Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NOUVEAUX DISCOURS FAMILIERS

D’UN PASTEUR DE CAMPAGNE.

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DISCOURS VI

LE CRIME DE SEMER LA DISCORDE.


Dieu déteste.... celui qui sème la discorde (celui qui excite‭‭ des querelles‭ entre frères‬‬‬).
(Prov. VI, 19.)

Mes Frères, cette déclaration de l’Esprit Saint que nous venons de vous faire entendre, s’applique d'abord à ceux qui allument la guerre entre les peuples.

C’est à eux sans doute qu’elle convient au plus haut degré; ils en éprouveront un jour la terrible vérité.

Un jour s’élèveront contre eux les gémissements de tous les malheureux qu’ils ont faits;

et la désolation du cultivateur qui voit incendier sa chaumière ou ravager ses moissons,

et l’effroi de l’habitant des cités qui va chercher au loin un asile pour se dérober aux horreurs d’un siège,

et les cris de ces milliers de mourants qui expirent sur un champ de bataille,

et la déchirante angoisse de tant de mères qui les mirent au jour avec douleur.

Elles ne s’adressent pas moins ces paroles redoutables à ceux qui, excitant des troubles civils, brisent le lien social et privent le citoyen paisible de l’appui, du bonheur qu’il croyait trouver sous la protection des lois.

Tôt ou tard s’offrira à leur imagination épouvantée le tableau des maux dont ils sont les auteurs;

et les séparations cruelles,

et les familles chassées de leurs foyers,

et les malades dont ils hâtent la fin,

et les hommes sensibles dont ils détruisent la santé, le repos,

et les enfants au berceau à qui dans le sein maternel ils font trouver un lait empoisonné par de fatales émotions.

Ils répondront sans doute au tribunal suprême de tous les malheurs produits par les chocs violents qu’ils excitent, de tous les crimes enfantés par les passions qu’ils allument ou qu’auraient prévenus les freins qu’ils ont brisés.


Telles sont les considérations puissantes et terribles que je développerais si j'avais à parler aux chefs des nations, si j’élevais ma faible voix au milieu des peuples assemblés. Mais, puisque je m’adresse à une petite société placée loin de ces grandes scènes qui agitent l’univers, loin du foyer qui les produit, j’envisagerai mon texte sous un point de vue particulier.

Je vous parlerai de ceux qui sèment la discorde entre les voisins, les amis, les frères, les époux; de ceux qui troublent l’harmonie de ces relations intimes et tendres, destinées par la Providence à consoler l’homme des peines de la vie, et surtout à lui offrir un doux refuge contre les orages et les malheurs publics.

Puissé-je parler à la conscience puisse mon ministère, accompagné de la grâce toute-puissante du Seigneur, être véritablement aujourd’hui un ministère de réunion et de paix!

Ainsi soit-il.


Dieu déteste celui qui sème la discorde! Et comment ne le détesterait-il pas, puisque les hommes eux-mêmes l’ont en horreur, le regardent comme aussi vil que dangereux, comme un fléau public?

Comment ce Dieu dont la paix et l’amour font le bonheur et l’essence, qui s’appelle lui-même dans l’Écriture le Dieu de charité, le Dieu de la paix, le Père des compassions, l'Éternel abondant en gratuité et en miséricorde; (1 Jean 4, 16; 1Thess. 5, 23; 2 Corinth. 1, 3; Ps. 86, 15)

Ce Dieu qui n’a pas refusé de sacrifier son Fils unique, son Fils bien-aimé, pour donner la paix à d’indignes criminels, à de vils pécheurs, à des ingrats et des rebelles qui ne méritaient que sa colère et son indignation;

Ce Dieu qui nous appelle à partager sa félicité en nous réconciliant avec lui en recevant par la foi le pardon qu’il nous offre et revêtant des dispositions analogues aux siennes, des dispositions d’amour et de charité à l’égard de nos frères;

Ce Dieu qui destina l’homme à vivre en société, afin que son union avec ses semblables doublât ses ressources, embellît sa vie, et le préparât à cette société éternelle où tous les disciples du Christ doivent être réunis, n’être plus qu’un dans le sein de la Divinité;

Ce Dieu qui, avant que son Fils l’eût sanctionné (par son exemple) et en eût fait un commandement suprême avait déjà mis dans le cœur humain ce précepte: Aimez-vous les uns les autres, (Jean 13, 34) et qui dans l’Évangile nous a fait voir comme à l’œil, que c’est sur le soin que nous prendrons de cultiver la paix et de l’entretenir avec nos semblables, de serrer les nœuds qui nous unissent, qu’est fondé notre bonheur ici-bas, aussi bien que notre éternelle félicité,

Comment ce Dieu ne détesterait-il pas celui qui est animé d’un esprit opposé au sien, qui trouble et bouleverse la société; qui, tel qu’un émissaire de son ennemi, cherche à armer les uns contre les autres, à détruire les uns par les autres, ceux qu’il voulait unir et rendre heureux par les liens de l’affection!


Ô vous donc qui semez la discorde! si vous êtes insensibles à l’idée des maux que vous causez et qui vous accableront vous-mêmes tôt ou tard, pourrez-vous les entendre sans effroi ces terribles paroles: DIEU DÉTESTE CELUI QUI SÈME LA DISCORDE?

Résisterez-vous à ce motif pressant?

Soutiendrez-vous la pensée d'être haïs de ce Dieu dont la protection et la faveur vous sont si indispensablement nécessaires?

Ah! si nous déplorons le sort d’un enfant qui est un objet d’indifférence et d’abandon pour les auteurs de ses jours, que serait-ce, Grand Dieu! que serait-ce d’être l'objet d’aversion pour toi!

pour toi, la source unique du bonheur et de la vie!

pour toi, le Père universel des créatures!

pour toi qui remplis l’univers, dont la présence nous environne, qui nous soutiens, qui ne peux retirer ton souffle sans que nous tombions en défaillance!

pour toi, dans le sein duquel est si doux de se jeter, lorsque les créatures nous échappent, et entre les mains de qui nous tomberons un jour nécessairement et d’une manière plus sensible, pour éprouver ta justice ou ta miséricorde!

Il n’est personne, je m’assure, qui ne sente la force, la vérité de ces considérations; et si ceux qui troublent la paix étaient toujours des esprits méchants, capables de se plaire dans la contemplation des maux qu’ils produisent; des âmes cruelles capables de se proposer cet horrible but, des cœurs endurcis qui bravent le châtiment que le Ciel leur prépare, ce crime serait moins commun, et d’ailleurs il serait inutile de s’adresser à de tels hommes; mais souvent et LE PLUS SOUVENT, CEUX QUI SÈMENT LA DISCORDE LE FONT PAR LÉGÈRETÉ, sans prévoir la conséquence de leur conduite, sans même se croire coupables; ils seraient les premiers peut-être à s’attendrir sur les maux qu’ils ont causés, si sous d’autres noms on leur en offrait le tableau.

Il est donc important de les éclairer, de les faire frémir, en leur montrant le terme des démarches qu’ils se permettent sans remords. Il faut leur dire:

C'est vous qui semez la discorde, et leur montrer comment ils la sèment; et voilà ce que je me; propose dans ce discours.

Je dirai donc qu’on sème la discorde:

1° Par des rapports indiscrets,

2° par des conseils violents, 

3° enfin, quoique plus indirectement, par la médisance.

I.


J'ai dit par des rapports indiscrets.

Il est des occasions sans doute où la «religion» permet, ou elle nous fait même un devoir sacré de déclarer le mal qui est venu à notre connaissance sur le compte de quelqu’un.

Ainsi, par exemple:

que ceux qui, dans une paroisse, sont chargés de la fonction respectable de veiller sur les mœurs, révèlent à leur pasteur les désordres qui ont lieu, afin qu’il prévienne le scandale ou le réprime;

qu’un ami averti qu’on tend un piège à son ami le mette en garde contre le péril; qu’il l’informe des bruits désavantageux qui courent sur son compte, afin qu’il se justifie ou qu’il se corrige;

que l’homme de bien qui voit un jeune imprudent former des liaisons dangereuses, s’engager dans des démarches fatales, éclaire ses parents, ses protecteurs, afin qu’ils l’arrachent à cette situation périIleuse et le retiennent dans le sentier de la vertu dont il est prêt à sortir,

c’est ce que demandent la justice, l’honneur, la charité, car le mal que préviennent ceux qui parlent en de pareilles occasions est fort supérieur à celui qu’ils peuvent causer; et même alors, remarquez-le, ils gardent une sage mesure; ILS PARLENT AVEC PRÉCAUTION, avec répugnance; ils voudraient procurer le bien des uns sans nuire à d’autres; ils ne disent que ce qui a rapport à leur but, que ce qu’il est indispensable de dire.

Or je vous le demande, homme léger et inconsidéré, qui vous plaisez à rapporter le mal, est-ce en de telles circonstances que vous le faites?

Est-ce par de pareils motifs, avec une semblable réserve?


Vous avez appris que ce chef de famille a violé la foi conjugale: quel bien, quel avantage peut-il en résulter si vous le révélez?

Il eût réparé peut-être par toute sa conduite ce tort grave, ce crime qu’il se reproche, qu’il est jaloux de dérober au public et surtout à son épouse.

Le vase qui renferme la liqueur empoisonnée est encore scellé, mais VOUS VOULEZ QU’IL EXHALE SON ODEUR INFECTE!

Les vents orageux sont encore renfermés dans la prison qui les contient, mais VOUS VOULEZ QU’ILS SE DÉCHAÎNENT!

Emporté par je ne sais quel plaisir frivole, barbare, auquel cependant l’homme n’est que trop enclin emporté par le plaisir d’annoncer de fâcheuses nouvelles, d’exciter de vives émotions et d'en être le témoin, VOUS N’ÊTES PAS CONTENT QUE VOUS N’AYEZ DÉVOILÉ CE HONTEUX MYSTÈRE!

Et à qui Grand Dieu!

À cette épouse qui serait si intéressée à l’ignorer toujours.

Il faut, pour vous soulager du fardeau qui vous pèse, que vous l'éclairiez sur son malheur, que vous détruisiez en elle cette sécurité fondée sur l’estime, qui une fois altérée ne peut renaître!

Il faut que vous la voyiez noyée dans ses larmes, abîmée dans sa douleur, que vous excitiez dans son âme le ressentiment et l’indignation contre le père de ses enfants, contre celui qu’elle estimait, qu’elle chérissait il y a peu d’instants! AINSI VOUS AVEZ SEMÉ LA DISCORDE.


Vous avez appris que dans cette famille, qui jouit d’une bonne réputation et où l’union a toujours régné, séduit par l’ambition, un frère a tâché d’obtenir sur son frère quelque avantage d’intérêt.

Cette tentative a été infructueuse; celui qui se l’est permise ne l’eût point renouvelée; la sécurité, la droiture de son frère, qui ne l’en soupçonne point, l’en eussent fait rougir. Mais vous éclairez celui-ci sur cette trame qui eût dû rester dans l’ombre.

Dès lors il ne voit plus dans le frère qui lui était cher que l’ennemi de ses intérêts; pour les défendre il va s’armer à son tour; la défiance, qui bannit l’affection et précède la haine, la défiance régnera entre eux pour jamais. VOUS AVEZ SEMÉ LA DISCORDE.


Vous avez appris que cet homme, dans un moment d'humeur et peut-être d’ivresse, s’était permis un propos offensant contre un voisin avec lequel il a bien vécu jusqu'ici.

Ce propos n’eût point eu de suite; celui qui l’a tenu l’a oublié peut-être, ou ne se le rappelle que pour le regretter; mais vous avez soin de le répéter à celui qui en est l’objet.

C’est beaucoup encore si par l’accent, l’air, le geste ou même les expressions, vous n’y mettez pas une force et une intention qui n’y étaient point.

L’orgueil blessé de celui qui tous écoute, le ressentiment qui s’allume dans son cœur, lui exagèrent encore l’injure dont il s'agit et la dénaturent. Le voisin dont il faisait cas n’est plus à ses yeux qu’un homme injuste, dangereux, un ennemi; et peut-être en l'offensant le premier, dès que l’occasion en présentera, il croira ne faire qu’user de représailles. AINSI, VOUS AVEZ SEMÉ LA DISCORDE.


Je pourrais multiplier ces exemples, mes Frères; mais il n’est aucun de vous peut-être qui n’en connaisse plusieurs du même genre. J’ajouterai seulement qu’à la réserve des cas que j’ai exceptés en commençant, celui d’une révélation faite à un pasteur, à un maître, à un ami, à un père; en un mot, d’un avis nécessaire pour prévenir ou arrêter un grand mal, un avis donné par un mouvement de charité et avec toutes les précautions qu’elle inspire, il n’est point de rapport innocent: Le feu s'éteint faute de bois, dit le Sage, et les querelles cesseront quand il n’y aura plus de rapporteur. (Prov. 26, 20)

Et sentez-vous tout ce qu’il y a de bas dans le rôle que joue un tel homme?

Quoi! lui demanderai-je, si vous étiez appelé à déposer devant les juges contre ceux que vous accusez, vous éprouveriez un sentiment pénible; vous parleriez avec réserve, à regret; peut-être de tous ces faits que vous racontez avec assurance, il n’en est aucun qui vous parût assez certain pour l'affirmer sur nos Saints Livres; et ces mêmes hommes, que vous craindriez d’accuser en public pour répondre à une sommation sacrée, vous les accusez volontairement, pour votre satisfaction, non devant des magistrats impartiaux qui pèseraient leurs fautes à la balance de la justice, mais devant des hommes qui les pèseront à la balance du ressentiment! Grand Dieu, quelle inconséquence! quelle lâcheté!


II.



J’ai dit qu’on sème la discorde par des conseils violents.

Il est des circonstances, je le sais, qui demandent un parti extrême. Il s'agit de rompre une liaison funeste pour les moeurs, de bannir d’une maison une personne qui abuse de la confiance qu’on a en elle et qui peut nuire essentiellement aux intérêts de la famille.

Celui qui est consulté dans cette occasion, ou que sa position appelle à donner conseil, doit ouvrir cet avis s’il le juge nécessaire; mais que ce soit la justice impartiale et la vertu qui prononcent, et non la légèreté, la malignité, ou cette honteuse complaisance qui, pour faire mieux sa cour, flatte bassement les passions.

Que la compassion, que la charité, qu’une charité ingénieuse, cherche encore à adoucir ce que le devoir qu’on remplit a de rigoureux; qu’elle vous dirige dans les ordres ou dans les conseils que vous donnez, de manière que vous rendiez service sans décrier et diffamer personne; de manière qu’il soit évident que vous plaignez et que vous voudriez corriger le méchant, lors même qu’il faut l’écarter ou le punir.

Que voyons-nous cependant tous les jours, mes chers Frères:


Il survient un refroidissement, une querelle entre deux personnes qui soutenaient ensemble quelque relation d'amitié ou de parenté: il semble, hélas! que tous ceux qui les approchent se plaisent à envenimer la blessure.

«Après tout ce que vous avez fait pour lui, comment a-t-il pu se conduire ainsi il connaissait votre sensibilité; il savait combien il vous offensait par là. Vous lui avez trop souvent pardonné; c’est votre indulgence qui l’enhardit. Ce serait manquer à l’honneur d’oublier une telle injure. À votre place, je ne le reverrais pas; il saurait qu’il n’a plus rien à attendre de moi; j’agirais envers lui comme il le mérite, et je le ferais repentir de ses indignes procédés....»

Ainsi parlent ceux-là même à qui on ne demande point conseil, cette foule d’esprits inquiets, curieux, pleins d’imprudence et d’indiscrétion, QUI AIMENT À SE MÊLER DE TOUT, qui font les empressés sur des objets qui ne les regardent point, et dans des occasions où l’on n’a besoin ni de leurs réflexions ni de leur entremise; QUI AUJOURD’HUI VOUS PARLERONT CONTRE VOTRE PROCHAIN sous prétexte d’amitié pour vous, et qui DEMAIN PARLERONT CONTRE VOUS sous prétexte d’attachement pour un autre.

Ainsi on enfonce plus avant le trait dans le cœur de l’offensé;

on met en lumière ce qu’il y a de plus amer dans l’outrage qu’il a reçu;

on compromet son amour-propre;

on intéresse sa fermeté.

Après la première explosion du ressentiment, le moment serait venu où la tendresse aurait repris ses droits, où le cœur aurait éprouvé le besoin de pardonner; MAIS il est armé contre cette douce impulsion par le souvenir des conseils qu’il a reçus; il voit son injure dans l’opinion de ceux qui la lui ont exagérée; il se croit lié par les déclarations violentes auxquelles il a été conduit; il n’oserait se relâcher de ses projets de vengeance; il craindrait de passer pour faible et inconséquent.

L’homme violent, dit l’Écriture, séduit son prochain, et le mène par une voie qui n'est pas bonne. (Prov. 16, 29)

Ah! que celui dont on a blessé l’orgueil ou la sensibilité sente la colère ou l’amertume passer dans son âme, cela n’est hélas! Que trop dans la nature corrompue; mais vous qui l'entourez et qui n’êtes que spectateurs dans cette affaire, vous qui n’y avez d’autre intérêt que celui de la charité qui devrait vous animer:


QUEL PLAISIR CRUEL PRENEZ-VOUS

À SOUFFLER LE FEU DE LA DISCORDE?

Insensés! n’est-ce donc pas assez que nos propres passions nous égarent? Faut-il encore que nous épousions celles de nos frères pour perdre et nous perdre avec eux?



III.



On sème la discorde par la médisance.

Oui, mes Frères; la médisance qui, sous quelque rapport qu’on l’envisage, est un des fléaux de la société, l’est encore sous ce point de vue particulier: ELLE SÈME LA DISCORDE.

Oui, toutes les fois qu’au milieu de quelques personnes VOUS PARLEZ AU DÉSAVANTAGE D’UN ABSENT, toutes les fois que vous jetez sur lui quelque blâme ou même un peu de ridicule, VOUS SEMEZ LA DISCORDE.

Eh! ne voyez-vous pas que dans le cœur de ceux qui vous écoutent, vous détruisez, vous affaiblissez du moins l’affection, l’estime, la considération qu’ils avoient pour lui?

Bientôt embelli de bouche en bouche, le récit que vous venez de faire deviendra le sujet de quelque rapport fatal contre celui dont vous avez découvert les faiblesses.

Bientôt quelqu’un de ceux qui le connaissent, qui ont avec lui quelque relation, s’en prévaudra pour lui refuser un service, pour lui manquer d’égards ou pour rompre avec lui.

En un mot, tous les traits que votre bouche lance pour faire briller votre esprit, pour amuser ceux qui sont présents et fixer leur attention, tous ces traits sont autant de SEMENCES DE DISCORDE dont aucune ne se perdra; et peut-être, portées par les vents jusque dans l’asile domestique, elles infecteront les cœurs qui devaient être le plus tendrement unis.

Celui qui couvre une faute entretient l’amitié, dit le Sage, mais celui qui la rappelle sème la division entre les meilleurs amis. (Prov. 17, 9)

La langue du médisant dit encore l’Écriture, est un feu, un monde d’iniquité..., elle est pleine d’un venin mortel. (Jacq. 3, 6-8)


Dieu déteste celui qui sème la discorde.

Si cette vérité, mes Frères, est aussi incontestable qu’elle est effrayante, ah! que tous ceux qui adorent l’Être Souverain, tous ceux qui reconnaissent sa Providence, qui attendent son dernier jugement; tous ceux qui comprennent combien il est terrible d’être haïs de Celui par qui nous existons, par qui nous subsistons et qui décidera de notre sort éternel, ah! qu’ils craignent donc de troubler cette paix dont il est le vengeur!

Vous surtout, Chrétiens; vous qui vous plaisez à venir dans le temple du Dieu de paix pour vous réunir à vos frères aussi bien qu’au Seigneur; vous, disciples d’un Sauveur qui fut appelé le Prince de la paix; qui est venu pour conduire nos pas dans le chemin de la paix; (Ésaïe 9, 5/6; Luc 1, 79) à la naissance duquel on entendit les anges proclamer dans les airs cette bonne nouvelle: Paix sur la terre. (Luc 2, 14)

Vous, Chrétiens, serrez dans vos cœurs les réflexions que vous venez d'entendre. Mettez une garde sur vos lèvres; qu'elles ne laissent jamais échapper aucun de ces rapports dangereux, de ces conseils violents, de CES MÉDISANCES INCONSIDÉRÉES QUI SÈMENT LA DISCORDE.

Mais ce ne serait pas assez sans doute de craindre d'être haïs du Dieu que vous servez; il faut, il faut vous attacher à lui plaire, à vous assurer sa faveur, en faisant ce qui lui est agréable.


CE N'EST POINT ASSEZ DE NE PAS SEMER LA DISCORDE;

IL FAUT ENCORE SEMER LA PAIX,


Vous avez lu dans nos Évangiles ces paroles si touchantes: Jésus allait de lieu en lieu faisant du bien. (Actes 10, 38)

On a dit que l'homme bienfaisant était son imitateur; on peut le dire encore de l'ami de la paix, de celui qui aime la paix, parce qu'il veut imiter son Dieu, son Sauveur, Celui qui l’a racheté et qui a rétabli en lui son image.

Partout où se trouve un tel homme, partout où il porte ses pas, il s’efforce d’y faire régner la paix.

Se trouve-t-il dans une compagnie où l’on médit de quelqu’un?

Il prend, hautement sa défense; il plaide sa cause avec chaleur; aux défauts qu’on lui reproche il oppose ses bonnes qualités; il le justifie ou l’excuse.

Ainsi il déconcerte, il arrête le médisant; il prévient ou il efface les impressions sinistres; il guérit la blessure; IL SÈME LA PAIX. 

Assiste-t-il à un repas où, pour un sujet léger peut-être, la conversation s’échauffe entre deux personnes, qui vont faire succéder les propos injurieux au feu des regards, à l’emportement de la voix et du geste?

Il se hâte de les réunir dans une opinion commune ou de leur montrer qu’ils diffèrent moins qu’ils ne pensaient: il leur fait envisager ce qui les divisait comme un malentendu: il les satisfait l’un et l’autre en applaudissant à ce qu’il y avait de fondé dans leurs prétentions: IL SÈME LA PAIX.

Ailleurs je le vois recevant les plaintes d’un enfant aigri par quelque peine qu’on lui a infligée, et dont le cœur est prêt à se révolter contre une autorité qui lui paraît trop dure.

Il lui rappelle tous les bienfaits, toutes les marques de tendresse qu’il a reçues des auteurs de ses jours; il lui explique par cette tendresse même les motifs de leur conduite; il lui apprend à respecter jusqu'à leurs rigueurs; IL SÈME LA PAIX.

Ici c’est un père, un protecteur, un supérieur, irrité par une faute susceptible d’excuse.

Il l’adoucit, en peignant cette faute avec les couleurs de la charité; il répond du cœur de celui qui l’a commise; il émeut en sa faveur la compassion ou l’amour de celui auquel il s’adresse; IL SÈME LA PAIX.

Dans un autre lieu, ce sont des parents qui, sans se haïr peut-être, emportés par l’humeur ou par quelque saillie d’un tempérament fougueux, sont prêts à se livrer à des scènes d’éclat.

Il les effraie par l’idée du scandale qui résultera de leur division et dont chacun d’eux partagera la flétrissure; il leur trace le sombre tableau des divisions domestiques; il oppose à cette peinture celle du bonheur que goûtent des parents bien unis; il réveille au fond de leur âme cette voix de la nature qu’une bouchée sensible n’invoque jamais en vain; et dans tous les cas il en appelle à l’Évangile; et l’Évangile à la main, il prouve qu’on n’est pas disciple de Jésus si l’on ne fait pas ce qu’il a fait, si l’on n’est pas plein de bonté et de compassion, toujours disposé à pardonner, à supporter, à se revêtir des entrailles de miséricorde, de douceur et de patience. C’EST AINSI QU’IL SÈME LA PAIX.

Et s’il met tant de soin et d’ardeur à la faire régner entre les autres hommes, il n’en mettra pas moins sans doute pour être lui-même en paix avec tous les hommes, s’il est possible, et autant que cela dépend de lui. (Rom. 12, 18)

Vous le verrez attentif à ne blesser personne, et toujours disposé à ne point s’offenser des torts d'autrui; empressé, dès qu’il lui souvient que son frère a quelque chose contre lui, à tout essayer pour se réconcilier avec son frère, (Matth. 5, 23-24) prompt à prévenir les autres par honnêteté, humble et modeste; prudent comme le serpent et simple comme la colombe; (Matth. 10, 16) observant avec soin les règles de la bienséance et de la charité; toujours complaisant, toujours prêt à rendre les services que permettent l’honneur et la «religion»:


RIEN NE LUI COÛTE POUR JOUIR DE LA PAIX

ET POUR EN FAIRE JOUIR SES SEMBLABLES.


Ainsi, Seigneur, le soleil ne se couche jamais sans qu’il ait cherché à rapprocher quelques cœurs, sans qu’il t’ait offert quelqu’un de ces sacrifices auxquels tu prends plaisir.

Heureux, oui, heureux un tel homme! Heureux! dit l’Écriture, ceux qui procurent la paix, car ils sont enfants de Dieu. (Matth. 5, 9) Oui, ils sont; ils ont avec lui tout le rapport, toute la ressemblance que des êtres bornés comme nous peuvent avoir avec le premier et le plus grand des êtres; que de chétives créatures peuvent avoir avec leur Créateur.

Ils lui ressemblent par le trait, si j’ose le dire, qui nous rend Dieu le plus aimable; par lequel il aime lui-même se présenter à nous, lequel enfin ses adorables perfections brillent Ie plus à nos yeux.

Ils sont enfants de Dieu, car ils ont fait de grands progrès dans la sainteté; ils sont parvenus à une sorte de perfection; l’amour qu’ils ont pour la paix suppose en eux les vertus les plus pures et... les plus évangéliques.

Ils ont cette sagesse qui vient d'en haut, qui est pure, paisible, modérée, pleine de miséricorde et de bons fruits. (Jacq. 3, 17) Ils sont enfants de Dieu! quelle gloire! quel bonheur! quelle admirable prérogative!

Dès ici-bas ils ont communion avec Dieu, et le sang de Jésus-Christ son Fils les purifie de tout péché. (1Jean 1, 7) Assurés de sa faveur, pleins du sentiment de leur adoption, ils jouissent de la paix de l’âme, du droit à la vie bienheuse sont héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ. Scellés du Saint-Esprit pour le jour de la rédemption, (Rom. 8, 17; Eph. 4, 30) ils ont tout, les joies pures et véritables de la vie présente et les arrhes, les prémices de la vie à venir.

Tout est à eux, (1 Cor. 3, 22) puisqu'ils sont les enfants et les héritiers de Celui qui peut tout donner.


Mes Frères, ce tableau de l’homme pacifique, cette faible peinture de son bonheur et de ses prérogatives, ne suffit-il pas pour vous intéresser et vous émouvoir?

Ne sentez-vous pas qu’il n’est point de caractère plus aimable, plus vertueux, plus véritablement chrétien, que celui de l’ami de la paix?

La paix! ce nom seul ne suffit-il pas pour remuer le cœur?

Paix entre les peuples! Quels soupirs poussés du fond du cœur, quels vœux ardents, la demandent à l’Arbitre des évènements! quels transports signaleraient l’instant où elle serait proclamée! quels cris de joie retentiraient d’un bout du monde à l'autre et feraient monter son nom jusqu’au ciel!


La paix intérieure, Chrétiens, est un bien plus en notre pouvoir; la paix intérieure, la paix domestiquée, la paix sociale, est un en plus précieux encore et plus nécessaire. C’est elle, je vous le disais en commençant ce discours, c’est elle qui fait le charme de ces relations intimes et tendres que la Providence a destinées à nous soutenir dans les orages publics, dans les malheurs particuliers, comme le roseau ébranlé par les vents furieux, trouve un appui dans l’arbuste placé près de lui.

Chérissons-la cette paix, Chrétiens; faisons-la régner et dans nos demeures et dans nos relations et dans nos hameaux; qu’elle nous unisse les uns aux autres, et tous ensemble à notre Père commun.

Rapprochés par tant de circonstances, ne sommes-nous pas une même famille; et dans ces années où nous avons éprouvé les mêmes craintes, traversé les mêmes crises, vu passer les mêmes orages sur nos têtes, n’avons-nous pas goûté de la consolation dans l’idée que nous étions tous animés du même esprit?


Serrons toujours davantage les nœuds qui nous lient.

Que notre ambition soit de bannir du milieu de nous les débats, les querelles, tout ce qui en est la source, toute aigreur, toute animosité, toute colère, toute crierie, toute médisance, toute malice, (Eph. 4, 31) et de rendre notre union toujours plus parfaite.

Que notre ambition soit de mériter ce beau témoignage rendu aux premiers chrétiens (Actes 4, 32):


ILS N'ÉTAIENT QU'UN CŒUR ET QU'UNE ÂME.


Ainsi par la paix nous nous consolerons, nous nous soutiendrons les uns les autres; nous adoucirons, nous charmerons les maux de la vie, jusqu’à ce moment solennel où ceux qui l’auront aimée sur la terre seront transportés dans le séjour de l’éternelle paix. Dieu nous en fasse à tous la grâce.

Amen!



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