idée!

Combien le tableau que j’en ai tracé est au dessous de la réalité! Cependant, la charité du Sauveur, tout imparfaitement qu’il nous est donné de la comprendre, nous fournit les instructions les plus importantes.


II.

Je pourrais vous montrer, premièrement, quel témoignage la vie de Jésus-Christ, considérée seulement sous ce point de vue, rend à la divinité de sa Personne et de sa mission.

Il n’est donné à aucun être créé d’atteindre la perfection dans la pratique d’une seule vertu. Celui qui a manifesté sur la terre une charité accomplie, dans laquelle il est impossible de découvrir aucune tache, doit nécessairement être Celui qui était au commencement avec Dieu et qui était Dieu.

Je pourrais encore vous faire sentir que la contemplation de l’infinie charité que Christ manifesta pendant son séjour sur la terre, doit nous porter à chercher avec confiance auprès de lui toutes les grâces dont nous avons besoin pour la régénération et le salut de nos âmes.


JÉSUS EST TOUJOURS LE MÊME.


Il n’est pas moins disposé à nous faire du bien, qu’il ne l’était à en faire, pendant les jours de son pèlerinage terrestre, à ceux qui avaient le privilège d’approcher de lui.... Il déploie encore une puissance surnaturelle pour guérir les maux de l’âme.

Il peut toujours sauver ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder pour eux.

Il ne rejette point celui qui vient à lui.

Demeurer sous l’esclavage du péché et sous la condamnation, lorsqu’on peut avoir recours à ce puissant Sauveur, c’est périr VOLONTAIREMENT à côté du remède le plus efficace.

Cherchons, cherchons de plus en plus à savoir par notre propre expérience que Jésus est prêt à faire dans nos âmes, par sa parole et par son Esprit, l’œuvre qu’il fit autrefois dans les âmes de ses disciples.

Ne soyons pas tranquilles sur notre salut, si nous ne connaissons point encore la réalité de sa puissance, pour nous rendre de nouvelles créatures et pour nous préparer à l’immortalité bienheureuse qu’il nous a acquise.

S’il n’a rien fait pour nous, c’est que nous ne sommes pas allés à lui.

Si nous mourons sans qu’il nous ait affranchi de l’empire du mal, sans qu’il nous ail rendu la glorieuse liberté des enfants de Dieu, nous ne pourrons accuser que nous-mêmes de notre perte.

Mais parmi les leçons que nous donne la charité de Jésus, je veux surtout en rappeler une qui se présente naturellement à l’esprit lorsqu’on considère l’exemple du Seigneur:


LE DEVOIR QUI NOUS EST IMPOSÉ DE MARCHER SUR SES TRACES.


Je suis loin de prétendre qu’il suffise, comme on se l’imagine quelquefois, d’imiter la charité de Jésus-Christ pour être son disciple.

S’il était possible de suivre à cet égard l’exemple du Sauveur, tout en s’en écartant à d’autres égards; s’il était possible de pratiquer cette grande et belle vertu, tout en étant habituellement dépourvu d’humilité, de repentance, de foi, de sainteté, ce serait s’abuser étrangement que de se croire Chrétien, alors qu’on foulerait aux pieds des préceptes de Christ aussi positifs que ceux qui nous recommandent la charité.

Nous ne suivons point véritablement le modèle que nous a tracé notre Maître, si nous ne nous y conformons pas dans toute notre conduite et à tous égards.

Mais après avoir écarté cette fausse idée, je dis que, quelle que soit la pureté de notre orthodoxie, ou la sincérité de notre attachement aux cérémonies religieuses, ou notre assurance du salut, ou la régularité de notre conduite, nous n’avons que l’apparence de la piété et que le nom de Chrétiens,

Si nous ne nous montrons pas animés envers les hommes de l’esprit qui animait notre Maître;

Si nous ne travaillons pas à nous revêtir de cette charité dont il nous a donné un si bel exemple,

de cette charité qui compatit aux maux de l’âme encore plus qu’aux maux du corps,

de cette charité qui cherche les occasions de faire le bien et qui les saisit avec empressement,

de cette charité que n’éteint point l’ingratitude et qui ne refuse point de faire des sacrifices.

Pour vous en convaincre, je ne m’appuierai que sur des considérations tirées de l’exemple du Sauveur.

En premier lieu, remarquez que l’Évangile nous parle sans cesse de la charité du Fils de Dieu comme du modèle que nous devons suivre.

C’est ici mon commandement, que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés.

Personne n’a un plus grand amour que celui de donner sa vie pour ses amis.

Marchez dans la charité, de même que Christ qui nous a aimés et qui s’est offert lui-même à Dieu pour nous.

Nous avons connu ce que c'est que la charité, en ce que Jésus-Christ a mis sa vie pour nous; nous devons donc aussi mettre notre vie pour nos frères: or, celui qui aura des biens de ce monde, et qui, voyant son frère dans le besoin lui fermera ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui?

Mes petits enfants, n’aimons pas seulement de paroles et de la langue, mais aimons en effet et en vérité.

Où est donc notre Christianisme, si la charité active, désintéressée et miséricordieuse qui était en Jésus-Christ n’est pas en nous?

Où est notre soumission à l’autorité de notre Maître?

Où est notre obéissance?

À quelle marque nous reconnaîtra-t-il pour ses disciples?

Dans l’homme qui n’embrasse pas ses frères dans un vrai sentiment d’amour, qui ne prend pas un intérêt réel à leur sort, qui repousse ou néglige les occasions de leur être utile, qui n’est pas capable de sacrifices pour leur bonheur et pour leur salut, ce divin Sauveur qui allait de lieu en lieu en faisant du bien, ne reconnaîtra jamais un de ses rachetés.

Il est insensé de s’imaginer qu’on est son disciple, tout en foulant aux pieds son exemple: C’est à cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres.

Remarquez encore que le Sauveur nous représente le bien que nous faisons à l’un de ceux qui croient en lui, comme fait à lui-même.

Pour ôter à notre indifférence tout prétexte tiré de l’indignité des hommes et de leur ingratitude envers ceux qui leur font du bien (comme si nous n’étions pas tous devant lui des indignes et des ingrats), Jésus se substitue, en quelque sorte, à la personne des malheureux;

il demande que, par amour pour lui qui les a aimés et qui s’est livré pour eux, nous les aimions nous-mêmes.

Il demande que ce que nous sentons pour lui, qui nous a arrachés à la condamnation et qui nous a ouvert le royaume des cieux, nous le sentions pour eux.

Il demande que nous fassions pour eux ce que nous serions disposés à faire pour lui s’il était encore sur la terre, et s’il avait besoin de nos secours.

Par son amour infini, par son inconcevable sacrifice, par sa mort ignominieuse et cruelle, par la rédemption qu’il a opérée, il plaide la cause du plus petit, du plus obscur de ses frères.

Soyez-en donc sûrs,

nous ne sentons pas ce que nous lui devons;

nous n’avons point cru à la condamnation dont il est venu nous délivrer, au salut qu’il nous a acquis, à l’amour qu’il a pour nous;

nous ne l’aimons pas, si notre cœur n’est pas toujours rempli de compassion et de miséricorde; si nous ne sommes pas disposés à aimer, à consoler, à instruire, à secourir ceux que Jésus nous recommande comme ses frères.

Notre manque de charité pour eux témoigne que nous n’avons point cru en lui de cette foi qui est agissante par la charité; et qu’en conséquence, nous sommes encore morts dans nos fautes et dans nos péchés, encore exposés à la condamnation.

Celui qui n'aime pas son frère, dit St. Jean, demeure en la mort.

Au contraire, la charité chrétienne,

lorsqu’elle cherche avec zèle et saisit avec empressement les occasions de faire le bien;

lorsqu’elle s’exerce en secret comme en public;

lorsqu’elle ne se lasse et ne se rebute point;

lorsqu’elle porte à avoir compassion des maux spirituels et des maux temporels des hommes,

est l’une des preuves les plus évidentes qu’ou croit en Jésus-Christ et qu’on a part à ses grâces.

En ce que nous aimons nos frères, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie.

Jugeons-nous donc nous-mêmes et demandons-nous ce que nous avons fait, par amour pour Jésus-Christ, en faveur de ses disciples malheureux; quels sont les affligés que nous avons consolés, les ignorants que nous avons instruits, les pécheurs que nous avons ramenés à Dieu, les malades, les pauvres dont nous avons pris soin?

L’heure viendra où le Seigneur nous demandera compte de ce que nous avons fait pour lui dans la personne de ceux qu’il recommandait à notre affection chrétienne et à notre charité.

Quand le Fils de l'Homme paraîtra dans sa gloire, avec tous les saints Anges, alors il s’essayera sur le trône de sa gloire, Et toutes les nations seront assemblées devant lui; et il séparera les uns d'avec les autres, comme un berger sépare les brebis d'avec les boucs; et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite:

Venez, vous qui êtes les bénis de mon Père, possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la création du monde. Car j’ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j’ai eu soif et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger, et vous m’avez recueilli; j’étais nu, et vous m'avez vêtu; j’étais malade, et vous m'avez visité; j'étais en prison, et vous m’êtes venu voir.

Alors les justes lui répondront: Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim, et que nous t’avons donné à manger; ou avoir soif, et que nous t’avons donné à boire? et quand est-ce que nous t’avons vu étranger, et que nous t'avons recueilli; ou nu, et que nous t'avons vêtu? ou quand est-ce que nous t’avons vu malade ou en prison, et que nous sommes venus te voir?

Et le Roi répondant, leur dira: Je vous dis en vérité, qu'en tant que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, vous me les avez faites.

Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche:

Retirez-vous de moi, maudits, et allez dans le feu éternel qui est préparé au Diable et à ses Anges, Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; j’étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli, j’étais nu, et vous ne m'avez pas vêtus, j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.

Alors ceux-là lui répondront aussi: Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim, ou soif, ou être étranger, ou nu, ou malade ou en prison, et que nous ne t’avons point assisté?

Et il leur répondra: Je vous dis en vérité, qu'en tant que vous ne l’avez pas fait à l'un de ces plus petits, vous ne me l’avez pas fait non plus. Et ceux-ci s'en iront aux peines éternelles, mais les justes s’en iront à la vie éternelle.

Tel est l’arrêt qui sera prononcé au tribunal sans appel de notre Juge.

Ô mes frères! quel ne sera pas alors le bonheur de ceux qui auront passé leur vie à secourir Jésus-Christ, en soulageant les membres souffrants de son église?

Quel ne sera pas le malheur de ceux qui auront négligé de répondre à cette sainte vocation?

Il me semble voir s’élever en jugement contre ceux qui auront laissé échapper les occasions de faire du bien,

les pauvres qui n’auront pas été secourus,

les ignorants qui n’auront pas été instruits,

les affligés qui n’auront pas été consolés,

les pécheurs qui n’auront pas été repris,

les faibles qui n’auront pas été fortifiés;

il me semble entendre Jésus-Christ faisant retentir ces paroles au fond des consciences coupables: En tant que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits qui croient en moi, vous ne me l’avez pas fait à moi-même; retirez-vous de moi.

Oh! avec quel empressement ne devons-nous pas travailler à rassembler, pour cette grande et solennelle journée où nous comparaîtrons devant notre Juge, une foule de témoins qui viennent déposer de notre foi, de notre amour pour Jésus-Christ, de notre zèle pour ses intérêts, et de notre compassion pour ses rachetés!

C’est à la puissance de cette foi qui unit le Chrétien à son Sauveur et qui le rend participant de l’Esprit de charité qu’il faut attribuer, je ne dirai pas ces actes isolés de bienfaisance qui cherchent les applaudissements du monde, mais cette vraie charité qui porte à consacrer ses talents, sa fortune, son autorité, son existence toute entière au soulagement des malheureux, au bonheur et au salut des hommes.

Si vous voulez juger de l’influence que peuvent exercer l’exemple de Jésus-Christ, la reconnaissance pour son infinie charité, le sentiment de ses bienfaits, le désir de marcher sur ses traces, contemplez les grandes entreprises de cette philanthropie chrétienne qui fait la véritable gloire de notre siècle.

Portez vos regards sur un Howard qui, digne disciple d’un Sauveur envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé et pour publier aux captifs la délivrance, parcourut l’Europe en pénétrant dans les prisons les plus obscures; et, sans être arrêté par le spectacle de la plus affreuse dépravation, apporta dans ces demeures du désespoir tous les trésors de l’Évangile, et travailla à faire descendre les consolations et les espérances du Christianisme dans l’âme de ces êtres immortels que la justice humaine laissait languir au sein de la plus profonde corruption, et loin du seul remède salutaire.

Pour comprendre quelle charité peut inspirer l’amour du Sauveur, contemplez l’œuvre qui se fait sous nos yeux dans une prison de cette capitale (La prison de Nevvgate, à Londres), où une femme (Madame Fry), dont on ne prononce le nom qu’avec un profond respect et une vive gratitude, sans se laisser rebuter par un spectacle d’iniquité et de corruption que sa vive sensibilité devait lui rendre d’autant plus pénible, sachant qu’il ne faut, sous la bénédiction de Dieu, désespérer de la conversion de personne, a consacré aux malheureuses victimes de l’immoralité ses soins les plus tendres, ses prières les plus ferventes.

Bénie dans ses efforts, par ce Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie, elle a ramené à la vertu et à la piété plusieurs de ces infortunées, marquées aux yeux du monde d’une tache ineffaçable; elle a changé un séjour de ténèbres et d’endurcissement en un asile de repentir, de réformation et de salut.

Si vous voulez juger de ce que peut une foi vive en la charité de Jésus-Christ, pour développer dans le cœur une charité dont rien ne ralentisse le zèle et la persévérance, fixez votre attention sur le glorieux triomphe qu’a remporté l’Évangile, par l’abolition de cet infâme trafic de chair humaine, qui, pendant des siècles, a rabaissé au niveau de la brute des êtres auxquels il ne manquait que la civilisation et le Christianisme, pour qu’on vît naître en eux ces sentiments de piété, d’humanité, dont on ne voulait pas croire qu’ils fussent susceptibles.

C’est la voix de quelques disciples du grand Libérateur de l'espèce humaine, qui a plaidé, la cause des Nègres, éveillé l’attention sur leur sort, remué les consciences en leur faveur, étouffé les clameurs de la cupidité; c’est leur voix qui a excité une manifestation franche et irrésistible de l’opinion publique, et qui, après une lutte de trente années, a renversé enfin tous les obstacles; triomphé de toutes les oppositions, et rétabli dans leurs droits, à la face des peuples, une portion de l’espèce humaine qui en avait été indignement dépouillée.

Enfin, pour se faire une idée de l’amour que peut nous inspirer pour nos frères le sentiment de l'amour du Sauveur envers nous, il faut apprécier l’influence de son exemple et la puissance, de sa grâce dans ces hommes, qui, animés de l’esprit de leur céleste vocation, portent la charité, aussi loin que l’homme peut la porter. Je veux parler de ces Missionnaires, qui s’arrachent à tous les liens qui les attachent à leur patrie, qui renoncent à toutes les douceurs de la vie domestique, et qui, sourds à la voix, du monde et des affections les plus légitimes, n’écoulent que la voix de Celui qui s’est livré pour eux, et qui leur, a adressé cette invitation solennelle: Allez et enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père du Fils, et du Saint-Esprit.

Nobles hérauts de l’Évangile! c’est en vain qu’un monde léger et frivole vous couvre de ses superbes mépris, en vain qu’il vous range au nombre des hypocrites ou des enthousiastes; vos noms sont écrits dans les cieux, et les bénédictions des générations futures vous attendent.

Mes frères; que de si beaux, de si touchants exemples ne soient pas perdus pour nous.

Si nous ne sommes pas appelés à entrer dans une aussi noble carrière, si la sphère dans laquelle nous agissons est plus étroite et la place que nous occupons plus obscure, nous sommes cependant appelés à aller; comme notre Maître, de lieu en lieu, en faisant du bien, et en montrant la salutaire influence de notre foi dans toutes nos relations avec nos frères, dans toutes les circonstances où nous pouvons contribuer; à leur bonheur ou à leur salut.

Si nous sommes remplis de l’Esprit de charité, si nous demandons sans cesse, à Dieu qu’il le fasse habiter en nous; si nous avons soin de le vivifier sans cesse, en méditant sur la charité de notre Sauveur, il ne nous laissera pas manquer d’occasions de faire luire notre lumière devant les hommes, afin qu’ils voient nos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient notre Père qui est dans les cieux.

Amen.


 

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