Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES SUITES DES FAUTES LÉGÈRES SELON LE MONDE.

***

Celui qui est injuste dans les petites choses, le sera aussi dans les grandes. (Luc XVI, 10.)

Il est des préceptes de la loi divine, qui, aux yeux du monde, ne sont pas absolument obligatoires, dont la violation n’est pas envisagée comme très condamnable, et qu’on transgresse sans se croire pour cela criminel devant Dieu.

De légers actes d’intempérance,

des paroles peu mesurées sur le compte du prochain,

le ressentiment d’une injure,

la profanation du nom de Dieu,

un usage frivole de la plus grande partie du jour du Seigneur,

un manque de sincérité et de délicatesse scrupuleuse dans les affaires,

Ne paraissent à un grand nombre de personnes que des fautes peu graves, sans danger pour le salut.

Je pourrais vous montrer combien cette façon de voir est erronée.

Il est facile de comprendre, si l’on veut y réfléchir, qu’aux yeux de Dieu, nous ne commettons jamais une petite faute lorsque nous désobéissons volontairement à l’un de ses commandements, quel qu’il soit.

Ils sont tous également dignes de respect; car ils sont tous émanés de sa volonté souveraine, munis de sa sanction, et appuyés de l’autorité que leur a donnée le Sauveur en les mettant en pratique.

Il n’en est donc AUCUN que nous puissions raisonnablement considérer comme de peu d’importance.

Quand, de notre plein gré, nous nous écartons d’un seul précepte de la loi, à nous bien connu, nous nous montrons dépourvus de cet amour pour Dieu qui doit nous porter à CHERCHER À LUI PLAIRE À TOUS ÉGARDS; et nous bravons ses jugements, car il a dit: Maudit est quiconque ne persévérera pas dans toutes les paroles de la loi pour les faire.

Voilà ce qui doit nous convaincre:


les fautes que le monde appelle légères,

Dieu les appelle GRANDES;


Il ne nous absout nullement à son tribunal des transgressions dont le monde nous absout au sien.

Pour combattre cette morale mondaine et relâchée, je n’ai pas dessein de m’arrêter davantage à vous montrer combien elle est au dessous de la morale de l’Évangile, et combien la vertu qui ne s’élève pas plus haut, est au dessous de la vertu que Dieu attend du Chrétien.

Je chercherai plutôt à vous convaincre que:

l’habitude de transgresser la loi dans des points que l’on croit de peu d’importance,

conduit à la transgresser toujours plus fréquemment et d’une manière toujours plus grave.

C’est la vérité morale que je me propose d’établir. N’oubliez pas, mes frères, que si, faisant allusion à ces désobéissances qu’on se permet sans scrupule, je les appelle des offenses légères, ce n’est pas qu’elles puissent jamais être considérées comme telles devant Dieu et d’après l’Évangile, mais seulement parce que je veux être bien compris, et, dans ce but, parler le langage de ceux auxquels je m’adresse.

Pour prouver que l’habitude des petites fautes entraîne à des transgressions plus graves, je montrerai:

I. Qu’elle affaiblit et finit par détruire le sentiment du respect dû à la loi divine.

II. Qu’elle renverse la seule barrière qui puisse arrêter dans le chemin de l’iniquité.

III. Que telle est la marche bien connue de la démoralisation.

IV. J’en appellerai, pour le prouver, à votre connaissance du monde.

V. Enfin, je ferai voir comment les petites fautes agissent sur le caractère et sur la conduite.


* * *

I.

Celui qui se permet de transgresser habituellement la loi divine dans quelques points qu’il considère comme étant de peu d’importance , se fera presque nécessairement un système de morale de plus en plus relâché, qui l’éloignera toujours davantage dans sa conduite de l’obéissance à la volonté de Dieu.

Recevez la loi, développée dans les préceptes et dans la vie du Sauveur, comme l’inaltérable règle de vos sentiments et de vos actions;

regardez tous ses points comme obligatoires;

n’y ajoutez rien et n’en retranchez rien;

mais pour l'amour de Celui qui vous a soustraits à la condamnation, acceptez-la toute entière comme votre unique guide: et elle devient une lampe à vos pieds et une lumière à vos sentiers; fixe et invariable, elle vous montre toujours clairement ce qui est bien et ce qui est mal.

Mais, au contraire, mettez de côté en quelques points les arrêts de la loi de Dieu, considérez certaines fautes comme sans conséquence, absolvez-vous en sans scrupule; et, plus vous agirez ainsi, plus vous affaiblirez en vous l’autorité de la loi, en lui enlevant son grand caractère, qui est de TRACER D’UNE MANIÈRE PRÉCISE LA LIGNE DU PÉCHÉ ET CELLE DE L’OBÉISSANCE.

Celui qui se permet de commettre ces prétendues petites fautes et de les excuser, plie la loi selon ses désirs. Or, n’est-il pas certain que dès qu’il a commencé à la modifier, il la modifiera toujours davantage?

N’allant plus chercher ses notions de morale dans l’Évangile, comme à un tribunal suprême et sans appel, il sera abandonné, pour ses principes de conduite, aux sophismes de ses passions, aux illusions qu’il voudra se faire, aux idées commodes qui circulent dans la société.

Il en viendra à se former une morale toujours plus facile, qui ne le gêne et ne le condamne point.

Ce qu’il appelle aujourd'hui une transgression grave, parce qu’il a encore conservé à quelques égards une conscience éclairée, bientôt, quand il aura plus souvent foulé aux pieds la loi, il l’appellera une transgression légère.

Il resserrera tous les jours le champ des grandes fautes et élargira celui des petites. Ce qui le faisait rougir autrefois, ne lui paraîtra plus qu’une faiblesse excusable.

Ainsi s’aveugle la conscience;

Ainsi se détruisent les principes moraux dès qu’on a cessé de prendre pour guide cet Évangile qui ne change point.

Une fois qu’on s’est débarrassé de sa lumière importune et de son frein incommode, la corruption naturelle, les maximes et les exemples du mal, les séductions du Démon, tendent à égarer toujours davantage, et à substituer dans l’esprit de l’homme une morale de plus en plus incertaine, relâchée et facile, à la morale claire, positive et invariable de l’Évangile.

Or, n’est-il pas évident, que l’effet de ce relâchement dans les principes, sera un relâchement dans les moeurs; que plus on s’accoutumera à courber la règle de ses devoirs, plus on s’éloignera dans sa conduite de ce que doit être la vie du Chrétien?

Il faudrait être aveugle sur la liaison qui existe entre nos principes, nos sentiments et nos actions, pour ne pas comprendre que tel sera l’effet inévitable de l'habitude des petites fautes.


II.

De plus, l'homme qui se permet de légères violations de la loi, se laissera presque nécessairement aller à des transgressions plus multipliées et plus graves, parce qu’il a rendu toujours plus faible la seule barrière qui pouvait l’arrêter efficacement dans la voie du péché, et qu’il s’est accoutumé à la renverser facilement et sans scrupule.

L’idée de Dieu et de sa volonté suprême,

le sentiment de ses bienfaits,

la frayeur de ses jugements,

l’exemple du Sauveur,

les secours de l’Esprit Saint sont tout autant de motifs et de moyens d’obéissance que CHAQUE TRANSGRESSION, quelque légère qu’elle paraisse, REND MOINS EFFICACES.

On sent toujours moins combien on est coupable en y résistant. On se tranquillise en voyant qu’on a péché souvent impunément. On dit:

Le Dieu fort n’y prendra pas garde.

Parce que la sentence prononcée contre les mauvaises œuvres ne s'exécute pas incontinent, te coeur de l'homme est plein de l’envie de mal faire.

Ainsi l’habitude des fautes légères, par une action lente, graduelle, mais pourtant sensible, dépouille peu à peu l’âme de cette croyance religieuse de cette foi sanctifiante, qui était sa sauvegarde.

Elle affaiblit tous les jours le principe chrétien.

Elle ébranle et finit par anéantir son autorité.

Et qu’on ne me dise pas que lors même que la barrière religieuse serait rompue, il en est d'autres qui empêcheront de commettre des fautes graves, telles que le soin de nos intérêts temporels, celui de notre réputation, un sentiment d’honneur qui existe souvent dans l’âme qui ne craint pas Dieu, enfin la crainte des châtiments humains.

Il est une classe d’hommes que de telles considérations n’arrêteront point, et qu’elles n’empêcheront pas de se précipiter dans tous les abîmes de l’immoralité: témoins les malfaiteurs de tout genre, dont la conduite prouve que lorsqu’on s’est soustrait à l’influence de la religion, toutes les lois, tous les jugements humains, toutes les considérations d’intérêt personnel ne sont que de faibles remparts contre le vice.

Je n’ignore pas, cependant, qu’il est un grand nombre de personnes sur lesquelles les uns ou les autres de ces motifs mondains agiront mais ils se trouveront bien insuffisants pour les empêcher de commettre de grandes fautes devant Dieu.

Ils pourront les éloigner des actions ouvertement déshonorantes, les détourner de manquer à leur parole de dérober, de tuer; mais c’est à cela que se bornera leur influence.

Ces motifs seront sans force, dans le cas où l’opinion ou leurs dispositions naturelles loin de sanctionner les préceptes de l’Évangile, tendent à en faire regarder la violation comme sans conséquence.

Ainsi, ils n’empêcheront point de transgresser habituellement, avec calme, sans scrupule, le troisième commandement de la loi: Tu ne prendras point le nom de l’Éternel ton Dieu en vain.

Ils seront sans effet dans le cas ou le monde, élevant sa voix au dessus de la voix de Dieu, approuve ce que Dieu défend.

Ils encourageront à la vengeance et au meurtre, en prononçant une sentence de déshonneur sur celui qui pardonne une injure.

Ils n’arrêteront pas non plus lorsqu’on peut pécher en secret; et le jeune homme profitera des ombres de la nuit et des occasions où il croit n’être vu de personne, pour profaner son corps qui devrait être le temple du Saint-Esprit.

En un mot, il est évident que les principes mondains les plus délicats, y fut-on scrupuleusement fidèle, n’exerceront d’influence que dans les circonstances où le monde peut élever son tribunal, et qu’en les prenant pour règle de sa conduite, on ne pratiquera jamais qu’une vertu mondaine.

La vie qu’on mènera, quoique bonne peut-être aux yeux des hommes, n’en sera pas moins en abomination au Seigneur, parce qu’elle sera nécessairement remplie de violations continuelles de sa sainte loi.

C’EST UNE ERREUR MONSTRUEUSE DE CROIRE que la vertu qui suffit pour nous faire obtenir l’approbation de nos semblables, soit toute la vertu que Dieu nous demande et qu’il a droit d’attendre de nous.

Car enfin, avec toute la vertu mondaine possible, on ira pourtant jusqu’à manquer habituellement et sans remords, au premier et au grand commandement de la loi: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur.

Ce cœur, que Dieu a fait POUR LUI, qu’il a doué d’une si précieuse sensibilité;

Ce cœur sur lequel les bienfaiteurs terrestres acquièrent toujours quelques droits;

Ce cœur qui, par les sentiments dont il est susceptible, est la source de jouissances si pures, si douces, si nobles, pourra être vide d’amour pour le Dieu qui lui a donné cette précieuse sensibilité, qui lui a préparé ces plaisirs si vifs, qui lui envoie l’air qu'il respire et qui le soutient dans chacun de ses battements!

Avec toute cette vertu mondaine, on ira jusqu’à se dispenser chaque jour d’élever son âme à Celui sans la volonté duquel on n’aurait pas revu la lumière du jour.

On ira jusqu’à faire usage de toutes ses facultés, sans se souvenir de Celui auquel on les doit.

On ira jusqu’à recevoir toujours de nouveaux bienfaits, sans éprouver un mouvement de gratitude envers le grand Bienfaiteur qui les dispense.

On ira jusqu’à ne point vouloir reconnaître la main de Dieu dans les afflictions par lesquelles il cherche à ramener l’homme à lui, et jusqu’à se roidir obstinément contre toutes les leçons de l’adversité.

On ira jusqu’à vivre dans une indifférence habituelle pour Celui qui nous a aimés et s’est livré pour nous, pour Celui sans le sacrifice duquel nous serions sans espérance.

On ira jusqu’à préférer la lecture de tous les ouvrages, même des ouvrages les plus frivoles, à l’étude du livre de Dieu et de l’éternité.

En un mot, sans s’écarter jamais des principes d’honneur et de vertu dont se contente le monde, on ira jusqu’à être, non pas un athée en principe et en théorie, mais un athée en pratique; un homme pour lequel Dieu, sa volonté, sa loi, ses bienfaits, ses jugements, ne sont que de vains mots, sans influence sur le cœur et sur la vie, qui n’empêchent pas que ce grand Être ne soit aussi oublié, aussi méconnu, et son autorité aussi souvent foulée aux pieds, que si l’on ne croyait pas en lui.


III.

J’ajouterai qu’il suffirait de réfléchir à la pente bien connue du cœur humain, pour se convaincre que les transgressions légères conduisent à de plus graves dans lesquelles on ne croyait pas pouvoir jamais tomber.

C’est une maxime qui, pour être triviale, n’en est pas moins vraie, qu’il n’y a que le premier pas qui coûte. Dès qu’on l’a fait, on avance tout naturellement dans la carrière où l’on est entré.

Les mauvaises pensées qu’on a nourries dans son coeur, développent le principe de corruption qui est dans l’homme et concourent à déterminer un penchant au mal, qui bientôt devient UNE DISPOSITION HABITUELLE qui se manifeste dans les discours et dans les actions.

Du cœur, dit l’Écriture, sortent les meurtres, les adultères, les larcins, les faux témoignages.

Remarquez en effet, mes frères, qu’on ne peut rester stationnaire, ni dans la carrière du vice, ni dans celle de la vertu: il faut ou qu’on cesse de mal faire et qu'on apprenne à bien faire, ou qu’on aille plus avant dans les voies de l’iniquité.

Plus on avancera dans celles-ci, plus on se sentira dégoûté de la vertu.

Plus on se persuadera qu’il est trop tard pour revenir en arrière, plus la conscience elle-même s’aveuglera et répandra dans l’âme un calme perfide: tout en marchant dans UNE ROUTE QUI CONDUIT INSENSIBLEMENT À L’ABÎME, on sera dans une sécurité profonde, bien que l’on soit couvert d’iniquités, parce que le mal est venu peu à peu et qu’on ne s’est pas aperçu des pas rapides qu’on a faits dans la voie de la désobéissance.


IV.

Ce qui se passe dans le monde confirme de la manière la plus positive cette triste vérité.

Fixons nos regards sur les hommes les plus avancés dans la carrière du mal; sur ceux qui, foulant aux pieds les lois divines et humaines, se perdent eux-mêmes par des crimes qui les conduisent à l’échafaud, et portent la désolation dans la société. Il n’en est que trop d’exemples qui font frémir d’horreur.

N’est-il pas vrai que l’homme peut se rabaisser au dessous de la bête féroce?

Qu’il peut arriver à un degré de dépravation tel que tout est mort en lui, conscience, justice, humanité, sentiment, tout, excepté le génie de la destruction, et le pouvoir du mal, et le sang-froid dans le crime?

Croyez-vous qu’on en vienne là tout d’un coup?

Croyez-vous, qu’arrivé au bout d’une carrière de sang, on ne puisse pas se souvenir d’un temps où Dieu, la conscience, la justice, l’humanité, faisaient encore entendre leur voix; d’un temps où l’on n’était pas encore marqué du sceau de la honte publique; d’un temps où l’on était peut-être honoré parmi les hommes?

Pénétrons dans les prisons.

Interrogeons les grands criminels.

Écoutons leurs confessions.

Remontons avec eux aux jours de leur jeunesse.

Cherchons à savoir comment ils ont été amenés à leur ruine.

Et le plus souvent nous découvrirons que CES FAUTES, QUE LE MONDE APPELLE LÉGÈRES, un peu d’intempérance, un peu d’amour du jeu, un peu d’abandon à ce qu’on nomme les faiblesses de l’humanité, ONT ÉTÉ L’ORIGINE ET COMME LES PREMIERS PAS D’UNE CARRIÈRE DONT ON NE PEUT ENVISAGER L’ISSUE SANS FRÉMIR.

De ces grands criminels, passons à ceux qui ne sont pas si coupables aux yeux des hommes, mais qui ne le sont pas moins peut-être aux yeux de ce Dieu qui juge justement.

Faisons comparaître l’impur devant nous, et l’impur de la classe la plus condamnable, l’adultère.

Demandons-lui comment il en est venu à détruire la paix et le bonheur des familles, et à y porter la désunion, le trouble et le désespoir?

S’il est sincère, il nous dira qu’il se croyait bien loin de pouvoir arriver à cet excès d’égarement, que jamais il n’aurait pensé qu’un peu d’abandon aux plaisirs de son âge, eût pu le mener là; il nous dira que, par un inconcevable entraînement, il s’est trouvé perturbateur du repos des familles, et séducteur d’une âme qui le maudira peut-être pendant l’éternité, alors qu’il croyait ne jamais passer ce degré de légèreté de mœurs sur lequel le monde ferme les yeux.

Citons devant nous celui qui en est venu à perdre tout principe religieux, à rejeter les vérités les mieux prouvées et les plus importantes, à vivre sans Dieu et sans espérance au monde, à s’avancer vers l’éternité comme s’il n’y avait rien à espérer et rien à craindre après cette vie; demandons-lui comment on tombe dans cette inconcevable insouciance sur les intérêts de son âme immortelle; comment on parvient à étouffer la seule lumière qui puisse dissiper nos ténèbres naturelles, et à rejeter une religion devant laquelle les plus profonds penseurs qui aient paru sur la terre se sont humiliés avec amour et avec foi: il nous répondra qu’il fut un temps où la voix de la religion se faisait entendre à son cœur; mais que pour avoir fréquenté la société des moqueurs, gardé devant eux un lâche silence, et rougi des principes dont il devait s’honorer, il a vu sa foi s’ébranler, le doute succéder à la conviction, et toute croyance s’évanouir dans son âme, au souffle empoisonné de l’impie.


V.

Enfin, pour achever de vous convaincre du danger des fautes légères, qu’il me soit permis de vous le présenter encore sous un autre point de vue.

Fixez votre attention sur quelques-unes de ces fautes en particulier, et voyez comment elles opèrent dans l’âme, chacune à sa manière, pour pousser toujours plus avant dans le chemin de l’iniquité.

Le Seigneur a dit dans sa parole:

N’ayez pas soin de la chair, pour satisfaire ses convoitises.

Prenez garde que vos cœurs ne soient appesantis par l’excès des viandes et du vin, et par les soucis de cette vie.

En opposition avec ces préceptes, on est convenu de regarder les excès de la table, pourvu qu’ils n’aient rien de grossier ni d’indécent, comme une faiblesse sans conséquence.

Cependant la plus légère intempérance dans le manger ou dans le boire, a plus d’influence qu’on ne se l’imagine sur le caractère et sur la vie spirituelle. Je ne dis point qu’elle prive celui qui s’y livre de l’usage de la raison; car je ne parle pas d’un manque de modération poussé jusque-là, et qui est condamné même par le monde: mais je dis que la plus légère intempérance ôte à l’homme cet empire sur lui-même, qu’il doit toujours conserver.

Elle enflamme l’imagination au dépens du jugement.

Elle excite les passions et leur donne plus d’ardeur, en même temps qu’elle diminue le pouvoir de la réflexion qui devrait les combattre.

Dès lors, quand nous nous en rendons coupables, non seulement nos pensées et nos sentiments, mais nos paroles et nos actions s’en ressentent; nos penchants favoris reprennent à notre insu l’empire que nous avions résolu de leur disputer; alors nous échappent des paroles contraires à la pureté, ou à la charité, ou au respect dû à Dieu.

Ainsi l’empire de la chair et du sang se fortifie, les jouissances sensuelles nous asservissent, et:


notre âme se rabaisse vers la terre

au lieu de s’en détacher et de se rapprocher du ciel.


Une autre faute légère, qui mérite d’être signalée et dont je vais vous montrer les suites fatales, c’est la négligence de l'examen habituel de soi-même.

Ce devoir est positivement recommandé:

Que chacun s'éprouve soi-même.

Examinez-vous vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi.

Négligez, pendant des semaines, pendant des mois, peut-être, de comparer votre vie avec la loi de Dieu, de vous juger d’après l’Évangile, pour savoir si vous le croyez et s’il agit dans votre cœur; et voyez les funestes effets de cette négligence!

Vous demeurez nécessairement dans le vague sur votre état spirituel; vous ne le connaissez pas mieux qu’un négociant ne connaîtrait l’état de ses affaires, s’il ne l’examinait jamais.

Vous ignorez le nombre et la gravité de vos fautes; vous ne vous formez pas d'idée de votre profonde misère;

Vous ne croyez pas que vous soyez menacé de la condamnation:

Vous la dénoncer c’est tomber, selon vous, dans une exagération condamnable.

Vous n’êtes pas animé d’une vraie tristesse selon Dieu;

Vous ne sentez jamais profondément le besoin d’un Sauveur;

Vous ne croyez pas de cœur en Jésus; la foi n’étant pas en vous, les fruits de la foi n’y sont pas; votre nature ne se purifie pas;

Vous ne devenez pas en Christ une nouvelle créature;

Vous n’avez aucune preuve que vous soyez dans la voie du salut; vous n’y êtes pas et vous croyez y être;

Vous vous croyez riche et vous êtes pauvre, dans l’abondance et vous êtes misérable, n’ayant besoin de rien et vous êtes aveugle et nu.

Et parce que vous êtes un homme d’honneur ou un homme moral, parce que vous avez quelques heureuses dispositions, parce que vous remplissez à votre satisfaction vos devoirs domestiques et sociaux, vous ignorez combien vous êtes loin d’avoir commencé à devenir chrétien; vous ne faites rien pour le devenir, parce que vous ne savez pas ce qu’il vous manque pour l’être: et voilà une faute légère, la négligence de l’examen de vous-même, qui vous plonge et qui vous retient dans un abîme d’aveuglement, d’ignorance de voire état, de fausse et fatale sécurité! et vous ne vous réveillerez peut-être, que quand il faudra quitter CE MONDE, OBJET DE VOS PLUS VIVES AFFECTIONS, pour comparaître devant ce Dieu que vous n’avez point appris à connaître, et pour entrer dans cette vie à venir, pour laquelle vous ne vous êtes pas tenus prêts!

Telles sont, mes bien-aimés frères, les considérations propres à faire sentir quelles funestes conséquences entraîne l’habitude de se permettre ces transgressions, qu’on regarde comme légères.

Si je suis entré dans de grands détails pour présenter sous toutes ses faces cette triste vérité, c’est que je suis persuadé qu’il n’en est guère de plus habituellement méconnue en pratique; méconnue, je ne dis pas seulement par les pécheurs qui bravent Dieu, mais souvent même par des chrétiens sincères.

Sans doute que les fidèles reconnaissent en théorie l’obligation de se conformer à tous égards à la volonté divine; mais ils sont cependant enclins à se contenter, dans la pratique, d’un degré d’obéissance fort au dessous de l’obéissance que prescrit la loi.

S’ils n’y prennent pas garde, ils se font une règle de conduite beaucoup moins spirituelle, que la règle tracée dans l’Évangile.

Je conviens qu’ils ne vont pas chercher les notions de la morale qu’ils adoptent, dans les idées commodes dont se contente la portion irréligieuse du monde; mais ne vont-ils pas les chercher dans les principes du monde, que, par opposition, j’appellerai le monde religieux?

Ne substituent-ils pas souvent les maximes et les exemples de ceux qu’ils honorent pour leur piété, aux maximes et aux exemples de nos Livres saints?

Et en prenant pour guide l’homme toujours faillible et toujours imparfait, plutôt que LA LOI PARFAITE ET INFAILLIBLE DE DIEU, ne se font-ils pas une morale qui s’écarte de celle de l’Évangile à plusieurs égards?

Et en prenant cette morale pour règle de conduite, ne s’exposent-ils pas à être injustes dans les petites choses, et n’oublient-ils pas combien est rapide la pente qui nous entraîne au mal?

Il ne me reste que le temps d’indiquer en passant les leçons qui découlent de la vérité morale que j’ai développée.

LA VOIE DE LA DÉSOBÉISSANCE ÉTANT SI GLISSANTE QU’ON NE PEUT Y FAIRE UN PAS SANS Y AVANCER AVEC RAPIDITÉ, nous devons nous donner frayeur des petites fautes. Rien, peut-être, ne s’oppose plus à notre sanctification!

Ne les considérons donc jamais comme sans conséquence.

Rappelons-nous que, déjà condamnables en elles-mêmes, elles sont aussi très-dangereuses dans leurs suites.

Souvenons-nous que l’habitude de les commettre nous perd presque nécessairement.

Opposons la loi de Dieu, obligatoire pour nous dans tous ses points, aux maximes et aux exemples du monde, et à notre propre corruption, qui nous portent à la modifier.

Entourons-nous de toutes les précautions de la prudence chrétienne.


Notre sanctification est impossible

si notre conscience ne devient pas délicate et scrupuleuse.


Travaillons à la rendre telle, en obéissant à sa voix aussitôt qu’elle se fait entendre.

Mais, direz-vous, rien n’est plus difficile.

J’en conviens; et c’est ce qui me conduit à vous parler, avant de finir, du remède que l’Évangile nous fournit contre notre penchant au mal.

L’Évangile ne serait pas la bonne nouvelle du salut, si, se bornant à nous montrer la route étroite que nous devons parcourir, il ne nous fournissait pas les moyens assurés d’y marcher.

Je ne suis que plus malheureux de bien connaître mon devoir, si je n’ai point de pardon à espérer quand je l’ai négligé, ni de secours à attendre pour le remplir scrupuleusement à l’avenir.

Mais l’Évangile donne l’un et l’autre.

Il est un remède pour le passé; car il est une proclamation de miséricorde et d’un pardon gratuit offert du haut de la croix à tout pécheur qui, dans le sentiment de la condamnation à laquelle l’exposent ses transgressions multipliées, vient se laver avec foi dans ce sang de l’aspersion, qui prononce de meilleures choses que le sang d’Abel.

Et pour l’avenir, l’Évangile nous abandonne-t-il à notre faiblesse, à notre corruption, à l’influence des mauvais exemples?

Non, car il est une promesse de force spirituelle, faite à notre faiblesse, et d’une force si grande que par elle le Chrétien peut tout en Christ qui le fortifie. Cette promesse est immuable et son accomplissement certain, car elle est du Dieu vivant et vrai.

C’est une réalité qu’il ne tient qu’à nous de connaître par expérience.

Unissons la prière à nos efforts.

Combattons en priant, et prions en combattant; et nous deviendrons capables de lutter victorieusement contre le mal.

Enfin, pour maintenir dans notre âme l'effroi du péché, pour nous le faire haïr du fond du cœur, pour nous porter à CRAINDRE LES PLUS LÉGÈRES DÉSOBÉISSANCES, je ne connais rien de plus efficace que de fréquentes méditations sur les souffrances du Sauveur pour l’expiation de nos fautes.

St. Paul ne jugeait pas qu’il dût savoir autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié: c’est qu’il y a en Christ crucifié un trésor de force spirituelle, aussi bien que de miséricorde.

Transportons-nous souvent par la pensée au pied de la croix à laquelle fut attaché le Fils de Dieu. Lorsque nous méditons sur cette grande et solennelle leçon du Calvaire; lorsque nous voyons:

nos péchés faire du meilleur ami des hommes, un homme de douleur et sachant ce que c'est que langueur,

nos péchés prononcer la sentence,

nos péchés dresser la croix,

nos péchés y suspendre le Saint et le Juste,

nos péchés attirer sur lui la malédiction de Dieu et les outrages des hommes,

nos péchés, enfin, le faire expirer dans une horrible agonie,

oh! qu’alors ils sont loin de nous paraître sans conséquence! Que nous les voyons sous un jour différent! qu’ils nous deviennent odieux! que le repentir, l’amour, le dévouaient, l’obéissance scrupuleuse, nous paraissent faciles! que nous devenons forts contre nous-mêmes et contre tous nos ennemis spirituels! comme la foi en cette grande expiation nous arme pour combattre le bon combat!


Restons donc toujours près de la croix;

et la croix sera notre force.


Amen!


 

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