Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MÉDITATIONS POUR TOUS LES JOURS DE L’ANNÉE

AOUT

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(note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1759)


1er août

Sur le rapport qu'a l'humilité Chrétienne avec les autres vertus.


1er Point.

La Foi, l'Espérance et la Charité, qui renferment nos principaux devoirs envers Dieu ne se soutiennent que par l'humilité.

La Foi éclaire les esprits humbles, dociles et soumis, tandis que l’orgueil éteint ou rejette toutes ses lumières, suivant cette parole: Vous avez caché ces mystères aux Sages et aux prudents du siècle, et vous les avez révélés aux humbles.

Je te loue Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi. (Luc X. 21.).

L’espérance est la ressource et la consolation des humbles, qui se défient (se méfie) d’eux-mêmes, et qui mettent en Dieu toute leur confiance.

La charité (l'amour) qui consiste à aimer Dieu est pareillement le partage des humbles QUI SAVENT QUE TOUT CE QU’ILS ONT VIENT DE LUI, et qu’ils ne subsistent QUE par sa bonté.


2e point.

L'humilité est encore l'appui des autres vertus qui renferment nos devoirs envers le prochain.

Il y a toujours des démêlés et des querelles entre les orgueilleux;

Ils se plaignent de tout;

Ils ne trouvent rien à leur gré;

Ils ne cherchent mutuellement qu’à se déchirer et à se détruire.

L’orgueilleux excite les querelles, Mais celui qui se confie en l’Éternel est rassasié. (Prov. XXVIII. 25).

Les humbles, au contraire sont contents de tout;

Ils ne se plaignent de rien;

Ils n’ambitionnent point les distinctions et les préférences.

Ils s'imaginent toujours qu’on les traite plus favorablement qu’ils ne méritent, et par là:


ILS CONSERVENT LA PAIX AVEC DIEU,

AVEC LE PROCHAIN

ET AVEC EUX-MÊMES.


* * *

2 août

Sur la vraie humilité.


1er Point.

Elle ne consiste pas dans les dehors et dans les paroles.

Il est aisé, dit Saint Jérôme, de pencher la tête, de baisser les yeux, de s’appeler pécheur ou pécheresse; mais il y a souvent de l’orgueil caché sous ces trompeuses apparences!

Il y en a qui feignent de s’humilier à tout propos, mais leur intérieur est plein de déguisements et de fraudes: ce sont des serpents qui rampent à terre; mais si vous venez à les toucher, même légèrement, même sans y penser, ils s’enflent aussitôt de rage et de fureur; leurs yeux étincellent, leur colère s’allume, et ils vous donneront une blessure mortelle, pour un coup qui n’était pas même une offense.


2e Point.

Elle consiste dans les sentiments du coeur.

Ce n’est pas être humble que de se mépriser extérieurement soi-même, et de dire du mal de soi; mais c’est l’être véritablement que de souffrir patiemment les injures et les mépris des autres.

C’est une grâce que de supporter des afflictions par motif de conscience envers Dieu, quand on souffre injustement. (1 Pierre II. 19.)


* * *

3 août

Sur la misère de l'homme.


1er Point.

Qu'est-ce que l'homme, demande Saint Chrysostôme?

Il ne naît que pour mourir; il s’enfle, il s’élève, et il n’a que quelques moments à vivre: on le perd de vue dans la durée des siècles.

Six mille ans se sont écoulés sans qu’il ait vécu; et un plus grand nombre s’écouleront encore, sans qu’on y trouve à redire.


Jamais content de son sort,

quoiqu’il en soit assez content pour être orgueilleux,


Il se donne de continuelles fatigues pour monter plus haut; et, avant qu’il ait eu le temps de croître au gré de ses désirs, il meurt, on le foule aux pieds; on le vante aujourd’hui, on l’admire.

On le pleurera peut-être demain à moins que personne ne veuille prendre le soin de le pleurer et de le plaindre!


2e Point.

Qu'est-ce que l'homme pécheur?

Y a-t-il quelque chose qui soit au-dessous du néant?

Oui, sans doute; puisqu'il y a le péché que l’homme ajoute par le dérèglement de sa volonté, au néant qui lui est propre:

Le péché est pire que le néant, puisqu'il vaudrait mieux n’avoir point été que de pécher. Il aurait mieux valu pour lui qu'il ne fût pas né, disait le Sauveur en parlant de Judas, qui voulait le trahir.

Le Fils de l’homme s’en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme est livré! MIEUX VAUDRAIT POUR CET HOMME QU’IL NE FÛT PAS NÉ. (Matth. XXVI. 24.)

Qu’est-ce donc que l’homme pécheur, et à quel degré d’abaissement peut-il être réduit qui ne soit encore infiniment au-dessous de ce qu’il mérite?


* * *

4 août

Sur l’ignorance de l’homme à l’égard 
de l'état de grâce.


1er Point.

Nous savons certainement que nous avons offensé Dieu; mais savons-nous si Dieu nous a pardonné?

Nul ne sait, dit le Sage, s'il est digne d'amour ou de haine...

Ma conscience ne me reproche rien, dit l’Apôtre; mais je ne suis pas justifié pour cela...

quand je parlerais le langage des hommes et des Anges si je n'ai point la charité, je ne suis rien.

... je ne me sens coupable de rien; mais ce n’est pas pour cela que je suis justifié. Celui qui me juge, c’est le Seigneur. (1 Corth. IV. 4. V. S.)

Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. (1 Corth. XIII. 1.)

Mais qui m’assurera que je l’ai dans mon coeur cette charité divine, puisque Saint Paul n’en était pas assuré lui-même?

Et si le témoignage d’une conscience aussi pure et aussi élevée que la sienne ne suffisait pas pour le rassurer, comment pourrais-je tirer un bon témoignage de la mienne, lui qui n'avait pas cette certitude?


2e Point.

Cette ignorance est un moyen sûr pour nous entretenir toujours dans l'humilité.

Qui osera marcher la tête levée!

Qui ne sera pas rempli de confusion et de crainte!

Qui ne s’abaissera pas jusqu'à terre, dans une incertitude si particulière?

Dieu a voulu que nous ne soyons pas rassurés en nous appuyant sur nos sentiments afin de nous tenir toujours dans l’humilité.

Cette incertitude semble nécessaire pour nous empêcher de mépriser notre prochain surtout lorsqu'il a péché.


C’est par la GRÂCE que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi.

ET CELA NE VIENT PAS DE VOUS,

c’est le don de Dieu.

(Eph. II. 8)


* * *

5 août

Sur la connaissance de soi-même.


1er Point.

Si pour vous connaître vous-même, vous ne consultez que votre amour-propre, vous ne vous regarderez jamais que par le côté le plus favorable à la vanité.

En agissant ainsi, vous perdrez entièrement de vue les défauts qui devraient vous humilier.

Si vous consultez la «Religion», vous ne verrez que ce qu’il y a de mauvais en vous et vous aurez continuellement les yeux fixés sur ce qui vous manque.


2e Point.

Réfléchissez sur la conséquence que portent ces différentes manières de se considérer soi-même.

La vue de vos défauts conserve et maintient, dans votre âme, les avantages qu’elle possède: UNE BONNE CONSCIENCE ENCORE SENSIBLE!

Le but du commandement, c’est une charité venant d’un coeur pur, d’une bonne conscience, et d’une foi sincère. (1 Tim. I. 5)

Mais la considération exagérée des avantages que vous croyez avoir, vous les fera perdre à cause de l’orgueil.

Reconnaissez donc ce qu’il y a en vous de défectueux pour METTRE EN ORDRE VOTRE VIE DEVANT DIEU et ne vous glorifiez pas de ce qu’il y a de bon pour le tourner à votre désavantage en devenant orgueilleux.


* * *

6 août.

Sur les artifices de l'orgueil.


1er Point.

L'orgueil se cache souvent sous les apparences de l'humilité.

On parle de soi avec modestie pour engager les autres à en parler avec éloge;

On dit même du mal de soi pour engager les autres à en dire du bien;

On exagère ses propres défauts pour s’attirer des éloges;

On affecte de méconnaître ses bonnes qualités pour se glorifier de les avoir ignorés.


2e Point.

Bassesse et vanité de ces artifices.

Vouloir acquérir par l’humilité la louange d’être humble, ce n’est pas une vertu, c’est le renversement de la vertu.

On croit par là tromper les autres, et l’on se trompe soi-même.

On croit s’attirer l’estime des hommes, et on n’attire que leur mépris.

Ils connaissent aussi bien que vous et peut-être mieux que vous, les ruses et les stratagèmes de l’orgueil, et ils en jugent par ce qu’ils sont capables de se tromper eux-mêmes pour le satisfaire.


L’humilité fausse et hypocrite vous rend plus méprisable,

que la vanité sincère qui se montre à découvert.


* * *


7 août

Sur la pratique de l'humilité Chrétienne.


1er Point.

Les occasions de pratiquer cette vertu ne sont pas rares.

Elles se rencontrent tous les jours dans le monde. Il arrivera que tout ce qui a rapport à la satisfaction DES AUTRES arrivera selon leurs désirs, et rien de ce qui concerne LA VÔTRE ne réussira.

On écoutera les autres avec admiration; ils recevront partout des marques d’estime, et vous, vous serez compté pour rien;

ils obtiendront sans peine tout ce qu’ils demanderont et tout vous sera refusé;

ils seront recherchés avec empressement, et vous demeurerez dans l’oubli;

on se reposera sur eux de toutes les affaires, et l'on vous regardera comme un homme inutile.

Ce sont autant d’occasions qui se présentent à vous pour pratiquer l’humilité Chrétienne.


2e Point.

Malheureusement, il est rare qu'on en profite.

Comment se comportent les mondains quand on leur commande quelque chose avec autorité quand on s’oppose à leurs prétentions, et quand les événements ne répondent pas à leurs espérances?

Comment reçoivent-ils les avis qu’on leur donne, les réprimandes qu’on leur fait?

Ils s’emportent, ils s’irritent, ils se chagrinent, ils se désolent.

Ne seraient-ils pas plus tranquilles et plus heureux s’ils étaient humbles?


* * *

8 août

Sur l'humilité des Saints.


1er Point.

Elle nous paraît excessive, en ce qu’ils se regardent comme les plus grands pécheurs, quoiqu’ils soient élevés dans la sainteté.

Ils ont de grandes raisons d’en user ainsi:

S’ils ne sont pas de grands pécheurs par leur volonté, ils le sont par leur faiblesse; puisqu'il n’y a point de «crime» si énorme commis par un homme dont un autre homme ne fût capable SI DIEU L’ABANDONNAIT À LUI-MÊME.

Nous marchons sur le penchant de l’abîme, toujours prêt à y tomber, SI DIEU NE NOUS TEND LA MAIN.

Nous devons donc tous nous regarder comme des pécheurs, parce qu’en effet nous ne sommes et nous n’étions rien de nous-mêmes sinon que des pécheurs, et que nous le deviendrions encore et à tout moment, SI LE SEIGNEUR NE NOUS SOUTENAIT PAR SA GRÂCE.

TOUS ont péché et sont privés de la gloire de Dieu;

et ils sont GRATUITEMENT JUSTIFIÉS par sa grâce,

PAR LE MOYEN DE LA RÉDEMPTION QUI EST EN JÉSUS-CHRIST. (Rom. III. 23-24.)


2e Point.

Ils pensent, avec raison que l’on ne doit pas se mettre en avant dans l'ordre de sa grâce puisque cet ordre nous est caché.

Que savez-vous en effet, si celui que vous regardez comme un grand pécheur ne deviendra pas plus juste que vous et s’il ne l’est pas déjà devant Dieu?

Que savez-vous ce que Dieu a opéré dans son âme depuis hier, depuis un moment!

- Il est facile à Dieu d'enrichir le pauvre en un instant; il n’a qu’à jeter sur lui un regard de miséricorde.

- Il peut de ces pierres mêmes, susciter des enfants d’Abraham!

- Il peut d'un Publicain et d’un persécuteur de son Église, en faire un Apôtre et un Prédicateur de son nom:

- Il n’a qu’à l’appeler comme Saint Matthieu, le terrasser comme Saint Paul, changer son coeur comme celui de Marie de Magdala.

Maître, nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité, sans t’inquiéter de personne, car TU NE REGARDES PAS À L’APPARENCE DES HOMMES. (Matth. XXII. 16.)


* * *

9 août

Sur la grandeur d'âme.


1er Point.

C’est une qualité qui convient parfaitement à ceux qui occupent dans le monde des places élevées et des dignités éminentes parce qu'ils sont conduits à entreprendre des choses grandes et dignes de gloire.

Cette qualité n'est nullement incompatible avec l'humilité Chrétienne.

Un homme humble fonde les grandes entreprises sur la DÉFIANCE (méfiance) de lui-même et sur la CONFIANCE en Dieu.


Deux sentiments qui sont propres de l’humilité.


Il est persuadé qu'il ne peut rien par lui-même, mais qu'il peut tout avec le secours de Dieu.

Ceux qui espèrent en Dieu changeront de force, puisqu’ils changent la force de leur bras contre les bras du Seigneur.


RIEN N'EST IMPOSSIBLE AUX HUMBLES,

PARCE QU’ILS METTENT TOUTE LEUR CONFIANCE DANS CELUI QUI PEUT TOUT.


2e Point.

À l'égard de la gloire attachée aux grandes entreprises, l'humilité la supporte et l’admet parce qu'elle la renvoie toute à Dieu.

L’homme humble ne la souhaite pas pour en jouir, il ne veut la mériter que pour la seule gloire de Dieu;

il ne fait aucun cas des honneurs de ce monde: il s'élève plus haut!

C’est uniquement pour plaire à son Dieu, et pour pratiquer les vertus propres de son état qu’il se porte à faire de grandes choses.

Tout autre motif ne peut rien sur son coeur; il ne daigne pas s’en occuper.


* * *

10 août

Sur les divertissements du monde.


1er Point.

Il y a des divertissements qui sont permis.

Ce sont ceux qui peuvent être regardés:

1. Comme des délassements légitimes, par rapport au travail passé;

2. Comme des dispositions et des préparatifs au travail à venir.

Les divertissements ne sont donc permis qu’autant qu’ils soient nécessaires. En voilà la mesure.

Tout ce qui va au-delà, tout divertissement qui devient lui-même une occupation CONSTANTE et HABITUELLE, sans avoir été précédée ou suivi d’aucun travail, est contraire au dessein de Dieu et par conséquent répréhensible.


2e Point.

Les divertissements – mêmes permis – deviennent souvent «coupables» par leurs excès.

Tout excès est un vice; et la vertu même, qui est la règle de tout bien, devient condamnable dès qu’elle est extrême.

Il faut être sage, mais il faut l’être avec sobriété, et qui veut l’être trop ne l’est point du tout; parce que la sagesse est essentiellement un état de raison, et par conséquent de modération.

Ne sois pas juste à l’excès, et ne te montre pas trop sage: pourquoi te détruirais-tu? (Eccl. VII. 16.)

Mais si pour être sage, il faut l’être sans excès, à plus forte raison faudra-t-il éviter l’excès pour se divertir en sage.

Or qui est-ce qui l’évite vraiment dans l’usage des divertissements qui lui sont permis?


* *

11 août

Sur les règles que l'on doit suivre dans l'usage des divertissements permis.


1er Point.

Le vrai Chrétien ne leur donne qu'un reste de son temps de loisir que Dieu n'a pas refusé à la nature et que notre faiblesse a rendu nécessaire.

Mais il n’a recours à cette distraction qu’après qu’il ait donné tout le temps nécessaire:

1. Au service de Dieu et aux pratiques de la «Religion», tels que la prière, les œuvres de miséricorde et de charité, les saintes lectures et tout ce qui regarde à son avancement dans la piété;

2. Au soin de sa famille et de ses affaires personnelles;

3. Aux devoirs particuliers de son état et aux obligations de sa charge.


2e Point.

Avantages de cette conduite.

Celui qui se permettra des divertissements légitimes dont il a fixé les bornes, QU’APRÈS AVOIR AINSI SATISFAIT À TOUS SES DEVOIRS, n’aura aucun reproche à se faire sur la perte de son temps et sur l’inutilité de sa vie:

- Ses divertissements ne seront pour lui que des distractions nécessaires et non des occupations suspectes, dangereuses, et coupables ou infructueuses pour le salut.

- Ces genres de distraction qui font oublier à la plupart des mondains ce qu’ils doivent à Dieu, ce qu'ils doivent au prochain et ce qu’ils se doivent à eux-mêmes.


* * *

12 août

Sur les divertissements auxquels on est assujetti par son état.


1er Point.

Il y a des personnes dans le monde pour lesquelles on est obligé, à cause de notre état, de participer à leurs divertissements.

Ce sont souvent des esprits légers et frivoles, qui ne savent pas s’occuper, et qui donnent la plus grande partie de leur temps à des amusements inutiles.

Mais SI ces amusements non rien par eux-mêmes de contraire à la Loi de Dieu, et si on y participe en raison de sa fonction, de son état, on peut et on doit y prendre part avec modération et dans la vue de Dieu...


SANS S'EXPOSER À PÉCHER AVEC CEUX QUI PÈCHENT!


Vous aimeriez mieux avoir des occupations plus utiles; mais Dieu, qui ne les aime pas plus que vous, vous attache MALGRÉ VOUS à des objets moins utiles afin que vous soyez un témoin par votre comportement.

Il sait bien que ce n'est, ni le goût, ni aucune passion qui vous y conduit, c’est le devoir.

Pour vous, ce sont moins des plaisirs que des assujettissements, DES OBLIGATIONS QUI SONT DES CHARGES PESANTES.


2e Point.

Celui qui agit pour Dieu dans les choses les plus insignifiantes ne cesse pas pour autant de faire l'oeuvre de Dieu.

Plusieurs, en se donnant à Dieu, pensent à remplir leur vie de certaines actions difficiles et extraordinaires plutôt qu’à purifier leur intention, et à mortifier leur volonté propre dans les actions les plus communes de leur état.


Souvent il vaudrait mieux moins changer les actions,

MAIS CHANGER DAVANTAGE LES DISPOSITIONS INTÉRIEURES DE L’ÂME.


Dieu ne se paie ni du mouvement des lèvres, ni de l’humble attitude du corps, ni des cérémonies extérieures: ce qu’il demande principalement, c’est UNE VOLONTÉ SOUPLE DANS SES MAINS, qui accepte, sans réserve, tout ce qu’il veut, et qui ne désire jamais, sous aucun prétexte, rien de ce qui lui déplaît.

L’Éternel ne considère pas ce que l’homme considère; l’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au coeur. (1 Sam. XVI. 7.)


* * *

13 août

Sur la passion du Jeu.


1er Point.

Ce jeu qui paraît si indifférent par lui-même, devient souvent une passion, et quelquefois même une rage et une fureur.

Ce n’est plus, pour la plupart des mondains, un simple amusement:

- C’est une occupation constante et perpétuelle,

- C’est un état, c’est une profession et un trafic,

- C’est ce qui remplit toutes les heures de la nuit et du jour, hors celles que les repas et le sommeil lui dérobent.

Ce jeu fait, pour ainsi dire, le fond et l’entretien de leur vie; mais si la «Religion» condamne indistinctement toute espèce d’excès; qui contredira que l’état habituel d’un joueur de profession ne soit aussi un état habituel de péché?


2e Point.

Les suites de cette passion sont:

1. L’abandon de tous les devoirs: on quitte tout, on renonce à tout pour courir au jeu!

2. La dissipation des revenus: on y met d’abord le superflu, et si le hasard nous l'enlève, on y sacrifie jusqu'au nécessaire.

3. Le dérangement dans les affaires: on contracte des dettes qui dépassent le «raisonnable», et l'on se met insensiblement dans une impossibilité absolue de les acquitter.

4. Les suites sont aussi des chagrins qui déchirent le coeur quoique l’on affecte, par bienséance, de souffrir les plus grandes pertes avec toutes les apparences de la tranquillité.

Les mondains s’efforcent en vain de justifier cette passion en disant qu'il vaut mieux jouer que de médire.


Excuse frivole;

PUISQU’IL N’EST JAMAIS PERMIS DE COMMETTRE UN PÉCHÉ

POUR EN ÉVITER UN AUTRE.


* * *

14 août

Sur le choix des amis.


1er Point.

Un vrai Chrétien n’exclut personne de ses relations; MAIS il ne donne sa confiance qu'avec choix et avec discernement.

Il n'exclut personne de ses relations parce que la charité qui lui fait regarder tous les hommes comme ses frères, le rend doux, facile et complaisant à l’égard de ceux qui l’approchent.

Mais il ne donne sa confiance qu'avec discernement et avec choix parce qu’il craint avec raison, d’être séduit par les discours et par les exemples de ceux qui suivent et qui débitent des maximes contraires à la piété:


C’EST CETTE CRAINTE QUI DOIT LE RENDRE DÉLICAT ET DIFFICILE DANS LE CHOIX DE SES AMIS.


2e Point.

Un vrai Chrétien mesure sa confiance sur les qualités estimables de ceux qu'il est obligé de fréquenter.

Il arrive souvent que les enfants du siècle sont plus sages et plus éclairés sur les affaires du monde, que les enfants de lumière.

On peut alors les consulter et les croire pour la conduite des affaires du monde, et préférer même leurs sentiments aux avis de ceux qui sont plus vertueux et moins habiles.

Toutefois, ne leur donnez JAMAIS une confiance entière qui aille jusqu'à leur ouvrir votre coeur et à leur donner ainsi l'occasion d’y pénétrer.

Le poison des vices dont ils sont remplis ne manquerait pas d’y entrer avec eux.


Garde ton coeur plus que toute autre chose,

Car de lui viennent les sources de la vie.

(Prov. VI. 23.)


* * *

15 août

Sur les divers sentiments des hommes à
 l’égard de la vérité.


1er Point.

Ils sont étonnants par leur opposition, car on aime la vérité et on la hait.

On la cherche et on la fuit; on s'en réjouit, et on s’en afflige;

- tantôt on l’embrasse avec ardeur;

- tantôt on la rejette avec mépris;

- tantôt on triomphe de l’avoir connue, et on en fait gloire;

- tantôt on en est humilié, et l’on voudrait la bannir à jamais de son coeur.


2e Point.

Ces contrariétés s’expliquent par les divers intérêts de nos passions et de notre amour-propre.

Nous aimons la vérité, nous la cherchons, nous la désirons:

Nous sommes ravis de la connaître QUAND ELLE EST FAVORABLE À NOTRE VANITÉ:

Nous la fuyons, nous la détestons, nous l'avons en horreur, nous voudrions pouvoir la cacher à tout le monde, et nous la cacher à nous-mêmes, QUAND ELLE LUI EST CONTRAIRE.


Ôtez cette vanité, imposez silence à cet amour-propre qui vous domine,

et vos sentiments seront toujours les mêmes à l’égard de la vérité.


* * *

16 août.

Sur l'amour de la vérité.


1er Point.

Quelles sont les vérités que nous devons plus aimer?

Celles qui nous font connaître nos erreurs et nos défaites.

Nous avons besoin qu’on nous aide à les découvrir parce que nous avons tous, dans notre amour-propre, un juge infidèle et corrompu qui nous les déguise ou qui nous les présente en lumières et en vertus.

La plupart de ceux qui nous environnent semblent être d’intelligence avec lui; ces vérités utiles sont celles que l’on a toujours le plus de peine à nous dire, et qu’on cherche le plus souvent à nous cacher; parce qu’elles sont amères et désagréables.

On craint de blesser notre délicatesse, et c’est pour cette raison que nous devons estimer et chérir davantage celui qui a le courage de nous les dire.


2e Point.

Ces vérités fâcheuses que l'on devrait le plus aimer sont justement celles que l'ont craint le plus d'entendre.

Nous les fuyons; et lorsqu'elles se présentent à nous malgré nous, nous nous soulevons contre elles; nous nous déchaînons contre ceux qui ont assez de zèle et de sincérité pour nous les montrer.

Ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que nous les haïssons pour la raison même qui devrait nous les rendre précieuses; PARCE QUE CE SONT DES VÉRITÉS: nous nous offenserions bien moins des reproches qu’on nous ferait s’ils étaient moins véritables.

Les blessures d’un ami prouvent sa fidélité, Mais les baisers d’un ennemi sont trompeurs. (Prov. XXVII. 6.)


* * *

17 août

Sur la crainte de la vérité.


1er Point.

Quelles sont les vérités que nous devons craindre le plus?

Celles qui nous flattent; parce que nous les appelons des vérités alors qu'elles n’en ont tout au plus que l’apparence.

Si elles ont quelque chose de vrai, il n’y a point de vérité qui approche tant de l’erreur, point de vérité qui conduise plus sûrement à l’erreur QUE LA FLATTERIE.


CELUI QUI VOUS LOUE VOUS TROMPE,

OU DU MOINS IL NE CHERCHE QU’À VOUS TROMPER.


Il ne vous dit pas ce qu’il pense de vous; mais ce qu’il croit que vous pensez vous-même!

Il ne vous dit pas ce que vous êtes; mais seulement ce que vous penser être et donc : CE QUE VOUS N’ÊTES PAS.

On se dit des faussetés les uns aux autres, On a sur les lèvres des choses flatteuses, On parle avec un coeur double. (Ps. XII. 2.)


2e Point.

Ces vérités agréables, qui sont le plus souvent que des mensonges flatteurs, sont celles que nous aimons le plus.

On veut être loué, flatté, admiré; et ce qu’il y a d’incompréhensible, c’est qu’on déclare en même temps qu’on ne veut pas être trompé, et qu’on ne hait rien autant que le mensonge et l’imposture: comme s’il était possible que les louanges que l’on nous donne pour nous séduire fussent toujours exemptes d’impostures, d’hypocrisie et d’exagération.

Salomon préférait, au contraire, l’amertume des vérités importunes, mais salutaires, au doux poison de la flatterie et s'il ne se fût jamais écarté de cette maxime, peut-être eût-il toujours conservé la sagesse.

Celui qui reprend les autres trouve ensuite plus de faveur Que celui dont la langue est flatteuse. (Prov. XXVIII. 23.)


* * *

18 août

Sur l'obligation de dire la vérité.


1er Point.

On ne la dit point à ceux qui auraient le plus d'intérêt à la connaître.

Tout le monde s'enorgueillit d’être sincère; mais trop souvent on place mal sa sincérité.

La sagesse du monde ne consiste-t-elle pas à cacher avec soin les vérités désagréables à ceux qui ont le plus d’intérêt d’en être instruits?

N’est-ce pas ainsi qu’on en use surtout à l’égard des grands, des riches et des puissants du siècle?

Ils ignorent souvent ce qui est public et connu de tout l’univers parce qu’un intérêt commun (ou personnel) engage tous ceux qui les approchent, à se réunir et à se concerter ensemble pour taire la vérité afin de ne pas avoir à en souffrir.


Tu veux que la vérité soit au fond du coeur:

Fais donc pénétrer la sagesse au dedans de moi!

(Ps. LI. 6.)


2e Point.

On la dit volontiers à d'autres, à ceux qui n'ont aucun droit ni aucun intérêt à la connaître.

On ménage les hommes en leur présence, et on les déchire quand ils sont absents.

Le vrai Chrétien en use différemment:

il a le courage de reprendre et d’avertir les personnes en particulier; il a la discrétion de ne jamais médire en leur absence.

Que le juste me frappe, c’est une faveur; Qu’il me châtie, c’est de l’huile sur ma tête: Ma tête ne se détournera pas (Ps. CXLI. 5.)


* * *

19 août

Sur l'idolâtrie des pécheurs comparée à celle des Païens.


1er Point.

L'avarice est une idole que les chrétiens mal affermis honorent à leur façon.

Chaque péché porte avec lui un caractère d’idolâtrie, puisque le pécheur transporte à de viles créatures ou des choses sans vie, tous les droits que le Créateur a sur son amour:

il ne les adore pas; mais il les aime;

il ne leur offre pas son encens;


MAIS IL LEUR DONNE SON COEUR.


Or, c'est dans ce coeur que Dieu seul doit régner et il ne veut point d'égal ni d’associé dans notre affection, comme il n’a point d’égal ni d’associé dans son être.

Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. (Matth. X. 37.)


2e Point.

Comparez l'idolâtrie des pécheurs avec celle des Païens et vous trouverez que ceux-ci adoraient des idoles insensibles et inanimées, qui ne pouvaient leur faire aucun bien ni aucun mal.

Si elles ne rendaient pas leurs adorateurs heureux, elles ne les rendaient point misérables.

Les pécheurs, quant à eux, ABANDONNENT LE VRAI DIEU qu’ils connaissent pour s’attacher à des idoles de chair, à des idoles d’avarice et d’ambition qui n’ont souvent de pouvoir que pour leur nuire et pour les rendent malheureux pour le temps et pour l’éternité...  s'ils ne les abandonnent pas.

Celui qui aime l’argent n’est pas rassasié par l’argent, et celui qui aime les richesses n’en profite pas. C’est encore là une vanité. (Eccl. V. 10.)

Gardez-vous avec soin de toute avarice; car la vie d’un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l’abondance. (Luc XII. 15)


* * *

20 août

Sur les nécessités imaginaires.


1er Point.

On entend dire tous les jours: Je suis dans l'obligation de mener une telle vie; mon état, ma situation, mon humeur, mon caractère, mes sociétés et mes habitudes ne me permettent pas d’y changer quoi que ce soit.

Mais quelle nécessité y a-t-il que vous fassiez, par exemple, tant de dépenses inutiles?

Avec un peu moins de faste en seriez-vous moins heureux?

Quelle obligation y a-t-il que vous donniez tant d’heures dans le jour à la dissipation, et si peu aux pratiques de la «Religion» et aux travaux prescrits par les devoirs de votre état?

N’êtes-vous pas libre d’employer votre temps comme il vous plaît et ne pouvez-vous pas en faire un meilleur usage?


2e Point.

Ces prétendues nécessités viennent uniquement de ce que vous n’avez ni amour pour Dieu, ni zèle pour votre salut.

Elles viennent de ce que vous avez trop d’attachement pour le monde, trop de vanité, trop d’ambition, trop d’ardeur pour les plaisirs, et pour les amusements frivoles du siècle.

Domptez toutes ces passions, dit Saint Augustin, et vous verrez bientôt toutes ces nécessités disparaître.

Ce qui est tombé parmi les épines, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, s’en vont, et la laissent étouffer par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité. (Luc VIII. 14. Parabole du Semeur)


* * *

21 août

Sur les passions.


1er Point.

Elles nous font espérer un parfait bonheur; elles nous persuadent que l’objet qu’elles nous proposent renferme tous les biens que nous pouvons désirer.

- L'avare croit les trouver dans les richesses;

- L’ambitieux dans la gloire dont il est avide;

- Le voluptueux dans le plaisir dont il est altéré.

Tous s’imaginent que s'ils peuvent une fois parvenir à cet objet, tous leurs désirs seront remplis, tous leurs vœux satisfaits et c’est dans cette espérance qu’ils renoncent à tout, QU'ILS SACRIFIENT LEUR DIEU, LEUR ÂME ET LEUR SALUT pour obtenir ce bien, ce seul bien qui leur paraît désirable, et qui doit leur tenir lieu de tout.


2e Point.

Mais considérez-les quand ils y sont parvenus. Que trouvent-ils?

Bien moins que ce qu’ils avaient espéré!

Ce bien qui leur paraissait si solide et si réel, n’est plus qu’un fantôme, un prestige et une illusion.

- Le plaisir qu’ils en attendaient se change bientôt en dégoût;

- Le repos qu’ils se promettaient se change en inquiétude:


LEUR COEUR EST TOUJOURS AUSSI VIDE.


Cette soif qui les dévorait devient de jour en jour plus vive et plus ardente; ils éprouvent enfin la vérité de cette pensée:

Le plaisir est mêlé de douleur, et les plus agréables épanchements de la joie ne sont que le commencement de la tristesse.


* * *

22 août

Sur le Jugement de Dieu.


1er Point.

Ce qui se passera au jugement que nous devons subir après la mort, ce trouve exprimé par ces trois paroles qui causèrent tant de frayeur au Roi Belschatsar, lorsqu’étant au milieu d’un superbe festin, il aperçut une main inconnue qui les écrivait sur la muraille:


MENE, THEKEL, UPHARSIN!

(Daniel V. 25)


Le Prophète Daniel fut appelé pour interpréter ces paroles mystérieuses, et il dit au roi ce qu’elles signifiaient:


Compté, pesé, séparé.


Or, c’est ce que fera le Seigneur à son jugement:

Il comptera exactement toutes les actions de notre vie;

l’Éternel est un Dieu qui sait tout, Et par lui sont pesées toutes les actions. (1 Sam. II. 3.)

Il les pèsera dans la balance de sa justice;

Il juge le monde avec justice, Il juge les peuples avec droiture. (Ps. IX. 8.)

Il séparera les uns d'avec les autres;

Dehors les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge!

Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous attester ces choses dans les Églises.  (Apoc.  XXII. 15-16.)

Les anges viendront séparer les méchants d’avec les justes (Matth XIII. 49.)


2e Point.

Pour prévenir ce jugement terrible, nous devons donc:

Sonder notre coeur avec sérieux pour mettre en lumière nos péchés et par conséquent aussi bien les péchés graves, les péchés légers, les péchés d’omission que les péchés d'autrui que nous avons excités ou occasionnés par le scandale de notre conduite.


Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi;

éprouvez-vous vous-mêmes.

(2 Corinth. XIII. 5.)


Les peser, non dans la balance de l’amour-propre, mais dans celle de la justice de Dieu.

Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon coeur! Éprouve-moi, et connais mes pensées!

Regarde si je suis sur une mauvaise voie, et conduis-moi sur la voie de l’éternité! (Ps. CXXXIX. 23-24)


* * *

23 août

Sur les Prières que l'on adresse à Dieu 
pour ses besoins temporels.


1er Point.

On peut vous dire à l’égard de ces sortes de prières ce que Jésus-Christ disait aux fils de Zébédée, qui voulaient avoir les deux premières places dans son Royaume: Vous ne savez ce que vous demandez.

Pourquoi?

C’est que vous ignorez quels sont vos véritables biens par rapport à la vie présente.

Samson demande à être uni pour toujours à une femme perfide et volage (Delila), dont la société fait l’opprobre et le malheur de sa vie (Juges Chap. XVI.)

Rachel, honteuse et désolée de sa stérilité demande à Dieu des enfants...,  dont un causera sa mort (Benjamin – Gen. XXXV. 18.).

Tel demande une longue vie que Dieu lui accorde, et en fin de compte, il se trouve qu’il a vécu trop longtemps pour son bonheur et pour sa gloire:

Il faudrait voir comme Dieu dans l’avenir, pour lui demander en détail les biens de la vie présente.


2e Point.

Nous ignorons pareillement quels sont ou quels seront nos véritables maux par rapport à la vie présente.

Joseph en butte à la haine et à la jalousie de ses frères, est jeté dans une citerne, ensuite il est vendu à des étrangers dont il devient l'esclave, puis, calomnié par la femme de son maître, il est jeté en prison comme un criminel.

Pouvait-il s’imaginer que ces tragiques événements étaient arrangés par la Providence, pour le rendre maître de l’Égypte, et pour lui faire partager la puissance de Pharaon et sauver par la suite toute sa famille?

Maintenant, ne vous affligez pas, et ne soyez pas fâchés de m’avoir vendu pour être conduit ici, car c’est pour vous sauver la vie que Dieu m’a envoyé devant vous. (Gen. XLV. 5.)

Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. (Rom. VIII. 28.)


* * *

24 août

Sur les dispositions dans lesquelles un Chrétien doit se trouver quand il demande à Dieu des grâces temporelles.


1er Point.

Il doit attendre le résultat de ses prières dans le calme et dans la foi.

Contentez-vous d’exposer à Dieu vos besoins, et abandonnez-vous à sa Providence. Il sait ce qu’il vous faut tandis que vous, vous ne le savez pas.

Il voit au-delà du présent; il sait ce qui peut vous sauver et vous rendre heureux ou misérable dans l'avenir.

Imitez donc la simplicité des deux soeurs de Lazare qui, dans l'extrémité de la maladie de leur frère se bornent simplement à représenter son état à Jésus-Christ:

Seigneur, disent-elles, celui que tu aimes est malade. (Jean XI. 3.)

Il leur suffit de savoir que Jésus-Christ aime leur frère, et de lui exposer son mal, elles se reposent sur ses lumières et sur sa bonté.


2e Point.

Il doit craindre quand ses prières sont exaucées suite à la «lassitude» de Dieu qui finira par lui donner, à cause de son insistance, ce qu'il lui refusait.

Quand tout vous réussît, quand il semble que tous les trésors temporels de la puissance de Dieu sont ouverts à vos désirs, gardez-vous de dire alors comme les heureux pécheurs: Me voilà riche, me voilà content et rassasié, tout me rit, tout prospère; il faut que Dieu m’aime, puisqu'il me rend heureux en ce monde!

Prenez garde parce que ce faux bonheur que vous regardez comme une marque de son amour, ne soit, peut-être, simplement un effet de sa colère; lisez simplement l'histoire de Balaam qui insista auprès de Dieu pour obtenir ce qui lui avait été refusé; voyez sa fin! (Nombres chap. XXII; Sa fin: Nombres XXXI. 8.)


* * *

25 août

Sur les Prières que l'on fait à Dieu pour
 ses besoins spirituels.


1er Point.

Quand nos prières ont pour objet nos besoins spirituels, elles sont parfois fausses et trompeuses lorsque nous ne voulons pas SINCÈREMENT ce que nous demandons.

Vous demandez à Dieu la grâce de vaincre vos mauvaises habitudes; mais vous ne le voulez pas vraiment, car si vous le vouliez sincèrement, vous feriez tout votre possible pour appuyer votre demande auprès de Dieu.

Si vous vous bornez à faire ce que vous pouvez SANS RECOURIR À DIEU pour demander ce qui vous manque, ne vous attendez pas à son secours:

DEMANDEZ, et l’on vous donnera; CHERCHEZ, et vous trouverez; FRAPPEZ, et l’on vous ouvrira. (Matth. VII. 7.)

Si vous vous contentez de prier pour ce qui vous manque sans faire le bien que vous pouvez, vous prenez le risque de tomber dans le péché et de ne point être exaucé.

Celui donc qui sait faire ce qui est bien, et qui ne le fait pas, commet un péché. (Jacques IV. 17.)


2e Point.

La première condition pour être exaucé, c'est de VOULOIR SINCÈREMENT ce que l'on demande.


VEUX-TU être guéri, disait le Sauveur du monde au Paralytique?

Vous demandez à Dieu la guérison de vos faiblesses; mais il vous dit comme au Paralytique:


VOULEZ-VOUS SINCÈREMENT VOTRE GUÉRISON?


Seriez-vous content de perdre cet objet dont vous êtes idolâtre?

Non sans doute!

Vous demandez donc votre délivrance, et au fond vous ne voulez que votre perte en gardant ce qui vous enchaîne.

Vous voulez persister dans vos désordres et vous ne voulez rien faire pour en sortir?


SACHEZ QUE DIEU REGARDE À LA DISPOSITION DE VOTRE COEUR:

si vous persistez dans ce mauvais chemin, vous y mourrez!


* * *

26 août

Sur la défense de juger le prochain.


1er Point.

Ne jugez point, dit le Sauveur, et vous ne serez point jugé.

Cette défense ne s’adresse qu’à ceux qui jugent SANS NÉCESSITÉ.

Car il est hors de doute que le jugement est permis, et même ordonné quand il est nécessaire.

Il l’est quand un homme est chargé par devoir et par état d’entrer dans la connaissance et dans la recherche des moeurs et des défauts de ceux qui sont soumis à ses ordres.

- Un père, par exemple, n’est-il pas dans la nécessité de juger des moeurs et de la conduite de ses enfants?

- Un maître de celle de ses serviteurs?

- Un Souverain de celle de ses sujets?

Il ne lui est pas permis, sans doute, d’en juger légèrement, témérairement, superficiellement, sans connaissance et sans équité; mais il PEUT et il DOIT les juger.

Il arrive souvent que ceux qui commandent, se dispensent de cette obligation, par un esprit de paresse et de négligence ce qui les rend coupables devant Dieu.


2e Point.

Le jugement devient encore nécessaire et indispensable pour se garantir de la séduction des pécheurs et des faux Prophètes.

C'est ce que Jésus-Christ avait en vue quand il disait:

Gardez-vous des faux Prophètes qui viennent à vous vêtus comme des brebis, et qui au-dedans sont des loups rugissants.

Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au-dedans ce sont des loups ravisseurs. (Matth. VII. 15. V. S.)

Mais pour les éviter, ne faut-il pas les juger et les connaître?

Comme il arrive quelquefois que leur adresse à se déguiser rend leurs œuvres ambiguës et le péril incertain, évitez-les alors sans les condamner:

ÉVITEZ-LES, dit Saint Augustin, parce que vos soupçons peuvent être fondés sur la réalité; mais NE LES CONDAMNEZ PAS, parce que vos soupçons peuvent n’être fondés que sur des apparences.


* * *


27 août

Sur la défiance.

(La méfiance)


1er Point

Défiez-vous des hommes, disait le Sauveur à ses Disciples.

Prenez garde que personne ne vous séduise. (Marc XIII. 5.)

Prenez garde, non seulement dans les relations ordinaires de la vie; mais dans tout ce qui s’appelle affaire, intérêt, promesse et engagement.

Ils vous disent souvent tout le contraire de ce qu’ils pensent, parce qu’ils sont naturellement trompeurs et dissimulés.

Ils le deviennent encore davantage, quand ils ont de grands intérêts à ménager.

Ainsi vous devez être vigilants et prendre vos précautions en considérant le plus ou le moins d’intérêts qu’ils ont à vous persuader afin de vous amener là où ils le veulent.


2e Point.

La défiance (méfiance) éclairée, qui s'étend à toutes sortes d'occasions et à toutes sortes de personnes, n'a rien de contraire à la simplicité Chrétienne.

Il est vrai que Jésus-Christ nous dit: Soyez simples comme des colombes; mais il ajoute en même temps: Soyez prudents et avisés comme des serpents.

C’est-à-dire:

- Ne donnez aucune raison aux hommes de se méfier de votre sincérité;

mais méfiez-vous souvent de la leur!

- Soyez toujours vrai, simple et sans artifice avec eux;

mais ne croyez pas qu’ils le soient toujours avec vous!


Par l'un vous imiterez la simplicité de la colombe; et par l’autre, la prudence du serpent.

Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes. (Matth. X. 16.)


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28 août

Sur les soupçons.


1er Point.

Il faut distinguer entre la défiance (méfiance) et le soupçon.

- La défiance (méfiance) porte seulement à croire qu’une chose peut être ou ne pas être.

Le soupçon va plus loin: il commence à croire qu’une chose est ou n'est pas sans néanmoins l’assurer catégoriquement.

Le jugement assure et décide qu’elle est ou qu’elle n’est pas.

- La défiance (méfiance) dit: Cela peut être!

Le soupçon dit: J'ai lieu de croire que cela est, quoique j'en doute encore!

Le jugement dit affirmativement, et sans aucun doute: Cela est, ou: Cela n'est pas!

- La défiance (méfiance) a pour objet l’incertain;

le soupçon a pour objet le vraisemblable;

Le jugement a pour objet le vrai, connu et avéré.


2e Point.

Le soupçon, quand il est fondé, ne saurait être plus coupable que la défiance (méfiance).

Comme la méfiance, le soupçon demeure encore dans les termes de l'incertitude et du doute sans aller jusqu'au jugement définitif.

Le VRAISEMBLABLE qui n'est proprement que l’apparence de la vérité, suffit pour justifier le soupçon, tandis que pour autoriser un jugement définitif, il ne faut rien moins que la vérité même!


* * *

29 août

Sur les limites que l'on doit mettre à la
 défiance (La méfiance) et aux soupçons.


1er Point.

L’une et l’autre peuvent être portées à l'excès.

C'est un très grand défaut que d’être méfiant et soupçonneux, c'est-à-dire:

- De l'être sans fondement;

- De l'être à tout propos et en toute occasion;

- De l'être perpétuellement et habituellement à l’égard de toutes sortes de personnes;

- De douter encore quand on a la certitude;

- De soupçonner quand on n’a pas la moindre vraisemblance qui puisse autoriser le soupçon.

Il y a donc des défiances (méfiances) injurieuses, des soupçons injustes et odieux que l’on doit se reprocher, et qui sont également contraires à la raison et à la charité.


2e Point.

Mais quand la méfiance et le soupçon sont appuyés sur le fondement qui leur est propre...

... la méfiance sur L’INCERTITUDE et le soupçon sur la VRAISEMBLANCE, alors il est vrai de dire qu’on se méfie sans pour autant être de nature méfiante, toujours aux aguets, et qu’on soupçonne sans pour autant être de nature soupçonneuse qui voit le mal partout.

C'est ainsi que l'on doit se rendre compte à soi-même, en toute bonne conscience et devant Dieu, des pensées dont on s'est occupé l'esprit en réfléchissant sur le caractère de ceux avec qui on est obligé de vivre.


* * *

30 août

Sur les défauts qui rendent un jugement
 téméraire.


1er Point.

On juge témérairement quand on juge:

1. Sans nécessité;

2. Sans connaissance;

3. Sans équité.

Car pour qu'un jugement soit téméraire il faut:

Qu’il y ait un jugement: il ne suffit pas que l'on ait de la Méfiance et du soupçon, il faut qu’on juge et qu’on décide en SOI-MÊME qu’un tel homme est coupable de telle faute, qu’il est sujet à tel vice ou qu’il ne l’est pas.

Remarquez que la NÉCESSITÉ, la CONNAISSANCE et l’ÉQUITÉ sont trois conditions essentielles au jugement pour qu’il soit exempt de témérité et que le manque d’une de ces qualités suffit pour le rendre téméraire.


2e Point.

On dira peut-être que la vertu est tellement RARE parmi les hommes, qu'en jugeant toujours mal de leurs intentions et de leur conduite, on ne court aucun risque de faire un jugement téméraire.

Mais pour que cette maxime fût vraie, il faudrait:

- Que tous les hommes fussent également vicieux ou corrompus;

- Que la conduite et les actions de ceux qui le font, soient toujours également mauvaises,

Tout cela est évidemment faux; car il est certain que tous les hommes ne sont pas tous égaux dans leurs mauvaises (et bonnes) actions, donc on s’expose à faire souvent des jugements téméraires quand on juge toujours mal de leurs intentions et de leur conduite.


* * *

31 août

Sur les jugements téméraires, par défaut
 d'autorité.


1er Point.

Quand vous jugez votre prochain sans nécessité, vous usurpez un droit que vous n’avez pas.

Qui êtes-vous pour juger votre prochain?

Qui vous en a donné le droit?

Ce n’est pas Dieu; puisqu’il vous défend expressément de le juger:


Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés.

(Matth. VII.1.)

Vous prétendez donc vous attribuer vous-mêmes une autorité qu'il vous refuse!


2e Point.

Vous irritez contre vous votre propre juge.

Il vous l’a dit: Je vous jugerai comme vous aurez jugé vos frères!


IL N’Y AURA POINT DE MISÉRICORDE À ESPÉRER

POUR CELUI QUI LES AURA JUGÉS SANS MISÉRICORDE.


- Vous n’avez voulu avoir pour eux ni ménagement, ni compassion, ni indulgence;

n’en espérez pas pour vous!

- Vous avez fermé les yeux à tout ce qui pouvait les justifier et les rendre moins coupables;

je ne recevrai aucune de vos excuses!


Le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde.

La miséricorde triomphe du jugement. 

(Jacques II. 13.)

* * *





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