Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VIENS ET VOIS

----------

LARGEUR


Il y a des mots qui exercent une sorte de fascination et troublent les idées. Le mot de LARGEUR est un de ceux-là.

Il semble que, lorsqu’on a qualifié une personne ou un système de cette épithète: large, on a suffisamment recommandé le système ou la personne.

«Idées larges» semble l’équivalent «d’idées justes». Il faudrait pourtant s’entendre.


La largeur n’est pas nécessairement un signe de vérité.

Si je dis de quelqu’un qu’il vit largement ou qu’il est large dans ses habitudes, cela n’implique pas du tout qu’il soit généreux et charitable, mais seulement qu’il dépense sans compter pour lui-même et ne se refuse rien; c’était le cas du mauvais riche de la parabole.

Si je dis de quelqu’un qu’il a une morale large, cela signifie simplement qu’il n’est pas scrupuleux, ni austère, ni raffiné sur les questions de délicatesse. La largeur de cette morale suppose son relâchement. Les libertins et les fripons ont une morale très large, et vous ne songez pas à leur en faire honneur.

Pourquoi donc y aurait-il quelque gloire à avoir des idées larges, à élargir si bien ses idées que l’on ne réussirait plus à en discerner les contours et que leurs limites se perdissent dans les brumes de l'horizon?

Par exemple, vous avez des principes religieux, des croyances, des doctrines, et vous hésitez à les préciser, à les affirmer, DE PEUR QU’ON NE VOUS SOUPÇONNE D’ÊTRE ÉTROITS.

En effet, il arrive qu’un homme est désigné comme étroit, simplement parce qu’il sait ce qu'il croit, et que, dans la mesure où il est persuadé, il sépare sa persuasion de la persuasion contraire, et revendique le droit d’être de son propre avis sans mettre l’avis d’autrui sur le même plan que le sien; plus il est convaincu, plus sa conviction se distingue et se détache de la conviction opposée.

Est-il étroit pour cela?

Il veut être à l’abri dans sa maison intellectuelle: concluez-vous qu’il a tort parce qu’il refuse d’abattre les murs et de supprimer le toit, parce qu’il s’obstine à protéger sa conviction contre ceux qui prétendent l’en déposséder?

Et s’il s’agit d’une société religieuse, d’une Église, en quoi ferai-je preuve d’étroitesse si je prétends m’associer à ceux qui pensent, sentent, croient, adorent comme moi, et à ceux-là seulement?

Si je réserve mon adhésion et ma confiance à ceux qui garantissent ma sécurité et celle des miens, et si je les refuse à ceux qui se sont donnés pour mission de combattre mes convictions les plus chères ou, tout au moins, de les atténuer, de les édulcorer, de les réduire le plus possible?

Vraiment devrai-je appeler «large» celui qui prétend m’imposer des négations au nom d’une prétendue largeur, et serai-je étroit parce que je lui dirai respectueusement et fermement: «Je ne veux pas m’introduire chez vous, et je compte que vous ne vous introduirez pas chez moi.


LA DISTINCTION DU TIEN ET DU MIEN, C’EST LA SIMPLE HONNÊTETÉ.


Je demande à la pratiquer et à la voir pratiquer par autrui, dans le domaine de la foi comme ailleurs».

Est-ce à dire qu’il n’y a pas des chrétiens étroits, des orthodoxes étroits?

Assurément il y en a; ce sont ceux qui, non contents de revendiquer leur liberté et de protéger leur domicile spirituel, voudraient interdire à d’autres de faire de même ou du moins les critiqueraient, les jugeraient, auraient la coupable prétention de descendre dans le for intérieur de leurs frères, ou de limiter leur indépendance spirituelle, ou encore se croiraient infaillibles, et en vertu de cette infaillibilité décideraient, dès à présent, ce que le Fils de l’Homme s’est réservé de décider au jour du jugement.

Gardons-nous d’une étroitesse pareille, qui est tout simplement de l’intolérance et du pharisaïsme.

Mais, de grâce, si nous sommes passionnés pour la liberté, pour celle des autres plus encore que pour la nôtre, si nous avons le cœur assez large pour aimer même ceux qui ne nous aiment pas, si nous nous gardons de vouloir restreindre l’indépendance sacrée de personne:

Qu’on ne nous accuse pas d’être étroits quand:

nous voulons simplement être nous,

rester chez nous,

défendre notre foi et la propager,

avoir notre Église et la conserver intacte sans la dénaturer,

retenir nos principes et les préserver des empiétements de ceux qui les nient.

Cessons de voir un signe de bienfaisante largeur dans l’imprécision des doctrines, et un autre signe de largeur dans la confusion qui voudrait faire cohabiter au cœur de la même Église ceux qui adorent le Christ et ceux qui se refusent à l’adorer.

Benjamin Couve.

Pasteur à Paris.

Bulletin de l'Église de Marseille, 1er mai 1907).

Source: https://pentecostalarchives.org/

Viens et Vois 1935 - 07


Table des matières