MARTYRS CHRÉTIENS EN FRANCE
(Suite et fin)
On destina Maturus, Sanctus, Blandine et Attale pour l’amphithéâtre et on choisit un jour extraordinaire pour divertir le peuple par le cruel spectacle de leur mort.
Sanctus et Maturus passèrent à nouveau par tous les tourments qu’ils avaient déjà endurés, comme s’ils n’eussent encore rien souffert. Ils virent d’abord couler le sang par mille cicatrices à demi fermées, qui se rouvrirent sous la violence des coups de fouet; ils furent ensuite livrés aux morsures des bêtes féroces qui les traînèrent autour de l’amphithéâtre. Ils endurèrent encore d’autres supplices, au gré du peuple, qui demandait qu’on les tourmentât, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre. À la fin, les païens proposèrent de les mettre sur une chaise de fer rougie au feu.
L’odeur insupportable qu’exhalait leur chair brûlée, loin de modérer la rage du peuple, ne faisait que l’exciter de plus en plus. Cependant on ne put jamais tirer de la bouche de Sanctus d’autres paroles que celles qu’il avait prononcées dès le commencement de son martyre: «JE SUIS CHRÉTIEN» Ayant encore souffert longtemps avec Maturus, ils furent finalement égorgés l’un et l’autre.
Le dernier jour des spectacles, Blandine fut encore amenée dans l’amphithéâtre avec Ponticus, jeune homme de quinze ans. On les avait fait assister tous les deux à l’exécution des martyrs, les jours précédents, afin que la vue des tourments les effrayât et les disposât à honorer les idoles.
Leur refus inspira au peuple les plus violents transports de rage. Il voulut que, sans égards pour le jeune âge de l’un et le sexe de l’autre, on épuisât sur eux tous les genres de tortures. C’était en vain qu’on les pressait, de temps en temps de jurer par les faux dieux. Ponticus, soutenu par les vives et pressantes exhortations de la sainte compagne de ses douleurs, parcourut avec fermeté tous les degrés du martyre, et rendit son âme innocente au milieu des tourments.
Ainsi Blandine demeura la dernière sur l’arène, qui paraissait couverte des corps des autres martyrs et teinte de leur généreux sang... On eût dit, à voir la joie qui rayonnait sur son visage, qu’elle était invitée à un banquet délicieux et non qu’elle allait elle-même servir de festin aux lions et aux ours.
Après que les fouets eurent presque achevé d’épuiser le peu de sang que les tourments déjà soufferts avaient laissé dans son pauvre corps; après que les bêtes l’eurent longtemps traînée sur le sable; après qu’elle eût été placée sur la chaise rougie au feu, on l’enveloppa dans un filet et on l’abandonna à la merci d’un taureau furieux.
Elle fut plusieurs fois lancée en l’air et ne sembla pas s’apercevoir de ses meurtrissures, parce qu’elle espérait et saisissait par la foi les biens éternels et qu’elle était toujours en communion avec son Sauveur. Elle finit par être égorgée! Les païens avouèrent eux-mêmes qu’ils n’avaient jamais vu de femme souffrir des tourments si atroces et si nombreux.
Ils veillèrent avec persévérance autour des cadavres des martyrs pour empêcher qu’ils ne fussent ensevelis par leurs frères. Ils exposèrent tous ces corps ensanglantés et mutilés pendant six jours aux yeux de la multitude. Puis ils les brûlèrent et ils en jetèrent les cendres dans le Rhône, s’imaginant par là pouvoir ôter à Dieu la puissance de ressusciter ces saints martyrs et, aux martyrs, l’espérance de la vie éternelle.
(Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe, liv. V.)
voir:
https://www.levangile.com/Textes/Eusebe-de-Cesaree-Histoire-ecclesiastique-livre-V.php
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