DES TÉNÈBRES À LA LUMIÈRE
Elle avait l'habitude de distribuer des traités, cette chère jeune chrétienne, mais jamais ses petits messagers n’avaient accompli leur mission si promptement et si effectivement que ceux qu’elle donnait un certain jour à une jeune fille.
Celle-ci reçut le petit paquet de brochures gracieusement, mais elle les plia et les mit dans sa poche presque sans songer à les regarder. En arrivant chez elle, et en se rappelant les circonstances, elle jeta un coup d’œil sur chaque traité l’un après l’autre sans s’y intéresser spécialement. Puis elle les remit dans sa poche, pensant qu’ils pourraient procurer quelque distraction à son amie bien-aimée Nellie, qui depuis des mois était retenue sur un lit de souffrances. N’ayant rien à lui porter ce soir-là, elle se décida à les lui donner tous.
Le lendemain soir, lorsqu’elle revint faire visite à son amie, elle la trouva dans un état de grande surexcitation causé, à ce qu’elle apprit, par les traités qu'elle avait apportés la veille.
— O Nellie, dit-elle, j’aurais voulu ne t’avoir jamais donné ces méchantes feuilles, puisqu’elles t'ont fait tant de mal.
– Oh! non, Marie, répondit la malade. Je suis bien contente que tu me les aies données; mais tout cela me semble si étrange que je me demande si je pourrai trouver un tel Dieu et qu’i! soit aussi réel pour moi qu’il l'a été pour ceux dont il est question dans ces brochures. Voudrais-tu bien me les lire à haute voix?
Marie consentit, mais elle n’était pas intéressée à ce qu’elle lisait.
Relevant la tête subitement, elle fut surprise de voir des larmes couler sur les joues de Nellie et aussi de constater la lutte qui semblait agiter son cœur. Elle tenait ses deux mains serrées ensemble et paraissait encore plus troublée qu’auparavant. Finalement un air de détermination traversa son visage et elle déclara QU'ELLE ALLAIT DEMANDER À DIEU DE L’AIDER À LE CONNAÎTRE.
Le lendemain soir Marie remarqua un grand changement d’expression sur la figure de son amie, une joie douce, mais intense y était peinte. C’était quelque chose de si différent de tout ce qu'elle n’y avait jamais vu, qu’elle fit une exclamation d’étonnement.
— «C’est Dieu, Marie, et il est devenu si réel pour moi maintenant! Et:
JE SAIS QUE LE SANG DE JÉSUS A LAVÉ TOUS MES PÉCHÉS.»
Ce furent des paroles étranges, et même dures à comprendre pour Marie, venant des lèvres de Nellie qui avait été élevée dans l’incrédulité: en effet, ces deux jeunes tilles n’avaient jamais connu ce que c'est que d’offrir une prière à Dieu, et même depuis leur enfance elles avaient été apprises à nier son existence.
En entrant dans la chambre de la malade quelques jours plus tard, Marie fut plus surprise encore lorsque son amie lui demanda d’aller à l’Église pour entendre ce que le prédicateur dirait de Dieu afin de le lui raconter, car, disait-elle;
«Je voudrais tant pouvoir le comprendre un peu mieux.»
Marie répliqua:
«Oh Nellie, je ne suis jamais entrée dans une église de ma vie. Comment aurais-je l'air, moi une incrédule, d’y aller, lorsque je ne crois même pas en leur foi?»
Mais, apercevant une expression presque de douleur sur la figure de son amie, elle ajouta:
«Si cela te fait plaisir, Nellie, j'irai, mais seulement à cause de toi.»
Chaque semaine donc, cette jeune fille incrédule se rendit à une petite église, non loin de chez elle, écouta avec la plus grande attention, et prit des notes, retournant ensuite auprès de son amie pour lui répéter le sermon le mieux qu’elle pouvait. Mais bientôt cela ne satisfaisait plus l'âme de Nellie; elle pria son amie de lui acheter une Bible afin de pouvoir lire elle-même davantage au sujet de Dieu et de son cher Sauveur.
D’abord Marie refusa absolument, mais voyant comme auparavant l’effet de ses paroles, elle lui promit que si cela lui faisait vraiment plaisir elle l’achèterait — ce qu'elle fit quelques jours plus tard.
La malade reçut la Bible avec joie, et la lisait avec empressement lorsque ses forces le lui permettaient; c'était de la nourriture à une âme affamée.
De jour en jour Nellie s’affaiblissait, et bientôt elle ne put plus lire autant qu’elle le désirait. Un soir que Marie vint la voir, elle la pria de lui promettre de venir deux fois par semaine pour lui lire dans ce livre précieux pendant au moins une heure.
Elle consentit, mais seulement pour l’amour de son amie, et quoique cette lecture ne semblât pas lui ouvrir les yeux sur la vérité, elle se sentit récompensée en voyant le bien que cela faisait à la jeune fille qu’elle aimait tant, et elle céda toujours à ses demandes, même pour augmenter la durée des lectures.
Souvent elle était interrompue par Nellie qui, à mesure que Dieu en réponse à ses prières éclairait pour elle ses messages d’amour, essayait d’expliquer à son amie l’idée que tel ou tel verset éveillait dans son esprit.
Un soir, après avoir écouté pendant quelque temps la lecture de la Parole, sa figure s'illumina d'une sainte joie, tandis qu’elle s’écriait:
«Ô Marie, j'aime tant de rester ici toute seule à penser aux bonnes paroles que Jésus adressa à tous ceux qui l'entouraient; et lorsque je lisais aujourd'hui, 1 Pierre 5: 7:
«Vous déchargeant sur lui de tous vos fardeaux parce qu'il a soin de vous,» cela me causa tant de repos et de paix!
Et encore cet autre verset:
Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ.
— Comme ces paroles sont vraies! Et puis ces autres mots: Non pas moi, mais Christ en mot. Que c’est beau! JE SENS QUE JE DOIS ET QUE JE PUIS LE PRENDRE EN TOUT POUR MON SAUVEUR.
Ainsi jour après jour elle devint de plus en plus enseignée du Saint-Esprit. C'était un exemple extraordinaire de ce que Dieu peut accomplir dans une âme; même Marie l'apercevait, quoique jusqu’alors elle admettait à peine qu’il y a un Dieu. Pourtant elle se disait souvent que cette puissance quelle qu’elle fût était remarquable, et qu’elle se développait toujours plus dans la vie de son amie qui, comme elle-même, avait été élevée dans l’incrédulité.
Aux yeux de Celui dont elles causaient et lisaient ensemble, c’était sans doute un tableau bien touchant que celui de ces deux jeunes filles qui tâtonnaient en leur ignorance à travers leur obscurité profonde pour trouver la lumière de la vie.
* * *
Lorsqu’il fut connu dans cette maison qu’une Bible y avait été introduite, la famille s’indigna et s’opposa fortement à la continuation des lectures.
Nellie était même quelquefois forcée de cacher sa Bible sous son oreiller de peur qu’on ne la lui prit.
Elle aimait tendrement sa famille qui se dévouait pour elle, mais ELLE COMMENÇA À AIMER DIEU PAR-DESSUS TOUT, et se sentit justifiée en agissant comme elle le faisait. Chaque membre de la famille fut obligé d'admettre que quelque chose avait opéré un grand changement dans la malade; l’expression de sa figure était si changée, et elle était devenue si patiente au milieu de grandes souffrances.
Quand on eut l’espoir de sa guérison, on décida de faire un voyage dans le Midi. Avant de partir elle m'écrivit une lettre, dont je copie quelques extraits:
«Chère Madame W..... Pardonnez la liberté qu’une étrangère prend en vous écrivant; mais comme vos petites brochures ont été le moyen de ma conversion, je désirais vous exprimer ma gratitude, parce que vous m'avez aidée à sentir mon besoin d’un Sauveur. Priez pour moi afin que ma vie serve de témoignage à ceux qui m'entourent. Il y eu de la joie, de la paix et du repos en suivant Jésus-Christ.
J'ai été obligée de garder plus ou moins le silence et de lire ma Bible en secret, à cause de ma famille qui est incrédule. C’était une jeune fille également incrédule, mais une sincère, dévouée et fidèle amie, qui m’a donné ma Bible. Elle a eu bien des chagrins, ayant perdu plusieurs membres de sa famille.
Elle ne peut pas croire que Dieu existe, ni qu’il est un Dieu d’amour. Elle va à l’église pour entendre les prédications pour moi qui suis malade, et lorsque j’écoute les doux messages qu’elle m’apporte, mon cœur s’attriste à la pensée que cette chère Marie ne sait pas que le Seigneur est un Dieu de justice et d'amour.
C’est à cause d'elle que je prends la liberté de vous écrire, au moment de partir à X... pour ma santé, peut-être pour ne plus revenir.
Voulez-vous bien vous intéresser à Marie?
Montrez-lui la triste erreur, cause de cette amertume qui remplit son cœur, aidez-la, je vous prie, à trouver le Sauveur. J’ai tant désiré la voir sauvée. J'ai prié et réfléchi pendant plusieurs jours avant de vous écrire cette lettre. Je n'ai pas parlé à mon amie, mais si vous voulez l'aider, je suis presque sûre que son cœur répondra à votre attention et â votre intérêt, car cette séparation est bien dure pour nous deux, Marie et moi, et je voudrais tant la rencontrer au ciel.»
En recevant cette lettre j'écrivis aussitôt à son amie, l’invitant à venir me voir et la priant de laisser Dieu entrer dans son pauvre cœur éprouvé, afin de la consoler.
Trois ou quatre jours plus tard, nous causions ensemble chez moi.
Elle était vraiment dans une situation bien difficile, mais elle m'avoua qu’elle avait été souvent impressionnée par la grande patience de Nellie depuis sa conversion, et disait que lorsqu'elles s’étaient séparées, Nellie semblait si inspirée que malgré elle, elle sentait que vraiment il y avait un Dieu.
Je lui citai plusieurs passages de l'Écriture et lui demandai de s'agenouiller afin de s’approcher plus près du Dieu de Nellie. Elle y consentit, mais me dit:
«Ne me demandez pas de prier, n'insistez pas.»
Je n’avais prononcé que quelques phrases quand elle commença à sangloter et à trembler de tous ses membres; il ne me fallut pas insister beaucoup pour l’engager à prier elle-même.
Elle fit une prière bien simple, mais riche de sens:
«Ô Dieu, je viens à Toi le mieux que je puis, prends-moi telle que je suis à cause de Jésus.»
Avant de nous relever, j’eus donc la joie d’entendre ses lèvres prononcer pour la première fois le nom de Dieu dans une prière.
Elle quitta la maison avec une expression bien différente de celle quelle avait en entrant, et bien qu’elle ait peut-être beaucoup de leçons à apprendre jour après jour, j’étais assurée que Dieu qui avait entendu son cri la garderait, la soutiendrait et se servirait d’elle pour sa gloire.
Deux ou trois jours plus tard, elle m’écrivait la mort de Nellie. Ses dernières paroles avaient été:
«Dieu soit loué. Il a exaucé ma prière.»
Puis elle s’était remise de nouveau avec confiance entre ses mains pour l'éternité, entrant triomphalement en sa présence.
Cet incident est peut-être un des résultats les plus remarquables dont plusieurs d’entre nous aient entendu parler, d’une distribution de traités; il nous montre combien notre Père céleste est puissant et prêt à sauver même les âmes qui semblent les plus éloignées et les moins accessibles. (Ésaïe 55: 11)
Traduit de Mrs. E. Whittemore
par Mlle Loew.
La pioche et la truelle N° 68 (1898)
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