Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PAIX DE DIEU

GARDANT LE COEUR

***

Sermon sur ces paroles:

La paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos esprits en Jésus-Christ. (Philipp. IV. 7.)


Nous sentons tous le besoin de quelque chose qui serve de sauvegarde à nos cœurs. Nous vivons dans un monde qui change, et dont les changements nous touchent souvent de bien près; ils influent non seulement sur nos affaires, sur nos familles, sur nos biens extérieurs, mais encore sur nous-mêmes; ils se font sentir jusqu'au fond de nos âmes.

Le monde lui-même exerce aussi sur nous une influence presque continuelle.

Il est rempli d’objets tellement en harmonie avec notre nature terrestre, et si bien adaptés à ses désirs et à ses besoins, qu’il vaudrait autant essayer de se mettre hors de la portée du chaud et du froid, de la lumière et des ténèbres, que de se soustraire entièrement à l’influence du monde que nous habitons.


Il y a plus: nos cœurs sont de leur nature agités et inquiets.

Il y a une disposition secrète que nous tenterions en vain de déraciner ou de surmonter, un principe de malaise intérieur et puissant, qui nous porte à nous troubler et à nous tourmenter nous-mêmes.

De là vient que, même lorsque tout est calme autour de nous, dans un état extérieur d’aisance et de tranquillité, nos pensées, nos sentiments et nos projets changent constamment de direction.

Mais lorsque l’orage vient à éclater sur sa tête, lorsqu’il est exposé à des privations, à des épreuves, à des tentations, à des combats, oh! alors, à quoi est semblable le faible mortel?

À un roseau agité par le vent, à un navire emporté par le moindre orage, et que chaque vague trouble et effraye. C’est ainsi qu’on voit l’homme affligé, battu par la tempête, et après tout rarement consolé.


Il est évident qu’il nous faut quelque chose qui nous affermisse et qui nous fortifie.

Nous avons besoin d’être placés sous l’influence d’un principe qui gouverne notre cœur sans l’endurcir, qui tout en nous laissant accessibles au sentiment de l’affliction et à l’amertume du péché, puisse défier les vicissitudes de la vie de nous maîtriser, les tentations de nous abattre, ou notre propre corruption de nous asservir.

Mais où trouverons-nous cette sauvegarde?

Il est clair que ce n’est point dans le monde: autant vaudrait demander le repos à la tempête elle-même.

Nous ne la trouverons certes pas non plus en nous-mêmes; car, qu’avons-nous jamais trouvé en nous, si ce n’est la FAIBLESSE, la MISÈRE et le PÉCHÉ?

L’Apôtre nous apprend dans les paroles qu’on vient de lire:

1° quelle est cette précieuse sauvegarde dont nos cœurs ont besoin: c’est la paix;

2° quel en est l’auteur, Dieu: c’est la paix de Dieu;

3° il désigne un de ses caractères distinctifs: elle surpasse toute intelligence;

4° un de ses effets: elle garde nos cœurs et nos esprits;

5° il nous apprend enfin quelle est la source dont elle découle: JÉSUS-CHRIST.


* * *

I. Voyons d'abord quelle est la nature de ce principe protecteur.

Et combien n’y a-t-il pas de miséricorde, combien n’y a-t-il pas de consolation pour l’âme troublée, dans l’expression même dont se sert le Saint-Esprit pour le décrire?

Ce n’est ni le renoncement, ni la crainte, ni des efforts pénibles, ni la vigilance, qu’il nomme ici comme devant garder notre cœur: non, C’EST LA PAIX.

C’est un état de bien-être, de repos.

C’est un calme qui remplit l’âme, qui, non seulement la restaure et la rafraîchit après l’agitation de l’orage, mais qui apaise l’orage, disant aux vents, lorsqu’ils sont prêts à s’élever: Taisez-vous, soyez tranquilles; et contraignant les vents d’obéir à sa voix.

Mais, demandera-t-on, QUELLE PAIX PEUT-IL Y AVOIR POUR UN ÊTRE TEL QUE L’HOMME, pour un fils ennemi de son Père, une créature en guerre avec son Créateur?

Il est vrai, il n’en existe pas pour l’homme dans sa condition naturelle. Il n'y a point de paix pour le méchant, (Ésaïe XLVIII, 22.) a dit mon Dieu.

Cette paix est le résultat d’un changement dans l’état et dans le caractère de l’homme; elle est l’effet d’une réconciliation entre lui et le ciel.

Elle est fondée sur l’acte solennel qui a lieu entre Dieu et l’âme, lorsque, se reconnaissant coupable, vile et misérable:


elle se jette avec toute sa souillure et sa dégradation,

dans les bras du Seigneur,

et n’espère plus qu’en sa miséricorde gratuite.


La paix de Dieu naît dans le cœur au moment où l’homme ouvre les yeux sur lui-même, où il voit sa bassesse, sent sa misère, sa folie, son égarement, et s’écrie avec l’accent énergique d'un cœur humilié: Ô Dieu, sois appaisé envers moi, qui suis pécheur! (Luc XVIII, 13.).

À L’HEURE MÊME, LE SEIGNEUR LUI FAIT MISÉRICORDE.

Il lui révèle tous les trésors de grâce qui sont en Jésus-Christ, pour le salut des pécheurs;

il le rend capable de saisir par la foi ses offres de pardon;

il l’unit au Sauveur qu’il lui a suscité.

Où sont ses transgressions et ses péchés?

Ils sont ensevelis au fond de la mer! Un acte d’oubli les a annulés.

La paix a été conclue entre l'homme et son Dieu; et bientôt le pécheur sent cette paix germer et croître dans son propre cœur.

Elle consiste uniquement dans le sentiment de SA RÉCONCILIATION AVEC DIEU, dans la découverte que fait l'âme de la part qu’elle a à la miséricorde divine.

Le pécheur se sent pardonné, et de même que ses forfaits ont été éloignés de lui autant que l'Orient est éloigné de l'Occident, ses craintes aussi s’enfuient.


Il se voit racheté, adopté, aimé, et par conséquent il est consolé.


Maintenant il voit en Dieu un ami auquel il se fie, en qui il espère. Il regarde les promesses contenues dans la Parole de cet Ami, comme lui appartenant en propre.

Dans la tentation, il compte sur la victoire;

dans les périls, sur un refuge;

dans la faiblesse, il attend la force;

dans l'affliction, la consolation;

dans la mort, la délivrance;

dans l’éternité, le ciel;

et dans le ciel, son Dieu, la présence de Dieu, la jouissance de Dieu, et la ressemblance même avec Dieu.

Mais ce n’est pas tout. La foi et l’espérance purifient son cœur, en même temps qu’elles le remplissent d’une sainte joie.

Peut-être ne sent-il d’abord autre chose, sinon qu’elles apaisent ses craintes; mais elles opèrent secrètement et insensiblement en lui un grand changement moral, arrachant les racines d’amertume qui étaient la principale cause du mécontentement qu’il éprouvait naguère, et mettant à leur place le germe des affections et des dispositions qui constituent le vrai bonheur.

ÉTANT JUSTIFIÉ PAR LA FOI, il obtient d’abord la paix avec Dieu; puis, il se glorifie en Dieu par N. S. Jésus-Christ, par lequel il a maintenant obtenu la réconciliation; et enfin il goûte cette grande paix qui est le partage de ceux qui aiment la loi de l'Éternel.

Désirant avant tout se conformer à ses saints préceptes, travaillant par ses prières et ses efforts à y parvenir, il éprouve que l’effet de la justice est la paix et le repos et la sûreté à toujours.


Telle est donc la paix chrétienne.

Elle a pour base la grâce et le pardon;

elle dépend de la connaissance que l'âme acquiert de la miséricorde divine;

elle résulte de la conviction qu'on y a personnellement et réellement part;

elle s’établit, se répand, et croît dans le cœur, en y exerçant une douce et sanctifiante influence qui, après avoir pris sa source dans cette assurance du salut, vient à son tour la fortifier.

Il ne faut cependant pas croire que tous les pécheurs pardonnés vivent dans la pleine jouissance de ce bien précieux, ou même qu’aucun d'eux possède toujours une paix égale et non interrompue.

Dans bien des cas, l’ignorance, un sentiment de propre justice, l’incrédulité, ferment pendant longtemps à la paix la porte du cœur; et lorsqu’elle y est entrée, une multitude d’infirmités et de péchés viennent l’un après l’autre l’affaiblir et la troubler.

Mais en dépit de tous les obstacles, elle y est néanmoins sentie et goûtée.

Dans d’heureux moments, dans des âmes bénies de Dieu, elle est comme un fleuve; elle allège le poids de l’affliction, rend l’obéissance facile, et la faveur de Dieu infiniment précieuse et douce; changeant les accents de la douleur en actions de grâces, elle remplit de sources rafraichissantes le désert aride de la vie.


Elle est accompagnée de communion avec Dieu.

Elle descend du ciel même.

Elle découle de la coupe de la félicité céleste.


* * *


II. Considérons en second lieu quel est l’auteur de cette paix.

Elle est appelée la paix de Dieu, parce que l’œuvre de miséricorde sur laquelle elle se fonde est ENTIÈREMENT ET UNIQUEMENT L’OEUVRE DE DIEU.

La rédemption vient de son amour libre et gratuit.

Le plan en a été conçu par son infinie sagesse; sa main droite seule l’a accompli du commencement à la fin.

Il a suscité un Sacrificateur, ou plutôt il est descendu lui-même des cieux pour apporter ses offres de réconciliation.

C’est lui-même qui s’est révêtu de notre nature, qui, en tant qu’homme, a obéi aux commandements de sa sainte loi sans en transgresser un seul, et ensuite a porté le poids de la malédiction de cette loi, comme s’il en avait violé tous les points.

C’est lui qui est encore assis, dans sa nature humaine, sur le trône des cieux, et qui y poursuit encore son œuvre de miséricorde.

Lorsque les pécheurs viennent se prosterner à ses pieds, c’est parce que lui-même les y attire.

S'ils implorent le pardon, ce n’est qu’après qu’il a répandu sur eux l’Esprit de supplication et de grâce.

Ils ne versent pas une seule larme de contrition qu’il ne fasse lui-même couler et aucun d’eux n’a jamais serré dans son cœur une seule de ses promesses, sans avoir premièrement reçu de lui le don de la foi.

Il y a plus, c’est aussi Dieu lui-même qui communique à l’âme cette paix qu’elle éprouve quand elle se sent pardonnée et reçue en grâce.


LA PAIX DU CŒUR NE SAURAIT ÊTRE PRODUITE PAR AUCUNE CRÉATURE TERRESTRE, et les Anges même du ciel uniraient en vain leurs efforts pour nous en faire part.

Elle n’est pas simplement le résultat d’un examen de nous-mêmes, de nos méditations ou de nos efforts pour l'obtenir.

Elle est le don de Dieu, et elle est appelée SA PAIX, parce qu’elle lui appartient et qu’on ne la reçoit que de sa main.

Au temps et de la manière qu’il a déterminés, il révèle à l’âme par son Saint-Esprit, l’amour qu’il a pour elle, la miséricorde qu’il lui a faite, peut-être l'œuvre qu’il a opérée en elle. Il lui fait voir:

dans le sang de Christ, le prix de sa rédemption;

dans l’obéissance de Christ, le manteau de la justice;

dans l’Esprit sanctifiant, les dons et les grâces de Christ, le vêtement du salut;

et dans les promesses et la vie de Christ, les gages de sa sûreté.

Il ouvre, pour ainsi dire, le livre de vie, et y fait resplendir aux yeux du pécheur étonné, son propre nom, son nom vil et méprisé; alors le pécheur est rempli de toute joie et de toute paix en croyant; il abonde en espérance par la puissance du Saint-Esprit; et la paix de Dieu règne dans son cœur.


* * *


III. Une paix qui est divine dans son origine, doit nécessairement participer de la nature mystérieuse de son Auteur, et par conséquent être, jusqu’à un certain point, incompréhensible pour toute créature terrestre.

Aussi l’Apôtre déclare-t-il, en troisième lieu, qu'elle surpasse toute intelligence.

Ces paroles peuvent avoir deux sens:

1°. Elles peuvent d'abord signifier:

Cette paix est absolument inconcevable pour ceux qui ne l’ont pas éprouvée.

Ceux qui n'en ont jamais fait l’expérience, ne connaissent rien et ne peuvent rien connaître de sa nature.

Elle est, en elle-même, au-dessus d’eux, hors de la portée de leur esprit. Ce n’est pas qu’elle tienne de l'illusion ou de l’enthousiasme: au contraire, elle est réelle; elle est solide; elle est raisonnable; si raisonnable, si bien fondée, que l’on s’étonne qu’un pécheur pardonné puisse en être privé un seul instant; si raisonnable, qu’aucune autre paix ne résisterait comme elle à l’examen de la raison et à la réflexion.

Il n’y a aucune autre paix qui ne soit troublée par un examen sérieux et réfléchi de nous-mêmes. Mais ce n’est pas tant à l’entendement qu'au cœur que la paix de Dieu se fait connaître. ON L’ÉPROUVE PLUTÔT QU’ON NE LA COMPREND. Elle doit être sentie pour qu’on puisse s’en faire une idée.

Et cette remarque ne s'applique pas seulement à la paix de Dieu ou aux grâces spirituelles en général. Il en est peut-être de même de toutes les jouissances morales.

Que l’homme de lettres, par exemple, parle des délices qu'il goûte dans les recherches de l’esprit, dans l’acquisition des connaissances, dans des découvertes scientifiques, dans les élans de l’imagination, dans le développement de ses facultés intellectuelles; si celui qui l’écoute est un ignorant, des paroles ne lui donneront aucune idée distincte de ces choses; elles ne feront qu’exciter son étonnement.

Parlons au sourd des charmes de la musique, ou à l’aveugle-né des divines beautés de l’univers, quelque éloquents que soient nos discours, quelque clairs que soient nos raisonnements, ils ne serviront de rien.

L’aveugle n’en saura pas plus sur la splendeur de l’arc-en-ciel, ou sur les richesses du paysage, ou sur la magnificence des cieux, qu’il n’en savait auparavant; le sourd restera tout aussi étranger qu’il l’était aux effets de l’harmonie.

Il en est précisément de même de la paix de Dieu.

Aucune description, aucun raisonnement, ne peut en donner une vraie connaissance.

Si nous voulons la comprendre, il faut que nous cherchions à l’obtenir, que nous l’acquérions, que nous en jouissions; il faut, selon le langage énergique de l’Apôtre, que nous goûtions le don céleste; que nous goûtions la bonne Parole de Dieu et les puissances du siècle à venir. (Hébr. VI, 4-5.) Notre religion doit être plus qu’une forme, qu’une simple profession; elle doit vivre et agir dans notre cœur.

2°. Et même alors cette paix surpassera encore toute intelligence; car elle ne peut être pleinement comprise, même de ceux qui l’éprouvent.

ELLE EST UN MYSTÈRE POUR L’HOMME QUI LA POSSÈDE.

Il sait qu’elle existe en lui;

il sent son cœur satisfait, tranquillisé et purifié par elle;

il voit avec joie ses effets, et il peut en faire une description claire et intelligible;

MAIS COMMENT EST-ELLE ENTRÉE EN LUI?

Comment s’y maintient-elle?

Pourquoi réjouit-elle son âme, tandis que d’autres sont remplies d’amertume, faute de la posséder?

Pourquoi, par moments, remplit-elle le cœur d’un calme si étonnamment grand, d’un charme inexprimable!

À quelle hauteur de béatitude peut-elle élever l'âme?

Ce sont des questions auxquelles il ne saurait donner de réponse précise. Tout ce qu’il peut dire c’est que la paix de Dieu surpasse toute intelligence; et même un habitant du ciel ne saurait peut-être en dire davantage.

La paix qui a pénétré dans le cœur d’un pécheur reçu en grâce n’est peut-être pas comprise même d’un ange.


Elle est la paix de Dieu,

elle est la joie du Seigneur;

et son intelligence infinie peut seule la concevoir pleinement.


* * *


IV. Mais si, par sa nature et son étendue, la paix de Dieu surpasse toute intelligence, nous pouvons tous, du moins, juger de ses effets.

Un des plus précieux est décrit dans ces paroles de St. Paul: elle gardera vos cœurs et vos esprits. (Philip. IV, 7.)

Par le cœur, nous devons entendre les affections et la volonté; par l'esprit, les facultés intellectuelles, la raison et le jugement.

La paix de Dieu garde l’un et l’autre!

Son influence s’étend sur toutes les dispositions de l’esprit, sur l’âme tout entière. Elle garde notre entendement dans la connaissance, et notre cœur dans l’amour de Dieu.

Le mot original rendu par celui de garder, a un sens très expressif: il signifie «défendre comme dans une place forte; garantir et protéger de telle sorte, qu’aucun ennemi ne puisse avoir le dessus et nuire

Il suppose l’existence du danger, en même temps qu’il contient une promesse de sûreté qui en met à l’abri. Il exprime l’idée de sécurité, non dans le séjour paisible du ciel, mais dans un monde où nous sommes entourés d’ennemis et appelés à combattre.

Mais, demandera-t-on peut-être, comment donc la paix de Dieu peut-elle produire tous ces effets?

Elle les produit de diverses manières.

Dans la tentation, elle garde le cœur en le remplissant de joie.

Elle triomphe des plaisirs charnels, en donnant à l’homme des jouissances plus relevées.

Elle purifie et élève les affections.

Elle ôte l’amour du monde, en nous faisant goûter une félicité que nous ne saurions jamais trouver dans les objets terrestres, parce qu’en effet, malgré leurs trompeuses apparences, ils ne peuvent jamais la donner.

Celui qui se nourrit du pain céleste courrait-il après les faux biens de la terre?

Celui qui s’est réchauffé et réjoui au soleil d’un beau jour, se plairait-il ensuite dans la ténébreuse et froide lueur d’un cachot?

Cette paix garde aussi le cœur dans l’affliction.

Pour l’âme qui la possède, elle est le gage, de l’amour infini que Dieu lui porte, et par là même, elle la maintient dans la confiance en lui, la rendant capable:

de s’appuyer sur les promesses divines,

de s’encourager par l’assurance de la fidélité du Seigneur,

et d’attendre de son amour et de sa puissance une heureuse issue aux peines de la vie.

La paix de Dieu fait naître l’espérance et la fortifie; et l’homme qui s’achemine plein d’espoir vers le ciel n’est pas aisément ébranlé ou abattu. Ayant en vue la couronne de vie qui est au bout de la carrière, il sent qu’elle vaut bien la légère souffrance qu’il rencontre sur son chemin. D’ailleurs, la paix de Dieu l’assure d’une ressource qui ne peut lui manquer, lorsqu’il vient à perdre tout appui terrestre, toute consolation temporelle.

Ôtez à l'homme du monde ses jouissances et ses biens: tout est perdu pour lui; il est sans espoir, car il ne lui reste plus rien.

Mais vous aurez beau dépouiller l’homme de Dieu de tout ce qu’il possède et de tout ce qu’il aime ici-bas, le vrai soutien de son existence, son trésor le plus précieux, ne saurait lui manquer.

S’il a cette paix en son cœur, dans quelque position qu’il se trouve, sur un lit de douleur, dans la maison de deuil, auprès de la tombe de son plus cher et meilleur ami, de l’unique objet de sa tendresse, il n’est jamais sans espérance; qu’il soit frappé à l’endroit le plus sensible, la blessure ne saurait être mortelle.

Il est affligé, et plus vivement peut-être que les autres hommes, car la religion a augmenté en lui la faculté de souffrir, en étendant ses vues, en rendant plus profonds et plus purs les sentiments de son cœur.

Mais son âme n’est point accablée; aucune douleur n’est pour lui désespérante, aucun mal sans remède, aucune perte sans ressource. Il peut pleurer quelques instants; mais bientôt il va s’écrier comme St. Paul au milieu de ses privations: J'ai tout reçu; je suis dans l'abondance, et j'ai été comblé de biens. Je ne me mets en peine de rien. Au contraire, en toutes ces choses, je suis plus que vainqueur par celui qui m’a aimé.

La paix de Dieu garde l’esprit aussi bien que le cœur.

De même qu’elle ennoblit les affections, parce qu’elle est la source de jouissances plus relevées que celles qui viennent du monde, de même aussi elle instruit et élève l’esprit, en lui montrant à la lumière des choses spirituelles, la petitesse, la pauvreté, l'insuffisance des temporelles!

La paix de Dieu ne nous apprend pas à acquérir des richesses, ou de l’influence, ou des honneurs; mais elle fait plus, elle nous apprend à savoir nous en passer.

Elle nous montre ces choses telles qu’elles sont réellement; elle les dépouille du voile brillant qui les recouvre; elle nous empêche de leur donner nos cœurs si nous les possédons, et nous les fait envisager comme peu dignes d’envie, si nous en sommes privés.

Elle met devant nous des choses plus excellentes, des richesses plus durables, des honneurs plus glorieux, une félicité divine.

Elle garde l’esprit en le fermant aux vaines pensées, aux doctrines nouvelles et étranges, aux doutes incrédules, à l’erreur.

L'homme qui possède cette paix en son cœur, a au-dedans de lui-même le témoignage de Dieu, un témoignage et une démonstration de la vérité que ni les moqueurs, ni les enthousiastes, ne sauraient lui ravir.

Dites-lui que sa Bible n’est pas vraie, que son bien-aimé Sauveur n’existe pas, que sa religion est une fable et son espérance un vain rêve: dans le moment même où vous lui parlez, il éprouve en lui la puissance de toutes ces choses; il en sent la vérité, la réalité, la douce et précieuse influence.

Sa religion n’est plus une affaire d’opinion, mais un principe réel et vivant. Autant vaudrait-il lui dire qu’il n’existe pas de soleil dans le firmament, lorsqu’il se sent réchauffé et éclairé par ses rayons; ou qu’il est privé lui-même de l’existence, tandis qu'il vit, qu’il respire et qu’il agit.

Aucun mal réel ne saurait atteindre le cœur dont l’espérance et la joie sont en Dieu. La joie de l'Éternel est sa force, sa sauvegarde. Il n’a que faire de nouvelles doctrines, de nouvelles révélations.


Il a trouvé ce qu’il lui faut,

et il jouit de ce qu’il a trouvé.

Il est satisfait.


* * *


V. Les dernières paroles qu’il nous reste encore à examiner sont celles qui nous montrent la source d’où découle la paix de Dieu, et le moyen par lequel elle opère en nous.

Dans le verset qui précède, l’Apôtre cherche à persuader les chrétiens de Philippes de ne s’abandonner à aucune inquiétude, et d’exposer constamment, tous leurs besoins, à leur Père céleste, par la prière et les actions de grâces.

Ne vous inquiétez de rien, leur dit-il, mais en toutes choses, présentez vos demandes à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces.

Puis il ajoute: et la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence y gardera vos cœurs.

Mais afin qu’on ne crût pas qu'il regardait la prière qui précède et qui accompagne la possession de la paix, comme la source de cette paix, l’Apôtre détourne un moment leurs pensées de l’exhortation qu’il vient de leur adresser pour LES FIXER SUR LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST:

LA PAIX DE DIEU, leur dit-il, GARDERA VOS CŒURS ET VOS ESPRITS EN JÉSUS-CHRIST.

Un fidèle, avancé dans l’expérience chrétienne, peut aisément saisir le sens de ces paroles.

Il sait qu’il ne peut y avoir de paix semblable à celle qu’il éprouve, dans un cœur en proie aux inquiétudes de la vie ou dépourvu de l’esprit de supplication; il sent que la paix de l’âme ne saurait exister en lui sans la foi et sans la prière, et qu’elle leur est aussi étroitement liée que si elle en dépendait uniquement et entièrement; mais il sait aussi que la foi et la prière n’ont pas plus en elles-mêmes le pouvoir de calmer une âme troublée, que d’apaiser une tempête.

Notre paix sera toujours en cette vie inséparable de la foi et de l’esprit de prière, elle nous semblera en découler, elle s’affermira en général à proportion que nous croîtrons dans ces dispositions saintes: mais voulons-nous en découvrir la source, voulons-nous voir la main cachée qui la répand dans nos cœurs et la rend efficace, il nous faut regarder plus haut; il faut élever nos regards jusqu'au trône de notre Sauveur.


La paix de Dieu est l’œuvre et le don de Dieu;

mais c’est en vertu de la médiation de son Fils bien-aimé

qu’elle nous est communiquée.


Elle est l’un des précieux fruits de SON obéissance, de SES souffrances et de SON intercession auprès du Père.

Jamais nous ne l’aurions connue, jamais, sur cette terre de péché, nous n’aurions même pu en entendre parler, si Jésus-Christ, en expiant nos iniquités, et en satisfaisant ainsi à la justice divine, n’avait fait descendre sur la race déchue des hommes, premièrement la grâce et le pardon, puis la paix.

La paix de Dieu se trouve d’ailleurs en lui en tant que chef de son église et dépositaire de tous les glorieux dons préparés et réservés pour les pécheurs.

C’EST LUI QUI LA DISPENSE. À quelque degré que nous la possédions, c’est de sa main que nous l’avons reçue, et c’est de lui qu’elle tire tout son charme. C’est par l’action de son Saint-Esprit sur nos âmes qu’elle devient notre sauvegarde; qu’elle nous protège, nous fortifie et nous rend heureux.

Contemplez la paix du chrétien à son origine: Elle naît de l’amour gratuit de Dieu et est l’œuvre de sa toute-puissance.

Voyez-la descendre des cieux sur cette terre souillée: elle y est apportée par le Sauveur lui-même.

Voyez-la régner dans une âme naguère abattue et troublée: elle y a été déposée par la main du Rédempteur; elle y découle de cet esprit de prière, de cette confiance, de cette espérance, et de toutes ces saintes dispositions, de toutes ces affections pures, qui y sont produites par la même puissance divine et que la même main bienfaisante y a fait naître et y entretient.

Voyez-la rendue parfaite dans les demeures célestes; elle est encore la paix de Dieu; mais elle a encore pour dispensateur l’Homme-Dieu, Jésus-Christ, et glorifie à jamais ses perfections infinies, remplissant ses rachetés de félicité et de reconnaissance.

C’est pourquoi la paix est si souvent mentionnée dans les Écritures comme émanant de Christ. Il y est appelé NOTRE PAIX; il y est dit avoir fait la paix.

1. Avant sa venue, il fut annoncé au monde comme le Prince de la paix.

2. À sa naissance le chant de paix sur la terre se fit entendre des cieux.

3. Près de mourir il dit à ses disciples: je vous laisse la paix, je vous donne ma paix;

4. et après sa résurrection, les premières paroles qu’il leur adressa furent: La paix soit avec vous.


Maintenant, mes frères, tournons un moment nos regards sur nous-mêmes.

Peut-être ai-je parlé de la paix de Dieu, et peut-être m’avez-vous écouté, comme si ces choses n’avaient pas pour nous un intérêt direct et personnel; mais n’est-il pas déplorable qu’une grâce aussi précieuse ait aussi peu d’attrait pour nos cœurs?

Que ces cœurs si avides de repos, le poursuivant sans cesse, s’attachant à tous les objets frivoles dans lesquels ils s’imaginent pouvoir le trouver, restent insensibles et froids, lorsque la Bible nous parle de paix et de tranquillité, et ne donnent pas même une pensée sérieuse à ces choses?

S’il arrive que nous y prêtions quelque attention, trop souvent nous les écoutons comme si l’on nous entretenait non d’une paix que nous pouvons réellement obtenir et posséder nous-mêmes dans cette vallée de larmes et de misères, mais d'une félicité imaginaire, placée à une aussi grande distance de nous que la lune et les étoiles.

De quelque manière cependant que nous écoutions ces choses, elles sont assurément pour nous de la plus haute importance.

Elles ne se rapportent pas seulement à notre bonheur temporel. Il s’agit surtout ici de joies ou de peines éternelles.

Il s’agit de la paix de Dieu, et par conséquent de NOTRE RÉCONCILIATION AVEC LUI PAR LE FILS DE SA DILECTION (affection), et de cette foi en ses promesses qui seule sauve et sanctifie l'âme.

Ne point connaître cette paix et y rester toujours étranger, c'est donc être dans un état de perdition.

C’est être étranger au pardon, à la sainteté, à la miséricorde et à la grâce, sans lesquelles il ne peut y avoir de salut pour le pécheur.


Ô mes frères, examinez-vous donc vous-mêmes pour savoir si vous connaissez la paix de Dieu.

Demandez-vous à vous-mêmes pourquoi le sentiment en est si faible en vous; pourquoi peut-être vous en êtes tout à fait dépourvus; pourquoi vous ne l’avez même jamais recherchée, jamais désirée.

Demandez-vous à vous-mêmes ce que valent au fond les choses que vous lui préférez, ces objets trompeurs qui ne sont que vanité et tourment d’esprit.

Poursuivez l’examen et CONSIDÉREZ QUEL SERA VOTRE SORT, SI VOUS ÊTES PRIVÉ DE CETTE PAIX lorsque la maladie affaiblira votre corps, lorsque la mort visitera votre famille, lorsque l’être que vous aimez le mieux sera arraché à votre tendresse et reposera dans la tombe.

Demandez-vous encore à vous-même ce qui vous tiendra lieu de cette paix de Dieu à votre dernière heure.

Je sais qu’il y a des choses qui en tiennent lieu dans le coeur d’une multitude d’hommes qui se créent à tout moment de faux motifs de sécurité; mais quelles que soient nos espérances, si Dieu n’est pas l’auteur et Christ l’unique fondement de notre paix, elle sera vaine et insuffisante; elle nous trompe dès à présent.

Elle ne garde ni nos esprits ni nos cœurs, mais elle les laisse asservis au monde.

Elle ne ferme pas nos cœurs à l’amour du monde, ni nos esprits à ses faux principes et à ses maximes corrompues.

Elle ne nous défend pas contre les tentations;

Elle nous abandonne à la puissance du péché.

Que pourrions-nous donc attendre de la paix du monde dans l'affliction, à l’heure de la mort, au jour du jugement?

Et à quoi bon une telle paix, une paix qui ne peut rien pour nous, qui ne saurait résister à l'examen de la raison, et qui disparaît à la lumière de la Parole de Dieu?

Oh! gardez-vous d’une paix aussi trompeuse; ne vous lassez pas d’en rechercher une plus solide.


Cherchez celle qui repose sur la miséricorde et l'amour du Dieu Sauveur.


Il n’est pas douteux que vous ne puissiez l’obtenir.

Elle se trouve en abondance aux pieds du Seigneur Jésus-Christ, et vous pouvez puiser à cette source inépuisable tout aussi librement que les esprits glorifiés dans le ciel.

Et pourquoi la chercher?

Est-ce afin de vous aider à supporter patiemment les peines de la vie afin de rendre moins amers vos regrets et vos larmes? afin de vous défendre des tourments d’un cœur déchiré?

Ce doit être par un motif plus relevé et plus noble!

C’est surtout le ciel qu’il faut avoir en vue.

La paix de Dieu est pour celui qui la possède UN GAGE DE SON ADMISSION DANS LE CIEL!

Elle garde son âme pour le ciel, la rend capable d’habiter le ciel, et la conduit aux joies du ciel.

Quelque précieuse, quelque consolante qu’elle soit dès à présent, elle n’est cependant sur la terre, en comparaison de ce qu’elle sera dans le ciel, que ce qu’est une goutte d’eau auprès de l’Océan, ou la faible clarté des étoiles auprès de l’éclat du soleil.



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