Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NOUVEAUX DISCOURS FAMILIERS

D’UN PASTEUR DE CAMPAGNE.

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DISCOURS PREMIER.

DIEU DEMANDANT LE CŒUR DE L'HOMME


Mon Fils, donne-moi ton cœur. (Prov. XXIII, 26.)

Mes Frères, si quelquefois nous venons vous prêcher des vérités sévères, effrayantes, ou vous appeler à des sacrifices qui coûtent à la chair et au sang, aujourd’hui nous exerçons un plus doux ministère; nous vous invitons à céder au penchant le plus naturel à notre cœur, au plaisir d’aimer.

Sans doute on peut changer d’inclination, on peut oublier ce qu’on avait recherché et revenir à ce qu’on avait quitté; mais avoir un cœur et ne le donner ni à Dieu, ni au monde, c’est ce qui paraît impossible.

Eh bien, ne voit-on pas comment ce cœur, qui n’est jamais oisif, se porte de lui-même vers les objets qui l’attirent?

Hélas! combien il en est, sur cette terre de prestiges, qui viennent s’offrir à ses vœux pour le séduire et le corrompre!

La «religion» seule demeurerait-elle dans le silence?

Nous abandonnerait-elle dans le péril?

Non, sans doute, mes Frères; elle élève de son côté une voix forte et touchante. Elle nous conjure de garder notre cœur de tout ce dont il faut le garder, (Prov. 4, 23) de ne pas aller à des citernes crevassées qui ne contiennent point d’eau (Jér. 2, 13) ou à des sources dont l’eau ne désaltère point, (Jean 4, 13) de ne pas acheter à grands frais une nourriture qui ne restaure point. (Ésaïe 55, 2)


Dieu lui-même pour détruire plus sûrement l'impression des objets sensibles, Dieu lui-même daigne nous prévenir, nous demander ce cœur qui lui appartient, et qui ne peut trouver qu’en lui le repos et la félicité.

Mon fils, nous dit-il, mon fils, donne-moi ton cœur.

Telles sont les paroles de grâce et d’amour que nous allons vous adresser de sa part. Nous vous les adresserons avec confiance, comme à des êtres sensibles, capables de reconnaissance et d’affection. Prions Dieu, tous ensemble, de les accompagner de l’onction de son Esprit, et de nous les rendre salutaires.

I.


Seriez-vous surpris, mes Frères, que Dieu demandât notre cœur? Quelqu’un alléguerait-il cette maxime si connue, que l’amour ne se commande pas?

Ah! si pour se dispenser de vous aimer, vos enfants tenaient un pareil langage, quelle ne serait pas votre indignation!

Vos bienfaits, votre tendresse, le nom seul de père, vous semblent mériter assez les sentiments que vous exigez d’eux.

Eh bien, mes Frères; Dieu n’a-t-il pas à notre amour les mêmes titres? que dis-je? Des titres mille et mille fois plus sacrés!

Si le grand devoir qu’il nous impose est de l’aimer, fut-il jamais devoir plus juste?

S’il a droit à notre dévouement comme notre Maître, ne le mérite-t-il pas comme notre Père?

C'est en cette qualité qu’il le demande. Mon fils, donne-moi ton coeur.

N’attendez pas cependant, mes Frères, que nous entrions ici dans le détail de tout ce que Dieu a fait pour l’obtenir.

COMMENT RACONTER TOUS SES BIENFAITS!

On peut en commencer le récit; on ne l’achève jamais. Eh! pourrions-nous les ignorer ou les oublier, tandis que tout nous en parle; que l’univers entier est rempli des richesses de la bonté divine, et que, par sa seule présence, comme par une voix intelligible et forte, les annonce à tout ce qui a des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et un coeur pour sentir; tandis qu’à ses œuvres et à ses bienfaits dans la nature, ce Dieu de miséricorde a joint toute sorte de bénédictions spirituelles en Jésus-Christ (Eph. 1, 3) pour faire connaître dans les siècles à venir les richesses immenses de sa grâce envers les pécheurs? (Eph. 2, 7)

Eh! quel amour que celui d’un Dieu qui n’avait point d’intérêt à nous donner l’être; qui, n’eussions-nous jamais existé, n’en serait pas moins grand, pas moins puissant, pas moins le bienheureux et le seul Souverain, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, (1 Tim. 6, 15) et qui par conséquent n’eut en vue en nous créant que NOTRE PROPRE BONHEUR!

Quel amour que celui d’un Dieu qui veille à tout, qui pourvoit à tout, qui, au milieu de ce nombre immense de mondes et de créatures, objet de sa Providence, prend soin de chacun de nous comme d’un fils unique, auquel il dispense les grâces les plus convenables pour le corps et pour l’âme, pour le temps et pour l’éternité!

Quel amour que celui d’un Dieu qui, lorsque nous l'avions indignement outragé, loin de nous abandonner ou de nous punir selon la rigueur de sa justice, n’a pensé qu’à nous réconcilier avec lui; d’un DIEU QUI A FOURNI LUI-MÊME LA VICTIME NÉCESSAIRE POUR EXPIER NOS PÉCHÉS, et qui pour sauver des ingrats, des rebelles, a sacrifié ce que le ciel avait de plus grand, de plus précieux!

Ah! sans doute, Dieu est charité; et voici en quoi son amour envers nous a surtout paru; c’est qu'il a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous ayons la vie par lui. C’est qu’il nous a aimés le premier et qu'il a donné son Fils pour faire l'expiation de nos péchés. (1Jean 4, 8-10)

Quel amour que celui d’un Dieu qui nous autorise à regarder ce don ineffable comme l’arrhe, LE GAGE CERTAIN de toutes les grâces, comme le principe nécessaire de tous les biens dont nous avons besoin, de tous les biens que nous pouvons désirer; d’un Dieu qui nous a fait dire, par ses envoyés: Celui qui pour nous na point épargné son propre Fils, et qui l'a livré à la mort, ne nous donnerait-ils pus toutes choses avec lui? (Rom. 8, 32)

Quel amour que celui d’un Dieu qui ne cesse de nous inviter, de nous supplier, de frapper à la porte de nos cœurs (Apoc. 3, 20) qui ne peut être ni refroidi par notre indifférence; ni lassé par notre ingratitude, ni rebuté par nos péchés; qui, fussions-nous tombés dans l’abîme, NOUS RAPPELLERAIT ENCORE, et, comme le père de l’enfant prodigue, nous ouvrirait; ses bras paternels!

Enfin, mes Frères, quel amour que celui, d’un Dieu dont les châtiments mêmes sont des bienfaits! Insensés que nous sommes! les maux de la vie nous font quelquefois douter de cet amour, et ces maux eux-mêmes en sont une preuve nouvelle.

Ils sont une grâce pour le juste qu’ils purifient, qu’ils élèvent à une plus haute perfection, qu’ils rendent digne d'une plus belle couronne.

Ils sont une grâce encore pour le tiède, pour le mondain, pour le pêcheur.

Oui; l’adversité est un remède amer, mais nécessaire, qui désabuse notre âme, trop éprise des faux biens, et la rappelle au seul bien véritable. C’est une voix qui nous crie:


«Porte tes regards et ton coeur vers le Dieu qui te forma pour lui...»


Qu’ils soient indifférents à punir, ceux qui s’inquiètent peu de l’avantage réel des êtres qui leur sont confiés, et qui se mettent peu en peine de perdre leur affection, de les voir s’éloigner d’eux, on le conçoit assez; mais:

Dieu qui daigne mettre un grand prix à notre bonheur, à notre salut,

Dieu qui est jaloux de nos affections.

Dieu ne craint pas de nous faire passer par le creuset de l’adversité quand il le faut, pour nous rendre plus dignes de lui, plus sensibles envers lui. Il ne craint pas de nous faire souffrir dans le temps pour nous rendre heureux dans l'éternité.

Lui-même nous le déclare: Il châtie celui qu'il aime: il frappe de ses verges ceux qu'il reconnaît pour ses enfants, ceux qu'il veut rendre participons de sa sainteté.(Héb. 12, 6, 10)

Ne l’oublions donc jamais; s’il nous afflige, c’est la plus forte preuve de sa bonté; c’est la dernière invention de sa tendresse; c’est qu'il veut à tout prix fléchir notre cœur et s’en assurer la possession.


Ici, mes Frères, EXAMINONS DEVANT DIEU COMMENT NOUS RÉPONDONS À TANT D'AMOUR;

Examinons si nous lui donnons en effet notre cœur, si nous le lui donnons sans réserve; ou plutôt, humilions-nous profondément dans le sentiment de notre ingratitude.

Il est trop vrai; la plupart des hommes oublient Celui de qui nous tenons tout. Dieu est partout, et loin de marcher en sa présence, ils ne le voient en aucun endroit; ils n’ont point de plaisir à lire sa parole, à s’approcher de lui par la prière: ils ne le cherchent point dans leur cœur, où il voudrait habiter, ce coeur qu'il voudrait remplir: ils ne l’envisagent que comme un objet éloigné qui leur inspire plus de crainte que d’amour. I

Ils ne le font entrer pour rien dans le plan de leur vie:

Ils délibèrent, ils entreprennent, sans réclamer son assistance:

ils agissent sans avoir à cœur de lui plaire, sans avoir examiné sa volonté, sans lui avoir dit: Seigneur, que faut-il que je fasse? (Actes 9, 6)

Ils comptent sur des moyens humains que suggère une prudence toute mondaine, sur des amis, sur des protecteurs, sur eux-mêmes, sur leurs talents, sur leur application, sur leur crédit, sur leur expérience, bien plus que sur la bénédiction du Seigneur.

Ils pensent être seuls quand ces appuis de la chair leur manquent.

Dieu fait tout, et ils croient tout désespéré quand ils n’ont pas d’autre ressource que lui.

S’il leur retire ses dons, ils se plaignent, ils murmurent; ils s’irritent peut-être, comme si Dieu leur ôtait ce qui leur appartient.

S’il les en laisse jouir, ces objets trop aimés les absorbent, et prennent dans leur cœur une place qui n’était due qu’à lui. C’EST EN EUX QU’ILS METTENT LEUR CONFIANCE; c’est en eux qu’ils cherchent le repos et le bonheur.

Ils abusent même de sa miséricorde; ils reçoivent sa grâce en vain (2 Cor. 6, 1): ils méprisent les richesses de sa patience et de sa longue tolérance, ne considérant pas que la bonté de Dieu les invite à se repentir. (Rom. 2, 4)

Ô folie! ô égarement monstrueux! Cessez donc, Maîtres indulgents, cessez de combler de bienfaits ces serviteurs que vous voulez vous attacher; craignez de les dégoûter de votre service.

Ami zélé, cesse de rendre des services à cet ami qui t’est cher: au lieu de resserrer les nœuds qui vous unissent, tu les relâcherais peut-être.

Et toi, père tendre, cesse de prodiguer les faveurs à cet enfant dont tu voudrais captiver les affections; il aimerait ces biens plus que toi, sans penser à toi....


Je me trompe, mes Frères; on rougirait de cet excès d’ingratitude envers les bienfaiteurs terrestres. L'homme n’est insensible à ce point que quand il s’agit de Dieu, c’est-à-dire du Maître le plus légitime, de l’Ami le plus généreux, du meilleur des Pères.


Cependant, Seigneur, ces objets passagers que nous te préférons, tu les avais destinés à nous élever à toi par de continuels sentiments d’admiration et d’amour. Voilà de quel œil les envisage l’homme juste et religieux.

Partout il aperçoit ta main bienfaisante; partout il la bénit. II n’est rien ici-bas qui ne semble lui dire: Offre un tribut d'adoration au Dieu qui me fit pour ton bonheur présent ou pour ton bonheur éternel; pour te rendre heureux ou pour te rendre meilleur.

Oh! que j’aime à me représenter le plus pieux des rois méditant ainsi sur les bontés de son Dieu et s’embrasant pour lui d'un nouvel amour!

Que j’aime à le suivre dans le sanctuaire où il allait si souvent répandre son âme devant le Seigneur et lui avouer l’impuissance où sont ses créatures de le payer d’un juste retour!

Que j'aime à l'entendre s’écrier du fond d’un cœur vivement ému:

Mon âme, bénis l'Éternel et n'oublie pas un de ses bienfaits!

Que rendrai-je à l'Éternel? tous ses bienfaits sont sur moi. Je prendrai la coupe des délivrances et j’invoquerai le nom de Éternel.

Je veux toujours obéir à ses lois,

Chanter sa gloire, invoquer sa puissance,

Et devant tous, plein de reconnaissance,

En hymnes saints faire éclater ma voix.

Tel fut le Roi-Prophète.

Et nous, mes Frères, ne partagerons-nous pas ses sentiments?

Ne serons-nous pas animés du même esprit?

Nous, pour qui les entrailles de la miséricorde divine, loin de se resserrer, se sont élargies!

Nous, qui avons vu l’accomplissement des promesses!

Nous, à qui a été révélé le grand mystère de piété, Dieu manifesté en chair... prêché aux gentils, cru dans le monde, et reçu dans la gloire (1 Tim. 3, 16) pour nous y préparer une place?

Ô charité de mon Dieu! ô merveilles de la rédemption! réchauffez, embrasez nos cœurs! Ô mon Sauveur! viens habiter dans ces cœurs par la foi, afin qu'étant enracinés et fondés dans ton amour, nous plussions comprendre avec tous les saints quelle en est la longueur, la largeur, la hauteur, la profondeur, et que nous soyons remplis de tous les dons de Dieu. (Eph. 3, 17-19)

Mais cet amour que Dieu exige et qu’il a droit d’exiger, cette soumission, ce dévouement de tout notre cœur, n’est-ce point un sacrifice pénible?

N’est-ce point une carrière de privations et de douleurs?

Je l'avoue, on serait tenté de le croire, tant l’ingratitude de l’homme confond toutes les idées. Cependant, mes Frères, rendons gloire au Dieu de charité; C’EST POUR NOUS-MÊMES QU’IL NOUS DEMANDE NOTRE COEUR, c’est parce qu’il le faut pour nous rendre véritablement heureux.

Telle est la grande vérité qu’il nous reste à vous rappeler.



II.

Comme c’est du cœur que partent les mouvements les plus vifs et les plus doux, il est évident que la vie la plus fortunée sera celle où les sentiments affectueux domineront davantage.

Mais à qui le donnerons-nous ce cœur de qui procèdent les sources de la vie?

Aux objets de la terre? Ah! s’ils peuvent contribuer à notre bonheur, s’il en est qui ont droit à notre affection la plus sincère et la plus tendre, il n’en est aucun qui puisse nous suffire, aucun qui puisse, qui doive être tout pour nous.

Nous attacher, nous donner à eux et non pas au Seigneur, ce serait non seulement nous rendre coupables de la plus odieuse ingratitude, mais aussi nous jeter dans un abîme de malheurs.


Et d’abord, mes Frères, ne sentez-vous pas combien il est humiliant de donner son coeur tout entier à ce qui ne saurait lui suffire et le remplir?

Quoi de plus triste que d’avoir en soi-même de quoi s’élever à l’Être tout parfait, de quoi former avec lui l'union la plus intime, de quoi se rendre heureux, immortel comme lui, et de renoncer volontairement à de si grandes destinées!


Voilà pourtant ce que font ceux qui se bornent aux biens de ce monde;

ils pouvaient s’en servir en souverains et ils en deviennent les esclaves!

Ils en font leurs dieux!


Dès ce moment ils ne sont plus que des êtres dégradés, dépendants quelquefois des objets les plus vils, tyrannisés par mille passions qui ne leur font goûter quelques joies courtes et vaines que pour les tourmenter ensuite plus cruellement.

Tels qu’un malade qui se tourne de tous côtés pour trouver le repos, ils cherchent partout la paix de l’âme et ils ne peuvent la rencontrer.

L’amitié même, l’union des cœurs, ce bien qu’on a mis si justement à la tête de tous les biens, laisse encore du vide, et se ressent du caractère d’insuffisance qui flétrit tout sur la terre.


Mais au contraire, l’homme s’attache-t-il au bien suprême; cherche-t-il en Dieu sa félicité, dès lors cet être si chétif, si petit dans l’univers, cet insecte, ce vermisseau qui rampe sur la terre, s'élève, s’agrandit; il devient l’égal des anges; il semble partager la gloire du Dieu auquel il s’unit:


DIEU SEUL FOURNIT À SON ÂME DE QUOI EXERCER TOUTE SON ACTIVITÉ.


Telle est même l’immensité des perfections divines, que cette âme se sent trop faible, trop languissante pour un tel objet.

Elle voudrait redoubler ses transports; il lui tarde d’être parvenue à cet heureux période où elle brûlera des mêmes feux que les séraphins.

Elle gémit de son impuissance; elle appelle à son secours toute la création; elle invite les cieux et la terre, les hommes et les anges, la nature entière, à se joindre à elle pour adorer et bénir le Seigneur. (Ps. 103, 20-22)


Cependant, mes Frères, en vain ferions-nous notre tout du plus parfait des êtres, s’il ne répondait pas à notre dévouement par une affection réciproque et constante.

Mais, hélas! Où trouver sur la terre ce retour sincère et parfait?

On sait assez que le monde est un maître perfide sur lequel il ne faut pas compter; que la faveur publique n’est qu’un nuage sans consistance, une fleur qui n’a point de racines; que l’estime la mieux établie ne sert pas toujours de rempart contre la calomnie la plus absurde; mais ce qui n'est pas moins vrai, c’est que les âmes les plus sensibles et qui savent le mieux aimer, sont payées trop souvent d’indifférence ou d’ingratitude; qu’elles se voient repoussées, oubliées, blessées, par ceux-là même dont elles avaient droit de tout attendre et de tout espérer.

Ô homme! veux-tu donc ne pas consumer en vain tes forces et ta sensibilité?

Ne donne jamais ton cœur tout entier qu’à ce Dieu qui le demande, à ce Dieu qui s’offre à toi et dont la bonté est infinie comme son essence.

S’il t’a prévenu, s’il t’a aimé le premier, (1 Jean 4, 10) s’il t’a racheté, s’il t’a cherché comme la brebis perdue lorsque tu t'éloignais de lui, à plus forte raison, il te comblera de biens lorsque tu travailleras à lui plaire.

Ah! tant que tu lui demeureras fidèle, tu peux vivre tranquille, tu peux compter sur la protection, sur la bienveillance de Celui qui est toujours le même (Héb. 1, 12) et qui nous déclare que comme il a aimé les siens qui sont dans le monde, il les aimera jusquà la fin, (Jean 13, 1) que quand une mère délaisserait l'enfant qu'elle allaite, il ne nous abandonnerait point. (Ésaïe 49, 15)


Mais remarquez encore une nouvelle perfection dans les objets de la terre auxquels nous serions tentés de donner notre cour. Fussions-nous assurés de leur reconnaissance et de leur affection, si leur vie est troublée par quelques revers, nous ne saurions être heureux nous-mêmes. S’ils souffrent, nous souffrons avec eux; et, comme si c’était peu de nos propres peines, nous avons encore leurs peines à porter.


Tel est l’effet presque inévitable de tous nos attachements ici-bas.

Dieu seul jouit d’un bonheur sans mélange et sans fin; Dieu seul peut aussi nous le communiquer, et tandis que sur la terre la tendresse la plus vraie, la plus ardente, la plus active, ne peut rien souvent pour nous soulager.

Dieu peut:

nous environner de sa bienveillance comme d’un bouclier;

il peut prévenir nos chutes,

éclairer notre esprit,

purifier notre âme,

calmer notre conscience,

adoucir et fermer les plaies les plus douloureuses,

nous soutenir à notre heure dernière,

nous recevoir, nous réunir à lui dans les tabernacles éternels:

Il peut faire pour nous au delà de ce que nous pouvons désirer et comprendre. (Eph. 3, 20)


Enfin, mes Frères, supposons que les objets de ce monde pussent nous donner une entière satisfaction; supposons que nos plaisirs soient sans mélange, nos liaisons sans épines et sans amertume; ce bonheur, quelque parfait qu’il puisse être, est-il à l’abri des révolutions?

Fortune, santé, gloire, réputation, tous ces biens ne sont-ils pas fragiles?

N’ont-ils pas des ailes?

Ne peuvent-ils pas s’évanouir comme de la fumée?

De cruelles circonstances peuvent nous séparer de ceux que nous aimons; la mort peut nous les enlever.


Toi seul, Ô mon Dieu! toi seul, tu es un trésor que rien ne peut nous ôter!

On peut me dépouiller de tout, on peut m’éloigner de mes parents, de mes amis, mais de toi, Seigneur, jamais.

En quelque lieu que j’aille, dans quelque situation que je sois placé, JE TE TROUVE PARTOUT: tu n'es jamais loin de moi. (Actes 17, 27)

Je n’ai qu’à ouvrir les yeux pour voir de tous côtés des marques glorieuses de ta présence: en tout lieu tu parles à ma conscience, tu te fais sentir à mon cœur; et la mort loin de me soustraire à ton empire, ne fera qu’accélérer l’heureux instant de ma réunion avec toi: la mort, qui brise tous les nœuds terrestres, serrera pour toujours celui qui me lie à toi; soit que nous vivions, dit l’Écriture, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur, car c’est pour cela même que Jésus-Christ est mort... Et qu'il a repris une nouvelle vie afin d'avoir empire sur les vivants et sur les morts. (Rom. 14, 8-9)

Oui, ô Dieu Sauveur! je l’espère de ton infinie miséricorde, quand mon âme, lavée dans ton sang, sanctifiée par ton Esprit, paraîtra devant ton trône, c’est alors qu’elle t’offrira plus dignement cet immortel hommage qui fera le bonheur de tes rachetés, de tes élus, durant l’éternité.


Ainsi, mes Frères, Dieu seul réunit tous les caractères du vrai bien: seul il les possède tous, tandis que tout ce qui n’est pas lui n’est qu’imperfection, inconstance, néant.

C’est là le point de vue sous lequel il aime se présenter à nous dans nos Saints Livres.

C’est en nous peignant le bonheur que nous pouvons trouver dans sa communion qu'il veut nous attirer à lui.

Tel est le but de ce reproche énergique qu’il adressait aux Juifs:

Cieux! soyez étonnés de ceci: ayez-en de l’horreur! Mon peuple a fait deux maux; ils m’ont abandonné, moi qui suis la source des eaux vives, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées qui ne contiennent point d’eau. (Jér. 2, 12-13)

Tel est en particulier le sens de ces noms sublimes que Dieu se donna lorsqu’il voulut se faire connaître à son peuple: JE SUIS CELUI QUI SUIS. JE SUIS. (Ex. 3, 14)

Je suis celui qui suis! C’est-à-dire, je suis le seul être existant par lui-même et de toute éternité, seul indépendant, seul nécessaire.

J’ai formé toutes les créatures: je peux tout sur elles, et aucune ne peut rien sur moi.

Je les soutiens toutes par mon bras puissant, et je n’ai besoin d’aucun appui.

Lorsque ensuite Dieu s’appelle: Je suis; cette manière de parler est sans doute fort étonnante, et peu conforme à l’usage; mais par cela même, elle annonce un Être fort supérieur à toutes nos expressions, à toutes nos idées.

Elle est singulièrement propre à nous faire entendre ce qu’il est relativement à nous. C’est comme s’il disait: Je suis tout ce dont vous avez besoin, tout ce que vous pouvez raisonnablement désirer.

Êtes-vous faibles? Je suis la force.

Êtes-vous pauvres? Je suis la richesse.

Êtes-vous affligés? Je suis la consolation.

Êtes-vous malades? Je suis la santé.

Êtes-vous sur le point de mourir? Je suis la résurrection et la vie. (Jean 11, 25)

Tout vous manque-t-il? Je suis tout.

S’il y a quelque chose de convenable à votre nature et de propre à vous satisfaire en tout temps, en tout lieu et dans toutes les conditions; c’est moi qui le suis.

S’il y a quelque chose d’aimable en soi-même, et de digne de tous vos désirs, c’est moi qui le suis.

S’il y a quelque chose de pur, de saint, de propre à fore votre bonheur; c’est moi qui le suis.


JE SUIS LE BIEN SOUVERAIN, UNIVERSEL,

LE SEUL BIEN DE L’HOMME.


Qu’ajouterai-je, mes Frères, à ces grandes idées?

N’est-ce pas assez de savoir qu’en Dieu seulement l’âme peut trouver son repos et sa vie?

Mais enfin, s’il est dans la nature et dans la société des plaisirs innocents, des affections douces qui contribuent à notre bonheur, ah! ne croyez pas que l’amour de Dieu nous en prive ou les affaiblisse.

C’est cet amour au contraire, c’est lui qui les épure, les dirige, les embellit; comme c’est lui qui nous en dédommage et nous apprend à nous en passer. Oui; pour l’homme qui en est véritablement animé, ce sentiment divin donne de l’intérêt à toutes les circonstances, et du prix à tous les devoirs.

Toujours réjoui ou consolé par l’idée que le Dieu qu’il aime prend soin de son sort, toujours pressé par le désir de lui plaire ou d’avancer sa gloire, il n’est rien qu’il ne fasse avec zèle, rien qu'il ne reçoive avec reconnaissance ou qu’il ne supporte avec résignation.

Dans la solitude, il s’élève à son Dieu sans distraction, sans obstacle; il puise dans son sein une vie nouvelle.

Dans la société, il le voit partout; il l’aime dans chacun de ses enfants; l'amour qui remplit son cœur se répand en charité sur tous les hommes, comme le vase plein jusque par dessus ses bords d’une liqueur qu’il ne peut contenir, en laisse couler de toutes parts; et cette ravissante idée d’une fraternité universelle, ne se réalise que pour celui qui aime Dieu.


Hélas! si l'on n’aime, si l’on ne sert que les hommes que par des penchants naturels et des motifs humains, l’amour-propre impatient, jaloux, irritable, sensible aux mortifications les plus légères, fait qu’on se lasse bientôt, qu’on se dégoûte, qu’on s’aigrit.

Mais celui qui aime les hommes pour Dieu les aime malgré leurs défauts; il aime ce que Dieu a fait; il supporte ce qu’il a permis.

Ainsi l’amour de Dieu règle et soutient celui que nous avons pour les hommes: ces deux sentiments s’animent l’un l’autre; ils deviennent plus forts et plus doux.

Ainsi, mes Frères, le meilleur moyen de se rendre utile à la société, de rendre nos liaisons plus sûres, nos plaisirs plus vrais et nos pertes plus supportables; le meilleur moyen, le seul moyen de nous assurer toute la félicité permise à l’homme ici-bas:

C’est de voir et d’aimer Dieu dans ses œuvres et dans ses bienfaits;

de le voir et de l’aimer dans ceux avec qui nous vivons, dans tout ce que nous faisons, dans tout ce qui nous arrive.

Est-ce là votre dessein, mes chers Frères?

Oui, Seigneur, je t’offre les cœurs de tous ceux qui composent cette assemblée, et j’ose espérer qu’il n’est ici personne qui ne désire de répondre aux doux et pressants appels de ta grâce, personne qui ne joigne son cœur à ma voix.

Ô notre Dieu! ô bien suprême! Seul Être infini, seul bon, seul parfait, seul aimable, seul propre à nous rendre heureux! prends-toi même possession de nos âmes! exerce sur elles les droits de Souverain, de Père, de Dieu-Sauveur!

Que leur seul but, leur seul désir, leur seule joie, leur seule passion désormais, soit d’avoir communion avec toi!

Remplis-les ainsi de ton amour, de cet amour qui donne ici-bas le bonheur, la sainteté, la vie, et qui dans le ciel fera la gloire et le ravissement des bienheureux!

Ainsi soit-il.


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