Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NOUVEAUX DISCOURS FAMILIERS

D’UN PASTEUR DE CAMPAGNE.

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DISCOURS III

L'INFLUENCE DE NOS PAROLES SUR NOTRE 
SORT ÉTERNEL.


Par vos paroles vous serez justifés, et par vos paroles vous serez condamnés. (Matt. XII, 27.)

Qu’elle est imposante et solennelle cette déclaration, mes chers Frères! Qu’elle est digne de nous occuper!

Hélas! il est trop souvent éloigné de notre pensée, le compte qui nous sera demandé de nos paroles.

Il semble qu’elles ne soient qu’un vain son qui s'évanouit dans les airs; et parce que ces paroles s’effacent de notre mémoire, nous pensons qu’elles ne laissent aucune trace après elles. Mais elles sont entendues, elles sont recueillies dans une plus haute région; elles sont inscrites dans le Livre redoutable:

ELLES NOUS SERONT RAPPELÉES AU GRAND JOUR DES RÉTRIBUTIONS; nous serons jugés sur elles, aussi bien que sur nos actions et nos pensées;

Elles prouveront si nous sommes restés sous la condamnation, ou si nous avons vécu comme des enfants de Dieu, comme des rachetés de Christ.

C’est là une vérité que l’homme serait déjà conduit à croire dès qu’il se considère en lui-même. Les facultés dont il est enrichi lui annoncent sans doute qu’il a une vocation à remplir pour laquelle il les a reçues; or, comment penser que cette faculté si merveilleuse de la parole qui le distingue de la brute, le lie à ses semblables d’une façon toute particulière, et l’élève presque jusqu’aux anges, comment penser qu’elle lui ait été donnée sans but, et qu’il lui soit permis de s’en servir inconsidérément, au gré de son caprice?

L’Évangile joint ici son autorité aux lumières de la raison.

Vous venez de l’entendre, mes Frères; et si je me proposais seulement de vous convaincre que nous serons jugés sur nos paroles, il me suffirait de la lecture de mon texte.


Je parle à des chrétiens qui font profession de reconnaître Jésus pour leur Maître; il me suffirait de vous répéter: ainsi a dit le Seigneur: Par vos paroles vous serez justifiés, et par vos paroles vous serez condamnés.

Mais pour mieux vous pénétrer de la certitude de cette vérité, je veux vous en montrer la convenance, la justice, par la nature des choses, par la nature même de nos paroles, en considérant:

1° la source d’où elles procèdent;

2° la gravité ou l’importance qu’elles peuvent avoir;

3° leur nombre et leur multiplicité.

C’est tout Ie plan de ce discours; prions Dieu qu’il l’accompagne de sa grâce puissante et qu’il l’adresse lui-même à nos cœurs.

Ainsi soit-il.

I.


J'ai dit qu’il fallait d’abord considérer la source d’où procèdent nos paroles.

Cette source, c’est notre cœur. Comme l’odeur qu’exhale un vase indique ce qu’il contient, de même nos discours sont l’indice naturel de nos dispositions secrètes.

Je sais qu’il est des paroles qui ne sont point d’accord avec le sentiment intérieur, mais elles sont moins que d’autres encore l’effet du hasard. En un sens, elles partent; aussi du cœur, d’un cœur faux qui veut abuser ou surprendre, qui use de détour ou d’artifice pour arriver à un but qu’il n’ose avouer.

À parler en général, et cela est vrai surtout pour l’habitant des campagnes, qui sait moins se contrefaire et qui est plus près de la simple nature, à parler en général,


NOS DISCOURS ANNONCENT CE QUE NOUS SOMMES;

ILS DÉCOUVRENT NOTRE VRAI CARACTÈRE.


«Parle afin que je te voie,» disait un ancien sage.

Voulez-vous en effet connaître un homme, conversez avec lui sans affectation: si votre jugement est sain et que vous soyez doué d’un peu de pénétration, au bout de quelque temps, de quelques jours, d’un moment peut-être, vous saurez quel il est.

On use de plus de circonspection et de plus de réserve dans des actions; les discours s’échappent presque involontairement de nos lèvres.

LE CHOIX DES SUJETS DONT NOUS, NOUS ENTRETENONS INDIQUE NOS PENCHANTS, nos affections, et trahit surtout notre passion dominante; car tant qu’un sentiment peut demeurer caché dans notre cœur, il n’a pas acquis tout son empire.

Mais règne-t-il en souverain? Il se déborde, il a besoin de se répandre en paroles; il donne la teinte à tous nos discours.

Alors, dit Jésus-Christ: l'homme de bien tire de bonnes choses du bon trésor de son cœur, et méchant tire de mauvaises choses de son mauvais trésor.... car c'est de l'abondance du cœur que la bouche parle. (Matth. 12, 34-35)


J'ai cru, disait le Psalmiste, c’est pourquoi j'ai parlé. Mon cœur s’est échauffé au-dedans de moi; le feu de ma méditation s’est embrasé, et j'ai parlé de ma langue, disant: Éternel! mon attente est en toi. ( Ps. 116, 10; 39, 4/5)

Voilà l’élan d’un cœur profondément religieux. — Ô Corinthiens! s’écriait saint Paul, notre bouche s’est ouverte pour vous; notre cœur s'est élargi; vous n'êtes point à l’étroit dans nos entrailles. (2 Corinth. 6, 12)

Voilà l’expression d’une âme que la charité possède. — Pressée d’un désir ardent d’être mère, Anne implorait le Seigneur. Elle se croyait seule en sa présence; elle n’avait pas besoin de discours pour se faire entendre; et cependant ses lèvres tremblantes se remuaient sans qu’elle s’en aperçût. (1 Sam. 1, 13) Telle est l’intime correspondance du sentiment avec la bouche.

Pourquoi, d’un autre côté, cet homme vous parle-t-il sans cesse de projets d’agrandissement, d’établissement, de fortune?

Pourquoi tout lui semble-t-il matière de calcul et de spéculation?

Pourquoi ramène-t-il tous les objets à ce point de vue dans ses entretiens?

N’est-ce pas parce que l’ambition le domine, parce que le démon de l’intérêt a pris possession de lui?

Ou ce médisant puise-t-il le venin dont sont empoisonnés les traits qui partent de sa bouche?

N’est-ce pas dans un coeur infecté du fiel de la malignité ou de l’envie?

D’où viennent les propos licencieux que cet autre tient en toute occasion?

N’est-ce pas d’une imagination souillée et d’une âme corrompue?

Pourquoi ces flots d’imprécations et d’injures qui sortent de la bouche de ce furieux?

N’est-ce pas parce que la frénésie qui l’agite lui fait un besoin de se soulager ainsi?

Et Dieu ne jugerait pas de tels hommes! Il ne les jugerait pas ce Dieu qui regarde au cœur! Il ne nous ferait pas rendre compte de discours qui ont une telle source, qui font si bien connaître celui qui les profère, qui découvrent si bien les sentiments qu’il éprouve, les pensées qui l’occupent, les mouvements qui l’agitent, les passions qui le dominent!

Ah! sans doute:


Par nos paroles nous serons justifiés,

et par nos paroles nous serons condamnés.

II.


Mais ce n’est pas seulement cette considération qui motive la déclaration du Sauveur, c’est encore la gravité ou l’importance que nos paroles peuvent avoir.

Elle est telle cette importance qu’un apôtre nous déclare, que si quelqu’un croit être religieux et ne tient pas sa langue en bride, s’excusant lui-même et séduisant son cœur, la «religion» d’un tel homme est vaine; (Jac. 1, 26) que si quelqu’un au contraire ne pèche point par sa langue, au moyen d’une attention scrupuleuse sur lui-même, il est parfait, (Jac. 3, 2) c’est-à-dire, fort avancé dans le chemin du salut.

La langue, dit-il encore, est un petit membre, cependant elle fait de grandes choses.... enflammée du feu de la géhenne, elle est un monde d’iniquité. (Jac. 3, 5-6)

La mort et la vie sont au pouvoir de la langue, dit aussi Salomon. (Prov. 18, 21)


En effet, mes Frères, considérez l’homme relativement à Dieu. Une parole peut être un crime; une parole peut être un grand acte de vertu.

Quel attentat pour l’enfant de la poussière de murmurer contre les décrets du Très-Haut,

de mettre ses perfections en doute,

de censurer les dispensations de sa Providence,

ou de se moquer des vérités qu’il nous a révélées!

On peut cependant s’en rendre coupable par la parole.

Que l’homme s’élève au contraire, qu’il paraît vraiment couronné de gloire et d’honneur, (Ps. 8. 5/6) lorsque s’unissant aux Intelligences célestes et au concert de la nature, il fait servir la parole à bénir le Créateur, le Rédempteur, L'Esprit consolateur; à célébrer les perfections de l’Éternel, ses bienfaits, sa bonté! qu’il est grand surtout, lorsque imitant son divin Maître, il le confesse au péril de sa vie, et qu’au mépris des dangers, il déclare tout Ce que sa conscience lui ordonne de déclarer!


Considérez maintenant l’homme relativement: à ses semblables.

Quelle influence heureuse ou funeste ses paroles ont sur leur sort! quel bien ou quel mal elles peuvent leur faire!

Une parole peut être une blessure,

une parole peut être un bienfait.

Une parole qui est l’expression de la dureté, de l’humeur, de la brusquerie, fait sur notre cœur l’impression d’un coup qui lui est porté.

Une parole de mépris, de reproche, d’amertume, une raillerie insultante, est un trait acéré qui le déchire. On en ressent la douleur longtemps après qu’elle a été prononcée; elle se renouvelle toutes les fois qu’on y songe.

Au contraire, une parole de douceur, de tendresse, semble guérir nos peines, calmer nos agitations, comme par une vertu miraculeuse.

Une parole de consolation, d’encouragement, d’espérance, relève une âme abattue; elle coule comme un baume salutaire dans le sein de l’affligé. Et combien de fois, par un discours qui lui montre sa situation sous une face plus douce, qui lui ouvre une perspective qu’il n’avait point envisagée, qui lui apprend à s’appliquer les promesses du Seigneur et la bonne nouvelle du salut, on lui fait un bien que l’or n’aurait point opéré! La langue bienfaisante, dit le Sage, est comme l'arbre de vie, mais celle qui se prête à la méchanceté, blesse jusqu’à l’âme. (Prov. 15, 4)


Ah! mes Frères; tous, plus ou moins, nous connaissons par expérience ces impressions dont je vous parle. Plus d’une fois, nous avons été avertis par elles du pouvoir que nous avons d’affliger ou de réjouir nos semblables par les paroles de notre bouche. Combien nous serions coupables, si nous négligions de les régler, de les faire servir au bonheur de ce qui nous entoure; si nous permettions jamais qu’elles fussent dictées par la malignité de l’humeur ou de l’emportement!

Mais je n’ai parlé jusqu’ici que des conséquences immédiates de nos paroles. Si je veux passer à celles qui sont plus éloignées, j'en vois un si grand nombre, que je puis à peine les indiquer....

Réputation flétrie, crédit perdu,

projets d’établissement renversés,

ruine des familles,

inimitiés entre des voisins,

rupture entre des amis,

jalousie entre des frères,

divisions entre les époux;

Tous ces maux, toutes ces plaies de la société, que suivent trop souvent des scènes scandaleuses ou même de tragiques catastrophes, tout cela peut être l’effet d’une parole, d’un mot fatal, sorti de la bouche d’un homme méchant ou inconsidéré.

Vous êtes déjà frappés, je le vois, de la gravité, de l’importance, que peuvent avoir nos discours.

Que sera-ce, si je vous fais envisager leur influence morale?

C’est ici que les conséquences deviennent terribles, car elles ne s’arrêtent point au temps présent; elles embrassent l’éternité.

La parole est le plus fort lien de la société; elle est aussi le ressort le plus actif qui nous donne prise sur le cœur de nos semblables. C’est par elle que nos âmes revêtent en quelque sorte une forme sensible, qu’elles se répandent au-dehors, se communiquent, se touchent, exercent les unes sur les autres une influence si puissante, qu’à la longue elle est presque irrésistible.

Art d’endormir la conscience, art d’émouvoir les passions, faux raisonnements, maximes relâchées, peintures dangereuses, reproches, railleries, ridicules, toutes ces armes de la séduction sont au pouvoir de la parole.


Ce fut le discours d’un tentateur qui causa la chute d’Ève et le genre humain.

Si je pouvais interroger ici les pécheurs de tout ordre et en obtenir un sincère aveu sur l’origine de leurs égarements,

vous entendriez le chrétien infidèle qui néglige nos assemblées, en accuser le plus souvent quelques railleries sur la dévotion, sur l’assiduité au culte;

celui qui a secoué le joug de la foi, en accuser des conversations où elle fut attaquée par de spécieux sophismes, qui ouvrirent son esprit au doute;

cette femme qui a renoncé à la chasteté, en accuser les promesses trompeuses et le langage empoisonné d’un séducteur;

cet homme qui compte pour peu de ravir le bien d'autrui, d'opprimer ses frères et de gagner sur eux par avarice dans les affaires qu’ils ont ensemble, (1Thess, 4, 6) en accuser les dangereux entretiens d’un ami prétendu qui leva ses scrupules.

Et si la parole peut faire tant de mal, quand on s’en sert pour corrompre; si elle ronge alors comme la gangrène, suivant l’énergique expression de saint Paul, (2 Tim. 2,17) jugez par là de ses effets salutaires, quand on l'emploie dans un sens opposé.

Fussiez-vous privé de tout moyen actif d’être utile à vos semblables, pauvre, épuisé par la vieillesse, couché même sur un lit de maladie, pourvu que vos lèvres mourantes s’ouvrissent pour bénir Dieu, pour confesser, pour réclamer le nom adorable du Rédempteur, et pour amener à lui les hommes, vous pourriez encore servir la société d’une manière réelle, plus utile, que le guerrier qui verse son sang pour elle, ou l’homme d’État qui déploie en sa faveur les combinaisons du génie.



III.


Ces considérations reçoivent une nouvelle force, lorsqu’on réfléchit sur le nombre ou la multiplicité de nos paroles.

Voyez quel espace elles occupent dans notre vie! elles en forment, pour ainsi dire, le tissu. On n’a pas toujours l’occasion d'agir; celles de nos actions qui ont une certaine influence sur le sort des autres hommes sont rares et clairsemées. Mais la parole est une action de toutes les heures, de tous les instants; c’est une action continue dont l’effort est aussi sans interruption.


QUE DE SEMENCES DE VICES OU DE VERTUS

ON PEUT RÉPANDRE PAR ELLE DANS L’INTERVALLE D’UN SEUL JOUR!


Y pensons-nous, hélas! lorsque nous nous livrons au sommeil sans nous demander compte de celles que nous avons proférées?

Songeons-nous au poids que nous avons mis dans la balance éternelle pour notre justification ou pour notre condamnation?


Voyez cet homme violent, impudique, impie; on ne l’approche point sans avoir l’oreille blessée par quelque imprécation, l’imagination salie ou la mémoire souillée de quelque propos licencieux, de quelque allusion profane. Les paroles qui sortent de sa bouche forment comme une exhalaison pestilentielle et sans cesse renouvelée, dont se ressent tout ce qui l’entoure.

J'aime à lui opposer le juste sur les lèvres duquel reposent la sagesse qui vient d'en haut, (Jacq. 3, 15) l’humble vertu et la piété douce et sublime.

Au commencement de la journée, entouré de ses enfants et de ses serviteurs, il élève leur âme au ciel, il implore ses bénédictions sur chacun d’eux; il les encourage au travail par ses entretiens, qu’il dirige toujours de manière à exciter dans leur âme des réflexions utiles, des résolutions vertueuses.

Ici, il donne à un voisin un conseil salutaire; il console un malade; il verse sur ses douleurs le baume de la résignation.

Là, il fait goûter à celui qu’accable un revers les charmes de la sympathie; il profite de l’agitation de son âme, de l’épreuve qu’il fait de l’instabilité des choses humaines, pour le diriger vers le seul Être qui ne change point.

Dans cette compagnie, il défend les droits sacrés de la «religion» et de la morale; il rallie autour de lui les esprits faibles et pusillanimes; ou bien il impose silence au médisant; il arrête l’essor des jugements téméraires; il justifie l’innocent et dispose à l’indulgence pour le coupable.

Ailleurs, dans une conversation secrète, il raffermit un esprit chancelant dans la foi; il rappelle au devoir un cœur prêt à s’égarer; il prête à la piété, à la charité, ce charme, cette autorité, qu’elles empruntent d’un organe sensible, d’une voix inspirée par l’amour de Dieu et des hommes.

Que dirai-je encore? dans une autre occasion il rapproche les esprits et les cœurs; il plaide la cause d’un enfant, d’un serviteur dans la disgrâce; il réconcilie des voisins, des amis, des frères; il réunit des époux.


Ah! qui peut considérer ce tableau sans que son âme s’échauffe et s’élève?

Si celui qui emploie aux intérêts du vice la belle faculté de faire passer dans le cœur des autres hommes ses sentiments et ses pensées, est le satellite de l’ennemi qui sème de l’ivraie dans le champ du père de famille; celui qui la consacre à l’édification de ses frères, à l’avancement du règne de Dieu sur la terre, et par là même au bien public et particulier, un tel homme est l’imitateur de ce Sauveur adorable qui allait de lieu en lieu pour répandre la bonne nouvelle du salut; il est, si j’ose m’exprimer ainsi, il est l’image de ce divin Esprit qui répand dans les âmes les célestes influences du bonheur et de la vertu.

Réunissez à présent, Chrétiens, ces différentes idées; et dites-nous si elles ne mettent pas en évidence la vérité que nous voulions vous démontrer! dites-nous si l’usage d’une faculté intimement liée à la nature morale de l’homme, d’une faculté dont il est appelé à user si souvent, et par laquelle il peut faire tant de mal ou tant de bien, si l’usage d’une telle faculté ne doit pas faire, non-seulement partie, mais partie essentielle de son jugement!


Il est donc certain que par nos paroles nous serons justifiés ou condamnés.

Quelle conséquence tirerons-nous de cet avertissement du Sauveur?

Ah! mes Frères, elle doit se présenter vivement à nous, cette conséquence.

Et d'abord, n’êtes-vous pas pénétrés du grand intérêt, de la suprême importance dont il est pour nous d’employer la faculté d'exprimer nos pensées et nos sentiments d'une manière agréable au Dieu de qui nous la tenons, conforme au but dans lequel il nous l'a donnée, propre à nous assurer une sentence favorable?

Il me semble aussi qu’un vif sentiment d’inquiétude et de crainte est inséparable de cette méditation. Quel homme n’a pas des reproches, de grands reproches à se faire sur ce point?

C'est du Fils de Dieu seulement qu’on a pu dire: Il ne s'est trouvé dans sa bouche aucune parole mauvaise ou trompeuse. (1Pierre 2, 22)

Il est si aisé de pécher par la langue!

Il est si difficile de se rappeler toutes les paroles vaines ou criminelles qu’on a prononcées.

Les grands crimes ont un caractère d’horreur qui nous en éloigne. S’il nous arrive d’y tomber par surprise ou par faiblesse, notre âme se relève effrayée; le repentir suit de près la faute, et la rechute n’est pas ordinaire.

Mais les péchés qui se glissent dans nos discours sont des péchés qui reviennent tous les jours, qu’on est enclin à se pardonner, avec lesquels on se familiarise, qui passent bientôt en habitude, et qui minent ainsi la conscience d’une manière d’autant plus dangereuse, qu’elle est imperceptible et qu’on pense moins à s’en préserver.

Ô Dieu! n'entre point en compte avec ton serviteur! (Ps. 143, 2)

Ô Dieu, pardonne-moi mes fautes cachées et mes péchés connais par erreur! (Ps. 19, 12/13)


Mes Frères, je crois lire ce sentiment dans vos cœurs; je crois vous entendre me demander par quels moyens vous pourrez vous garantir du malheur affreux d’être un jour condamnés par vos paroles, et vous préparer le bonheur d’être justifiés par elles.


1° Le premier conseil que je puisse vous donner à cet égard, c’est de choisir avec soin vos liaisons.

On prend insensiblement le langage de ceux avec qui l’on vit, comme on emprunte, sans s’en apercevoir, leur accent, leurs expressions, leurs manières. Il est presque impossible qu’on ne devienne pas, tôt ou tard, moqueur avec les moqueurs, médisant avec les médisants, jureur avec les jureurs, profane avec les profanes.

Mon fils, disait aussi le Sage, mon fils, cesse d’ouïr ce qui pourrait t'apprendre à te fourvoyer dans les sentiers de la science, (Prov. 19, 27) Cesse‭‭, mon fils‭, d’écouter‭‭ l’instruction‭, Si c’est pour t’éloigner‭‭ des paroles‭ de la science‬‬‬‬‬‬‬‬‬ (V. S), et le Roi-Prophète déclare que celui qui use de fraude ne demeurera point dans sa maison; que celui qui profère le mensonge ne sera point affermi devant ses yeux. (Ps.101, 7)


2° A cette précaution indispensable, ajoutez une extrême attention sur vous-mêmes.

Dites avec le Psalmiste: Je mettrai un frein à ma bouche;(Ps. 39, 1/2) Ô Éternel, mets une garde de circonspection à mes lèvres! (Ps. 141, 3)

Sachez vous garantir de la pernicieuse habitude de parler beaucoup, de parler au hasard, inconsidérément, pour le seul plaisir de parler. Il est bien rare, il est impossible que ceux qui discourent ainsi sans mesure et sans réflexion n’aient pas à regretter, outre la perte d’un temps précieux, d’un temps qui paraît si court quand on pense à la grande tâche que nous avons à remplir, n’aient pas à regretter plusieurs des paroles qui leur sont échappées, même relativement à la prudence humaine, aux intérêts de la vie présente, et à plus forte raison relativement à la prudence chrétienne, aux intérêts du salut.

La multitude des paroles n'est pas exempte de péché, dit le Sage, qui garde sa bouche, garde son âme; mais celui qui ouvre à tout propos ses lèvres, tombe en ruine; (Pro. 10, 19) et saint Paul ayant en vue les personnes qui prennent l'habitude de courir de maison en maison, qui sont non seulement oisives, mais aussi causeuses, curieuses, assure qu'elles parlent des choses dont elles ne devraient pas parler.

Aussi le Sauveur nous déclare qu’au jour du jugement, nous rendrons compte de toutes les paroles vaines et inutiles, que nous aurons dites. (1 Tim. 5,13)


3° Ce ne serait point assez encore. Comme c’est du cœur que procèdent nos discours, ainsi que nos actions; comme c’est du cœur qu’ils sont en quelque sorte l’organe, il est évident que pour les régler, il faut commencer par régler notre cœur.

On ne voit point une eau bourbeuse et empoisonnée s’écouler d’une source pure. Adressez-vous donc à Celui qui tient notre cœur en ses mains et qui l'incline comme il lui plaît. (Prov. 21, 1) Priez-le de le purifier, de le régénérer par son Esprit, en sorte que la vérité, la pudeur, la vertu, vous soient chères et sacrées; en sorte que l’amour de Dieu et des hommes possède, remplisse votre âme; et, je ne crains point de vous en être garant, toutes vos paroles seront alors en harmonie avec ces nobles sentiments; elles en porteront l’empreinte et le caractère; elles seront propres à édifier, et à communiquer la grâce à ceux qui vous entendront. (Eph. 4, 29)


Enfin pour vous animer et vous soutenir dans l’emploi de ces moyens, pour entretenir et réveiller sans cesse en vous cet heureux mélange de crainte et de zèle, effet naturel des réflexions qui nous ont occupés, ayez toujours présente à l’esprit cette époque à laquelle le Sauveur fait allusion et où nous rendrons compte de toutes nos paroles.

Ô Dieu, combien d’infortunés verront alors s’élever contre eux d’inutiles, de criminels entretiens, effacés peut-être de leur souvenir, dont personne peut-être n’a conservé la mémoire, mais que tu as entendus, que tu as inscrits au registre des vengeances,

et qui feront la matière de leur condamnation!

Transportez-vous à ce moment, Chrétiens. Figurez-vous par la pensée ce tribunal solennel, cet arrêt irrévocable, auquel les tribunaux humains les plus redoutés et leurs arrêts les plus effrayants n’ont rien de comparable. Qu’elle retentisse toujours à vos oreilles cette voix de notre Maître:


Par vos paroles vous serez justifiés,

et par vos paroles vous serez condamnés.


Ah! puisse cette impression profonde, cette impression salutaire, être pour chacun de vous le fruit de notre méditation!

Puisse-t-elle, avec le secours de l’Esprit divin, servir à vous préparer, et à me préparer avec vous à cette grande période de malheur ou de félicité!

Ô Dieu! Auteur de toute grâce et de tout don parfait! grave toi-même dans notre âme les pensées et les mouvements que cette heure a fait naître! Enseigne-nous toi-même à te consacrer tout ce qui est en nous, à te glorifier dans nos corps et dans nos esprits qui t'appartiennent!

Que les paroles à notre bouche, aussi bien que les actions de nos mains, et la méditation de notre coeur, le soient désormais agréables par Jésus-Christ!

Amen.



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