Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS FAMILIERS

D'UN PASTEUR DE CAMPAGNE

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LE PROFANATEUR OU LA MAUVAISE
 COMMUNION.

(Avertissement à ceux qui prennent la Cène avec légèreté)

(Pour un jour de communion)


Quiconque en mange et en boit indignement, mange et boit sa condamnation. (1 Cor. XI, 29.)

Que ces paroles sont effrayantes, mes chers Frères! Sommes-nous donc réduits à les adresser à des membres de l’Église?

À la vue de cette table qui nous rappelle la Grande Victime immolée pour expier nos fautes sur la croix; à la vue du Fils de Dieu mourant pour le salut des hommes, il semble que nous ne devons vous porter que des paroles de paix et d’espérance: il semble que nous n’avons à réveiller en vous que les doux sentiments de la reconnaissance et de l’amour. 


Faut-il donc que notre joie soit empoisonnée par la crainte que plusieurs ne profanent cette fête en la célébrant!

Faut-il qu’en leur présentant ces symboles augustes qui pourraient être les gages, les prémices de la vie, nous frémissions à la pensée que C’EST PEUT-ÊTRE LA MORT QU’ILS RECEVRONT DE NOTRE MAIN?

Hélas! il est trop vrai, et voilà ce qui dans ces jours solennels, fera toujours le tourment des ministres de Jésus: organes de ses miséricordes, heureux dispensateurs de ses grâces à cette Table Sainte, à peine leur cœur s’ouvre-t-il aux premières émotions de la joie, qu’une idée terrible vient la troubler.

Quelque touchants que soient les dons du Seigneur, si nous négligeons les devoirs qu’ils nous imposent, ils nous deviennent inutiles, ils nous deviennent funestes.

Si le Grand Rédempteur qui nous attend à l’autel ne voit pas en nous les dispositions qu’il demande, il n’est plus pour nous qu’un Juge qui nous réprouve, dont l’amour même et les souffrances s’élèvent contre nous pour nous accuser, pour nous condamner.


Voilà l’affreux danger dont il faut vous garantir, mes chers Frères; aussi après nous être si souvent livré au plaisir de vous montrer la Sainte-Cène sous un point de vue consolant, je viens vous présenter aujourd’hui ce qu’elle a de redoutable. N’y eût-il dans ces parvis qu’un seul homme à qui fût nécessaire l'avertissement renfermé dans mon texte, il faut le lui faire entendre.

Et ne craignez pas que nous vous offrions une morale exagérée. Ah! loin d’ajouter à la sévérité de l’Évangile, homme faible et pécheur comme vous, nous serions bien plus portés à l’adoucir; mais il faut pourtant remplir les devoirs que nous impose le ministère dont nous sommes revêtus, et nous en serions indignes si nous ne nous élevions pas avec force contre les communions sacrilèges qui déshonorent l’Église et perdent les chrétiens.

Secondez-nous, mes Frères, par votre recueillement, votre docilité; et veuille l’Esprit Saint adresser lui-même nos paroles à vos cœurs!

Ainsi soit-il.


Plus les grâces de Dieu sont précieuses, plus leur abus est coupable.

Or, comme il n’y a rien dans la religion de plus grand, de plus miséricordieux, de plus tendre que ce repas où Jésus nous invite, où Dieu lui-même daigne s’unir à nous, rien ne saurait être plus odieux que la profanation de la Cène. Aussi n’est-il point de crime dont le châtiment soit plus prompt et plus terrible.

Qu’ajouterais-je aux paroles de l’Apôtre?

Je craindrais de les affaiblir en les expliquant. Il ne dit pas: Le profanateur sera condamné, mais, il mange et boit sa condamnation, c’est-à-dire...


SA CONDAMNATION EST AUSSI CERTAINE,

AUSSI RÉELLE QUE L’ACTE MÊME QU’IL VIENT DE FAIRE.


La justice divine, il est vrai, ne le frappe pas d’une mort temporelle et sensible comme aux premiers jours de l'Église, mais elle le frappe d’un anathème invisible et spirituel mille fois plus à craindre; elle l’abandonne à la corruption de son cœur.

Comme un poison lent, renfermé dans nos entrailles, mine sourdement notre cœur, ainsi une insensibilité mortelle, suite nécessaire du mépris des grâces célestes, va consumer son âme et détruire en elle tout principe de vie.

À cette idée, Chrétiens, qui ne rentrerait en soi-même?

Qui n’examinerait avec une religieuse terreur s’il a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter un tel malheur?

Or, je dis que communier indignement, c’est communier:

1° sans préparation;

2° sans foi et sans humilité;

3° enfin, sans repentance.


* * *


I.


Sans préparation. Une cérémonie qui nous retrace les événements les plus intéressants, les plus augustes, les bienfaits les plus inouïs, et qui nous impose des obligations PROPORTIONNÉES à ces bienfaits, demande sans doute qu’on y réfléchisse à l’avance; car telle est la faiblesse de l’homme et son peu de capacité, que les choses les plus vaines suffisent pour l’absorber et l’étourdir, s’il leur abandonne son imagination: il est insensible dès qu’il est distrait.

La chute du genre humain, les compassions du Très-Haut, le Fils de Dieu descendant du ciel, prenant notre nature pour se charger de nos douleurs, versant son sang goutte à goutte pour nous sur un bois infâme, se plongeant dans la nuit du tombeau pour nous rouvrir les cieux, voilà les objets que nous rappelle cette solennité.

NE FAUT-IL PAS ÉLOIGNER DE NOUS LES FRIVOLITÉS DE LA TERRE, les fantômes du monde et préparer notre âme par la méditation à se pénétrer, à se remplir de ces grandes idées?

Mais il y a plus: nous venons à cette table nous engager par des serments sacrés, en présence des anges et des hommes, en présence de Celui qui sonde les cœurs, et à quoi?

Est-ce à remplir une tâche facile, pour laquelle il suffise d’un mouvement spontané, d’une volonté vague, irréfléchie?

Non: c’est à nous dépouiller du vieil homme, à nous revêtir du nouvel homme créé à l’image de Dieu, à vivre en citoyens du ciel, à résister à la chair et au sang, (Eph. IV, 22-24; Philip. III, 20; Hébr. XII, 4) à rompre les liens puissants des habitudes vicieuses, à nous défendre contre le monde et nos passions, contre notre propre cœur, à combattre, à veiller sans cesse.

N’y aurait-il pas une étrange inconsidération à faire de telles promesses sans en avoir même envisagé l’étendue, sans avoir songé aux moyens de les remplir, aux moyens de nous prémunir contre les pièges où nous sommes tombés, et d’armer ces parties faibles de notre âme qui ont causé tant de fois notre défaite; aux moyens d’obtenir cet Esprit de Dieu qui peut seul changer notre cœur et nous revêtir d’une force victorieuse?

Mais quand nous ne considérerions dans la Sainte-Cène que l’invitation du Dieu qui nous appelle à ce repas sacré:


QUEL MÉPRIS POUR SA MAJESTÉ DE PARAÎTRE DEVANT LUI SANS RÉFLEXION

ET AVEC UNE INSOUCIANTE LÉGÈRETÉ!


Si nous étions appelés auprès d’un monarque terrestre, comme nous composerions à l’avance nos discours, notre maintien! quelle crainte de lui déplaire! quelle attention sur nous-mêmes!

Et lorsque le Souverain du ciel nous invite, peu nous importerait comment nous paraîtrions à ses yeux!

Nous lui apporterions au hasard:

notre esprit avec toutes ses vanités,

notre imagination avec toutes ses souillures,

notre cœur avec tous les monstres qu’il renferme!

Ainsi, sous quelque rapport qu’on envisage le sacrement, rien ne demande une préparation plus sérieuse.

Il est des personnes, je le sais, à qui cet examen est moins nécessaire; mais ce sont des personnes dont la vie est, pour ainsi dire, une préparation continuelle; et ce sont elles pourtant qui craignent toujours de n’être pas assez disposées, et qui, avec la joie dont elles sont pénétrées, portent à l’autel une crainte religieuse.

Le grand nombre des communiants SONGENT À PEINE À CE QU’ILS VIENNENT FAIRE: il est une préparation, je l’avoue, dont ils ne s’affranchissent point, dont tout le monde se fait une loi, c’est celle de l’extérieur.

On nettoie, suivant l’expression de Jésus, les dehors de la coupe: on blanchit les dehors du sépulcre. (Matth. XXIII, 25-27)

On ne paraîtrait point dans ces fêtes solennelles avec des vêtements sales ou déchirés. Est-ce par respect pour Dieu? mais C’EST AU CŒUR QUE DIEU REGARDE. Non: c’est par égard pour l’assemblée.


Ah! mes Frères, quelle profanation, quelle folie de venir dans le sanctuaire avec cette préparation toute seule, de s’imaginer qu’on revêt la robe de noces, parce qu’on se couvre, de vêtements plus décents ou plus riches; et dans ces moments mêmes, dans ces moments sacrés oh nous pourrions nous unir à Dieu,

de ne voir que les hommes,

de ne penser qu’aux hommes,

de n’agir que pour eux!


* * *


II.


Communier indignement, c’est en second lieu communier sans foi et sans humilité.

Nous venons ici faire profession d’appartenir à Jésus, et prendre sa livrée. Quelle témérité insolente n’y aurait-il pas à se ranger parmi les siens, tandis qu’on refuserait de croire en lui; à venir lui dire: Maître et Seigneur, (Luc VI, 46) tandis qu’on ne le regarderait pas en effet comme son Seigneur et son Maître; à participer enfin à ce qu’il y a de plus intime et de plus saint dans sa religion, tandis qu’on la blasphémerait dans ses discours ou dans ses pensées!


NE SERAIT-CE PAS MENTIR À DIEU,

BRAVER SA MAJESTÉ,

PROVOQUER SES VENGEANCES?


Cette contradiction monstrueuse est rare parmi nous, j’aime à le supposer; mais il ne suffit pas de l’assentiment de notre raison aux vérités révélées. Il est une foi du cœur non moins indispensable, et dont celle de l’esprit n’est que le premier degré.

Quand le serpent miraculeux fut élevé dans le désert pour guérir les blessures des enfants de Jacob, avec quelle ardeur, quel espoir, quel désir ne portèrent-ils pas, n’attachèrent-ils pas leurs regards sur lui! Telle est l’image du vrai communiant!

En allant à Jésus, il attend tout de son sacrifice et de ses mérites: il espère tout de sa force et de son secours. Voilà le sentiment qu’exigeait notre Maître pendant sa vie mortelle. Croyez-vous que je puisse vous guérir? (Matth. IX, 28) demandait-il à ceux qui l’imploraient.

Mais, Chrétiens, CETTE FOI DU CŒUR SUPPOSE L’HUMILITÉ.

Ces deux dispositions sont inséparables; il faut se connaître soi-même il faut connaître ses faiblesses, ses taches, les misères et l’impuissance de sa nature, pour comprendre le besoin, pour sentir la félicité d’avoir un Rédempteur; pour aller à lui avec un cœur plein de désir, de reconnaissance et d’amour.

Est-ce là, mes Frères, le sentiment que nous apportons ici?

Hélas! cette disposition est plus rare encore que la préparation à la Cène: si on la retrouve, c’est chez les plus vertueux.

Les pécheurs s’ignorent eux-mêmes; les plus grands pécheurs sont ceux qui s’ignorent le plus, parce qu’ils sont mieux accoutumés à se fuir, et qu’avec l’innocence, ils ont perdu l’idée de la beauté morale.

Tandis que le fidèle, sans cesse occupé à purifier son cœur, se trouve indigne de paraître, se prosterne dans la poussière, s’anéantit devant le Saint des saints.

Les autres s’avancent avec une confiance hautaine; ils se croient justes, parce qu’ils ne sont pas assassins, adultères ou larrons; ils s’indigneraient qu’on osât leur reprocher un tort grave; ils sont toujours prêts à s’applaudir, à rendre témoignage à leur intégrité.

Insensés! que viennent-ils donc faire à l’autel de grâce?

Ne sentent-ils pas qu’ils en sont repoussés?

N’entendent-ils pas cette voix du Fils de Dieu: Je ne suis pas venu appeler les prétendus justes, mais ceux qui s’avouent pécheurs? (Matth. IX, 13)

«Ô mon Dieu, quel spectacle ils offrent à tes regards! Tu as proclamé dans l’univers cette déclaration:

Aucun autre nom n’a été donné aux hommes pour être sauvés que celui de Jésus, (Actes IV, 12) et ces hommes superbes osent s’approcher de toi sans guide et sans appui!

ILS VIENNENT AU TRÔNE DE LA MISÉRICORDE SANS DEMANDER MISÉRICORDE; ou du moins ils viennent rappeler le sacrifice offert pour nos crimes, LE CŒUR ENCORE ENFLÉ DE LEUR PROPRE JUSTICE!


* * *


III.


Communier indignement, c’est enfin communier sans repentance, c’est-à-dire sans douleur de ses fautes, sans résolution de les abandonner, sans une de ces résolutions inspirées par la grâce, qui changent le cœur et produisent des fruits de salut.

Ramener la vertu sur cette terre dégradée, tel fut le grand but du Rédempteur: ses actions, ses préceptes, ses bienfaits, les cérémonies de la religion, toutes ces choses tendent à ce but; mais dans ces solennités, il remue, il presse notre cœur par tous les ressorts et tous les motifs ensemble.

À cette table si simple aux yeux de la chair, la foi nous découvre un Dieu qui nous invite à nous unir à lui.


SI NOUS NE POUVONS LUI OFFRIR UNE ÂME DROITE ET INNOCENTE,

IL FAUT DU MOINS QUE CETTE ÂME GÉMISSE DE L’AVOIR OFFENSÉ

ET JURE D’ÊTRE DÉSORMAIS FIDÈLE.


Voyez en effet quels souvenirs ces symboles retracent à notre pensée?

Horreur du Très-Haut pour le péché: il l’a puni jusque sur son Fils.

Oui, c’est le péché qui crucifia Jésus, qui causa son agonie en Gethsémané, son supplice sur le Calvaire.

Ne pleurerons-nous point sur la part que nous avons à ses douleurs?

Ne craindrons-nous pas le péché?

Ne le haïrons-nous pas comme nous haïrions l’arme fatale dont nous aurions percé le cœur d’un ami?

Charité infinie du grand Rédempteur: c’est pour nous qu’il s’est immolé. Ne dirons-nous pas avec l’Apôtre: Il est juste que nous ne vivions plus pour nous-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour nous. (2 Corinth. V, 15) II nous a aimés jusqu’à la mort; et il nous demande, au nom de cet amour, de nous aimer les uns les autres, (Jean XIII, 34) de n’être point paresseux à rendre service, de chercher non seulement ce qui nous convient, mais aussi ce qui convient à nos frères. (1 Corinth. X, 24)

Leur fermerons-nous nos entrailles?

Ne nous occuperons-nous que de nos propres intérêts?

N’aimerons-nous que ceux qui nous aiment?

Mais encore, les vertus divines qui brillèrent d’un plus grand éclat dans les derniers moments du Sauveur, se retracent à notre esprit avec l’image de son sacrifice. Il s'est anéanti jusqu’à la mort de la croix. (Philip. II, 7-8) II a souffert sans se plaindre les outrages et les tourments; il a pardonné à ses bourreaux.

Serons-nous orgueilleux, irritables, impatients, vindicatifs? Écouterons-nous toujours la voix de l'amour-propre et non celle de la charité?

Je vous le demande, Chrétiens; je le demande à tous ceux qui ont une âme: si nous sommes frappés des souvenirs, des pensées que nous retrace le sacrement, le désir d’imiter Jésus, de lui rendre amour pour amour et vie pour vie, le remords de nos fautes, le vœu sincère, ardent, de les réparer, tous ces sentiments ne doivent-ils pas se presser dans notre cœur? Les larmes du repentir ne doivent-elles pas couler de nos yeux?

Mais chez qui découvres-tu, Seigneur, ces émotions, ces regrets, ces heureux projets d’une vie meilleure, cette tristesse à salut agréable à tes yeux?

C’est encore chez le chrétien dont les fautes tiennent à la faiblesse de la nature, qui ne viola jamais tes lois avec préméditation.

C’est lui qui gémit du passé et se promet de le réparer dans l’avenir; c’est lui qui forme des résolutions d’amendement. S’il n’arrive point ici-bas à cette perfection qui nous est proposée, chaque solennité du moins est marquée dans sa vie par quelque progrès qui l’en approche. C’est une passion qu’il immole, une mauvaise habitude dont il rompt les liens, une vertu qui coûtait à son tempérament et dont il enrichit son âme; il perfectionne de jour en jour celles qui déjà l’embellissaient.


Mais ces hommes charnels que les passions et les intérêts de la terre entraînent comme un torrent, ces hommes charnels qui n’ont jamais pris soin de te plaire, ô mon Dieu! dont la moindre inquiétude est de t’offenser, ils ignorent la douleur et les sacrifices de la repentance.

Ils connaissent bien l’amertume des mécomptes de la vie; un trait aigu les pénètre dès qu’ils ont à souffrir dans leur fortune, leur réputation, leurs attachements.

Mais le chagrin d’opposer l’ingratitude à tes bienfaits, de t’outrager, de te perdre, s’ils l’éprouvent quelquefois, ce n’est qu’un mouvement faible, passager, stérile; il ne produit que des idées vagues et incertaines d’amendement, déjà effacées au sortir du sanctuaire.

Ils t’apportent, ô mon Dieu! chaque année les mêmes vices, les mêmes passions toujours plus enracinées; une âme également souillée, et toujours plus endurcie par l’abus ou le mépris des choses saintes.

Ô homme! veux-tu donc apprendre si tes communions sont un remède ou un poison pour ton âme, des profanations ou des actes de piété?

Il est pour cela une règle infaillible:

Regarde quel en est le fruit, vois quel sentiment de repentance elles excitent en toi, quel changement elles produisent dans tes mœurs.

Tant que tu viendras à cette table sans être confus de tes désordres, ET QU’AU SORTIR DU TEMPLE TU T’Y REPLONGERAS ENCORE, crains que loin d’expier tes fautes, elles n’en comblent la mesure aux yeux du Seigneur.

Maintenant, Chrétiens, jugeons-nous d’après ces réflexions. La plaie de l’Église n’est que trop certaine: il n’est que trop évident qu’il est des communiants indignes, qu’il est des profanateurs. Que chacun s’examine ici et se demande à soi-même s’il n’est point de ce nombre.

Communiez-vous dignement, vous qui venez dans ce temple avec légèreté, conduits par une bienséance tout humaine, et qui vous présentez à Dieu dans le sacrement sans daigner vous mettre en peine si vous êtes agréables à ses yeux?

Communiez-vous dignement, vous qui dans ce jour de propitiation n’imaginez pas même avoir besoin de miséricorde, ou qui, en vous avouant pécheurs, êtes loin de sentir votre misère, et nourrissez toujours dans votre âme cet orgueil qui a perdu l’homme et l’empêche de recourir à Jésus?

Communiez-vous dignement, vous qui ne savez ce que c’est que pleurer sur vos fautes, qui les chérissez encore; vous qui, loin d’être déterminés à réformer votre conduite, n’en avez pas même formé le projet, n’avez pas même la volonté d’être guéris, ne vous êtes pas même tournés vers le Seigneur pour lui demander cette force qui nous fait vouloir et exécuter?


SONT-CE LES ARRHES DU SALUT OU DE LA CONDAMNATION

QUE VOUS ALLEZ RECEVOIR?


Infortunés qui pouvez vous reconnaître à ces traits, c’est d’abord à vous que je m’adresse.

Vous avez donc trouvé le fatal secret de tirer l’anathème de la bénédiction et la mort de la vie!

Dans ce moment du moins que le bandeau des illusions se déchire; que le marbre de votre cœur se brise!


Celui qui mange de ce pain et boit de cette coupe indignement, mange et boit sa condamnation.

Terribles paroles!

Pouvez-vous les entendre sans effroi?

Ne cherchez point à le surmonter cet effroi; lui seul peut vous sauver. Que si votre âme appesantie n’a plus la force de s’élever à de nobles sentiments, DU MOINS ÉPARGNEZ-VOUS UN CRIME NOUVEAU.


Éloignez-vous de cette table;

ne venez point profaner le corps du Seigneur...


Mais que dis-je?

Vous éloigner de l’autel de grâce!

Vous séparer de votre Dieu, de votre Rédempteur!

Vous exclure de l’alliance que le Ciel a traitée avec la terre!

Eh! sans cette alliance, quel serait votre espoir? Quel serait votre sort?

Ah! mes chers Frères! Alors que la sentence irrévocable n’est point encore prononcée, il vous reste un moment: PROFITEZ DE CE MOMENT PRÉCIEUX. J’entends le Sauveur des hommes vous appeler encore; il nous envoie encore à vous avec des paroles de paix, avec des promesses de pardon.

Tombez à ses pieds, arrosez-les des pleurs de la pénitence;

Recourez à lui de toutes les puissances de votre âme;

Jurez de lui consacrer désormais votre vie;

Demandez à ce Sauveur puissant, qui d’un mot guérissait jadis les maladies les plus invétérées, demandez-lui de fermer les plaies de votre âme, et de vous aider lui-même à garder vos serments.


Et vous qui faites le grand nombre dans l’Église, hommes faibles et inconstants, PARTAGÉS ENTRE DIEU ET LE MONDE; vous qui portez à la table du Seigneur quelques dispositions de piété, quelques projets de conversion, mais DONT LA PRÉPARATION, LA FOI, L’HUMILITÉ, LA REPENTANCE, SONT TROP IMPARFAITES; vous qui ne communiez ni en profanateurs impies ni en chrétiens fidèles; vous que je n’ai pas la force de juger suivant la rigueur des maximes évangéliques, et à qui mon cœur se refuse d’appliquer la déclaration de l’Apôtre!

Écoutez-la cependant cette déclaration formidable; écoutez-la dans ce moment solennel où vous allez faire l’acte le plus solennel de la vie du chrétien:

Celui qui mange.... que ces paroles excitent en vous un frémissement salutaire; qu’elles donnent à vos réflexions, à vos sentiments, à vos projets, à vos prières, une vérité, une sincérité, une force active, pénétrante, efficace, qui leur a manqué jusqu’ici.

Ah! pendant que vous entendez la voix de Dieu, hâtez-vous de la suivre; peut-être l’entendez-vous pour la dernière fois: ou bien, encore quelques communions peut-être, et il sera trop tard, et ce qui vous touchait ne vous touchera plus, et vous mourrez dans l’impénitence


Je m’adresse à vous enfin, Chrétiens fidèles, petit troupeau, notre couronne et notre espoir, qui venez au festin sacré avec la robe de noces; pour qui nos solennités ne sont point perdues, que chacune d’elles voit faire de nouveaux pas dans le chemin du ciel; venez avec une religieuse émotion; car où est l’homme qui puisse s’en défendre, s’il conçoit la grandeur du sacrement?

Mais venez aussi avec espoir, avec joie, avec une douce confiance, Venez; le Tout-Puissant ne s’offre point à vous avec les attributs de la justice et l’appareil de la gloire: sa majesté suprême brille d’un éclat plus doux.

Il se présente à vous avec tous les attraits de sa grâce, toutes les douceurs de ses compassions et de son amour.

Venez recevoir de la main de votre pasteur les arrhes de l’immortalité, qu’il lui sera si doux de vous donner; venez vous unir à l’Être tout parfait, au Sauveur adorable de qui vous attendez tout, et que vous vous efforcez d’imiter.

Venez; il répandra dans votre cœur le sentiment céleste de sa paix.

Vous remporterez cette paix qui n’endort point l’âme dans la sécurité, comme la fausse paix du monde, mais qui l’anime et la purifie en la dégoûtant pour toujours de tout ce qui est indigne d’elle, de tout ce qui est frivole et passager.

Ainsi soit-il.


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