À CEUX QUI SOUFFRENT
Il est huit heures, la nuit est tombée. Je suis seul dans ma petite chambre qui sert en même temps, d’aumônerie. Dehors, un frère, un Allemand, remplit sa mission qui consiste à nous garder; j’entends le rythme de son pas régulier sur le chemin de ronde...
Je viens de demander au Seigneur qu’il veuille bien me conduire dans Sa Parole afin d’y trouver un encouragement, pour celle qui t’attend, mon frère, ainsi que pour toi-même.
Je me sens coupable d’avoir attendu deux ans et demi pour t’adresser ce «Message»; mais vois-tu, mon frère, si j’ai cru devoir attendre si longtemps, c’est que j’espérais toujours, à la réception de notre cher Viens et Vois, trouver ce «Message», mais signé d’une autre main que la mienne... ; signé par l’un de nos bien-aimés frères dans le Seigneur qui, un soir, aidé de sa compagne et n’ayant guère d’autre souci après le culte de famille, se serait recueilli et aurait demandé à Dieu l’inspiration que je viens de solliciter de Sa grâce.
Comme ce «Message» nous aurait été, à toi comme à moi, mon frère, comme il nous aurait été précieux!
Oh l Ma pauvre sœur! Toi qui depuis trois ans passés attends le retour de ton bien-aimé; toi mon frère, depuis trois ans, privé de la joie de ton cher foyer et plus encore, peut-être, de la Maison de Dieu où chaque dimanche tu t’entretenais avec ton Sauveur.
Vous qui souffrez, vous saurez, j’en suis sûr, pardonner cet oubli et ce sera le cœur sans amertume, rempli de reconnaissance, que nous méditerons ensemble ce «Message» qui nous est donné par le Seigneur Lui-même.
Lisons ensemble Jérémie XV, 18: «Pourquoi ma souffrance est-elle continuelle? Pourquoi ma plaie est-elle douloureuse et ne veut-elle pas se guérir?»
Bien-aimé, te souviens-tu du passé?
Te souviens-tu de ce temps où tu allais dans la vie, errant comme une bête traquée au travers d’un monde agonisant...(?)
Te souviens-tu de ton découragement(?)
Tu étais abattu, fatigué, courbé sous le poids de ton lourd fardeau! Fardeau de ta souffrance, de ta douleur, de ta déception... ; fardeau plus accablant, encore, de ton péché... ; comme tu étais malheureux! ! !
Mais te souviens-tu, aussi, de ce jour merveilleux, jour béni entre tous, où tu rencontras, sur ta route, le Grand Compagnon, l’Ami du malheureux, de l’affligé, du pécheur...(?)
Te souviens-tu de ce moment merveilleux où tu as pu, enfin, te décharger de ton terrible et écrasant fardeau?...
Te souviens-tu de ces Mains percées qui ont immédiatement pansé ton pauvre cœur en lambeaux...!
Te souviens-tu de ces Mains bénissantes qui t’ont relevé, choyé et, finalement, délivré de tous tes maux...?
Te souviens-tu de Celui qui te vit malheureux, pauvre et seul, sur la grande route de ce triste monde?
Te souviens-tu de Celui qui, après t’avoir déchargé de ton fardeau, pansé tes plaies, te prit dans ses Bras et te plaça sur un tout petit chemin dont la pente était ardue. Tu sais bien..., cet étroit chemin qui se rétrécissait de plus en plus et qui montait sans cesse, comme à l’assaut d’une belle colline...
Te souviens-tu de la beauté de cette colline, avec le Grand et Merveilleux Soleil qui la dominait?
Je te vois encore dans les bras du Fils de l’Homme, te reposant et jouissant des caresses de ce Merveilleux Soleil de Justice dont les chauds rayons te permirent de reprendre «goût à la vie»... Et tu trouvas cette nouvelle vie si belle, si belle..., que tu es parti en courant et courant toujours plus vite dans ce petit chemin, pour savourer toujours plus (comme un gourmand) des bienfaisantes joies du salut!
Mais la fatigue est survenue rapidement, à cause de la précipitation de ta première course. Il était raide le petit chemin et tu n’étais pas habitué à gravir une colline semblable... C’est que les chemins de montagne ne sont pas aplanis, ils sont remplis de pierres aiguës. Il y a, aussi, des crevasses, des glaciers, des ravins, des torrents, autant de dangers à affronter, et puis, il y a... le vent..., la tempête, les avalanches... Que de dangers à vaincre! Que d’obstacles à surmonter!
As-tu compris toutes ces choses, bien-aimé frère?
Ce soir, en lisant ces lignes, tu te dis, peut-être, comme Jérémie: «Pourquoi ma souffrance est-elle continuelle? Pourquoi ma plaie est-elle douloureuse et ne veut-elle pas se guérir?»
Cher ami, tu souffres! Tu souffres dans ton cœur et dans ton âme!
Dans ton cœur, parce qu’il y a bien longtemps que tu n’as pu embrasser les tiens, ta chère femme, tes bien-aimés petits..., tes bons et pauvres vieux parents... ; tes précieux frères en la foi.
Tu souffres dans ton âme parce que tu es las de lutter et tu cries à Dieu, lui demandant sans cesse: «Jusques à quand, Seigneur?... POURQUOI ma souffrance est-elle continuelle?... »
Cependant, mon frère, il est normal que tu souffres, car tu n’es plus au pied de la colline, tu es en pleine montagne... ; la tempête fait rage et pourrait te faire «lâcher pied»; partout, autour de toi, ce ne sont que glaciers, crevasses, ravins..., autant de «tombeaux»!
Ne te laisse pas abattre, lutte, lutte, lutte encore, courage, mon frère; courage, chère sœur; courage, aussi, bien-aimée compagne; courage, vieux parents; courage, vous qui souffrez; courage, vous qui luttez; courage...
Le Grand Guide a vu notre détresse dans ce chemin de montagne, pris par la tempête hurlante; Il vient, nous lie les uns aux autres avec sa corde d’amour, puis... «en avant!»
Le Guide est sûr! Il n’y a plus de danger, ce dernier est définitivement écarté. La corde est bonne et solide, elle ne peut glisser de Ses Mains!
Si vous L’aviez vu de près, vous auriez remarqué que Ses Mains étaient percées et que le lien qui nous unit tous ensemble à LUI passe par ces blessures!!
Courage, bien-aimés! Encore un effort et... le Soleil qui semble vouloir obstinément se cacher, va paraître. Il nous semble être actuellement en pleines ténèbres, en pleine nuit. Tant mieux, car L’HEURE LA PLUS SOMBRE DE LA NUIT EST GÉNÉRALEMENT CELLE QUI PRÉCÈDE IMMÉDIATEMENT L'AURORE D’UN JOUR NOUVEAU!
Le Soleil ne se cache que pour un temps; Il continue sa course et son action en dépit des ténèbres qui nous le voilent momentanément. Courage donc encore, le résultat est digne de l’effort. Nous approchons du sommet et bientôt une douce brise, faisant place à la tempête, nous apportera l’écho lointain des chants célestes que nous aimons tant. Courage, mes bien-aimés, nous pourrons bientôt nous reposer dans de verts pâturages, près des eaux paisibles et sous les doux rayons du Soleil de Justice!
«Courage à tous!» Que chacun comprenne bien que CELUI qui le dit a souffert plus que quiconque!
V. Sibbille, Aumônier évangélique
Stalag XI-B. K° 893 (Deutschland)
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