Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NOUVEAUX DISCOURS FAMILIERS

D’UN PASTEUR DE CAMPAGNE.

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DISCOURS IV

LE REPOS DE L'ÂME.


Assure-toi en l'Éternel et fais ce qui est bon. (Ps. XXXVII, 3)

Confie‭‭-toi en l’Éternel, et pratique‭‭ le bien‬‬‬‬ (V.S)

Un des traits principaux de l'homme qui n’est pas véritablement converti, c’est l’inquiétude et l’agitation. On serait tenté de croire que c’est un mal attaché à notre condition présente aussi bien que les infirmités, les besoins, les maladies.

Il semble que cette inquiétude, qui vient empoisonner notre existence, s’annonce dès les premiers jours de la vie; on en aperçoit quelques signes au milieu des jeux et du sommeil de l'enfant; elle trouble souvent par ses anxiétés, les beaux jours du jeune homme; elle imprime ses traces sur le front de l’homme fait, et d'ordinaire elle consume le vieillard.

Misérables enfants d’Adam, si faibles, si fragiles, si sensibles, exposés dans la nature et la société à tant de maux divers contre lesquels nous sommes presque sans défense, et qui tombent sur nous quand nous les attendons le moins, comment goûter quelque sécurité? Comment nous mettre à l’abri de la crainte et des alarmes?


Ce secret de la tranquillité et du bonheur, si désirable pour l’homme, fut dans tous les temps l’objet des vœux et de la recherche des sages; mais il ne leur était pas donné de le découvrir.

La paix est un bien étrange à notre nature; l’homme ne saurait l’acquérir qu’en revenant, qu’en s’attachant au Grand Être dont elle fait l'essence, et par le moyen du Rédempteur qui nous a réconciliés avec lui.

Oui, il n’appartient qu’à la «religion» et à la «religion» de Jésus, de nous faire connaître les moyens d’y parvenir.

Notre texte nous les enseigne en peu de mots: Assure-toi en l'Éternel et fais ce qui est bon. Ainsi la tranquillité véritable se compose de deux éléments;

1° la confiance «religieuse», fruit de la foi qui non seulement nous justifie, mais aussi nous fait attendre du Seigneur toutes les grâces convenables à nos vrais intérêts, délivrance ou secours, succès ou consolation: Assure-toi en l’Éternel;

2° la sagesse, qui comprend la prudence et ta fidélité: Fais ce qui est bon.


Voilà les conditions de la paix de l’âme, toutes deux également nécessaires.

La confiance séparée de la prudence ou de la fidélité est présomption, témérité, folie.

La prudence sans la piété n’est qu’une fausse sagesse qui ne peut donner le calme à notre cœur, parce qu’elle ne lui présente aucune caution suffisante de bonheur et de sûreté.

La vertu même sans la confiance, oui, la vertu sincère, mais imparfaite, qui n’élève point notre cœur assez haut pour le déprendre des choses terrestres et le soumettre au Tout-Puissant par la confiance et la résignation, une telle vertu ne peut donner qu'une tranquillité faible et imparfaite comme elle.

Confiance «religieuse» et sagesse, il faut donc réunir ces deux choses: Assure-toi en l'Éternel et fais ce qui est bon.

Ces paroles sont si frappantes de vérité, qu’il est impossible de disputer sur les principes qu’elles établissent; mais en morale tomber d’accord sur une maxime, ce n'est pas faire assez. Ce froid assentiment que l'esprit ne peut refuser, nous avance peu dans la route; IL FAUT SE FAIRE L’APPLICATION DE CETTE MAXIME; il faut se la rendre propre; il but la mettre en action dans notre conduite.

Venez donc, Chrétiens, venez méditer la belle leçon que le Seigneur nous donne aujourd’hui par son prophète.

Venez vous juger sur elle;

venez apprendre à la suivre désormais, si vous ne l'avez pas fait jusqu'à cette heure; et Dieu veuille que ce soit pour chacun de nous le fruit de ce discours

Ainsi soit-il.


* * *


Pourquoi faut-il, mes Frères, qu’un moyen si noble et si certain de goûter la paix, un moyen si bien d’accord avec notre raison, notre conscience, notre cœur, qu’on ne l'entend point énoncer sans l’accompagner pour ainsi dire, d’une secrète approbation, pourvoi faut-il qu’un tel moyen soit si peu mis en usage?

Hélas! beaucoup d’hommes ne suivent ce précepte qu’en partie. Quelques-uns ne le suivent point du tout. Ces derniers, également étrangers à la confiance «religieuse» et à la vertu chrétienne, négligent ces deux devoirs; ils ne s’assurent point sur l'Éternel et ils ne font point ce qui est bon.

Non moins insensés qu’impies, ils pensent faire eux seuls leur propre sort; ILS NE COMPTENT QUE SUR EUX-MÊMES; ils n’ont en quelque sorte point notre Dieu, et ils ne connaissent d’autre prudence que l’intérêt ou le plaisir présent qui les entraîne, d’autre guide que leurs passions.

Infortunés, quel avenir ils se préparent! conduite imprévoyante appelle les revers, et comment les soutiendront-ils?

Où trouveront-ils seulement la force de les envisager?

Il n’y a dans leur âme aucun principe restaurant et consolateur qui puisse adoucir pour eux les perplexités de l’attente, qui puisse émousser les traits de l’inquiétude.

Chaque malheur est pour eux la menace et le présage d’un malheur nouveau.

Ils n’aperçoivent point Celui qui règne dans les cieux et tient dans sa main leur destinée; ils se voient livrés à tous les bouleversements que le hasard peut opérer, à tout ce qui peut résulter de ses chances inconnues et des mouvements désordonnés qu’excitent les passions humaines.


S’ils reconnaissent un Dieu, la pensée de ce Dieu avec lequel ils ne sont point en paix, auprès duquel ils ne cherchent point un Médiateur, un Sauveur; la pensée de ce Dieu qu’ils négligent, qu’ils offensent, loin de les rassurer, doit accroître leur trouble; sa gloire est intéressée à les punir. Ils croient et ils tremblent comme les habitants de l’abîme...

Mais je dois supposer que de tels hommes ne viennent point dans nos temples; ce n’est point à eux que je m’adresse.

Je m’adresse à ceux qui, faisant profession d'être adorateurs de Dieu, disciples de Jésus, ne remplissent pas en entier le devoir que ces beaux titres leur imposent, ne suivent qu’en partie la maxime du Roi-Prophète; à ceux qui n’ont point pour le Maître du monde la confiance qu’ils lui doivent, ou qui ne tiennent pas la conduite qui seule peut justifier cette confiance; à ceux en un mot qui montrent de la confiance sans sagesse ou de la sagesse sans confiance.



I.


Je dis d’abord de la confiance sans sagesse.

Cette classe d’hommes a des principes dignes d’éloges; ils semblent pénétrés du sentiment qu’exprimait David dans ces belles paroles: Éternel, toutes les créatures s'attendent à toi!  (Ps. 104, 27)

Ils sentent qu'il n’est de repos pour l’homme que dans ces grandes pensées: Dieu n'est jamais loin de chacun de nous; sa gratuité demeure à toujours; il n'abandonnera point l'œuvre de ses mains. Il a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croirait en lui ne périt point, mais qu'il eût la vie éternelle. (Ps. 138, 8; Jean 3, 16)

Voilà les pensées qu’ils aiment rappeler dans leurs discours et sur lesquelles ils se reposent dans leurs inquiétudes,

Mais en comptant sur cette bonté céleste, ILS OUBLIENT QU’ELLE N’EST PROMISE QU’À LA FIDÉLITÉ.

Des mêmes compassions dont un père est ému envers ses enfants, nous dit l’Écriture, l'Éternel est ému envers ceux qui le craignent. Toutes choses tournent au bien de ceux qui aiment Dieu. Les yeux de l'Éternel sont sur les justes et ses oreilles sont attentives à leurs cris. (Ps. 103,13; 34, 15/16; Rom. 8, 28)

Quoi de plus tendre et de plus rassurant que ces déclarations?


Mais à qui s’appliquent-elles?

À ceux qui craignent l'Éternel;

À ceux qui l’aiment; aux justes uniquement.


Quant aux hommes dont la vie n’est pas conforme aux lois du Souverain, il les fait servir sans doute à ses desseins adorables comme toutes les créatures; mais il n’est dit nulle part qu’il prenne de leur sort un soin particulier.

JÉSUS NOUS APPREND QU’IL NE CONNAÎT POINT CEUX QUI LUI DISENT: Seigneur, Seigneur! et qui ne font pas la volonté de son Père qui est aux cieux. (Matth. 7, 21)

Je sais bien, misérables pécheurs que nous sommes! je sais que si pour reposer son cœur sur la Providence il fallait une fidélité parfaite, une vertu sans tache, cette doctrine consolante ne serait propre à aucun de nous.

Convenons cependant que pour envisager le Très-Haut comme notre Père, il faut, maIgré nos imperfections et nos faiblesses, trouver en nous les traits qui distinguent ses enfants; il faut y trouver ces vertus fondamentales qui sont la livrée du chrétien, la foi, la piété, la justice, la charité.

Si nous manquons à ces devoirs premiers et principaux, de l'infraction desquels Dieu s’est déclaré le vengeur, notre confiance ne serrait-elle pas une témérité audacieuse plus propre à l'irriter qu’à l’intéresser en notre faveur?


  Cet homme compte sur la Providence pour éloigner les maux qui le menacent et le guider à travers les écueils de la vie; MAIS QUE FAIT-IL À SON TOUR POUR LE DIEU SUR LEQUEL IL OSE S’ASSURER?

Lui rend-il grâces pour les biens dont il a joui?

L’invoque-t-il dans sa demeure au milieu des siens?

Apprend-il à ses enfants à le bénir, à l’honorer?

Leur fait-il connaître sa loi?

Voilà ce qui plaît au Seigneur, voilà le trait qu’il releva jadis chez Abraham: Je le connais; je sais qu'il commandera à ses enfants de garder la voie de l’Éternel. (Ge. 18, 19)

Se rend-il avec eux dans la maison du Seigneur?

Observateur religieux du sabbat, suspend-il alors tout ce qui ne s'accorderait pas avec la grande destination de ce jour sacré?

Non, mes Frères; s’il remplit ces devoirs quelquefois, c’est par intervalles; c’est sans régularité, sans suite, sans ferveur, sans y tenir réellement; c’est quand rien ne s’y oppose, quand il ne lui en coûte aucun sacrifice.

IL SANCTIFIE LE DIMANCHE QUAND IL N’A RIEN DE MIEUX À FAIRE; mais si les affaires, ou les plaisirs se trouvent en concurrence avec le commandement de Dieu, ce sont eux qui l’emportent et sans nulle résistance.

Il favorise l’instruction de ses fils quand il n’a pas besoin de leurs services, mais s’il trouve à les retenir près de lui le moindre profit, le moindre avantage, il les prive de nos leçons sans scrupule, fût-ce même dans le jour du Seigneur.

Voilà comme il en use avec ce Dieu sur lequel il se repose, et qui lui dit dans sa loi: Que vous ferai-je? Vos fils m'ont abandonné. (Jér. 5, 7) II se flatte de trouver en lui un Protecteur fidèle à le défendre, tandis que lui-même est si peu fidèle à le servir!


Un autre se montre plus soigneux à remplir les devoirs de la piété, MAIS IL SE PERMET DE FAIRE BRÈCHE À CEUX DE LA JUSTICE.

Il fait tort à son frère dans une discussion d’intérêt; il le trompe dans un marché; la flamme de ses foyers est alimentée par les forêts d'autrui; dans l'obscurité des nuits il fait conduire ses troupeaux en des pâturages étrangers, et forçant ses enfants, ses serviteurs, à devenir ses complices; corrupteur de ceux dont il devrait préserver, former la jeunesse, il ne craint pas de les envoyer recueillir où ils n'ont point semé. (Matth. 25, 24)

Cependant, vous l’entendez aussi parler du secours de Dieu, de sa grâce, de sa miséricorde, comme s’il pouvait y compter avec une pleine assurance. IL OUBLIE QUE DIEU DÉTESTE L’OMBRE MÊME DE L’INJUSTICE, que sa bénédiction ne peut descendre sur la maison qui renferme l’interdit, et qu’il a dit de cette maison: Ma malédiction y entrera pour la consumer. (Zach. 5, 4)

Un troisième est plus régulier dans ses mœurs, MAIS ON N’APERÇOIT POINT CHEZ LUI CETTE CHARITÉ À LAQUELLE JÉSUS RECONNAÎTRA SES DISCIPLES.

Les besoins de ceux qui l’entourent n’excitent jamais ses sollicitudes; leurs privations et leur détresse ne troublent point son repos; il n’imagine point devoir pour eux se priver de quelque chose; et lors même que Dieu l’a béni le plus abondamment, la part de l’infortuné n’entre pour rien dans ses dépenses, dans l’emploi de son superflu.

Cependant, tandis qu’il refuse un léger secours à Jésus qui l’implore dans la personne du malheureux, il ose se croire sous la garde spéciale de la Providence! il ose compter sur la protection de ce Jésus qui lui dira au dernier jour: J’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger! Retirez-vous de moi, vous qui faites des œuvres d’iniquité. (Matth. 25, 42; 7, 23)

D’autres sont moins coupables; ils n’offrent point le monstrueux assemblage d'un sentiment qui ne sied qu’aux enfants de Dieu avec des vices qui ne sauraient se trouver dans leur cœur; MAIS SI LEUR ÂME EST PLUS SAINE, LEUR JUGEMENT N’EST PAS PLUS DROIT.

Cette confiance que l’Écriture nous présente comme un soutien qui doit nous fortifier, animer nos efforts, leur semble une dispense d’en faire aucun, un motif d’indolence et de langueur; ils se déchargent sur Dieu, je ne dis pas des inquiétudes inutiles, mais de la plus juste prévoyance et des mesures même les plus nécessaires.

Dieu y pourvoira, disent-ils, je m’en remets à lui; et ils restent dans l’inaction, sans rien faire pour parer le mal qu’ils ont à craindre ou pour se procurer le bien auquel ils aspirent!

«Votre attente, leur dirai-je, sera trompée; n’attendez point de Dieu ce qu’il ne vous a point promis. Il donne eux animaux leur pâture; il nourrit les oiseaux du ciel, quoiqu’ils ne sèment ni ne moissonnent (Ps. 104, 27; Matth. 6,26), mais il en use autrement avec l’homme qu’il a doué de force et d’intelligence.

Dieu qui agit sans cesse, (Jean 5, 17) veut que nous soyons ses imitateurs, que nous soyons ouvriers avec lui. (1 Corinth. 3, 9; 2 Corinth. 6, 1) Il veut que nous déployions nos efforts, nos talents, notre industrie, notre prudence. Aidez-vous, et il vous aidera.»

Vous, mon cher Frère, vous espérez qu’il préservera vos enfants des ravages d’une maladie funeste et redoutable; vous dites: Je les mets sous sa garde. Mais si vous négligez d’employer un préservatif dont l’expérience a démontré avec certitude l’efficacité, et que sa Providence elle-même vous présente, POURQUOI LES SAUVERAIT-IL MALGRÉ VOUS?


Faites ce que vous pouvez faire:

prenez les mesures que dicte la sagesse;

alors vous pourrez compter sur son secours.


Vous attendez de lui les saisons fertiles: vous espérez qu’il bénira vos champs et leur fera porter des fruits en leur saison. (Ps. 1, 3) Mais si vous négligez de détruire ces insectes ennemis qui les dévorent, de donner à la terre cette culture profonde et vigoureuse qui la féconde, ou de choisir pour vos travaux ce moment favorable qui souvent décide du succès, ou bien enfin de cultiver les plantes les plus convenables au sol, au climat, et les moins exposées aux fléaux destructeurs; SI VOUS METTEZ DE L’INSOUCIANCE EN TOUTES CES CHOSES, POURQUOI LA PROVIDENCE PRENDRAIT-ELLE À VOS BIENS PLUS D’INTÉRÊT QUE VOUS-MÊMES?


Faites ce qui dépend de vous:

prenez les mesures que dicte la sagesse;

alors vous pourrez compter sur son secours.


Vous vous flattez qu’elle vous suscitera des protecteurs, et fera naître pour vous une occasion favorable de procurer du pain à vos enfants. Mais si vous négligez les procédés, les démarches, la conduite, qui peuvent disposer en votre faveur les hommes bienfaisants qui sont au milieu de nous; si vous ne savez pas vous montrer reconnaissants de ce qu’ils ont déjà fait; si tandis que d’autres, actifs, empressés, cherchent à placer leurs enfants, s’offrent eux-mêmes aux propriétaires, demandent d’être occupés, et ne se refusent à aucun genre de travail honnête, vous restez dans vos maisons, attendant qu’on vienne vous chercher; SI VOUS AIMEZ MIEUX DEMEURER OISIFS QUE FAIRE UN PETIT GAIN, ou vous soumettre à une occupation qui vous paraît pénible, pourquoi la Providence prendrait-elle de vous un soin que vous ne voulez pas prendre?


Faites d’abord ce qui est en vous:

prenez les mesures que dicte la sagesse;

alors vous pourrez compter sur son secours.


Ne l'oubliez jamais; le Dieu de l’Évangile est en même temps le Dieu de la nature. C’est lui qui par des vues infiniment sages a voulu que d’ordinaire le succès accompagnât le travail, la prudence, l’industrie; que le sage jouît de sa sagesse; que la main du diligent l’enrichit. (Prov. 10, 4)

Si nous ne faisons rien pour nous-mêmes, il se peut que ce Dieu dont la bonté est infinie, nous épargne les maux que provoque notre inertie, mais nous n’avons aucun droit d’y compter.

Il est probable qu'il ne changera point pour nous l’ordre établi par lui-même, qu’il n’arrêtera point le cours accoutumé des choses, qu’il ne déduira point l’enchaînement naturel des effets et des causes, et ne fera point des miracles pour nous épargner des efforts:

SES PERFECTIONS SONT INTÉRESSÉES À NE PAS FAVORISER LA PARESSE, L’INSOUCIANCE ET LA TÉMÉRITÉ.



II.


Mais, s’il est des hommes qui ne peuvent pas compter sur la Providence parce qu’ils manquent de sagesse, qui dès lors n’ont qu’une fausse paix qu’on voit bientôt s’évanouir et faire place aux mécomptes, au trouble, aux soucis cruels; il en est aussi qui, tout en montrant UNE SORTE DE SAGESSE, ne se confient point en la Providence, et sont par là même plus éloignés encore de la véritable paix.

Ils passent pour habiles, et en effet ils prennent des mesures bien concertées pour le succès de leurs entreprises; aucun travail ne les rebute; ils n’oublient aucune précaution, mais leur propre sagesse leur est un piège: Ils encensent à leurs filets, (Hab. 1, 16) suivant l’expression de l’Écriture. Uniquement frappés de cet enchaînement des choses humaines sur lesquelles ils fixent leurs regards, ils ne portent point les yeux plus haut; la croyance en un Dieu qui dirige l’univers et tient les événements en sa main, n’est pour eux qu’une froide théorie dont ils font peu d’usage, à laquelle ils donnent peu d’attention.

On dirait qu’ils n’ont jamais lu ces déclarations si formelles de l’Écriture:

Paul plante, Apollos arrose; mais c'est Dieu qui donne l'accroissement.

Si l'Éternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent y travaillent en vain:

Si l'Éternel ne garde la ville, celui qui la garde fait le guet en vain.

C’est en vain que vous vous levez matin, que vous vous couchez tard, et que vous mangez Ie pain de douleurs:

C’est Dieu qui donne du repos à celui qu’il aime! (1 Corinth. 3, 6; Ps. 127, 1-3)

Hélas! voilà ce qu’ils oublient; ils ne pensent qu’à l’homme, qu’au bras de la chair; ils se confient uniquement dans la bonté de leurs mesures; ils n’ont qu'une prudence tout humaine.

Ai-je besoin de vous prouver qu’ils ne sauraient goûter la tranquillité?

Sages insensés du siècle, ils sont plus à plaindre que l’homme imprévoyant qui se repose sur Dieu, injustement je l’avoue, mais qui goûte pourtant, du moins en partie, le bonheur de cette confiance unique en son espèce comme en ses douceurs.

Leur esprit est sans cesse tendu pour combiner les circonstances dont le succès peut dépendre pour pénétrer les secrets ressorts des évènements, pour en tirer un parti plus avantageux. Ils sont occupés sans cesse à tendre des fils pour s’assujettir tous les objets dont ils ont besoin; et lorsqu’une secousse, un coup de vent, vient ébranler, briser cette fragile trame, les voilà troublés, éperdus; ils sont sans consolation, sans appui dans leurs alarmes.

«Eh quoi! Pauvres humains, au milieu de ces nuits agitées où la douleur, l’inquiétude, éloignaient le sommeil de vos yeux, vous n’avez jamais goûté le charme de reposer votre âme tremblante dans le sein d’un Père, dans le sein du Dieu Tout-Puissant et Tout-Bon! Vous n’avez jamais senti le calme que donne cette pensée: Je suis dans les mains de mon Dieu.

Tout ce qui vient de lui est un bienfait. Justifié par la foi, j’ai la paix avec lui. (Rom. 5, 1) Vous avez souffert; vous avez connu l’angoisse, l’affliction, et vous étiez seuls! Ah! que je vous plains!

Ainsi vous naviguez sans ancre et sans boussole sur l’océan des misères humaines, portés dans une frêle nacelle que l’eau pénètre de toutes parts. Vous n’avez pour vous rassurer que cette sagesse bornée, cette sagesse à courte vue, qui n’aperçoit que l’apparence des choses, qui ne vous a préservés d’aucune peine, qui ne vous garantira pas mieux à l’avenir que dans le passé, qui ne peut vous répondre d’un seul jour, d’une heure de paix, qui au moment de la mort, vous laissera sans ressource, sans ami qui puisse vous introduire dans les demeures éternelles. (Luc 16, 9)

J’en appelle à votre cœur; répondez-moi.

N’avez-vous jamais senti le besoin d’un autre appui, d'un défenseur plus puissant, et résisterez-vous au mouvement qui vous porte à le chercher? Résisterez-vous à cette invitation de sa tendresse: Déchargez-vous sur Dieu de tout ce qui peut vous inquiéter, car lui-même prend soin de vous. (1 Pierre 5, 7)

«Assure-toi en l'Éternel, et fais ce qui est bon?»

Auprès de ces hommes j’en aperçois d'autres qui sont plus réellement sages et plus fidèles. Ils mettent du prix aux ressources de la piété; ils s’attachent à suivre les devoirs qu’elle impose: ils font entrer Dieu pour beaucoup dans leur vie: ils vont à lui par Jésus-Christ: ils sembleraient faits pour connaître le bonheur de la confiance «religieuse». Cependant, ô misère de la nature, LEUR PIÉTÉ NE LES MET PAS TOUJOURS À L’ABRI DE LA CRAINTE ET DE L’AGITATION: elle les calme souvent, il est vrai, dans les épreuves, dans les dangers, mais il est pour eux des moments de faiblesse où ils se laissent aller comme les mondains, au trouble et à l’abattement.

«Ah! mes Frères, mes chers Frères, ne connaîtrez-vous jamais dans leur plénitude les bienfaits de l’Évangile?

Jésus vous dit comme à ses apôtres: Gens de petite foi, que craignez-vous? (Matth. 8, 26) Celui qui commande aux flots et aux tempêtes est avec vous. C'est à vous que s’adressent ces déclarations consolantes et magnifiques que nos Livres Saints renferment:

Quand une mère oublierait l’enfant qu'elle allaite, moi, je ne t'oublierai point. Fortifie-toi y prends courage, ne t’effraie de rien, car je serai avec toi; je ne te laisserai point; je ne l’abandonnerai point. (Ésaïe 49, 15; Jos. 1, 5, 9)

Surmontez donc cette faiblesse qui déshonore la foi dont vous faites profession et qui vous rend malheureux. Glorifiez par le calme de votre âme le Dieu que vous servez, le Sauveur que vous réclamez, la ««religion» qui vous est chère. Montrez quels sont ses privilèges et son pouvoir.

Faites-les envier aux hommes terrestres; et comme votre confiance n’est chancelante que parce que votre foi n’est pas pleinement affermie; comme votre tranquillité n’est troublée que parce que vous êtes encore trop épris des choses de la vie, trop touchés de ses biens, trop sensibles à ses maux passagers, travaillez à purifier votre âme, à fortifier votre foi; priez Dieu d’élever vos inclinations, d’augmenter en vous son amour, et je ne crains pas de vous répondre que le bonheur et la paix croîtront pour vous dans la même proportion.»


Vous venez de voir, mes Frères, comment même dans le sein de l’Église les hommes s’éloignent en diverses manières, et à divers degrés, du repos de l’âme, ou par défaut de sagesse, ou par défaut de confiance. Évitons ces écueils. Efforçons-nous d’assortir nos vertus et d’épurer notre félicité, en pratiquant les deux devoirs que notre texte nous rappelle.

Assurons-nous en Dieu, et faisons ce qui est bon.


Et quand fut-il plus de saison de nous approcher du Seigneur, d’acquérir l’heureux droit de nous assurer sur lui?

Quand cette confiance fut-elle plus nécessaire pour soutenir notre cœur contre les peines du présent et les craintes de l’avenir?

Mais aussi quand fut-elle plus naturelle et plus douce?

Il semble que Dieu lui-même nous invite à nous reposer sur sa bienveillance, malgré notre indignité.

Oui, mes Frères, CE DIEU DONT LA BONTÉ NE SE MESURE POINT SUR NOS MÉRITES, ce Dieu qui se souvient de ses compassions éternelles et du grand sacrifice offert pour nous sur la croix, ce Dieu des miséricordes daigne encore non seulement nous attendre, nous supporter, mais nous prévenir d’une manière si frappante, que tous ceux qui ont des yeux, qui ont une âme, en ont été saisis, pénétrés.

Il nous a montré comme à l’œil le soin qu’il prend de nous. Qui pourrait dire dans combien d’occasions il a dissipé nos craintes, nos inquiétudes, et changé nos plaintes en bénédictions! Mais du moins par quelques-uns de ses bienfaits, jugez de ce que nous pouvons attendre de lui.

Quelles alarmes n’excita pas parmi nous, il y a quelques années (en 1811), une récolte de blé extraordinairement chétive! hélas! nous avions beaucoup semé et fort peu recueilli; (Aggée 1, 6) le froment qui nourrit l’homme, en y joignant même ces racines précieuses qui le suppléent, n’offrait qu’une faible ressource disproportionnée à nos besoins.

Eh bien! Dieu jeta sur notre contrée un de ces regards de compassion qui sont la délivrance même. (Ps. 42, 6) II bénit cette seconde moisson que voit faire l’automne, cette moisson sujette à tant d’incertitude et de périls, et sur laquelle le cultivateur n’ose jamais compter. Il commanda à nos champs de nous payer un double tribut, que dis-je? un tribut inouï tel que nos vieillards n’en avaient jamais vu recueillir un pareil. N’était-ce pas là, mes Frères, un miracle de la bonté divine?

Mais encore, rappelez-vous quel était notre sort peu avant la restauration de notre chère patrie. Nous gémissions sous un sceptre de fer que chaque jour rendait plus pesant: l’avenir ne présentait que ruine, détresse, affreuse obscurité; tout-à-coup l’espérance de la liberté, cette espérance qui semblait pour jamais éteinte, vint briller à nos yeux. Mais par combien de maux et de dangers ne pouvions-nous pas avoir à l’acheter cette délivrance! les guerriers répandus autour de nous (en 1814 et 1815) dévoraient nos subsistances; encore quelques jours et il ne nous restait rien pour nous-mêmes. Nous pouvions éprouver à notre tour le pillage, incendie, toutes les horreurs de la guerre. Nous avions à redouter la vengeance de celui qui ne pouvait nous pardonner d’avoir haï son joug.

Chaque jour on venait nous dire: Ses armées sont là; elles approchent; elles ont la victoire. Nous entendions tonner l’airain; on allait passer le fleuve. Peu s’en est fallu que ses rives n’aient été ensanglantées, que nos champs ne soient devenus le théâtre des combats.

Cependant, mes Frères, nous avons tous été sauvés; il n’est pas tombé un cheveu de notre tête. Notre paix s’est de plus en plus affermie; nous avons été comblés de faveurs nouvelles. Ah! mes Frères, dites-le nous, un tel changement de sort n’est-il pas un miracle de la bonté divine?


Je pourrais multiplier ces détails: et qui de nous, mes Frères, n’aurait pas à raconter quelque délivrance particulière, quelque événement où la Providence est intervenue en sa faveur, où dans l’émotion de la reconnaissance il a pu s'écrier, comme le Roi-Prophète:

Ô que bienheureux est celui à qui le Dieu Fort est en aide et dont l’attente est en l'Éternel son Dieu! (Ps. 146, 5)

Que cette bonté, si peu méritée, excite... enfin notre amour, notre confiance, et ranime notre fidélité. Attachons-nous, attachons-nous désormais et pour toujours à ce Dieu qui est bon envers tous, dont les compassions sont au-dessus de toutes ses œuvres, et qui met son affection en ceux qui s’attendent à sa bonté. (Ps. 145, 9; 147, 11)

S’il juge à propos de nous visiter par nouvelles épreuves, REPOSONS-NOUS SUR SA PROTECTION, et pour avoir droit d’y compter, OBÉISSONS À SES LOIS, approchons-nous de lui unissons-nous à lui.

Mettons à profit pour cela l’hiver qui s’approche, cette saison paisible qui va commencer et qui semble faite pour nous rappeler aux soins du ciel en suspendant ceux de la terre. Elle est pour nous comme un long jour de repos qu’il faut sanctifier par la piété.

On perd trop aisément dans le mouvement des affaires ce calme du recueillement et de la réflexion si nécessaire au chrétien pour s’examiner, se connaître, s’instruire et se perfectionner.

Ces travaux qui vous entraînent dans la saison des beaux jours et vous commandent, suivant votre expression, ces travaux interrompent trop souvent et les devoirs de famille et le culte domestique et le culte public.

Voici l’heureux temps de reprendre la tâche du chrétien avec un nouveau zèle. C’est à présent que vous pourrez presque sans obstacle vous occuper de votre Dieu, de votre Sauveur, du soin de lui plaire.

Que le Seigneur soit servi dans son temple avec empressement, avec joie.

Que les pères emploient leurs loisirs à soigner l’éducation de leurs enfants, et les enfants à reconnaître ces soins par leur amour et leurs progrès.

Que la famille, séparée pendant l’été des parents infirmes qui restaient gardiens de la demeure commune, s’empresse maintenant à les prévenir, à réjouir leurs cœurs par de tendres égards et de doux entretiens.

Lisez ensemble la parole du Seigneur; invoquez-le ensemble. Offrez-lui le touchant spectacle d’une famille bien unie qui le craint et qui l’adore, car c’est là, vous dit-il lui-même, qu’il fait reposer à toujours la bénédiction et la vie. (Ps. 133, 3)

Voici le temps encore où vous aurez des occasions plus fréquentes de lui présenter ce tribut auquel il prend plaisir, en soulageant le malheureux qui durant cette saison morte où la terre ne lui offre plus rien, où ses bras demeurent si souvent sans emploi, sent doublement peser sur lui le fardeau de son indigence.

Que vos journées soient remplies par ces intéressants devoirs; que les pauvres à leur tour se rendent recommandables par les vertus de leur état, la reconnaissance, la sobriété, l’activité; par cette probité sévère, cette résignation touchante, qui leur sied si bien. Qu’ils honorent ainsi leur humble condition et se montrent les imitateurs de Jésus qui fut pauvre comme eux.


Tous ensemble, mes chers Frères, faisons ce qui est bon afin de pouvoir nous assurer en l'Éternel. Vivons en chrétiens. Soyons fondés et enracinés en Celui que nous reconnaissons pour Maître. (Col. 2, 7)

Alors il nous dira comme à ses premiers disciples: Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix; je ne vous la donne pas comme le monde la donne: que votre coeur ne se trouble point et ne s'alarme point. (Jean 14, 37) Alors le délicieux sentiment de la confiance, d’une confiance juste et raisonnable, pénétrera notre âme et la soutiendra jusqu’à l’heureuse période où finiront toutes les misères, où ce même Jésus qui nous a fait connaître le séjour de l'éternelle paix, qui par son sang nous en a rouvert l’entrée, reviendra du ciel nous en mettre en possession.

C’est ce que je vous souhaite, mes chers Frères; au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Amen.


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