Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS FAMILIERS

D'UN PASTEUR DE CAMPAGNE

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LA VÉRITABLE LIBERTÉ.

(Pour le jour de Pentecôte en 1814)

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Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. (2 Cor. III, 17.)

Il y a seize ans, mes chers Frères, que dans un jour pareil à celui-ci, mais dans un temps fâcheux, je vins vous expliquer ces paroles de l’Apôtre. C’était la dernière fois que nous célébrions nos fêtes religieuses suivant les formes augustes et touchantes établies par nos pères.

Le culte divin allait être privé parmi nous de la protection des lois. Genève allait subir un joug étranger. Elle allait s’abîmer dans un grand empire, comme un faible ruisseau dans le vaste Océan. Elle allait y perdre non seulement cette existence extérieure, cette renommée dont notre cœur était trop flatté, mais sa tranquillité, sa prospérité, peut-être ses mœurs et sa foi.

Tout était menacé: il semblait qu’il fût venu pour elle, ce moment où, semblables à l’étincelle qui s’évanouit après avoir brillé, les peuples s’éteignent dans le malheur et l’oubli. Je cherchais à vous consoler d’un revers si grand et si sensible. Dans ce but, je fixai vos regards sur cette liberté des enfants de Dieu que les hommes ne sauraient ravir au chrétien, dont rien ne peut le priver que lui-même.

Il m’est doux de vous entretenir encore sur ce beau sujet en des jours plus propices, dans un temps où la bonté du Très-Haut, l’intervention presque miraculeuse de sa Providence, vient de nous affranchir du long et douloureux esclavage sous lequel nous gémissions.

Je n’ai pu faire ce rapprochement sans être ému, sans éprouver le besoin de vous faire partager cette vive et douce émotion, de bénir encore avec vous le Seigneur d’une grâce qui renferme tant de grâces, qui nous assure que nous ne serons plus associés aux convulsions des grands États; qui ramène la tranquillité dans nos familles et la joie dans le cœur des mères; qui promet à Genève le retour de son ancienne prospérité, et lui donne une seconde fois l’existence.

Mais quel que soit le prix de l’indépendance qui nous est rendue, ce n’est pas le moment d’y arrêter nos pensées, ce n’est point ce qui doit nous occuper en ce jour de salut.

Je voudrais..., je voudrais vous faire craindre une servitude dans laquelle on peut languir même sous le gouvernement le plus doux et le plus paternel; une servitude mille fois plus cruelle et plus avilissante que celle des tyrans, celle où nous réduit le péché en aveuglant notre esprit, en dominant notre cœur.

Je voudrais vous faire désirer une liberté mille fois plus précieuse que la liberté civile:


CETTE LIBERTÉ MORALE QUI CONSISTE À RÉGNER SUR SOI-MÊME,

À COMMANDER AUX SENS ET AUX PENCHANTS DÉRÉGLÉS.


Formée pour l’ordre et la vertu, dont la loi de Dieu est l’unique règle, notre âme y est sans cesse rappelée par une force secrète, par un invincible attrait. Elle ne peut être à son aise, elle ne peut se sentir libre et heureuse, que lorsqu’aucun pouvoir injuste, aucune passion désordonnée ne l’empêche de s’y conformer.

Telle est la liberté que Jésus est venu nous rendre. Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté.

Méditons, Chrétiens, ces belles paroles, moins pour nous convaincre de leur vérité, que pour en faire passer le sentiment dans notre cœur, pour exciter en lui de généreux désirs. Pauvres pécheurs, tristes enfants d’Adam , esclaves par nature des préjugés, des passions, de la mort; créatures misérables qui, lors même que le péché ne nous tient pas garrottés, nous traînons encore notre chaîne à moitié brisée, apprenons enfin à quitter ces fers honteux, et puissions-nous désormais goûter la douce et glorieuse liberté des enfants de Dieu!

Ainsi soit-il.


I.


L'Esprit du Seigneur, c’est l’Esprit dont fut animé Jésus, l’Esprit qu'il promit d’envoyer à ses disciples, et qu’il donne à celui qui l’implore dans le sentiment de sa faiblesse.

C’EST LE SAINT-ESPRIT, cette Personne divine qui, dans la dispensation du salut, agit sans cesse pour nous sanctifier et nous assurer les fruits de la rédemption faite par Jésus.

C’EST UN ESPRIT DE LUMIÈRE.

Il ouvre les yeux de notre entendement. (Eph. I. 18)

Il nous dispose à recevoir l’Évangile avec la simplicité de cœur et la docilité d’un enfant. (Luc XVIII, 16)

II nous donne une si vive persuasion, une si juste idée des vérités de la foi, que les illusions de l’orgueil, de l’incrédulité, des passions, n’ont plus de prise sur nous.

Il nous apprend en particulier à nous connaître nous-mêmes:

Il nous fait sentir que nous sommes naturellement ENFANTS DE COLÈRE, (Eph. II, 3) parce que NOUS SOMMES NATURELLEMENT CORROMPUS; qu’il y a dans notre cœur un défaut d’amour pour Dieu et de confiance en lui, un fond d’indifférence pour les choses saintes qui est la source de tous les vices, de toutes les faiblesses qui dégradent et déshonorent la pauvre humanité.

Il nous fait alors lever les yeux vers Jésus, chercher dans son sang et dans son Évangile, un remède efficace et universel qui ne se trouve point ailleurs.


C’EST UN ESPRIT DE SAINTETÉ.

Il échauffe, il touche notre cœur en même temps qu’il éclaire notre esprit.

Il nous fait sentir profondément le vide et le néant des créatures, l’amertume cachée dans toutes les choses d’ici-bas; et en même temps il élève nos désirs vers les biens célestes, vers ce Dieu tout bon, tout parfait, que nous avions offensé, et qui nous a tant aimés que de donner son Fils unique au monde, afin que quiconque croirait en lui ne pérît point, mais qu’il eût la vie éternelle. (Jean III, 16)

Il excite dans notre âme ces heureux mouvements de reconnaissance, ces heureux projets qui nous ramènent au Seigneur, cette tristesse selon Dieu qui produit une repentance à salut. (2 Corinth. VII, 10)

À l’approche de la tentation, il nous anime d’un nouveau courage et d’une force nouvelle.

Il fait plus; il prévient nos fautes en purifiant nos affections: à la place des penchants terrestres, vicieux, qui maîtrisent la plupart des hommes,

il nous inspire ces nobles passions, source féconde des plus hautes vertus, l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

C’est ainsi que par degrés il opère en nous un changement entier par le renouvellement de notre esprit. (Rom. XII, 2)

Le fidèle ainsi régénéré peut tomber encore par surprise ou par la fragilité de la nature, mais il se relève aussitôt; il redouble de vigilance et d’efforts; il s’attache toujours plus fortement à son Sauveur, comme à l’ancre unique de son âme, et soit qu’il vive soit qu'il meure, il veut être au Seigneur. (Rom. XIV, 8)

Là où est cet Esprit, là où il produit ces fruits de salut, là où il exerce cet empire, là est nécessairement la liberté, la véritable liberté, la seule digne de ce nom, celle qui affranchit l’âme du plus dur esclavage, de celui où nous jette le péché.


Qui s'adonne au péché, dit l’Écriture, est esclave du péché. (Jean VIII, 34) Il nous asservit en effet:

soit par l’incertitude que répandent dans notre âme les illusions qu’il porte avec lui et qui font que notre volonté ne sait plus à quoi se résoudre,

soit par cette indigne faiblesse, cette lâcheté, où il nous fait tomber; par ces liens dont il nous enveloppe insensiblement, et qui nous retiennent lorsque nous voulons prendre quelque résolution forte et généreuse;

soit enfin par cette tyrannie ouverte qu’il exerce au bout de quelque temps, et avec laquelle il règne sur notre corps mortel, (Rom. VI, 12) dit l’Écriture, nous entraînant et NOUS EMPORTANT À TOUT CE QU’EXIGENT SES DÉSIRS DÉRÉGLÉS.

Je sais que dans l’ivresse de ses pensées, LE PÉCHEUR SE FLATTE D’ÊTRE INDÉPENDANT, qu’il prétend ne recevoir de loi que de lui-même, et qu’il ose dire, comme les Juifs orgueilleux qui se déguisaient leur misère: Je ne suis esclave de personne. (Jean VIII, 33)

Mais qu’importe que le tyran soit au dedans ou au dehors, si nous n’en sommes pas moins tyrannisés? Un despote absolu, cruel, en est-il moins à craindre pour être plus près de nous?

Il est vrai que dans les commencements la passion ménage pour ainsi dire, la liberté du cœur:

elle nous laisse croire pendant quelque temps que nous sommes maîtres de nos penchants et de notre destinée;

elle nous amuse d’un vain espoir de rompre nos chaînes quand il nous plaira;

elle relâche d’abord le frein par lequel elle nous tient captifs, de peur que nous ne nous apercevions trop tôt de notre servitude.

Mais quand une fois elle se sent fortifiée par l’habitude et PROFONDÉMENT ENRACINÉE, ah! c’est alors qu’elle fait sentir tout le poids et toute l’ignominie de l'esclavage auquel elle nous réduit.

Esclavage honteux par l’assujettissement de l’âme aux sens, et à de grossiers désirs auxquels elle aurait dû commander. Sa raison, sa religion, sa fierté, sa gloire, ses réflexions, TOUT CÈDE AU CHARME QUI L’ENTRAÎNE.


Ici c’est un homme qui reconnaît la beauté de ce précepte: Ne vous vengez point vous-mêmes. Aimez ceux qui vous haïssent; bénissez-les; priez pour eux. (Rom. XII, 19; Luc VI, 27)

Il reconnaît l’obligation de le suivre; cependant à la vue d’un ennemi, d’un homme dont il se croit offensé, son front pâlit, sa physionomie devient sombre et menaçante. En vain la religion murmure au fond de son cœur; des paroles dures sortent de sa bouche; des mouvements violents l’agitent; il est près de se porter à quelque excès.

Cet autre s’est mille fois promis de mener une vie réglée: il sait que les impurs n'hériteront point le royaume des cieux. (1 Corinth. VI, 10) Mais la rencontre d’un objet fatal à son innocence, il perd la faculté de s’en défendre; il perd même la facilité de penser; toutes ses réflexions s’évanouissent; le passé, l’avenir s’effacent; il oublie ses résolutions et ses serments; il se sent entraîné dans des désordres dont il rougit lors même qu’il s’y précipite. Toujours c’est un homme qui ne peut se résoudre à ce qu’il est intérieurement convaincu qu’il devrait faire, et qui fait tous les jours des choses qu’il condamne secrètement.

ESCLAVAGE NON SEULEMENT HONTEUX, MAIS DUR ET CRUEL.

Dur et cruel par la multitude des maîtres auxquels on est assujetti.

Oui, mes Frères, le pécheur qui disait dans son orgueil: Je ne servirai point, porte une infinité de jougs divers et souvent opposés.

Il est l’esclave de la mort qu’il craint et dont il ne peut soutenir ni la vue, ni la pensée.

II est l’esclave du monde dont les lois et les modes le gouvernent, dont les coutumes et les exemples le subjuguent, dont la critique et les railleries l’intimident, dont les recherches et les sollicitations l’entraînent, dont les plaisirs et l’enchantement le fascinent et l’aveuglent.

Il est l’esclave des témoins et des complices de ses égarements;

esclave des précautions qu’il faut prendre pour en dérober la connaissance;

esclave de ce qu’il n’a pas et qu’il désire, de ce qu’il possède et dont il ne peut se détacher.

En un mot il dépend de tout, de ses sens, de ses passions, de ses caprices, de ses intérêts, de ses amis, de ses ennemis, de ses protecteurs, de ses envieux, de toutes les créatures qui l’environnent: elles sont toutes autant de dieux auxquels ou l’amour ou la crainte l’assujettit.


ESCLAVAGE CRUEL PAR LA NATURE DES MAÎTRES QUE L’ON SERT.


Semblables à ces usurpateurs du pouvoir suprême, qui sont d’ordinaire Ies plus durs de tous les maîtres, qui s’exaltent et se corrompent davantage par le pouvoir qui leur est laissé, les passions exercent sur l’âme qu’elles ont subjuguée un tyrannique empire. Impérieuses et insatiables, plus on leur accorde et plus elles demandent.

Si on ne les contente qu’à demi, il faut être à toute heure aux prises avec elles.

Opposées les unes aux autres, elles donnent des ordres contraires, et souvent il est impossible de les satisfaire à la fois.

La vanité veut qu’on dépense et l’avarice qu’on amasse.

La convoitise demande des plaisirs que l’honneur ou l’intérêt nous interdit;

la vengeance, une satisfaction que le soin de notre sûreté fait craindre comme dangereuse;

l’ambition, des travaux que la mollesse abhorre, des complaisances serviles que l’orgueil déteste.

Si l’une d’elles l’emporte et devient dominante, les autres ne lui cèdent pas sans violence et sans combat. Sans cesse agité et tiré en sens contraires, l’homme vicieux quelque parti qu’il prenne, mécontente quelqu’un de ses maîtres. Il y a plus:

Quelque penchant qu’il suive ou combatte, il se mécontente lui-même.

S’il pouvait aimer sa servitude et s’en glorifier, il n’en serait sans doute que plus abject, mais il ne jouit pas même de cette indigne paix; tout asservi qu’il est par les passions, la raison et la conscience ne sont pas détruites; son âme malheureuse conserve le regret, le désir de la liberté qu’elle a perdue; elle fait ce qu’elle ne voudrait pas, et se le reproche après l’avoir fait: en se livrant au vice elle en voit la difformité; elle tombe dans l’abîme en frémissant.

Enfin, mes Frères, cet esclavage si pesant le devient plus encore, en ce qu’il manque à l’homme qui s’y jette une consolation qui reste d’ordinaire aux esclaves. Ils vivent dans une condition où ils ne peuvent se reprocher de s’être placés eux-mêmes. Ils cèdent à une force supérieure; ils portent un joug qu’ils n’ont pas choisi; on les plaint et l’on ne peut les blâmer.

Mais la servitude du pécheur est son propre ouvrage.

Il dispose seul de SA volonté; elle ne peut souffrir de violence étrangère; elle n’a pu être assujettie malgré lui: c’est lui-même qui l’a engagée; c’est lui-même qui s’est perdu. (Osée XIII, 9)

Tel est, mes Frères, l’esclavage sous lequel gémit l’homme abandonné à ses passions, abandonné à lui-même PARCE QU’IL A ABANDONNÉ SON DIEU.

L’homme avait pu s’y jeter; par lui-même il ne pouvait en sortir.

Il a fallu que le Fils de Dieu descendît sur la terre pour nous en tirer.


LUI seul pouvait nous dire: Si vous persistez dans ma doctrine, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous affranchira. (Jean VIII, 31-32)

LUI seul par son Esprit pouvait détruire en nous le vieil homme et nous revêtir du nouvel homme créé à l’image de Dieu, dans une justice et dans une sainteté véritables ,(Eph. IV, 22-24) comme il pouvait seul faire l’expiation de nos péchés par son sang.

Voilà pourquoi il est appelé le Libérateur, le Rédempteur. Voilà pourquoi l’Évangile est appelé la loi parfaite, la loi de la liberté. (Jac. I, 25)

Voilà pourquoi le Sauveur déclare qu’il est venu publier aux captifs la délivrance et la liberté à ceux qui sont foulés. (Luc IV, 18)

Voilà pourquoi il disait: SI LE FILS VOUS MET EN LIBERTÉ, VOUS SEREZ VÉRITABLEMENT LIBRES. (Jean VIII, 36)


Quelle n’est donc pas l’illusion de ceux qui se figurent la vie chrétienne comme un état pénible d’assujettissement! Le chrétien ne leur semble pas assez libre parce qu’il doit se soumettre aux lois de Dieu, lui soumettre son esprit par la foi, et sa volonté par l’obéissance.

Mais quelle erreur, mes Frères! Quelle fausse idée de la liberté!

Non; elle ne consiste pas à vivre sans lumière et sans guide, comme un enfant dans les ténèbres, ou comme un furieux dans l’ivresse; mais à savoir choisir et suivre le flambeau, le guide qui peut assurer nos pas.

La volonté de l’homme est toujours déterminée par quelque motif: son bonheur, sa liberté, dépendent du choix des motifs qui le déterminent.

L’homme est libre lorsque ses motifs sont justes et relevés, ses penchants légitimes et nobles;

lorsqu’ils ne font point violence à sa raison, à sa conscience;

lorsqu’il n’y a point de guerre intestine, de déchirement au dedans de lui-même;

lorsqu’il obéit de bon cœur, se conformant volontairement à la doctrine qui lui a été donnée pour règle;

en un mot LORSQUE LA RAISON ET LA SAGESSE QUI VIENNENT D’EN HAUT, commandent aux sens et règlent les mouvements de la nature. Voilà la liberté! C’est l’idée qu’en donnait saint Pierre, lorsqu’il disait aux premiers chrétiens: Vous êtes libres: que votre liberté ne vous serve pas de prétexte pour faire du mal. (1 Pierre II, 16)


Mais encore, quelle erreur de penser qu’elle consiste à vivre sans règle et sans frein!

Est-ce ainsi qu’on en juge dans la société? Ne disons-nous pas que c’est la posséder que de suivre des lois qu’on aime, de vivre sous un gouvernement juste, doux et légitime?

N’avons-nous pas vu l’anarchie, la licence, c’est-à-dire l’excès de la liberté, la liberté mal entendue, produire la plus affreuse des tyrannies?

Il en est de même dans la morale et la religion:


L’homme ne peut jouir de la véritable liberté

qu’en se soumettant de tout son cœur à la loi de Dieu.


Cette loi accompagnée de l’onction de l’Esprit Saint, cette loi met une harmonie céleste et ravissante entre toutes ses facultés, entre son cœur et son esprit, entre sa volonté et sa conscience; par un privilège qui n’appartient qu’à elle, elle lui fait aimer tout ce qu’elle prescrit: elle lui fait aimer jusqu’aux privations qu’il s’impose, jusqu’aux sacrifices qu’il doit faire, jusqu’aux douleurs qu’il doit souffrir. Elle le conduit par attrait autant que par conviction. Elle est, comme je le disais en commençant, elle est lumière et chaleur tout ensemble; elle est paix, elle est amour.

MAIS SI L’HOMME OSE S’AFFRANCHIR DE CETTE LOI DIVINE qui doit tout régir et tout régler au dedans de lui, vous l’avez vu; ne l’oubliez jamais, Chrétiens; il est en proie:

à des passions fougueuses et déréglées,

à des désirs insatiables et tumultueux,

à des réflexions sombres et inquiètes,

à des craintes, à des chagrins, à des ennuis,

à des réveils de conscience,

à des remords qui le déchirent ou le consument.

Ô mon Dieu! préserve-nous de ce funeste esclavage que le pécheur nomme liberté!


Le fidèle au contraire, je le répète, le fidèle est libre en se soumettant au Seigneur, parce que le joug que le Seigneur lui impose est un règlement plein d’ordre et de sagesse, qu’il devrait choisir quand même il ne lui serait pas imposé, qu’il devrait choisir comme le seul moyen d’atteindre un jour dans le ciel la perfection de la vertu, la plénitude de la liberté, du bonheur et de l’amour.

Il est libre parce qu’il est dans son état naturel, dans l’état auquel l’appelle sa véritable destination; parce que ses facultés s’exercent sur les objets pour lesquels elles lui furent données.

De même qu’on met l’œil en liberté quand on l’ouvre et qu’il peut jouir de la clarté du jour, ainsi NOTRE ÂME EST LIBRE QUAND ELLE REÇOIT SANS OBSTACLE LA LUMIÈRE CÉLESTE: privée de cette lumière elle est dans les ténèbres; elle est dans la souffrance; elle est dans une contrainte opposée à sa nature.

Le fidèle est libre, parce qu’il sert un Maître qui a sur lui les droits les plus sacrés; un Père, un Sauveur, qu’il doit glorifier dans son corps et dans son esprit qui lui appartiennent. (1 Corinth. VI, 20)

Il est libre, parce qu’en servant le Seigneur il ne travaille réellement que pour soi-même; car le tout de l’homme est de craindre Dieu et de garder ses commandements. (Eccl. XII, 13/15) Plus il compare la douce tranquillité dont il jouit en le servant, aux fruits amers du péché, plus il s’applaudit de son choix; plus son sort lui paraît digne d’envie; plus il sent la vérité de cette parole: Mon joug est doux et mon fardeau léger; (Matth. XI, 30) plus il est surpris que tous les hommes ne viennent pas s’offrir à la douceur de ce joug si consolant et si facile à porter.

Il est libre enfin en se soumettant au Seigneur, parce qu’il se délivre ainsi de toute autre chaîne. Il est au-dessus de tout, parce qu’il est détaché de tout. Il ne craint point la mort, parce qu’il croit au Fils de Dieu qui a les paroles de la vie éternelle, (Jean VI, 68) et qui a participé lui-même à la chair et au sang, afin DE DÉTRUIRE PAR SA MORT celui qui a l’empire de la mort, c'est-à-dire le diable, et de délivrer de l'esclavage ceux que la crainte de la mort rendait esclaves toute leur vie. (Héb. II, 14-15)

Il ne dépend:

ni de ses inférieurs, parce qu’il n’en exige aucune complaisance avilissante, sachant qu’il a aussi bien qu’eux un Maître dans le ciel, (Eph. VI, 9)

ni de ses supérieurs, parce qu’en leur rendant ce qu’il leur doit, il le fait volontairement pour l’amour du Seigneur;

ni des jugements des hommes, parce qu’il ne craint que les jugements de Celui à qui il appartient de le juger; (1 Corinth. IV, 4)

ni du monde, parce qu’il use du monde comme n’en usant point, (1 Corinth. VII, 31) dédaignant ses promesses et ses menaces;

ni des événements, parce qu’il les envisage comme une dispensation de la Providence, et qu’il sait que toutes choses tournent au bien de ceux qui aiment Dieu. (Rom. VIII, 28)

En un mot, s’il ne peut être heureux loin de son Dieu, il n’a besoin aussi que de lui pour être heureux: son bonheur ne dépend d’aucun autre objet.


Les plus parfaits, les mieux aimés, s’offrent à lui comme des présents de son Bienfaiteur: ils s’offrent à lui comme pouvant partager, augmenter son bonheur, mais non pas en être la source: il ne voit rien en eux qui puisse forcer son choix et dominer son cœur, parce qu'il n’y voit rien qui puisse le remplir entièrement. Ne voulant s’unir intimement qu’au Seigneur, ou à ceux qu’il veut aimer en lui et pour lui plaire, il est supérieur ou indifférent à tout ce qui agite les âmes communes et terrestres.

C’est ainsi, mes Frères, que l’aimable et noble empire du Seigneur nous affranchit véritablement, et que les têtes les plus fières peuvent porter son joug d’autant plus docilement qu’elles ne sentent le poids d’aucun autre.

Je ne sais, Chrétiens, si je me trompe; mais il me semble que de telles réflexions doivent élever nos âmes et nous faire désirer les vrais biens. Il me semble qu’elles doivent nous faire sentir le prix de ceux qui nous sont offerts aujourd’hui, l’Esprit de Dieu, la liberté.

L’Esprit de Dieu, mes Frères! C'est dans le jour dont nous célébrons l’anniversaire, qu’il signala sa puissance en faveur des premiers Chrétiens; et LA SOURCE DE SES DONS N’EST POINT TARIE: nous pouvons encore y puiser grâce sur grâce.

Il nous est encore offert ce divin Esprit;

il peut encore éclairer notre entendement, purifier notre cœur, le consoler, le fortifier, l’enrichir de ses fruits précieux, qui sont, dit l’Écriture, la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la fidélité, la tempérance. (Gal. V, 22)

Il peut nous marquer ainsi de son sceau pour le grand jour de la rédemption. (Eph. IV, 30)

Nous refuserions-nous à ses bienfaits?

Négligerions-nous de l’appeler par d’humbles et d’ardentes prières, ou de le seconder par notre fidélité à profiter de ses grâces, à suivre les pensées salutaires, les heureux mouvements qu’il nous inspire, à nourrir notre âme des Saintes Écritures oh il nous parle, où il s’offre à nous, où il nous promet de venir habiter en nous?

Eh! que nous serviraient les délivrances, les joies, les prospérités de la terre, si nous demeurions esclaves du péché et de la mort?

Que nous servirait-il que la paix et la liberté fussent rendues à notre patrie, si les tyrans étaient dans notre âme, si cette âme était le théâtre du trouble et des combats?


Aspirons, Chrétiens, aspirons à cette liberté des enfants de Dieu, qui seule donne une paix réelle, une paix inaltérable.

Aspirons à cette liberté qu’on peut goûter dans toutes les situations, sous tous les gouvernements, jusque dans les fers et sur l'échafaud. J’aime à le croire: vous en sentez le prix: vous êtes pressés du désir de la posséder.

Oh! non, nous ne nous laisserons plus séduire par les vaines promesses de la terre, par les misérables suggestions de l’amour-propre et les trompeurs attraits du péché. Puisque le cœur de l’homme a besoin d’un guide, d’un appui, d’un objet qui le remplisse; puisqu’il doit porter un joug, c’est celui de Jésus que nous choisissons.

Servir un tel Maître c’est régner. Allons à sa table lui présenter l’offrande de notre âme tout entière. Allons lui demander de nous soumettre lui-même à sa loi, selon l’Esprit, comme nous avons été soumis à la loi du péché selon la chair. (Rom. VII, 25)

Allons-lui dire: Ô toi qui peux tout; toi qui d’un mot impose silence à la mer irritée, daigne apaiser les orages qui s'élèvent si souvent encore au fond de notre cœur!

Bannis-en toute passion rebelle, tout ce qui résiste à ton Esprit, tout ce qui s’oppose encore à la parole de ta grâce.

Oui, charitable Rédempteur, exerce sur nous ton céleste empire!

Règle désormais toutes nos affections! Imprime en nous les traits de ta ressemblance, et que nous puissions enfin nous appliquer ces paroles consolantes que saint Paul adressait à des pécheurs convertis:

Grâces soient rendues à Dieu de ce qu'après avoir été esclaves du péché, vous vous êtes soumis à la loi de la justice.... Vous avez été lavés; vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu...

Eh! Quel fruit tiriez-vous des choses dont vous avez honte maintenant? Elles aboutissent à la mort. Au lieu qu'étant affranchis du péché et devenus serviteurs de Dieu, vous avez pour votre fruit la sainteté, et vous aurez à la fin la vie éternelle! (Rom. VI, 17-22; 1 Corinth. VI, 11)


DIEU NOUS EN FASSE À TOUS LA GRÂCE!

Amen.



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