Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LES SOUCIS


On ferait le tour du monde qu’on ne trouverait pas un homme sans soucis. Aucune situation, aucun âge, n’en est exempt.

Les enfants eux-mêmes ont les leurs, et ils s’imaginent qu’ils seront bien plus heureux plus tard.

Les jeunes gens, les jeunes filles supportent péniblement le poids léger de l’adolescence et attendent impatiemment la fin de leurs soucis dans le mariage ou un changement de position.

Pères de famille, les inquiétudes s’accroissent: c’est le pain quotidien, la santé de l’un ou de l’autre, le succès douteux des entreprises, ennuis de la jalousie, de la médisance, des calomnies d’autrui.

Plus vieux, comme on a moins de force, ils vous accablent plus encore...

Bref, la vie en est tissée, sans que personne puisse se flatter d’y échapper jamais.

C’est ce qu’un philosophe racontait plaisamment dans l’histoire bien connue:

Un roi de Perse, au comble de la gloire et de la fortune, était cependant accablé d’ennui. Toutes ses espérances réalisées ne lui avaient pas fait rencontrer le bonheur. Il alla consulter un vieux derviche, réputé pour sa haute sagesse.

«Comment arriverai-je à la parfaite paix de l’âme?» lui demanda-t-il.

C’est bien simple. Endossez le manteau d’un homme heureux.

La chose paraissait facile. Le roi, qui malgré ses brillants succès enviait ceux d’un des princes voisins se hâta de lui annoncer sa visite et de lui demander s’il était exempt de soucis.

Hélas! non.

La reine était toujours malade et cela empoisonnait son existence.

Le roi persan partit pour un autre pays: ici c’était le fils, l'héritier du trône qui se conduisait mal et brisait le cœur du père.

Le roi fit le tour de toutes les principautés, depuis les plus importantes, jusqu'aux moindres. Tous avaient leurs souffrances, leurs épreuves, leurs ennuis.

Lassé de tant de voyages inutiles, le roi revenait tristement dans sa capitale, quand, dans un champ, au bord de la route, il entendit la voix sonore d’un laboureur qui chantait à tue-tête en poussant sa charrue. Le roi alla à lui:

Eh! mon ami, quelles roulades! Jamais je n’ai entendu une si franche gaieté. Serais-tu complètement heureux?

En effet, Sire, je suis complètement heureux.

Eh bien, vends-moi ton manteau.

Je n’en porte pas.


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Il n’est pas sage de croire qu’un jour viendra, exception faite bien entendu, pour l’économie supérieure, où nous n’aurons plus de soucis.

«Vous aurez des afflictions dans le monde,» disait Jésus.

Bien fous ceux qui espèrent qu'une fois que les tribulations actuelles, celles dont ils souffrent aujourd’hui, seront passées, ils seront tranquilles.

Quand celles-ci seront finies, il en viendra d’autres, et ce sera ainsi jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de nous fermer les yeux.

Nous avons peine à nous faire à cette nécessité-là, et nous caressons toujours l’espérance une fois exempts de telle difficulté de goûter le repos. Erreur profonde! D’autres attendent pour se présenter que nous ayons liquidé les présentes.


LA TERRE EST LA VALLÉE DE TRIBULATIONS.


Voyez par exemple ce qui se passe par rapport à nos enfants. Troublés à leur sujet avant leur naissance, nous le sommes dans leur jeunesse, dans leur adolescence, même quand ils sont devenus des hommes; jamais nous ne sommes pleinement rassurés, ni complètement heureux en ce qui les concerne. Remarquez que si nous ne les avions plus, nous serions cent fois plus malheureux encore. Voilà la vie!


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Ce qu’il faut donc chercher, ce n’est pas à être exempt de soucis. Jésus ne nous a pas appris à dire: «Ne nous envoie pas de tentations,» cela est impossible, mais «DÉLIVRE-NOUS DE LA TENTATION.»

Les plus grands serviteurs de Dieu ont peut-être été les plus éprouvés. Le secret de leur paix, de leur joie, de leur force, c’est qu’ils étaient victorieux des soucis et des épreuves de la vie.

«Plus que vainqueurs!» s’écriait triomphalement l’apôtre Paul. Non pas seulement vainqueurs, mais PLUS que vainqueurs, pleinement heureux en regardant à l’Éternel.

Pour posséder cette joie victorieuse, il faut complètement changer de point de vue et considérer l’existence terrestre non pas en elle-même, mais PAR RAPPORT À L’ÉTERNITÉ.

Nous ne sommes que des pèlerins et des voyageurs. Un pèlerin ou un voyageur ne s’inquiète pas trop de l'hospitalité qu’il reçoit, de la qualité des aliments, des agréments de la route: c’est un homme en marche: sa préoccupation c’est le but, c’est la patrie, le foyer où il va s’asseoir et où il goûtera le repos.

Le chrétien traverse la vie en route vers le ciel; les ennuis et les épines du chemin ne sont rien à côté de la félicité qui l’attend. J’aime à le comparer à un homme pauvre à qui l’on a annoncé un héritage colossal et qui s’est mis en route depuis plusieurs mois pour le recueillir. Il chante! les passants en le voyant si mal vêtu, couvert de poussière, les traits fatigués, s’étonnent de sa joie, c’est qu’encore une ou deux étapes et il va prendre possession de son palais et de son trésor.


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Considérées ainsi, les épreuves, même les pires, ne comptent plus. C’est ainsi que Moïse choisit plutôt d’être affligé avec le peuple de Dieu que de jouir pour un peu de temps des délices du péché, regardant l’opprobre du Christ comme des richesses plus grandes que celles de l’Égypte, parce qu’il avait en vue la rémunération.

Relisez à ce sujet cet admirable chapitre XI de l’épître aux Hébreux, vous verrez la quantité d'illustres serviteurs de Dieu qui ont été pleinement heureux dans les plus grandes détresses.

Qu’étaient-ce que leurs souffrances en comparaison du poids éternel de la gloire infiniment excellente qu’ils poursuivaient? (II Cor. IV, 17.)

La vie est très courte, nos épreuves sont donc très courtes aussi.

Nous ne serons pas auprès de Dieu depuis mille ans que nous aurons oublié tous les petits soucis de la vie terrestre. Je suis sûr que dans les plaines du ciel, si un ange interrogeait aujourd’hui Lazare sur ses ulcères, Lazare ne s’en souvient plus.

Samuel Vincent.

La pioche et la truelle N° 68 (1898)


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