Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NOVEMBRE

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(note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1759)


1er novembre

Sur la fin qu’on doit se proposer à 
toutes nos actions.


1er Point.

Il faut savoir se proposer une fin à toutes ses actions.

On agit souvent par caprice, par imagination, par humeur, par coutume ou par habitude sans aucun motif ou dessein raisonnable: on vit pour ainsi dire AU HASARD!

On se laisse entraîner par la vanité de ses pensées comme un navire qui erre au gré des vents: une telle conduite est indigne d'un homme raisonnable et à plus forte raison à un Chrétien qui sait que la «Religion» lui défend les pensées, les actions et les paroles oiseuses, c'est à dire qui ne se rapporte à aucune fin.


2e Point.

Il faut se proposer d'avoir une fin louable et digne de Dieu dans toutes nos actions.

Il ne suffit pas qu'une action soit bonne en elle-même, il faut encore qu'elle soit faite pour un bon motif et correspondant à la volonté de Dieu.

Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes oeuvres, QUE DIEU A PRÉPARÉES D’AVANCE, afin que nous les pratiquions. (Eph. II. 10.)

Saint Paul nous apprend que les uns prêchaient, de son temps, l'Évangile par un esprit de charité, les autres par un esprit de jalousie. (Phillip. I. 15.)

L'action était sainte en elle-même, mais la différence des motifs la rendait bonne dans les uns et mauvaise dans les autres.


NE VIVEZ, N’AGISSEZ, NE PARLEZ, NE TRAVAILLEZ QUE POUR DIEU.


Les plus petites actions deviennent grandes, et les plus indifférentes deviennent saintes, quand la gloire de DIEU en est le motif et l’objet.


* * *

2 novembre

Sur la Foi pratique.


1er Point.

La Foi de spéculation (intellectuelle) ne suffit pas pour être sauvé.

Spéculation: «Recherche (théorique), activité de l'esprit ayant pour but la connaissance pure»

Nous croyons les «mystères» par une foi de spéculation, et nous observons les préceptes par une foi pratique.

Allez, disait le Sauveur à ses Apôtres, enseignez toutes les Nations, et les baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit...; mais surtout, ajoutait-il, apprenez-leur à bien pratiquer ce que je vous ai enseigné, afin qu’à la foi de spéculation, ils ajoutent la foi pratique, sans laquelle on ne peut être sauvé.

Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit.

Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.  (Matth. XXVIII. 19-20.)

C'est dans leur réunion que consiste cette plénitude de Foi dont parle Saint Paul.  (Hébr. X. 22.)


2e Point.

La foi pratique est beaucoup plus rare que la foi de spéculation (la foi intellectuelle).

Il est vrai que cette foi de spéculation s’affaiblit de jour en jour par les progrès énormes de l’incrédulité.

Mais combien en compterez-vous qui pratiquent les règles de morale dans toute leur intégrité! Hélas!


C’EST LE PETIT NOMBRE, C’EST LE NOMBRE DES ÉLUS.


Qui est-ce qui n’est pas plus attaché aux biens de la vie présente, qu’à ceux de la vie future?

Qui est-ce qui ne préfère pas en mille occasions les intérêts de son amour-propre, au désir de plaire à Dieu?


* * *

3 novembre

Sur les actions journalières.


1er Point.

Les exercices de piété doivent toujours avoir la première place dans nos actions journalières.

Il y a deux temps dans le jour qui doivent être spécialement consacrés à ces exercices de la prière et de la lecture de la Bible: le commencement et la fin de la journée!

Le commencement pour demander à Dieu:

- La grâce de s'acquitter fidèlement de tous ses devoirs;

- La grâce de ne laisser échapper aucune occasion de faire de bonnes oeuvres;

- La grâce de s'abstenir des moindres péchés et de vaincre les tentations de la chair et du monde.

La fin:

Pour se rendre compte à soi-même, dans son examen de conscience, des fautes que l'on a pu commettre.

Que pourrait-on penser d'un Chrétien qui laisserait passer – même un seul jour – sans penser à Dieu et à son salut?


2e Point.

On doit s'acquitter de ces exercices avec fidélité, respect et ferveur.

La fidélité consiste à ne jamais manquer à son devoir.

Est-il un homme assez occupé dans le monde pour ne pas trouver un instant au commencement et à la fin du jour, dans lequel il puisse élever son coeur à Dieu?

Ces exercices se rapportent directement et immédiatement à Dieu!

C’est à lui que nous parlons, c’est avec lui que nous traitons. Humilions-nous devant lui, en disant comme Job: je ressemble à la poussière et à la cendre. (Job XXX. 19.)

Quel fruit peut-on espérer de ces exercices, quand on s’en acquitte avec froideur et avec indifférence?


* * *

4 novembre

Sur la conformité à la volonté de Dieu à l’égard des talents naturels.


1er Point.

On conçoit quelquefois un secret dépit en voyant dans les autres des talents qui nous manquent.

C'est ainsi que Saül devint jaloux du mérite de David, et cette jalousie fut cause de sa perte.


CONTENTEZ-VOUS DES TALENTS QUE DIEU VOUS A DONNÉS,

ET N’ENVIEZ JAMAIS CEUX DES AUTRES.


Que sa volonté sainte soit toujours la règle de vos désirs.

Tout vient de toi, Seigneur! et par conséquent, on doit toujours te louer et te bénir de tout: c’est ton divin Esprit qui opère toutes choses sur la terre, faisant les partages comme il lui plaît, et il ne nous appartient pas de sonder la profondeur de tes jugements, ni de censurer les ordres de ta Providence.


2e Point.

Le moyen d'attirer la bénédiction de Dieu sur les talents qu'on a reçus c'est de se soumettre à sa volonté.

- Vous allumez la colère en murmurant contre ses ordres;

- Vous ne vous donnerez pas, par vous-mêmes, les talents qui vous manquent;

- et le Seigneur, pour vous punir, pourra permettre que vous ne tiriez aucun avantage de ceux que vous avez reçus.


* * *

5 novembre

Sur la conformité à la volonté de Dieu dans les afflictions qu'il nous envoie.


1er point.

Cette conformité est notre unique ressource dans les maux que l'on croit irréparables.

Lorsque les forces et les moyens humains nous manquent, lorsque nous ne pouvons trouver de vraie consolation dans la compagnie des hommes dont la présence est souvent plus propre à augmenter notre douleur qu'à la dissiper, à qui aurons-nous recours?


ADRESSONS-NOUS À DIEU.


Il est le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation. (2 Corinth. I. 3.)


Recevons avec résignation les coups dont il juge à propos de nous frapper.

Supportez le châtiment: c’est comme des fils que Dieu vous traite; car quel est le fils qu’un père ne châtie pas? (Hébr. XII. 7.)

Prions-le de guérir les plaies d'un coeur trop sensible aux biens et aux intérêts de la vie présente et trop peu touché de la vie éternelle.


2e Point.

Cette conformité à sa volonté doit nous rendre actifs et vigilants pour remédier aux maux.

Dieu ne nous oblige pas à être sous sa main comme des êtres passifs, comme des instruments immobiles et inanimés.

Ce n'est point s'opposer à sa volonté que d'employer LES MOYENS HUMAINS QU'IL NOUS OFFRE pour nous délivrer des maux qui nous menacent ou qui nous accables; c'est plutôt s'y soumettre et s'y conformer puisqu'en nous donnant ces moyens il nous donne la possibilité de sortir de l'épreuve.

Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter. (1 Corinth. X. 13.)


* * *

6 novembre

Garder de bonnes pensées lors des maladies.


1er Point.

Quels sont les desseins de Dieu dans les maladies qu'il nous envoie!

Nous faire sentir notre faiblesse;

Nous détacher des faux biens de ce monde et des plaisirs des sens;

Nous rappeler à lui;

Amortir l’impétuosité, et diminuer les forces de notre plus grand ennemi, qui est notre chair;

Nous familiariser avec l’image de la mort;

Nous faire souvenir que la terre est pour nous un lieu d’exil, et que le Ciel est notre véritable patrie.


2e Point.

Quels doivent être les sentiments d'un Chrétien dans les maladies que Dieu lui envoie?

Il doit recourir à Dieu pour lui demander, non pas prioritairement la santé, mais la grâce, pour obtenir le pardon de ses péchés par une prompte et sincère repentance;

Il doit se soumettre à sa volonté avec une parfaite indifférence pour la maladie ou pour la santé, pour la vie ou pour la mort; laissant aux autres les empressements et les inquiétudes, en ne gardant pour lui que la soumission;

Il doit n’attendre sa guérison que de Dieu:


C’est lui qui pardonne toutes tes iniquités,

Qui guérit toutes tes maladies;

(Ps. CIII. 3.)

Lui (Jésus) par les meurtrissures duquel vous AVEZ été guéris.

(1 Pierre II. 24.)


* * *

7 novembre

Sur les devoirs de la vie Chrétienne.


1er Point.

Voulez-vous savoir si vous menez une vie Chrétienne conforme aux principes et aux maximes de la «Religion»?

Examinez l'idée générale que Saint Paul nous donne d’une telle vie, (Rom. XII.) quand il nous dit qu’un vrai Chrétien:

1. A le mal en horreur, et qu’il s’attache fortement au bien;

2. Qu’il est toujours rempli d’une sainte sollicitude pour ne pas manquer à ses devoirs;

3. Qu’il est ardent et actif dans la pratique des vertus;

4. Qu’il est occupé sans cesse du service de Dieu;

5. Qu’il est détaché des biens de ce monde, et uniquement touché des biens éternels qui sont l’objet de son espérance;

6. Qu’il est patient dans l’adversité;

7. Qu’il est adonné à la prière;

8. Qu’il est charitable envers les pauvres;

9. Qu’il fait le bien, non seulement devant Dieu, mais encore devant les hommes pour les édifier.


2e Point.

Appliquez cette idée générale au détail de votre conduite, et voyez si vous êtes fidèle et attentif à suivre ces principes.


1. Dans le gouvernement de votre maison;

2. Dans l'usage de vos biens;

3. Dans la mesure de vos divertissements;

4. Dans l'ordre et la pratique de vos exercices de piété.


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8 novembre

Sur la certitude de la mort.


1er Point.

La certitude de la mort doit nous détacher:

Des richesses et des pompes du siècle; puisque, si elles nous accompagnent JUSQU'AU tombeau, elles ne nous suivront pas jusque DANS le tombeau.

Des honneurs du monde, qui peuvent servir tout au plus à décorer un sépulcre, sans pouvoir procurer aucune distinction utile à celui qui y est enfermé.

Des liaisons humaines et passionnées; puisque ceux que nous aurons le plus chéris seront peut-être les premiers à nous oublier une fois qu'ils nous auront perdus de vue.


2e Point.

C'est sur la certitude de la mort qu'un Chrétien doit régler les plus importantes délibérations de sa vie.

Grands du monde, on vous regarde comme les dieux de la terre! Cependant vous mourrez comme les derniers des hommes!

Si vous faites attention à cette vérité; si, avant que de prendre un parti, vous allez pour ainsi dire, au conseil de la mort:

- Vous choisirez toujours ce qui fera le plus avantageux pour votre salut:

- vous rejetterez tout ce qui pourrait vous causer de l’inquiétude,

- vous embrasserez tout ce qui pourra vous consoler au dernier jour de votre vie.


Dieu lui dit: Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et CE QUE TU AS PRÉPARÉ, pour qui cela sera-t-il?  (Luc XII. 20.)


* * *

9 novembre

Sur l'incertitude de l'heure de la mort.


1er Point.

Cette incertitude est un motif de vigilance.

Veillez, dit le Sauveur, parce que vous ne savez ni le jour, ni l'heure de votre mort. (Matth. XXV.13.)

Dieu a voulu nous tenir dans l’incertitude de ce dernier moment, dit Saint Augustin, afin que nous nous tenions nous-mêmes en garde à tous les moments.

Si vous mourez dans votre péché, vous êtes perdu, sans ressource.

Si vous demeurez plus longtemps dans cet état, ne prenez-vous pas le risque d'y mourir et d'être rejeté dans l'Enfer pour l'éternité?


2e Point.

Ce qu'il y a de certain dans cette incertitude, c'est que nous serons surpris par la mort si nous n’y sommes pas préparés.

Jésus-Christ ne nous dit pas seulement, veillez-y parce que vous ne savez ni le jour, ni l'heure; MAIS IL AJOUTE, veillez, parce que le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne l'attendez pas. (Matth. XXV. 13; Luc XII. 40.)

Celui qui persévère dans l’état du péché ne peut donc pas dire: Si je puis être surpris, je puis aussi ne pas l’être.

Il doit compter et regarder, comme certain, qu’il sera surpris, PUISQUE JÉSUS-CHRIST L'AFFIRME EN TERMES EXPRÈS!

Le pécheur se destine donc en quelque sorte à une mort funeste, et se condamne lui-même à une éternité malheureuse s’il remet toujours à plus tard de se convertir.


* * *

10 novembre

Sur les approches de la mort.


1er Point.

Il ne faut pas se persuader que notre mort est éloignée alors qu'elle est proche.

Hélas! c’est cependant ce qui arrive tous les jours!

On ne se flatte pas de vivre éternellement; mais on a peine à croire que l'on va mourir, alors même que l'on est aux portes de la mort.

La plupart des grands ne meurent-ils pas persuadés qu'ils ont encore du temps à vivre?

On les trompe sur leur état; on leur ment comme le démon a menti à nos premiers parents:

Vous guérirez; vous n'en mourrez pas; et pour ménager leur faiblesse, on les laisse mourir dans leur endurcissement et dans leurs péchés.


2e Point.

Pour éviter un si grand malheur, il faut que vous soyez plus touché par le désir de votre salut que par la crainte de la mort.

Pourquoi craint-on d’annoncer à la plupart des hommes que leur mort est proche et inévitable?

C’est qu’on sait qu’ils sont TROP ATTACHÉS À LA VIE, et qu’ils ont une crainte démesurée de la mort.

Si l’on était persuadé qu’ils se sont toujours préparés par une vie sainte et fervente à ce terrible passage, on ne craindrait pas tant de leur déclarer qu’ils sont sur le point d’entrer dans la joie du Seigneur.


* * *

11 novembre

Sur les sentiments qu'un Chrétien doit avoir aux approches de la mort.


1er Point.

On les trouve, en partie, exprimés dans le cantique qu’Ezéchias prononça lorsqu’il se sentit frappé d’une maladie mortelle.

On voit qu’il est persuadé que sa mort est proche, sans témoigner aucun regret sur la vie qu'il a vécue en vivant selon les commandements de Dieu.

En ce temps-là, Ezéchias fut malade à la mort. Le prophète Ésaïe, fils d’Amots, vint auprès de lui, et lui dit: Ainsi parle l’Éternel: Donne tes ordres à ta maison, car tu vas mourir, et tu ne vivras plus. Ezéchias tourna son visage contre le mur, et fit cette prière à l’Éternel:

Ô Éternel! SOUVIENS-TOI que j’ai marché devant ta face avec FIDÉLITÉ et INTÉGRITÉ DE COEUR, et que J’AI FAIT CE QUI EST BIEN À TES YEUX! (2 Rois XX. 1- 3.) 


2e Point.

Le coeur de Dieu est touché et sa miséricorde se manifeste en prolongeant ses jours.

C'est ainsi que nous avons la liberté de nous adresser au Maître de la vie:

Que ferai-je ô mon Dieu, pour me préparer à paraître devant toi?

- Je repasserai toutes les années de ma vie dans l'amertume de mon âme.

Seigneur, viens à mon secours, ÉCLAIRE-MOI, soutient mon âme qui se ressent de la faiblesse et de l’abattement de mon corps; oublie mes péchés et SOUVIENS-TOI du salut que tu m'as accordé en Jésus-Christ ton Fils bien-aimé.


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12 novembre

Sur la fragilité de la vie.


1er Point.

Ceux qui ont examiné avec le plus de soin la structure du corps humain, ne s'étonnent pas de ce que les hommes meurent, ils sont étonnés de ce qu'ils vivent.

Ce corps est composé de tant d’organes nécessaires à la vie, et en même temps si fins et si délicats, qu’il est incompréhensible que dans les différents mouvements que nous lui donnons ou qu’on lui donne, il ne s’en brise point.

Notre vie dépend du cours réglé et du parfait équilibre de tant d'humeurs différentes (Vieux mot désignant des substances liquides sécrétées par un organisme vivant.), dont l’altération finit pour nous l’ôter, qu’on a peine à comprendre qu'elle puisse égaler la durée d’une fleur, qui se flétrit d’un jour à l’autre.


2e Point.

Notre vie même n'est, à proprement parler, qu'une mort continuelle et anticipée.

Nous mourons tous les jours!

Chaque instant qui s’écoule nous dérobe une portion de notre vie, et nous avance d’un pas vers le tombeau.

C’est une erreur, disait un ancien, d’envisager la mort dans l’avenir: 
- Elle est toujours présente; nous la portons dans notre sein; 
- Elle nous mine insensiblement, et nous détruit en détail.
- Déjà elle s’est emparée d’une grande partie de nos jours; et le peu qui reste dépérit à toute heure et devient à chaque instant la proie de la mort.

 Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, Ils s’évanouissent: plus d’espérance!  
Quoi! mes jours sont passés, MES PROJETS SONT ANÉANTIS, Les projets qui remplissaient mon coeur... (Job VII. 6; XVII. 11.)

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13 novembre

Sur l’oubli de la mort.


1er Point.

On parle souvent de la mort des autres sans jamais penser à la sienne.

Il est vrai qu’en voyant mourir tous les jours des parents, des amis, des concurrents, des égaux, ses serviteurs ou des maîtres, on ne peut quelquefois s’empêcher de dire en général, que RIEN N’EST PLUS INCERTAIN QUE LA DURÉE DE NOS JOURS.

On meurt à tout âge et on ne peut pas compter sur un quart d’heure de vie en plus; mais on ne s’applique pas à soi-même ces solides réflexions: elles se présentent à notre esprit, mais elles n’y restent pas; nous en apercevons la vérité, mais nous ne la sentons pas.

Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie? (Matth. VI. 27.)


2e Point.

La mort des autres ne sert souvent qu'à nous attacher davantage à la vie.

Au lieu de penser qu’ils nous ont précédés dans la région des morts où nous les suivrons bientôt, on ne songe qu’à les remplacer sur la terre, à se revêtir de leurs dépouilles, et à succéder à leurs dignités et à leurs titres.

Hélas! tandis que l’on accompagne leurs funérailles avec toutes les marques extérieures de la tristesse, il y en a quelques-uns qui se réjouissent intérieurement de ce que le vide qu’ils ont laissé dans ce monde a ouvert un champ plus libre et plus vaste à leurs prétentions et à leurs désirs.

Ce temps de funérailles où tout devrait concourir à nous rappeler, à la salutaire pensée de la mort, est justement celui où l’on est le plus occupé des illusions de la vie.

L’homme n’est pas maître de son souffle pour pouvoir le retenir, et il n’a aucune puissance sur le jour de la mort; il n’y a point de délivrance dans ce combat... (Eccl. VIII. 8.)


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14 novembre

Sur la mort des Pécheurs.


1er Point.

C'est à ce dernier moment qu’ils comprennent l'inutilité de leurs peines.

Ils n’ont travaillé, ils n’ont souffert QUE pour un monde qui leur échappe sans retour; ils regardaient les contraintes de la vertu et les assujettissements de la piété comme un joug trop pesant pour leur faiblesse.

Ils n’avaient de force et de confiance QUE pour le service du monde; ils ont sacrifié leur vie, leur temps, leur santé, leur repos à cette fortune dont ils étaient idolâtres ou à leur bien-être.

Cette fortune va disparaître pour toujours, et après tant de travaux et de fatigues, il ne leur reste que le regret de perdre en un moment tout ce qu’ils ont acquis avec tant de peine, il leur reste aussi le regret de ne plus pouvoir jouir des plaisirs de ce monde comme par le passé.

Ils ont confiance en leurs biens, Et se glorifient de leur grande richesse.

Ils ne peuvent se racheter l’un l’autre, Ni donner à Dieu le prix du rachat. (Ps. XLIX. 6-7.)


2e Point.

C’est à ce dernier moment qu’ils commencent à comprendre, la vanité de leurs plaisirs.

Ils n’ont duré qu’un instant; à peine leur en restent-ils un léger souvenir!

Ce qui devait durer si peu, valait-il la peine de se perdre et de se damner pour l’éternité?

Ils se rappellent, dans l'amertume de leur âme, les années de leur jeunesse; mais c'est dans un autre sens que celui d’Ezéchias.

Ce Roi mourant, ne se rappelait les infidélités de sa vie que pour les pleurer. Ceux-ci n’y pensent que pour les regretter.

Dans l'un, c'est un souvenir de repentance qui travaille au salut;

Dans les autres, c’est un souvenir de désespoir et d’attachement qui souligne leur réprobation.

Que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, S’IL PERDAIT SON ÂME?

Ou, que donnerait un homme EN ÉCHANGE DE SON ÂME?

(Matth. XVI. 26.)


* * *

15 novembre

Sur la surprise des pécheurs à l’heure de la mort.


1er Point.

On éloigne le plus souvent possible le moment de vérité.

Tous ceux qui les environnent s’accordent à les flatter et à les tromper; les uns par compassion, les autres par crainte, et d’autres par un excès de complaisance ou de tendresse.

On les regarde déjà comme morts, mais on leur donne encore des espérances de vie!

Personne ne veut se charger de prononcer cet arrêt fatal qui les condamne à la mort; on craint d'en précipiter l’exécution par une sincérité cruelle et meurtrière et on attend, pour les en avertir, qu’il ne leur reste plus qu’un souffle de vie.


2e Point.

Cette surprise de bientôt mourir est accablante pour eux.

Ils envisageaient leur mort dans un avenir éloigné: ils en rejetaient la pensée comme une idée importune et funeste.

La voilà qui arrive, et qui les trouve:

- chargés  de «crimes»,

- vides de bonnes œuvres,

- sans avoir pensé à Dieu et à leur salut pendant tout le cours de leur vie,

- formant peut-être encore de nouveaux projets à deux pas du tombeau.


Quelle surprise! quel étonnement!

Que d’inutiles regrets sur le passé!

Que d’alarmes et que d’inquiétudes sur l'avenir!


* *

il est RÉSERVÉ aux hommes de mourir une seule fois,

APRÈS QUOI VIENT LE JUGEMENT

(Hébr. IX. 27.)


* * *

16 novembre

Sur les sentiments des mondains aux
 approches de la mort.


1er Point.

La mort les sépare de tout et ils regrettent beaucoup plus les biens qu’elle leur ôte, qu’ils ne sont regrettés eux-mêmes par ceux qui les voient mourir.

Ils regrettent:

- Ce monde qu’ils ont toujours aimé, sans lequel ils ne pouvaient vivre;

- Ces amis, ces parents avec lesquels ils avaient formé des liaisons si utiles et si agréables;

- Ce monde, où ils étaient établis, et où ils croyaient avoir une cité permanente!

CE MONDE N’EST PLUS POUR EUX; il en faut sortir; il faut le quitter pour toujours; mais leur coeur y tient encore, et même en mourant par la loi de la nature, ils ne peuvent se résoudre à mourir au monde à cause  d'un véritable attachement.


2e Point.

Ils regrettent ces biens, ces faux biens, ces biens fragiles et passagers qu’ils avaient accumulés avec tant de soins.

Ils regrettent ces biens qu'ils ont dépensés avec tant de faste; ces richesses acquises, peut-être par des voies injustes, ou du moins DOUTEUSES POUR LE SALUT, et conservées malgré tous les reproches de leur conscience.

Ces maisons de délices, ces superbes appartements, qu’il faut abandonner pour descendre dans la nuit du tombeau!

DE TOUT CE QU’ILS ONT POSSÉDÉ EN CE MONDE, il ne leur restera plus que six pieds de terre et le drap lugubre dont ils vont être enveloppés.


* * *


17 novembre

Sur les connaissances qu'on acquiert à
 l'heure de la mort.


1er Point.

On apprend à connaître les hommes.

On éprouve que, pour l’ordinaire, ils ne nous sont attachés que par intérêt; que nous ne devons compter sur leur complaisance et leur fidélité qu’autant que nous pouvons leur être utile; et que dès l'instant où cette utilité cesse, de nombreuses amitiés disparaissent.

Ce mourant n’a pas encore rendu le dernier soupir, et déjà tout le monde le fuit et l’abandonne, pour aller peut-être porter à celui que l’on croit devoir lui succéder, ses adulations et les hommages.


2e Point.

On apprend à connaître Dieu.

C'est alors que Dieu seul paraît grand: toutes les autres grandeurs s’évanouissent aux yeux d’un mourant; celle de Dieu est la seule qui subsiste éternellement.

Les sens de ce pécheur ne peuvent plus être frappés de tous ces objets qui avaient fait sur lui des impressions si vives et si funestes:

DIEU SE MONTRE!

L'éternité s’approche;

Une autre vie et un autre monde paraissent à découvert;

Des biens ou des maux, jusqu'alors invisibles, prennent la place de ces vains prestiges qui nous éblouissent pendant la vie et qui disparaissent à l’heure de la mort.


* * *

18 novembre

Sur la séparation de l'âme et du corps.


1er Point.

Le corps, séparé de l'âme, est porté en terre pour être abandonné aux vers et à la pourriture.

À quoi servira donc à cette âme d’en avoir fait de son corps une idole, d’avoir employé tant de soin à le flatter, d’en avoir PRÉFÉRÉ LES COMMODITÉS ET LES DÉLICES À SES INTÉRÊTS ÉTERNELS, d’avoir mis son bonheur à lui attirer les regards et les affections du monde!

Il est enfermé dans la terre, objet affreux et odieux aux vivants, et il sera bientôt réduit en cendre et en poussière.

C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et TU RETOURNERAS DANS LA POUSSIÈRE. (Gen. III. 19.)


2e Point.

L'âme, séparée du corps, est portée au tribunal de Dieu.

Cette âme entre dans un nouveau monde; elle paraît devant son juge, SEULE, SANS secours et SANS appui: il ne reste plus que cette âme et ses œuvres.

Heureuse est-elle si elle montre des œuvres de justice et de sainteté ACQUISES PAR L'OEUVRE DE JÉSUS-CHRIST dont elle a porté le joug dans le chemin étroit qui conduit à la vie éternelle!

... Étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent. (Matth. VII. 14.)

Malheureuse à jamais, si elle ne peut présenter à son juge que des œuvres de mensonge et d’iniquité ayant refusé le salut qui lui était proposé.

Il n’y a de salut en aucun autre (Jésus-Christ); car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. (Actes IV. 12.)


* * *

19 novembre

Sur la mort des Justes.

(Ceux et celles qui ont été rendus justes par Jésus-Christ.)


1er Point.

Le juste mourant quitte le monde sans regret.

Il a travaillé toute sa vie à détacher son coeur des plaisirs du monde; il a toujours évité les endroits qui l'auraient rendu odieux et méprisable et qui auraient souillé son âme.

À l’heure de la mort, il éprouve l’heureux effet de son engagement et son attachement à Jésus-Christ.


IL REÇOIT LA RÉCOMPENSE DE SON DÉTACHEMENT DES CHOSES DU MONDE.


S’il lui reste des liens à rompre et des sacrifices à faire, sa soumission à la volonté de Dieu et cet amour de préférence, qu’il lui a toujours conservé, en adoucit les rigueurs.

S’il reste quelques atteintes de cette horreur naturelle qui accompagne toujours la mort, la grâce l’aide à la surmonter.


2e Point.

Le juste mourant se présente au tribunal de Christ avec une humble confiance.

Il y paraît accompagné de sa foi en Jésus-Christ.

S’il a conservé jusqu'au dernier soupir son engagement avec lui, il n’a rien à craindre.


SA CONFIANCE EST FONDÉE SUR LA BONTÉ DE DIEU,

ET SUR LES MÉRITES DE JÉSUS-CHRIST.


Il peut dire comme l’Apôtre: J'ai rempli ma course et j'ai toujours gardé la foi; non une foi morte et stérile, une foi de spéculation (intellectuelle), mais une foi pratique et laborieuse; il ne me reste donc plus qu'à recevoir des mains de mon juge la couronne de justice.

... Le moment de mon départ approche. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, J’AI GARDÉ LA FOI.

Désormais la couronne de justice m’est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là,

et non seulement à moi, mais encore À TOUS CEUX QUI AURONT AIMÉ SON AVÈNEMENT. (2 Tim. IV. 6-8.)

* * *

20 novembre

Sur les consolations des Justes à l’heure 
de la mort.


1er Point.

Ils la regardent comme la fin de leurs peines.

Ils ont porté leur croix: ils ont souffert des privations, des contraintes, des tribulations, qui n'ont duré qu’un moment; puisque la vie entière ne paraît plus qu’un instant quand on est arrivé à la fin de sa course et que l'on est en face de l'éternité.

Désormais ils en sont délivrés POUR TOUJOURS; il n’y aura plus pour eux ni larmes, ni soupirs, ni afflictions, ni travaux, ni périls, ni épreuves.

L’hiver est passé, les orages ont cessé, les maux sont finis.

Après une navigation pénible et périlleuse, la mort est pour eux un port tranquille qui les met à l’abri des orages et des tempêtes.


2e Point.

Ils la regardent comme le commencement de leur bonheur.

Par la mort, ils entrent dans la joie du Seigneur.

Joie ineffable! bonheur qui surpasse notre intelligence, que l'œil n'a point vu, et que l'esprit de l'homme ne peut comprendre jusqu'à ce que son âme, dégagée de ces liens terrestres qui l'appesantissent, possède son Créateur dans la plénitude de son essence divine, qu’elle verra sans voile et sans nuages: joie éternelle et bonheur qui n'auront jamais de fin.

Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.

Et celui qui était assis sur le trône dit: Voici, je fais toutes choses nouvelles.

Et il dit: écris; car CES PAROLES SONT CERTAINES ET VÉRITABLES. (Apoc. XXI. 4-5.) 


* * *

21 novembre

Sur la gloire des Justes à l'heure de
 la mort.


1er Point.

C’est le moment de leur triomphe.

Cette mort n’humilie que les pécheurs par les changements qui la précèdent, mais RIEN NE CHANGE POUR LES JUSTES À L’HEURE DE LA MORT:

Ils ont toujours marché d’un pas égal vers l’éternité; et plus ils en approchent, plus ils sentent augmenter leur force et leur courage; ils s’élèvent alors au-dessus du monde.

La mort ne peut rien leur ôter dont ils ne se soient dépouillés d’avance:

Ils étaient déjà morts au monde et à eux-mêmes, et leur vie était cachée en Dieu avec Jésus-Christ. 

Affectionnez-vous aux choses d’en haut, et non à celles qui sont sur la terre. Car vous êtes morts, et VOTRE VIE EST CACHÉE AVEC CHRIST EN DIEU. (Col. III. 2-3.)


2e Point.

La mort humilie les pécheurs par la destruction de leur corps qui est la conséquence du péché de nos premiers parents.

Cette destruction – inévitable – fait la gloire du juste, car il a été racheté à un grand prix (1 Corinth. VI. 20.).

Il avait toujours regardé sa chair comme une ennemie redoutable qu’il fallait dompter; il n’avait été occupé qu’à embellir son âme par les dons de la Grâce et de la justice.

Le moment est venu ou cette âme ornée de mille vertus, s’élève sur les ruines de ce corps de péché pour aller jouir dans le sein de Dieu de la gloire qui lui est promise.

Heureux l’homme qui supporte patiemment la tentation; car, après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a PROMISE À CEUX QUI L’AIMENT. (Jacques I. 12.)


* * *

22 novembre

Sur l'interprétation de la Loi de Dieu.

(Des commandements)


1er Point.

Cette Loi est claire par elle-même; mais nos passions nous en cachent le véritable sens.

De là viennent des interprétations différentes, dont les unes sont plus douces et plus mitigées, les autres plus justes et plus exactes.

Quoi de plus clair, dit Saint Augustin, que la lumière du soleil, quand il se montre sans être obscurci par aucun nuage?

Cependant un aveugle ne la voit pas; il demeure encore dans les ténèbres; mais cette obscurité est en lui; elle n’est point dans l’astre qui nous éclaire.

Il en est de même de la Loi de Dieu, (de ses commandements).

Si elle vous paraît obscure, c’est de vous, c’est de votre coeur aveuglé par ses penchants que vient cette obscurité.

Purifiez-le, ce coeur, accoutumez-le à ne plus écouter ses passions qui l’aveuglent et vos doutes feront bientôt éclaircis.


2e Point.

La preuve de cette vérité; c’est qu'à mesure qu’on revient de ses égarements, on trouve moins d’incertitude et d’obscurité dans ses devoirs et dans la compréhension des Écritures.

Les lumières croissent quand les passions diminuent.

Nous comprenons sans peine le véritable sens des articles de la Loi qui n’ont aucun rapport aux passions qui nous gouvernaient.

Un avare y aperçoit d’abord la condamnation des plaisirs infâmes de la volupté; et un voluptueux qui cherche encore à justifier ses faiblesses, n’hésite pas à y trouver la condamnation de l’avarice.


* * *

23 novembre

Sur le pardon des injures.


1er Point.

Il ne suffit pas d'être disposé à pardonner les grandes injures.

Les affronts cruels, les sanglants outrages, les violences et les attentats arrivent si rarement, que la vie entière se passerait sans que l’on eût l'occasion d’observer le précepte du Seigneur, si l’on se bornait à ne pardonner que de pareilles injures.

Prenez garde à vous-mêmes. Si ton frère a péché, reprends-le; et, s’il se repent, pardonne-lui. (Luc XVII. 3.)

Dieu exige encore de nous le sacrifice de ces antipathies, de ces aversions secrètes que l'on nourrit dans son coeur contre ceux dont l’humeur nous paraît fâcheuse, inégale, difficile, épineuse:

IL VEUT QUE NOUS PARDONNIONS ces contrariétés journalières, ces offenses légères que l'on éprouve si souvent dans les relations de la vie.

LA CHARITÉ TOLÈRE TOUT, dit l'Apôtre (1 Corinth. XIII. 4-8.), et ce n'est que par le bien qu'elle tâche de vaincre le mal.


Ne te laisse pas vaincre par le mal,

mais surmonte le mal par le bien.

(Rom. XII. 21.)


2e Point.

Ce pardon est indispensable, puisque selon la parole de Jésus-Christ, la miséricorde n’est promise qu’à ceux qui auront été miséricordieux.

Le pardon de nos péchés que nous demandons tous les jours à Dieu ne peut être obtenu que par celui que nous aurons accordé à nos frères;

Dieu ne voit qu’avec peine, aux pieds de ses autels, un coeur ulcéré par la haine, il rejette ses vœux, ses offrandes; il ne reçoit que l'hommage des coeurs charitables et c’est lui offrir pour nous-mêmes une prière agréable, que de le prier pour ceux qui nous ont offensés.

Pardonne-nous nos offenses, COMME nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. (Matth. VI. 12.)

Mais moi (Jésus), je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent... (Matth. V. 44.)


* * *

24 novembre

Sur l'unique nécessaire.


1er Point.

Cet unique nécessaire, c'est le salut éternel de notre âme, au prix duquel tout le reste n’est rien.

La vie passe, mais l’éternité demeure: le corps se détruit, mais l’âme subsiste éternellement.

Nous ne devons donc rien faire, rien aimer, rien désirer d'autre que son salut.

C’est là le point unique et capital où doivent se réunir toutes les pensées de notre esprit et toutes les affections de notre coeur.


CE SALUT EST NOTRE BIEN LE PLUS PRÉCIEUX, NOTRE BIEN UNIQUE.


Il y a, sans doute, mille autres biens dans le monde qui peuvent en un sens nous paraître nécessaires; mais leur nécessité est toujours subordonnée à celle de notre salut.

Ils doivent être mis au rang des maux, pour peu qu’ils nous en éloignent.

Nous ne pouvons les regarder comme des biens, qu’autant qu’ils soient propres à nous y conduire.


2e Point.

Il s'ensuit de là, qu’il n’y a point d’affliction si cruelle, point de perte si sensible et si douloureuse que je ne doive supporter avec patience, si elle me cause du dommage par rapport à mon salut.

Il n’y a aucun mal dans le monde que je doive plus craindre et plus haïr que le péché qui s’oppose à mon salut.

Il n’y a point de tentation si forte et si puissante, que je ne doive surmonter avec courage par cette seule réflexion:


IL Y VA DE MON SALUT!


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25 novembre

Sur l'amour des ennemis.


1er Point.

Aimez vos ennemis, nous a commandé Jésus-Christ.

Quel est le sens de ce précepte?

Il est certain qu'il ne s’agit point ici d'un amour de sympathie, d’inclination, de tendresse et de sentiments: un tel amour est naturel; et celui que Dieu nous ordonne d’avoir pour nos ennemis est au-dessus de la nature.

Il consiste à étouffer ce sentiment de haine et d’aversion qui s’élève malgré nous dans notre âme, en oubliant le mal qu’ils nous ont fait, ou qu’ils ont voulu nous faire COMME DIEU OUBLIE NOS PÉCHÉS QUAND NOUS REVENONS EN GRÂCE AVEC LUI.

Il consiste à rejeter de notre esprit l’idée et le souvenir de ce mal quand il se présente, comme on rejette les pensées contraires à la pudeur.

Il consiste à faire rentrer par là nos ennemis dans l’ordre de cette charité universelle qui embrasse tous les hommes en Jésus-Christ.

Il consiste à leur vouloir du bien et à leur en faire, comme s’ils ne nous avaient jamais offensés.


2e Point.

Ce précepte n'a rien de contraire au bien général de la société.

Il ne défend point à ceux qui sont chargés de l'autorité publique de donner la punition à des coupables; il ne leur interdit que la vengeance particulière qui serait un abus manifeste de l’autorité.

LE MAGISTRAT EST SERVITEUR DE DIEU POUR TON BIEN.

Mais si tu fais le mal, crains; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. (Rom. XIII. 4.)

Il ne défend pas le recours à la justice humaine; mais il défend de l’implorer sans une vraie nécessité et par un sentiment de haine et de vengeance.


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26 novembre

Sur la vengeance.


1er Point.

La Loi de Dieu nous défend toute espèce de vengeance personnelle et particulière.

On ne se venge pas toujours par le meurtre et par l’homicide: il y a des vengeances lourdes et cachées, et des vengeances d’éclat; des vengeances cachées et des vengeances ouvertes; des vengeances d’action, et des vengeances de paroles.

- On se venge par des railleries;

- On se venge par des médisances et par des calomnies;

- On se venge par des rapports envenimés qui excitent la vengeance des autres;

- On se venge par un oubli affecté, par un refus, par un manque d’attention et d’égard;

- On se venge quelquefois par le seul air de son visage, par un air de froideur, d’indifférence ou de mécontentement.

On doit observer et spécifier toutes ces différences quand on veut connaître ses péchés dans l’examen de sa conscience, et s'en accuser dans la confession à Dieu pour obtenir son pardon.


2e Point.

Cette Loi nous paraît rude, mais elle vient de Dieu.

Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur. (Rom. XII. 19.)

Tel est l'ordre précis et la volonté du souverain Maître.

C’est moi qui vous le dis: aimez vos ennemis, et par conséquent ne vous vengez jamais soyez toujours disposé à leur pardonner quelque injure que ce puisse être.

Il n’y a qu’un Dieu, sans doute, qui puisse exiger de nous un si grand sacrifice; mais il l’exige.

C'EST MOI QUI VOUS LE DIS! C’est ici une parole impérieuse qui doit nécessairement captiver notre obéissance.

Opposez à ce MOI tous les prétextes qu'on emploie pour autoriser la vengeance, et vous trouverez dans cette seule parole, une force supérieure et dominante qui répond à tout ce qui doit l’emporter sur tout et qui n'autorise pas d'exception!


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27 novembre

Sur le désir de travailler à son salut.


1er Point.

Qualités de ce désir.

Un vrai Chrétien ne désire rien au monde plus que son salut; parce que c’est son bien le plus grand et l'aboutissement de sa vie.

Il ne désire rien au monde autant que son salut parce que ce serait ôter à ce bien suprême ce caractère de supériorité et d’excellence qui lui est propre que de le comparer aux biens fragiles et périssables de cette vie mortelle.

Il ne désire aucun autre bien avec autant d'ardeur, la fin étant le royaume de Dieu et l'éternité avec son Sauveur.


2e Point.

Ce désir du salut doit aussi paraître dans nos prières.

Quand vous demandez à Dieu tout autre bien ne concernant pas votre salut, vos prières doivent rester conditionnelles à la pensée de l'éternité qui vous attend.

Mais quand c’est pour l'entretien de votre salut même, elles doivent être absolues, sans aucune restriction parce que vous êtes sûr que:


VOTRE DEMANDE EST CONFORME À LA VOLONTÉ DE DIEU.


Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi, TRAVAILLEZ À VOTRE SALUT AVEC CRAINTE ET TREMBLEMENT... (Philip. II. 12.)

Et si le juste se sauve avec peine, que deviendront l’impie et le pécheur? (1 Pierre IV. 18.)


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28 novembre

Sur la difficulté du salut.


1er Point.

Jésus-Christ ne nous a rien caché au sujet du salut.

Il nous a dit que la voie du Ciel est étroite et difficile, et qu'il fallait se faire une violence continuelle pour y marcher.

Étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent. (Matth. VII. 14) 

Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui s’en emparent. (Matth. XI. 12.)

La plupart des hommes ne sont effrayés de ses maximes que parce qu’ils ne font pas assez attention à LA PUISSANCE DE LA GRÂCE.

Pour la connaître, considérez d’abord ce que faire peut sur le coeur des hommes le désir des biens de ce monde: quelles difficultés ne surmontent-ils pas pour les obtenir?

Ce désir donne de l'activité aux paresseux et les fait vivre dans un travail pénible et continuel; il donne du courage aux lâches, et les transporte au milieu des périls de la guerre...


2e Point.

La grâce a plus de pouvoir pour nous conduire au salut que le monde n'en a pour nous séduire.

Souvenons-nous que ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu, (Luc XVIII. 27.) et que nous pouvons tout en celui qui nous fortifie:

Je puis tout par celui qui me fortifie. (Philip. IV. 13.)

Venez à moi, nous dit-il, vous qui êtes chargés et accablés, et je vous soulagerai. (Matth. XI. 28.)

Venez à moi, hommes faibles, et fragiles, pécheurs accablés sous le poids de vos iniquités, qui gémissez de la multitude de vos défauts et vous éprouverez que mon joug est doux et mon fardeau léger (Matth. XI. 30.); parce que vous ne le porterez pas seuls, et que j’emploierai toute la force de mon bras tout-puissant pour vous aider à le soutenir.


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29 novembre

Sur la Confession des péchés.


1er Point.

Cette confession est indispensable.


Celui qui cache ses transgressions ne prospère point,

Mais celui qui LES AVOUE ET LES DÉLAISSE obtient miséricorde.

(Prov. XXVIII. 13.)


Il n'y a point de péché pardonné s'il n'est pas premièrement confessé!

La repentance nous mène vers la miséricorde.

Le pécheur vient chercher cette miséricorde, mais POUR LA TROUVER ET LA RECEVOIR, il faut être honnête devant Dieu sans chercher à cacher la vérité, faute de quoi, il implore en vain la miséricorde de Dieu.

- Il ne peut être réconcilié, s’il n’est pas sincère;

- Il augmente même le nombre de ses péchés, en cachant ou en déguisant ceux qu’il a commis puisqu'il y ajoute un mensonge.


2e Point.

Cette confession n'est pas toujours exacte et sincère.

Le Démon ne pouvant mettre obstacle aux effets de la miséricorde de Dieu, arrête la vérité dans la bouche du pécheur et le pousse à n'en dire qu'une partie.

Comment Satan a-t-il tenté ton coeur, disait l’Apôtre Saint Pierre à l’infidèle Ananias, jusqu'à vous faire mentir au Saint-Esprit?

Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton coeur, au point que tu mentes au Saint-Esprit... (Actes V. 3. V. S.)

À l’instant ce malheureux tomba mort aux pieds de l’Apôtre ainsi que sa femme lorsqu'à son tour, elle appuya le mensonge qu'avait fait son mari auparavant.

Figure terrible des pécheurs qui donnent la mort à leur âme en cachant leur péché.


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30 novembre

Sur la connaissance des péchés qu'on
 a commis.


1er Point.

Plusieurs les ignorent parce qu'ils négligent de les connaître.

Cette négligence peut avoir deux principes:

L’indifférence.

S’agit-il des affaires du monde?

On veut les connaître à fond, et on n’épargne ni étude, ni concentration d’esprit pour en avoir la plus parfaite connaissance.

S’agit-il au contraire de connaître au juste l’état de sa conscience?

On n’a plus le même empressement ni la même inquiétude.

La paresse.

On est accoutumé à vivre dans la dissipation, sans réflexion sur soi-même, sans attention sur ce qui se passe dans son coeur, il en coûterait trop pour penser, pour réfléchir, pour se rendre un compte exact de ses pensées, de ses désirs, de ses paroles et de ses actions.

Il est plus court et plus commode de se présenter devant Dieu sans prendre la peine d’acquérir une connaissance exacte de tous ses péchés tout en croyant que l'on est «bon Chrétien».


2e Point.

On les ignore, parce qu'on craint de les connaître et de perdre quelques «avantages».

Ceci regarde surtout les péchés qui ont un rapport à notre passion dominante et qui, par là, touchent et intéressent davantage notre amour-propre et l'image que l'on donne de soi-même.

Notre conscience nous les ferait apercevoir SI ELLE ÉTAIT ÉCLAIRÉE; mais:

- Nous savons l’engager dans nos erreurs, lorsque nous n’avons le front de résister à ses lumières.

- C’est un témoin que l'on corrompt,

- Un complice que l’on fait taire,

- Un censeur que l’on gagne, que l’on apaise et que l’on sait rendre aveugle ou complaisant.

Le but du commandement, c’est une charité venant d’un coeur pur, d’une bonne conscience, et d’une foi sincère. (1 Tim. I. 5.)


GARDANT LA FOI ET UNE BONNE CONSCIENCE.

Cette conscience, quelques-uns l’ont perdue,

et ils ont fait naufrage par rapport à la foi.

(1 Tim. I. 19.)

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