Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS FAMILIERS

D'UN PASTEUR DE CAMPAGNE

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LE PÉCHEUR DANS L' ANGOISSE.

Pour un jour de jeûne.


Avec quoi préviendrai-je l’Éternel et me prosternerai-je devant le Dieu Souverain?

Le préviendrai-je avec des holocaustes et avec des veaux d’un an?

L’Éternel prendra-t-il plaisir à des milliers de moutons ou à dix mille torrents d’huile?

Donnerai-je mon premier-né pour mon crime, le fruit de mon ventre pour le péché de mon âme?

Ô homme! Il t’a déclaré ce qui est bon; et qu’est-ce que l’Éternel te demande, sinon que tu fasses ce qui est droit, que tu aimes la bénignité, et que tu marches en toute humilité devant ton Dieu! (Michée VI, 6-8.)

Avec quoi me présenterai-je devant l’Eternel, Pour m’humilier devant le Dieu Très-Haut? Me présenterai-je avec des holocaustes, Avec des veaux d’un an?

L’Eternel agréera-t-il des milliers de béliers, Des myriades de torrents d’huile? Donnerai-je pour mes transgressions mon premier-né, Pour le péché de mon âme le fruit de mes entrailles? -
On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien; Et ce que l’Eternel demande de toi, C’est que tu pratiques la justice, Que tu aimes la miséricorde, Et que tu marches humblement avec ton Dieu. (V. S.)

Mes Frères, les paroles que vous venez d’entendre sont un dialogue entre le peuple d’Israël et l’envoyé du Seigneur. À la vue des jugements de Dieu prêts à fondre sur lui, le peuple se réveille; IL SE RECONNAÎT COUPABLE; il cherche avec anxiété les moyens d’apaiser son Juge; il s’écrie dans l’angoisse de son âme: Avec quoi préviendrai-je l'Éternel et me prosternerai-je devant le Dieu Souverain?...

Quelque illusion qu’il se fasse sur les moyens à mettre en œuvre, ses sentiments n’en sont pas moins justes et naturels.

De son côté, le Prophète vient au secours du peuple; il s’empresse à lui révéler ce que Dieu veut de lui; IL LUI RAPPELLE DES VÉRITÉS SUBLIMES ET CONSOLANTES:

Ô homme! Dieu t’a déclaré ce qui est bon, et qu’est-ce qu’il demande de toi, si ce n’est que tu fasses ce qui est droit, que tu aimes la bénignité et que tu marches en toute humilité devant ton Dieu?

Voilà sans doute, Chrétiens, une scène instructive et frappante, un sujet en harmonie avec la solennité qui nous rassemble. Si, comprenant la destination de cette solennité, vous avez tourné les yeux sur vous-mêmes; 


Si vous avez fait le compte de vos voies; (Ps. CXIX, 59) si, pressés du désir de vous rapprocher de votre Dieu, vous êtes venus ici pour implorer sa miséricorde en Jésus-Christ, et pour faire votre paix avec lui, les réflexions que fournira notre texte seront propres à vous affermir dans cet heureux projet, à vous en faciliter l’exécution.

Si, plongés jusqu’à cette heure dans la sécurité et l’oubli du salut, vous avez apporté dans le sanctuaire ces illusions de l’orgueil où vivent la plupart des hommes;

Si ce jour d’humiliation n’a rien dit à vos cœurs, j’ose pourtant penser que le cri de détresse du peuple d’Israël, que les paroles de l’homme de Dieu, y porteront quelque émotion, quelque lumière, y feront naître quelque désir de pénitence et de salut.

Puissé-je trouver en vous l’attention, le recueillement, la docilité nécessaires, pour, préparer ces heureux effets!

Chrétiens, je vous somme au nom de ce Juge Suprême, dont on ne se joue pas impunément; (Gal. VI, 7) ou plutôt je vous conjure au nom du DIEU D’AMOUR ET DE MISÉRICORDE QUI NE S’EST PAS ENCORE RETIRÉ DE NOUS, qui nous appelle encore et veut nous faire grâce, je vous conjure de réveiller tout ce qui reste en vous de droiture pour recevoir instruction. (Jér. VI, 8)

Et veuille Celui qui tient les cœurs en sa main, produire lui-même en nous ces dispositions de foi et d’amendement qui peuvent nous rendre agréables à ses yeux par Jésus-Christ! Amen.


* * *


I.


Il est plusieurs vérités que suppose ou que rappelle la simple lecture de notre texte i parcourons-les d’abord successivement.

Le Juge Souverain des hommes doit punir les coupables qui ne préviendront pas ses jugements. C’est la première.

Je sais qu’il est des hommes qui voudraient se persuader et qui ne craignent pas de dire, que Dieu est trop grand pour se trouver offensé de nos faiblesses, et trop bon pour les punir.

Si ces affreuses maximes n’étaient admises que par ceux qui ont foulé aux pieds l’Évangile, j’en serais moins étonné. À de tels hommes, je n’ai rien à répondre; c’est aux tribunaux à veiller sur eux pour les contenir et les réprimer, s’il est possible. Dieu seul, par un prodige de sa grâce, peut changer leur cœur et redresser leur esprit.

Mais ce qui doit nous surprendre autant que nous affliger, c’est que ce langage impie se trouve aussi quelquefois dans la bouche de ces HOMMES LÉGERS qui, tout EN SE DISANT CHRÉTIENS, adoptent sans examen et RÉPÈTENT INCONSIDÉRÉMENT DES OPINIONS QUI FLATTENT LEURS MAUVAIS PENCHANTS. Insensés, que la moindre réflexion suffirait pour éclairer; qui ne sauraient ouvrir nos Saints Livres sans être confondus!

Et comment soutenir la pensée que le Dieu Créateur qui grava dans notre âme les principes du juste et de l’injuste, le Dieu de l’Évangile qui a rappelé ces lois naturelles, qui les a perfectionnées, sanctionnées par la révélation, n’en demanderait pas compte, verrait avec indifférence sa grandeur outragée, sa sainteté et son autorité comptées pour rien!

Partout, dans nos Écritures, je vois ces déclarations:

Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. (Rom. II, 6)

Nous sommes tous appelés à comparaître devant le tribunal de Christ. (2 Corinth. V, 10)

Dieu fera venir en jugement tout ce qu’on aura fait de plus caché. (Eccl. XII, 14/16


Or, mes Frères, de telles déclarations ne sont point un jeu destiné à remplir les âmes d’une vaine terreur. Si la sentence portée contre les œuvres mauvaises demeurait sans effet, il eût été plus digne de la Majesté suprême qu’elle n'eût pas été prononcée.


Nul article de foi n’est plus clairement expliqué,

plus souvent rappelé, plus fortement pressé

que celui du dernier jugement.


Dieu semble avoir voulu fermer au doute notre esprit sur ce grand événement, et de plus, frapper, ébranler notre imagination, par le détail des circonstances imposantes qui l’accompagneront.

Jésus a pris plaisir à nous en décrire l’appareil sous les traits les plus sensibles, sous les plus vives couleurs; il nous fait entendre les paroles mêmes du Juge qui doit prononcer la sentence, et il ajoute à ses discours ce serment Solennel:

«Je vous le dis en vérité: le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront point» (Matth. XXIV, 35)

Aussi jamais l’Église ne fut partagée sur ce point capital; le symbole des apôtres le répète:


TOUT CHRÉTIEN DOIT CROIRE QUE JÉSUS

VIENDRA JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS.


Et cette justice souveraine qui se manifestera au dernier jour, ne s’est-elle pas déjà tendu témoignage?

L’histoire des âges passés n’en offre-t-elle pas les terribles monuments?

L’Ancien Monde détruit par le déluge,

Sodome et Gomorrhe consumées par le feu du ciel,

L’armée de Pharaon engloutie dans la mer Rouge,

Voilà ce qui nous dit assez que DIEU DÉTESTE L’INIQUITÉ, et que, lorsqu’il envoit la mesure comblée, SON JUSTE COURROUX FAIT DISPARAÎTRE CEUX QUI EN SONT SOUILLÉS.

Voyez comment sous l’économie de grâce les Juifs furent traités, comment les prédictions du Seigneur s’accomplirent dans ce siège lamentable où des païens eux-mêmes reconnurent cette vengeance céleste dont ils étaient les instruments.

Mais sans remonter à ces événements anciens dont nous sommes peut-être moins touchés. Dieu ne les renouvelle-t-il pas de siècle en siècle?

N’avons-nous pas vu, de nos jours, assez d’exemples frappants de ces grandes et divines rétributions?

Tous les transgresseurs, il est vrai, ne sont pas punis sur cette terre; mais cela même n’annonce-t-il pas, ne démontre-t-il pas que le Seigneur a arrêté un jour auquel il jugera le monde selon la justice? (Actes XVII, 31)

S’il ne donnait jamais à l’univers le spectacle de ses jugements, notre foi, qui dans sa faiblesse a besoin d’appui sensible, s’ébranlerait peut-être, et nous nous laisserions aller à croire qu’il oublie les fils des hommes.

S’il punissait au contraire avec exactitude dès ici-bas, nous n’attendrions rien au delà du tombeau; mais lorsque nous le voyons montrer de temps en temps sa justice avec éclat, et cependant laisser encore des coupables impunis, nous ne pouvons nous refuser à conclure que la Providence, agissant sur le même plan, achèvera cette œuvre qui demeure ici-bas imparfaite; que cette justice qui se montre avec clarté, avec certitude, mais seulement par intervalles, se manifestera pleinement dans une autre vie.

Il y a plus, et le pécheur, oui, le pécheur qui nie ce jugement, en offre, en trouve en lui-même la preuve.

Que signifient ce saisissement qu’il éprouve après avoir commis le crime, cette honte, ce soin de cacher ses fautes, ce trouble, ces agitations, ces angoisses que leur souvenir élève dans son âme, dès qu’il cesse de s’étourdir et qu’il ose écouter ce qui se passe au dedans de lui?

Tout cela ne lui annonce-t-il pas avec évidence le jugement qu’il doit subir, le jugement qui dès ici-bas s’exécute en partie?

Quand une voix divine frapperait miraculeusement ses oreilles, cette voix n’aurait rien de plus certain que celle qui retentit dans sa conscience; car enfin ce qui est dans l’homme, malgré l’homme, ce qui l’accompagne partout, ce qu’il ne peut étouffer, ce qui fait, en un mot, une partie essentielle de sa nature, ne porte-t-il pas le caractère de l’évidence et le sceau même de la Divinité?

Ah! sans doute, il serait moins absurde d’avancer que le soleil n’a pas été formé pour éclairer, pour féconder la terre, que si l’on prétendait que la conscience n’a pas été destinée à nous annoncer le jugement à venir.

Vérité redoutable qui nous retiendrait sous l’empire de la loi, qui nous ferait triompher dans la tentation, si elle nous était toujours présente!


Mais aussi, rien n’est plus malheureux que la situation où se trouve le pécheur, lorsque après avoir longtemps oublié cette vérité, il la sent enfin se réveiller dans son âme: deuxième réflexion.

En effet. Chrétiens, si la haine ou le ressentiment des hommes nous menace, nous pouvons, jusqu’à un certain point, prévoir le moment du danger, en mesurer l’étendue, parer ou amortir le coup; il y a du moins quelque proportion entre nos forces et celles de nos adversaires, qui sont des hommes comme nous.

Après tout, les maux qu’ils peuvent nous faire ne s’étendent point au delà de cette vie misérable, et la mort nous offre contre eux un refuge assuré.

Mais avoir à redouter le Juge Souverain:

Celui devant qui toutes les puissances de la terre sont comme un grain de poussière,

Celui qui dispose de la nature entière, qui fait des vents ses anges et des flammes de feu ses ministres, (Ps. CIV, 4) qui par son pouvoir absolu, irrésistible, nous surprend, nous saisit, nous enveloppe comme dans un filet;

Celui qui peut non seulement ôter la vie du corps, mais jeter l’âme dans la géhenne, (Luc XII, 5) qui a l’éternité tout entière pour punir le coupable s’il l’épargne ici-bas; et penser que la mort qui, loin de nous soustraire à son empire, ne fait que nous transporter devant son tribunal, penser, dis-je, que cette mort peut nous frapper à chaque instant, dans un mois, dans un jour, dams une heure!

Ô mes Frères, quel ne doit pas être le trouble du pécheur, lorsque son âme s’ouvre enfin à ces idées, lorsque après l’avoir lontemps oublié, Seigneur, il aperçoit ton bras puissant levé sur sa tête!

Quelle peinture l’Esprit Saint nous en trace par la bouche d’un prophète!

L’Éternel lui donnera un cœur tremblant, des yeux défaillants et une détresse d’âme; il sera dans l’effroi la nuit et le jour, il dira le matin: Plut à Dieu que ce fut le soir! et le soir: Plût à Dieu que ce fut le matin! à cause de l’effroi dont son cœur sera accablé et des choses que ses yeux verront; (Deut. XXVIII, 66-67) car:


IL N’EST POINT DE FANTÔMES PLUS EFFRAYANTS

QUE CEUX QU’ENFANTE UNE CONSCIENCE COUPABLE.


Partout le pécheur voit cette main qui traça sur le mur la sentence de Belschatsar: Tu as été pesé à la balance et tu as été trouvé léger. (Dan. V, 27)

Partout il entend cette voix que le précurseur du Messie faisait retentir aux oreilles des Juifs impénitents: Déjà la cognée est mise à la racine des arbres; tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. (Matth. III, 10)


Rien n'est donc plus important, plus pressant pour l'homme que de recouvrer la faveur du Dieu qu’il a offensé. C'est la conséquence de ce que je viens de dire, et c’est une troisième réflexion.

Je sais qu’on voit tous les jours UN GRAND NOMBRE D’HOMMES METTRE LEUR SALUT AU HASARD POUR LES PLUS MISÉRABLES AVANTAGES. Il semble même, à voir la manière dont vivent la plupart d'entre eux, que de tous leurs intérêts le salut soit celui auquel ils pensent le moins, qui leur tienne le moins à cœur; mais il y a dans cette conduite plus de légèreté et d’étourdissement que d’indifférence véritable. Et je ne crains pas d'avancer que parmi cette foule d’hommes si peu occupés du ciel, il n’en est pas un qui y renonce au fond de son cœur.

Non, il n’en est pas un peut-être qui, s’il se voyait avec évidence placé dans cette alternative, si au prix de la perte assurée de son âme on lui offrait des avantages mille fois au dessus de ceux pour lesquels il l'expose tous les jours, il n'en est pas un qui se résolût à signer ce honteux, cet effrayant marché.

Pour acquérir des richesses, le commerçant avide met mille fois en péril sa santé et sa vie; il supporte mille fatigues, il affronte la fureur des vents, les écueils cachés de la mer et les monstres dévorants, rien ne semble l’effrayer; mais quand au milieu de l’orage, les flots s’entr’ouvrent et la mort le menace, oh! alors il sent le prix de la vie; il précipite, sans hésiter, tous ses trésors dans les ondes; il se trouve heureux d’aborder, quoique dépouillé de tout, sur une plage stérile.

Il en est de même de l’homme qui paraît oublier l’éternité.

Il vient aussi pour lui un moment où il en aperçoit le prix, où il en est frappé, où saisi de terreur il donnerait l’univers pour sa rançon.

Ce moment arrive QUAND LA CONSCIENCE SE RÉVEILLE; il peut avoir lieu durant la vie, il a lieu plus communément à la mort. La nouvelle économie où il va être transporté lui semble alors un abîme sans fond ouvert sous ses pas. Oh! comme il se reproche alors de n’avoir pas profité de cette exhortation du Seigneur:


Cherchez l’Éternel pendant qu'il se trouve,

Invoquez-le tandis qu’il est près!

(Ésaïe LV, 6)


Comme il craint qu’elle ne soit arrivée cette lamentable époque où le Dieu dont il na pas écouté la voix, dont il a rejeté l'instruction, ne se laisse plus trouver, ne répond plus quand on l'invoque! (Prov. I, 24-28)

Mais quand à cette époque même sa sécurité, son aveuglement, son impénitence dureraient encore, comme la sentence de condamnation n’en serait que plus sûre et plus terrible, cette supposition ne ferait qu’ajouter plus de force à ce que j’ai dit sur l’importance dont il est pour le pécheur de SE RÉCONCILIER À TEMPS AVEC SON JUGE.

Notre texte nous le montre éclairé sur son état avant qu’il soit trop tard, et s'occupant des moyens de fléchir le courroux céleste.

Avec quoi préviendrai-je l'Éternel? s’écrie-t-il.

Il est prêt à tout sacrifier; mais tout ce qu’il imagine, tout ce qui s'offre à sa pensée ne le rassure pas; on aperçoit qu’il en sent l’insuffisance.


C’est que la révélation seule peut nous éclairer sur ce point.

En effet, l’homme de la nature portant dans son propre cœur un témoin et un juge de ses fautes, peut bien voir le danger de sa situation, S’EN EFFRAYER, MAIS NON PAS EN SORTIR. La raison, trop capable d’exciter nos alarmes, est impuissante à les calmer.

On vit dans tous les âges, chez tous les peuples, les hommes pressés du besoin de faire l’expiation de leurs fautes, guidés par un instinct secret et confus qui semblait leur désigner les souffrances, élever des autels, faire couler le sang, chercher dans les victimes qu’ils offraient la pureté qu’ils ne trouvaient plus en eux-mêmes, et quelquefois égarés par le trouble de leurs pensées, mesurant le prix de leur offrande par ce qu’elle avait de déchirant pour leur cœur, immoler même ce qu’ils avaient de plus cher, se flattant d’apaiser le Ciel par des sacrifices horribles à ses yeux.

Mais toutes ces victimes souillées comme eux, bornées comme eux, ne pouvaient remplir leur but.

La Majesté divine outragée demandait une réparation proportionnée à sa grandeur: où la trouver? C’était là une question à laquelle la raison ne pouvait répondre.

Cette idée si belle et si consolante d’un RÉDEMPTEUR DIVIN, D’UN DIEU-SAUVEUR QUI EST VENU PAYER NOTRE RANÇON, cette idée qui seule pouvait résoudre le grand problème dont je viens de parler, cette idée ravissante appartient tout entière à la religion chrétienne.

Non, Seigneur, jamais elle ne fût entrée dans l’esprit de l’homme: par cela même qu’elle offre d’inconcevable et d’inouï, elle est marquée de ton sceau; elle porte l’empreinte d’un ÊTRE INFINI DANS SA MISÉRICORDE ET SON AMOUR, COMME DANS SA PUISSANCE ET SA JUSTICE: seule elle peut rassurer le coupable épouvanté par sa conscience, effrayé de sa faiblesse, qui sent que cette faiblesse est son ouvrage, qu’elle ne peut être son excuse, et que lors même qu’il pourrait répondre de l’avenir, le passé s’élèverait toujours contre lui.

Cette vérité sublime de la rédemption, la raison pou voit nous y préparer par le sentiment de notre détresse, de notre misère, mais Dieu seul, je le répète, pouvait nous la faire connaître.

Elle fut annoncée dès le commencement du monde; elle fut figurée par l’agneau pascal et par les cérémonies de l’ancienne loi; mais comme le temps de la mettre en évidence n’était pas encore arrivé, elle n’est pas positivement exprimée dans le discours du Prophète, quoiqu’elle en soit le fondement. Il se borne à rappeler aux Juifs que DIEU LEUR A DÉCLARÉ CE QUI EST BON, ce qu’il veut faire pour l’homme et ce qu’il exige de l’homme, et qu’avant tout il leur demande de sentir leur misère et de comprendre que L'AMENDEMENT EST UNE PRÉPARATION ESSENTIELLE, INDISPENSABLE AU PARDON.

C’est la dernière vérité contenue dans mon texte:

Ô homme! qu'est-ce que Dieu demande de toi, si ce n est que tu fasses ce qui est droit, que tu aimes la bénignité et que tu marches en humilité devant ton Dieu?


Quoique le pécheur ne pût s’assurer d’obtenir grâce en réformant ses mœurs, il pouvait cependant comprendre que c’était là le premier pas; que pour apaiser un Dieu courroucé par le spectacle du vice, la première chose était d’y renoncer.

Mais toute simple que paraisse cette idée, soit que l’homme fût trompé par un secret pressentiment d’un moyen de salut extraordinaire dont il ignorait la nature, mais dont il éprouvait le besoin; soit que le sacrifice de ses passions, de ses habitudes criminelles, lui paraisse le plus pénible de tous, il en écarta toujours la pensée.


À LA PLACE DU REPENTIR ET DE L’OBÉISSANCE,

il mit toujours des sacrifices, des offrandes, des pratiques tout extérieures:


Avec quoi préviendrai-je l'Éternel?.... lui offrirai-je des holocaustes et des veaux d’un an? prendra-t-il plaisir à des milliers de moutons ou à dix mille torrents d’huile?....

Telle était l’opinion de tous les pécheurs chez tous les peuples; mais tandis qu’au sein du paganisme des prêtres insensés ou imposteurs prétendaient purifier l’homme par des cérémonies vaines et bizarres, SANS JAMAIS LUI PARLER DU CHANGEMENT DU CŒUR, éclairé d’un rayon de cette lumière que Jésus fit briller ensuite dans tout son éclat, le Prophète fait entendre ces belles paroles:

Ô homme! qu’est-ce que l'Eternel demande de toi, si ce n’est que tu fasses ce qui est droit, que tu aimes la bénignité et que tu marches en humilité devant ton Dieu?

Ainsi chez un peuple obscur qui ne tenait point rang parmi les nations, fut proclamée cette grande vérité méconnue par toute la terre:


POINT DE PARDON SANS L'AMENDEMENT DU PÉCHEUR.


Et l’Évangile, en nous découvrant le moyen admirable! l’unique moyen par lequel Dieu nous a réconciliés avec lui, en nous apprenant que nous sommes justifiés, non par nos œuvres, toujours imparfaites et souillées, mais PAR LA FOI EN JÉSUS-CHRIST.

L’Évangile n’en insiste pas moins sur LA NÉCESSITÉ DU REPENTIR ET DES BONNES ŒUVRES, comme la preuve la plus sûre de la sincérité de notre foi, de notre reconnaissance, de notre retour à Dieu:


REPENTEZ-VOUS, nous dit-il, AFIN QUE VOS PÉCHÉS SOIENT EFFACÉS.

(Actes III, 19)


Pour mieux graver dans l’esprit des hommes cette importante vérité, pour mieux les éclairer sur leurs devoirs, le serviteur de Dieu en réduit le système entier à trois principes simples et féconds: la droiture, la bonté, l'humilité.

Maintenant donc, mes Frères, car il est temps de porter nos regards sur nous-mêmes, examinons-nous sur ces divers articles.

Sachons enfin si nous avons fait ce que Dieu demande à l’homme, ce qui peut nous rendre agréables à ses yeux, ce qui pourrait bannir de nos cœurs toute crainte, (1 Jean IV, 18) ou si, comme les Juifs, nous avons à redouter ses jugements et à fléchir sa justice.



* * *


II.


Sans doute, mes Frères, dans cette journée où le Seigneur, le juste Juge, nous appelle à nous humilier devant lui, il n’est personne au milieu de nous qui refuse de se reconnaître pécheur. Mais cet aveu vague et général qui convient à tous et ne s’applique à personne, n’est qu’un langage de bienséance auquel on n’attache aucune idée, aucun sentiment, qui nous laisse tels que nous sommes.

Il faut bien autre chose pour nous rendre cette journée salutaire; il faut une idée vive et précise de nos offenses, une douleur réelle et religieuse, un sentiment profond du besoin que nous avons de grâce et de secours, du besoin que nous avons d'un Rédempteur.

Voilà les dispositions que je voudrais exciter ou fortifier en sondant nos consciences. Et pour cela, j'emprunte les paroles de mon texte, j’emprunte cette déclaration imposante du Prophète qui semble s’élever contre nous, et je demande d’abord: AVONS-NOUS FAIT CE QUI EST DROIT?


La droiture n’est pas seulement cette probité dont le monde aussi reconnaît les lois. Le Prophète l’avait en vue sans doute, mais il ne s’y borne pas:

c’est l’intégrité de la vie,

la pureté de l’intention,

la droiture du cœur et de la conduite.

Dieu avait fait l'homme droit, (Eccl. VII, 29) mais dans son état de corruption, il n’y a plus en lui de véritable droiture.

Pour la recouvrer:

il faut qu’il s’unisse à Jésus par la foi;

il faut que par la vertu du Saint-Esprit il soit renouvelé à l'image de Dieu dans une justice et une sainteté véritables; (Eph. IV, 24)

il faut qu’il soit tiré du royaume des ténèbres, où il n’y a que fausseté et obliquité, pour être transporté dans le royaume de la lumière, où régnent la simplicité et la droiture.

Cette précieuse disposition doit se trouver dans les actions, dans les paroles, et pour cela dans le cœur premièrement.

Dieu rejette toutes les œuvres extérieures qui ne découlent pas de ce principe, eussent-elles d’ailleurs les dehors de la plus éminente vertu. Loin de les approuver, il les condamne comme des actes d’une hypocrisie abominable à ses yeux.

Qu’il est rare cependant d’avoir ce cœur régénéré qui fait qu’on marche fidèlement et droitement en toutes choses! Que de voies qui semble droites et qui conduisent à la mort! (Prov. XIV, 12)


Faites-vous ce qui est droit, vous:

qui, sous de vains prétextes, vous dispensez de sanctifier le sabbat et d’honorer Dieu dans son temple, ou qui l’honorez des lèvres seulement? (Matth. XV, 8)

qui lui demandez ce que vous ne désirez point,

qui lui faites des promesses sans avoir dessein de les tenir, semblables à ces Juifs dont il est dit: Ils flattaient Dieu de leur bouche et lui mentaient de leur langue. (Ps. LXXVIII, 36)

Vous, par exemple, qui lui dites que «vous avez une vive douleur de l’avoir offensé,» et qui ne sentez réellement aucun mouvement de contrition et de tristesse!

Vous qui lui demandez que son nom soit sanctifié, et qui l’outragez vous-même et le déshonorez par des paroles impies, par des jurements, en le prenant sans cesse en vain!

Vous qui lui demandez que son règne vienne, et qui ne faites rien pour l’avancement de ce règne bienheureux; qui, loin de vous joindre avec empressement, avec foi, à ces sociétés nouvellement formées pour répandre en tout lieu l’Évangile, loin de concourir selon vos moyens à cette œuvre éminemment chrétienne, voudriez la faire envisager comme une œuvre inutile ou d’une dévotion exagérée!

Vous qui souffrez tranquillement que ce soit le péché, l’amour-propre, l’amour du monde et non l’amour de Dieu qui règne dans votre cœur!

Y A-T-IL EN TOUT CELA QUELQUE DROITURE?

Le Seigneur ne serait-il pas fondé à vous dire: Pourquoi prenez-vous les paroles de mon alliance dans votre bouche et récitez-vous mes statuts pendant que vous haïssez la correction, et que vous foulez aux pieds ma loi? (Ps. L, 16-17)

Pourquoi m’appelez-vous, Seigneur, Seigneur, pendant que vous ne faites pas ce que je dis? (Luc VI, 46)

Hélas! font-ils ce qui est droit, tous ces hommes qui sacrifient chaque jour leur devoir à leurs penchants, à leurs intérêts;

- qui vivent comme s’ils n’étaient placés ici-bas que pour se faire un sort suivant leurs passions et leurs désirs,

- qui préfèrent leur corps à leur âme, et les plaisirs de la chair, les jouissances de l’homme animal, aux délices de la piété, de la charité, aux espérances de l’homme immortel?


Avez-vous fait ce qui est DROIT, vous aussi, Chrétiens sincères, mais si peu fervents d’esprit en servant le Seigneur? (Rom. XII, 11) vous qui manquez si souvent aux résolutions que vous aviez prises, et qui, après mille serments de vous dévouer à Dieu tout entiers, TENEZ ENCORE AU MONDE PAR DE SECRETS LIENS?


Mes Frères, qui de nous peut soutenir ce redoutable examen?

Ô Dieu! je me prosterne dans la poussière. À toi est la justice et à nous la confusion et la honte... (Dan. IX, 7)

Poursuivons cependant:

rappelons nos forces,

achevons notre pénible tâche;

voyons si nous trouvons en nous ces deux dispositions particulières, la bonté et l’humilité dont parle le Prophète, et sur lesquelles il est plus aisé de se faire illusion.


Avez-vous pris plaisir dans l’exercice de la bonté?

Je sais, Chrétiens, et il m’est doux de me reposer quelques instants sur cette pensée, je sais que la compassion, la sensibilité aux peines d’autrui ne vous est point étrangère.

Si l’affliction ou la détresse entre dans une de nos demeures, on y voit arriver bientôt des consolateurs. Les plus aisés d’entre nous s’empressent d’y porter des secours; ceux qui sont dans une situation moins prospère savent encore se rendre utiles.

Le pauvre lui-même interrompt souvent son travail ou se prive du sommeil pour soigner, pour servir un parent, un voisin plus malheureux que lui. Voilà le tableau que plus d’une fois j’ai considéré avec attendrissement, qui ne s’effacera jamais de ma mémoire.

Mais quelques témoignages, quelques actes de bonté, de compassion, lorsque aucune prévention, aucun ressentiment ne s’y oppose, lorsque rien ne heurte nos passions ou nos préjugés, est-ce donc la bonté tout entière?

Est-ce là cette vertu chrétienne qui doit nous animer dans tous les instants, envers tous les hommes, nous remplir de zèle pour contribuer au bien public comme au bonheur des individus, et faire, pour ainsi dire, le fond de notre âme, le principe dont tous nos sentiments, toutes nos actions, reçoivent la douce empreinte?

Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux. (Luc VI, 36)

Marchez dans la charité à l’exemple de Jésus-Christ qui nous a aimés et qui s’est offert lui-même à Dieu pour nous, comme une oblation et une victime de bonne odeur; (Eph. V, 2) voilà notre modèle.

Or, mes Frères, la bonté du Seigneur est désintéressée, universelle, généreuse, inépuisable; IL FAIT LE BIEN POUR L’AMOUR DU BIEN.

Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons; il répand sa pluie sur les justes et sur les injustes. (Matth. V, 45)

II met sa gloire dans la miséricorde. Il nous a aimés le premier. (1 Jean IV, 10)

Tout grand qu’il est, il se plaît à prévenir l’homme, à l’appeler, à le poursuivre.

Son Fils est venu chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc XIX, 10)

II ne cesse de frapper à la porte de nos cœurs. (Apoc. III, 20)

II use de support et de patience: il nous pardonne mille et mille fois; il ne peut se résoudre à nous retirer ses grâces, à s’éloigner de nous, que lorsqu’il y est forcé par sa justice; et tant que dure cette vie, il est toujours prêt à nous recevoir:

il ne repousse point, IL NE MET POINT DEHORS QUICONQUE VIENT À LUI. (Jean VI, 37)

L’homme qui veut imiter ce Dieu-Sauveur cherche aussi à faire le bien dans toutes les circonstances, dans les occasions même qui lui sont le plus étrangères. Il défend les droits du faible: il rapproche les cœurs divisés, il relève les âmes abattues.

Amis et ennemis, tous ont des droits sur lui; son pouvoir est borné, mais non pas son amour. Il n’est aucun de ses frères, aucun de ces hommes formés à l’image de son Créateur, rachetés comme lui par le sang de Jésus, pour qui il se permît d’éprouver, je ne dis pas de l’aversion, mais de l’indifférence.

S’il est offensé: S'il a lieu de se plaindre, il pardonne comme Dieu lui a pardonné à cause de Jésus-Christ. (Eph. IV, 32)

Adorateur du Dieu de paix, du Prince de la paix:

- Il se plaît à la conserver ou à la rétablir;

- Il croit gagner beaucoup en l’achetant par des sacrifices;

- Il met son triomphe à céder;

- Il goûte un plaisir généreux et délicat à faire les premières démarches;

- Il agit ainsi sans effort; c’est un soulagement, un besoin pour son cœur.

- Il sent que Dieu nous ayant tant aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. (1 Jean IV, 11)

- Il sent que pour être en effet du nombre des élus de Dieu, de ses saints et de ses bien-aimés, nous devons nous revêtir des entrailles de miséricorde, de bonté, de douceur et de patience. (Col. III, 12)


Or, mes Frères, nous reconnaissons-nous à ces traits? Hélas! Il n'y a qu’un seul bon, c’est Dieu. (Matth. XIX, 17)

La bonté de l’homme est toujours souillée par quelque vue intéressée ou tout humaine, par un mélange d’imprudence, de légèreté, de partialité, de caprice; et combien de cœurs où régnent à sa place les sentiments les plus opposés!

Est-il inconnu parmi nous, cet égoïsme qui éteint dans le cœur du citoyen l’amour du bien public, qui rend l’homme étranger à l’homme, ennemi de l’homme?

Sont-ils inconnus parmi nous ces propos offensants, ces jugements téméraires, ces censures indiscrètes et sévères des actions du prochain, cette disposition maligne, à relever les défauts, les faiblesses, à les envisager de préférence, à les exagérer, à les divulguer, à tout interpréter en mal, cette disposition qui suppose tant de haine et d’orgueil?

Sont-elles inconnues parmi nous ces querelles, ces divisions, qui ne devraient jamais avoir lieu dans l’Église de Jésus-Christ.

Lorsque nous avons avec le prochain quelque affaire d’intérêt, sommes-nous toujours équitables et généreux?

Savons-nous faire quelque sacrifice pour conserver la paix?

Lorsque nous savons que notre frère a quelque chose contre nous, sommes-nous pressés du désir d’aller à lui, de nous réconcilier avec lui? (Matth. V. 23-24)

Mettons-nous notre gloire et notre plaisir à le prévenir et à regagner son cœur?

Lorsque nous croyons avoir reçu quelque offense, lorsqu’on s’est permis à notre égard quelque procédé injurieux, sommes-nous attentifs à fermer nos cœurs au ressentiment, à la haine, aux résolutions violentes et précipitées?

Hélas! ce n’est pas seulement l’offensé qui s’irrite et se laisse emporter à la passion; des personnes étrangères à ces différends se plaisent à souffler le feu de la discorde, qu’elles devraient éteindre.

Elles relèvent des torts qu’on n’eût point aperçus ou qu’on eût supportés; par de funestes conseils elles excitent à les repousser, à rendre injure pour injure.

D’autres, moins coupables, mais non moins dangereux, entraînés par le besoin de parler ou LE DÉSIR DE SE FAIRE VALOIR, alimentent la division par leurs rapports indiscrets.

Qu’une mésintelligence sépare deux familles, on les voit courir de l’une à l’autre, redire ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu, souvent même ce qu’ils n’ont pu ni voir ni entendre, et mêler quelquefois dans ces tracasseries criminelles, ceux qui jouaient le rôle honorable de pacificateur.

Sont-elles inconnues parmi nous ces jalousies de la prospérité de nos frères, si opposées à l’esprit de la charité?

Sont-ils inconnus ces mouvements de colère, d’humeur ou de dureté qui troublent les familles et portent la contrainte, la tristesse, l’amertume dans ce doux asile du foyer domestique, où la Providence avait voulu nous faire trouver des consolateurs pour nos afflictions et des appuis pour nos faiblesses?

QUI OSERAIT DIRE QU’IL A SU SE GARANTIR DE TOUS CES EXCÈS, qu’il porte dans toutes ses relations cette bonté, cette indulgence que la religion nous commande, que la pensée de nos propres imperfections et des miséricordes du Seigneur doit nous inspirer, dont la douce influence doit se répandre autour de nous comme un parfum?

À la bonté, le Prophète joint l'humilité, et ce n’est pas sans raison; nous pouvons admirer ici cette philosophie profonde de la religion, qui seule porte la lumière dans le cœur de l’homme.

En effet, SI TROP SOUVENT NOUS MANQUONS À LA BONTÉ, c’est que nous n'avons pas l’humilité.

Et qu’est-ce donc qui produit les médisances, les jugements téméraires, les jalousies, les querelles?

qu’est-ce qui s’oppose aux réconciliations, aux sacrifices, au support mutuel?

qu'est-ce qui fait naître et perpétue les troubles parmi les hommes?


N’EST-CE PAS CET ORGUEIL qui les élève à leurs propres yeux au-dessus de leurs frères, leur fait exiger des égards et des services qu’ils négligent de payer, remplit leur imagination de leurs droits prétendus, leur arrache des cris dès qu'on y porte atteinte, et les rend peu attentifs à ménager ceux d’autrui?

N’EST-CE PAS CET ORGUEIL qui n’est satisfait de rien, ne respecte rien, ne pardonne rien, ne répare rien?

Si l’humilité régnait parmi les hommes, chacun se tenant à sa place, il y aurait peu de querelles; rien n’arrêterait, n'étoufferait dans les âmes ces sentiments de bienveillance qu’y grava le Créateur; l’indulgence paraîtrait une justice; les égards, une dette; le pardon, une jouissance; la paix, un besoin.

Mais si l’humilité est déjà si nécessaire dans nos relations avec nos semblables, que sera-ce dans celles que nous soutenons avec l’Être Souverain?

Si l’homme qui se méconnaît vis-à-vis de l'homme est déjà ridicule, odieux, que sera-ce de la créature vis-à-vis du Créateur!

Ah! sans doute, faibles, chétifs, dégradés comme nous le sommes, couverts de taches et de souillures, l’humilité seule, ô mon Dieu, peut nous rendre supportables à tes regards. Un docteur de l’Église l’a nommée la première, la seconde, la troisième des vertus chrétiennes; c’est qu’elle est la base, l’aliment de toutes les autres.

Avons-nous un sentiment vrai, profond, de ce que Dieu est et de ce que nous sommes, de sa justice et de nos iniquités, de ses bienfaits et de notre ingratitude?

De là découlent aussitôt le recours à sa grâce, la foi, la confiance en ses promesses, l’amour, la reconnaissance pour ses gratuités, le respect pour son culte, la docilité à ses leçons, l’obéissance à ses lois. L’avons-nous, Chrétiens, cette disposition précieuse, indispensable?


Marchons-nous en humilité devant Dieu?

Jugeons-en par quelques traits principaux.

Et d’abord, comment recevons-nous les dispensations de sa Providence?

Je ne parlerai point ici de ces hommes qui osent critiquer ses voies, la censurer, la blasphémer; cet égarement monstrueux, qui n’est pas sans exemple, qui n’est que trop commun peut-être, n’est pourtant pas le crime du grand nombre.

Mais vous, qui ne portez pas l’audace jusque-là:

êtes-vous humbles et soumis devant le Seigneur?

cherchez-vous à entrer dans ses vues?

recevez-vous sans murmure les maux qu’il vous envoie, les contretemps, les maladies, les revers, qui sont des bienfaits aux yeux de la foi, qui sont toujours provoqués par nos fautes, toujours du moins nécessaires pour purifier nos vertus?

Quelques-uns, sans doute, disent avec résignation: Le Seigneur l'avait donné, le Seigneur l’a ôté; que le nom du Seigneur soit béni, mais à parler en général, sont-ce là nos sentiments et nos discours? (Job I, 21)

Hélas! tandis que le plus juste des hommes, s’envisageant à la lumière de l’Évangile, se comparant au modèle qu’il devrait imiter, trouve toujours en lui-même de quoi s’humilier sous la main qui le frappe, et regarder ses peines comme légères en comparaison de ses offenses, on n’imagine guère de tourner les yeux sur sa conscience et sur sa vie passée; on ne pense point à faire le compte de ses voies.


LE PLUS GRAND NOMBRE SE RÉVOLTENT CONTRE L’ÉPREUVE; ils s’en aigrissent; ils s’en irritent comme d’une injustice. Rien n’est plus commun que d’entendre tenir ce langage aux moins réglés dans leurs mœurs, aux moins occupés de leurs devoirs envers le Ciel, aux plus coupables envers lui.

Qu’ai-je fait à Dieu pour m’affliger ainsi?

Comment ai-je mérité ce que je souffre?

Ô délire! ô insolence de la créature qui se méconnaît, qui ne veut pas rendre gloire, ô mon Dieu, à ta justice, à ta sainteté!

Mais si notre cœur n'est pas soumis aux décrets du Très-Haut, notre esprit du moins est-il docile à recevoir les lumières dont il nous favorise parla révélation?

Cette révélation repose tout entière sur le principe de la faiblesse, de l’impuissance de la raison humaine.

Entourés comme nous le sommes sur cette terre, de merveilles que nous ne pouvons comprendre, de mystères que nous ne pouvons percer, il semble qu’à chaque pas nous devrions nous pénétrer de cette impuissance. Il semble que nous devrions être disposés à recevoir avec gratitude, avec docilité, avec transport, les secours dont tout nous fait sentir le besoin, et céder avec empressement à l’autorité suprême qui nous parle dans les Écritures, à cette autorité que nous faisons profession de reconnaître en nous disant chrétiens. Mais en est-il ainsi?

Loin d’adorer ce qui surpasse et doit surpasser notre intelligence, c’est pour nous une pierre d’achoppement. NOTRE ORGUEIL BLESSÉ S’Y ARRÊTE POUR CRITIQUER OU POUR TORDRE CETTE PARTIE DES ÉCRITURES:

nous osons discuter, contester avec Dieu,

nous osons choisir entre les vérités qu’il nous enseigne.

Parmi ces vérités qu’une raison sage et plus élevée adore avec ravissement, parce qu’elle y voit le remède à tous les maux de l’humanité, il en est une surtout qui fait l’essence, la vie de la religion, qui seule peut nous régénérer, qui seule subjuguant notre âme par la reconnaissance et la remplissant d’un nouvel amour, peut triompher des passions qui la séduisent, y faire naître le dévouement, nous rendre imitateurs de cette charité infinie qui nous a sauvés.

C’est la Rédemption, cette grande idée d’un Dieu-Sauveur, d’un Médiateur qui a souffert pour nous, qui efface nos souillures par son sang et nous couvre de sa pureté divine. Quelle vérité devrait être plus chère au cœur de l’homme?

Hélas! c’est elle surtout que SON ORGUEIL REPOUSSE; c’est contre elle que l’incrédulité a dirigé ses plus grands efforts; c’est elle dont le sentiment n’est point assez vif parmi les membres de l’Église.

Il en est plusieurs qui, s’ils ne la rejettent pas, l’écartent du moins de leur esprit ou la modifient, la dénaturent et la rendent nulle pour eux-mêmes. Ils pensent,

ils parlent comme s’ils ne comptaient que sur eux, sur leur propre justice, ou du moins comme si le sacrifice de Jésus ne faisait que suppléer ce qui peut manquer à leur obéissance; comme s’ils pouvaient être sauvés en partie par leurs œuvres et en partie par le sang du Fils de Dieu.


Ô Jésus, qui as pris pitié des malheureux enfants d’Adam, mais qui nous as appris que C’EST PAR TOI SEUL QUE NOUS POUVONS AVOIR ACCÈS AU TRÔNE DES MISÉRICORDES, seront-ils admis en ton nom ces hommes qui ne l’ont jamais sincèrement invoqué?

Seront-ils absous par ton sacrifice, ceux qui n’ont pas senti tout le besoin qu’ils en avaient? ceux qui refusent de croire ce que tu nous as solennellement déclaré dans l’Évangile:

Dieu nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous eussions faites, mais par sa pure miséricorde.

Cela ne vient point de nous, c'est un don de Dieu; CE N'EST POINT PAR LES ŒUVRES, afin que personne ne se glorifie, et qu’on sache que c'est Dieu qui justifie gratuitement celui qui a la foi en Jésus-Christ? (Tite III, 5; Eph. II, 8; Rom. III, 26)

Et si la doctrine de l’Évangile nous trouve peu soumis, par une suite trop naturelle, nous ne le sommes pas plus à ses préceptes. Ici j’ai moins en vue ces égarements de la passion qui, sans braver la loi, nous en fait détourner les yeux, que cette résistance tranquille, raisonnée et bien plus outrageante, qu’on lui oppose trop souvent.

Quoi de plus imposant qu’une loi donnée par Dieu même, par le plus grand, le plus légitime des Souverains, le plus redoutable des Juges, le plus éclairé des Législateurs?


QUI OSERA S’ÉLEVER CONTRE ELLE?

L’ORGUEIL DE L’HOMME.


C’est d’après elle sans doute qu’il faudrait régler et juger nos actions et notre vie; c’est elle au contraire que nous osons juger.

Nous la corrigeons, nous la redressons à notre gré,

NOUS RETRANCHONS OU MODIFIONS CE QUI NE NOUS CONVIENT PAS;

nous raisonnons sur les vertus chrétiennes avec la même aisance, avec la même audace que si elles n’étaient pas d’obligation;

nous employons toutes les ressources, tout l’artifice de notre esprit, pour étouffer ce pur instinct qui s’élève du fond de la conscience et qui dépose en faveur de la loi.

Voilà, mes Frères, un vice dominant dans l’Église.

On abonde en son sens; on cherche à se tromper par beaucoup de détours, (Eccl. VII, 29) suivant l’expression de l’Écriture.

Les préceptes les plus positifs, les déclarations les plus solennelles, je ne dis pas n’arrêtent point, mais ne déconcertent pas même le transgresseur.

S’agit-il de se réconcilier, de pardonner, de présenter à Dieu l’offrande de la charité, de respecter le jour qu’il s’est consacré; c’est en osant dire: Je connais ma religion, je connais mes devoirs, qu’on les viole avec impudence.

On s’arme de fierté contre le ministre de la religion qui vient rappeler à l’observation de ces devoirs. On semble lui dire qu’on n’a pas besoin de ses leçons.

Je n’ai pas la force d'aller plus avant;c’en est assez pour mettre à découvert:

cet orgueil qui s’accroît avec la corruption du siècle;

cet orgueil qui est la racine de tous les vices, qui se retrouve presque dans tous, qui infecte et dénature les vertus;

cet orgueil qu’un ministre de Jésus doit attaquer sans cesse comme le grand adversaire, parce qu’il ne peut rien édifier qu’il ne l’ait abattu.


Oui, ô mon Dieu! c’est en vain que ton Fils est descendu sur la terre; c’est en vain qu’il a paru comme un simple homme et s'est abaissé lui-même pour nous instruire et nous sauver; c’est en vain qu’il s’est rendu obéissant jusqu’à la mort de la croix; (Philip. II, 8) ce même orgueil s’arme encore contre lui, contre nous; il anéantit pour nous ses bienfaits; il nous rend inutiles son sacrifice, son exemple et ses leçons.

Il est donc vrai, Chrétiens, pour la plupart nous n’avons pas marché devant Dieu suivant la droiture, la bonté et l’humilité. Ceux même qui se proposaient réellement de servir le Seigneur, ont beaucoup de reproches à se faire à ces divers égards. Voilà la terrible conséquence de l’examen que nous venons de faire.


Nous voilà donc placés sous les coups de la justice divine!

Nous voilà perdus si nous ne parvenons à la désarmer! et le temps presse! et nous n’avons qu’un seul moyen pour fléchir notre Juge! quel parti prendrons-nous donc? resterons-nous dans cet état de condamnation et de mort?

Ah! je l’espère de ta grâce, o mon Dieu! quelques-uns du moins, quelques-uns de ceux en qui la vie de l’âme n'est pas éteinte, s’humilieront en ta présence. Ils lèveront les yeux vers Celui qui peut leur obtenir le pardon et leur donner la repentance pour avoir la vie; (Actes XI, 18) ils le prieront avec une nouvelle ardeur; ils s’attacheront à lui plus fortement, et désormais régénérés, soutenus par son Esprit, ils aimeront beaucoup parce qu'il leur aura été beaucoup pardonné. (Luc VII, 47)

Mais le grand nombre, mais cette masse d’hommes qui vivent dans l’égarement des passions ou l’étourdissement du bruit du monde, dans l’âme desquels j’aurais voulu faire retentir les accents plaintifs de l’homme coupable, qui auraient dû se les appliquer, que feront-ils?

- Sentiront-ils enfin leurs péchés?

- Les confesseront-ils?

- Iront-ils à Jésus comme à Celui qui peut les réconcilier avec Dieu, les sanctifier par son Esprit, et leur rendre la paix?

- Demanderont-ils grâce et miséricorde en son nom, ou bien, remettant le bandeau sur leurs yeux, chasseront-ils en sortant de ce temple des images importunes, des impressions pénibles, et continueront-ils à vivre comme ils ont vécu jusqu’ici?

- Chaque solennité, chaque année, ajoutera-t-elle un nouveau degré à leur endurcissement, un nouveau poids dans la balance de la colère?

- Et ces exhortations, ces instances que je leur adresse dans l’émotion de mon âme, ne serviront-elles qu’à les rendre plus coupables, qu’à aggraver leur sentence au grand jour des rétributions?

Si j’en jugeais par l’évidence et la force des vérités que je vous ai prêchées, je n’aurais pas d’incertitude; j’oserais tout espérer. Mais:

si j’en juge par la légèreté, la faiblesse, l’inconcevable lâcheté de l’homme quand il s’agit de combattre ses habitudes et ses penchants;

si j’en juge par sa répugnance à s’humilier, à s’avouer pécheur, à l'avouer de bonne foi, par son peu d’empressement à recourir au Médecin céleste, à Celui qui peut le guérir;

si j’en juge par le passé,

Hélas! j’ai tout à craindre; il ne me reste qu’à m’envelopper dans le deuil et me condamner au silence pour toujours.

Quelle pensée! que d’amertume elle répand dans mon âme! Est-ce donc là cette joie que je m’étais promise quand je vins habiter au milieu d’eux, leur consacrer mes forces et mon existence?

Est-ce là ce champ de l’Église que j’avais à cultiver et qui devait produire des fruits si doux?

Sont-ce là ces âmes que je devais présenter à mon Maître, qui dévaient être ma couronne au dernier jour?


Viens à mon secours, Grand Dieu! c’est en vain que je parle; c’est en vain que ma voix s’éteint et que mon cœur se brise en les exhortant. Ah! sans doute ma propre indignité s’oppose au succès de mes efforts;

Seigneur, pardonne au pasteur et au troupeau!

ouvre toi-même nos yeux!

montre-nous ces jugements déjà peut-être arrêtés dans ton conseil, ces fléaux tout prêts à nous punir!

Montre-nous surtout ce jugement plus terrible auquel nous n’échapperons pas!

Fais briller à nos yeux un rayon de l’éternité! que la voyant enfin cette éternité redoutable qui nous attend, nous en soyons frappés!

Hélas! elle est devenue le présent pour un grand nombre de ceux avec qui nous avons vécu, et parmi ceux qui m’écoutent, parmi ceux de nous qui comptent le plus sur leur force et leur santé, combien peut-être qui sont déjà marqués par ton Ange pour être bientôt transportés devant toi, qui ne verront pas le retour de cette solennité!

Ô Dieu! ton amour et tes miséricordes ne nous ont pas touchés véritablement; nous avons encore besoin de tes terreurs.

Fais-les passer dans nos âmes! fais-nous sentir combien nous sommes coupables, combien tu dois être craint (2 Corinth. V, 11) et quand ton Esprit nous aura convaincus de péché, (Jean XVI, 8) attire-nous vers le Grand Rédempteur que tu nous as donné, vers Celui qui peut nous délivrer de la colère à venir. (1 Thess. I, 10)

Alors, ô mon Dieu! nous l’embrasserons avec transport par la foi; alors, lavés par son sang, sanctifiés par son Esprit, nous n’aurons plus qu’un même cœur pour te craindre et pour garder tes commandements.

Nous ferons régner dans notre âme et dans toute notre conduite ces dispositions que tu nous demandes, ces dispositions de droiture, de bonté, d’humilité, ces dispositions si convenables, si heureuses pour le temps et pour l’éternité.

Alors nous serons encore ton peuple, et après avoir joui de ta protection, après avoir vécu dans la paix et dans une douce union ici-bas, nous irons goûter dans le ciel, auprès de toi, l’éternelle félicité. Oh! puisse, puisse cet heureux présage se réaliser et que tout le peuple réponde: AMEN! AMEN!




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