Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MÉDITATIONS POUR TOUS LES JOURS DE L’ANNÉE

JUILLET

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(note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1759)


1er juillet

Sur l'aveuglement des certains Chrétiens à l'égard de la bienfaisance.


1er Point.

C'est cet aveuglement qui leur fait violer le précepte de l'aumône.

Cet aveuglement les empêche de reconnaître le superflu dans leur bien qui puisse appartenir aux pauvres pour leur soulagement.

Il est bien difficile de comprendre qu'ils soient si aveugles sur la valeur de leur revenu en se croyant moins riches qu’ils ne le sont en effet:

- Pourtant, ils connaissent ces revenus; ils en savent les bornes, la mesure et l'étendue; mais ils sont presque tous aveugles ou ils affectent de l’être à l’égard de leur bien-être financier quand il est question d'aumône.

- Ils s’en font une idée si fausse, qu’ils se persuadent que leurs dépenses ne sont pas au-dessus de leur condition; ils soutiennent, au contraire, qu’il s'en faut beaucoup qu'elles ne l’égalent.


2e Point.

Règle que l'on doit suivre pour dissiper cet aveuglement.

Elle consiste à régler sa dépense, non sur ce que la condition permet, mais sur ce qu’elle exige.

- La «Religion» ne prétend pas vous réduire à une simplicité qui vous dégrade;

- Elle ne donne pas non plus à LA DÉPENSE QUI VOUS CONVIENT toute l'étendue que le monde lui donne.

Vous prétendez que telle dépense n’est pas au-dessus de votre condition!

Ce n’est pas assez; il faut voir ce que vous pouvez en retrancher sans que votre condition en paraisse dégradée:

Tout ce qui peut se retrancher sans qu’elle en souffre, est un excès, un superflu visible que la «Religion» condamne, et qu’elle vous oblige, par un précepte rigoureux, de proposer en aumône de charité.

Car il s’agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d’égalité:

dans la circonstance présente VOTRE SUPERFLU POURVOIRA À LEURS BESOINS, afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres, en sorte qu’il y ait égalité, selon qu’il est écrit:

Celui qui avait ramassé beaucoup n’avait rien de trop, et celui qui avait ramassé peu n’en manquait pas. (2 Corth. VIII. 9.13-15.)


* * *

2 juillet

Sur l'emploi des richesses.


1er Point.

Avant de les employer, il faut examiner:

1. Si elles vous appartiennent véritablement;

2. Comment et par quelles voies elles sont arrivées jusqu'à vous;

3. Si elles ne sont pas le fruit de vos propres injustices ou de celles de vos pères, ou de vos aïeux.

Combien n'en voit-on pas dans le monde qui ne brillent que par le bien d'autrui, tout cela EN RÉUNISSANT À LA FOIS BEAUCOUP DE DETTES ET BEAUCOUP DE DÉPENSES?

Songez que tout le bien que vous devez ne vous appartient pas et qu’il ne vous est pas permis d'en faire aucun autre usage que celui de le restituer; fallut-il, pour remplir cette obligation indispensable, vous réduire au nécessaire le plus simple et le plus étroit.


2e Point.

Il faut encore examiner si l'usage que vous en voulez faire:

1. Est utile, raisonnable, digne d'être approuvé par Dieu;

2. S'il convient à un Chrétien qui fait profession de préférer son Dieu et son salut, de s'adonner aux pompes et aux vanités du siècle.

Quiconque suivra cette règle dans l’emploi de ses richesses, s'en servira beaucoup plus utilement pour soulager les pauvres, qu’à les utiliser pour des plaisirs frivoles, de vains amusements ou à se donner en spectacle au monde par UN FASTE ODIEUX QUI SEMBLE INSULTER LA MISÈRE PUBLIQUE.


* * *

3 juillet

Sur l'inégalité des conditions.


1er Point.

Dieu a voulu cette inégalité pour établir une dépendance mutuelle entre tous les membres de la société.

Si vous ôtez les besoins qui lient les hommes entre eux, si vous les rendez tous égaux en richesse, en grandeur et en puissance, il n'y aura ni ordre, ni dépendance, ni soumission dans la société; ce ne sera plus qu’un corps composé de membres séparés et divisés, qui n’auront aucun rapport et qui ne se prêteront aucun secours mutuel.

Il a donc fallu qu’il y ait dans le monde des princes et des sujets, des maîtres et des serviteurs, et par conséquent, des riches et des pauvres.


LE RICHE EST DONC FAIT POUR LE PAUVRE,

ET LE PAUVRE POUR LE RICHE.


Celui-ci pour donner au pauvre de quoi soutenir sa vie, et le pauvre pour fournir au riche de quoi contribuer à son salut par le moyen de bonnes oeuvres.

Le riche et le pauvre se rencontrent; C’est l’Éternel qui les a faits l’un et l’autre. (Prov. XXII. 2.)


2e Point.

Dieu, en imposant aux riches l'obligation de nourrir les pauvres, a eu en vue de rétablir entre eux une sorte d'égalité.

Vous êtes riches, vous avez tout en abondance; c’est la loi de l’inégalité; mais vous êtes obligé de subvenir aux besoins de ceux qui manquent de tout.

Par là Dieu établit entre eux et vous une espèce de correspondance qui vous rapproche de l’égalité.


IL EST DE LA JUSTICE ET DE LA BONTÉ DE DIEU

QUE TOUT LE MONDE AIT LE NÉCESSAIRE.


Opprimer le pauvre, c’est outrager celui qui l’a fait; Mais avoir pitié de l’indigent, c’est l’honorer. (Prov. XIV. 31.)


* * *

4 juillet

Sur l'honneur que l'on rend à Dieu par l'aumône et la bienfaisance.


1er Point.

Celui qui a compassion du pauvre, dit le Sage, honore Dieu.

Dieu, en qualité de père commun de tous les hommes, doit pourvoir à la substance des pauvres qui, comme les riches, sont ses enfants et ses créatures.

Il ne l’a pas fait en donnant aux pauvres le bien qui leur est nécessaire;

MAIS IL A CHARGÉ LES RICHES d’y pourvoir et D’Y SUPPLÉER PAR L'ABONDANCE QU'IL LEUR A DONNÉE.

Par conséquent, lorsqu'ils s’acquittent de cette obligation, ils entrent dans les vues de la Providence, ils prouvent, par leur charité que ce Père, toujours équitable, a pourvu aux besoins de tous ses enfants:


EN OBÉISSANT À SA LOI, ILS FONT HONNEUR À LA JUSTICE.


2e Point.

Pour la même raison: celui qui repousse le pauvre fait injure à Dieu qui en est le Créateur.

Il déshonore l'Éternel: il ne tient pas à lui et il croit simplement que Dieu est aveugle et injuste dans la distribution des biens de ce monde.

Il ne l'en accuse pas par lui-même puisqu’il est content du partage qu’il a reçu; mais il l’en accuse par la bouche des pauvres abandonnés dont il excite, PAR SA DURETÉ, les murmures et parfois les blasphèmes des pauvres QUI DEVIENNENT LES «CRIMES» DU RICHE en raison de la dureté de son coeur.

Celui qui ferme son oreille au cri du pauvre Criera lui-même et n’aura point de réponse. (Prov. XXI. 13.)


Celui qui donne au pauvre n’éprouve pas la disette,

MAIS

celui qui ferme les yeux est chargé de malédictions.

(Prov. XXVIII. 27.)


* * *

5 juillet

Sur l'obligation de l'Aumône.


1er Point.

C'est une véritable dette.

C’est ainsi qu’elle est qualifiée dans l’Ecclésiastique (livre apocryphe) Le refus de la donner est traité de fraude et d’injustice.

Dans le Nouveau Testament quelques personnes sont citées en exemple et ont été bénies pour l'avoir donnée:

Dorcas: Il y avait à Joppé, parmi les disciples, une femme nommée Tabitha, ce qui signifie Dorcas: elle faisait beaucoup de bonnes oeuvres et d’aumônes... (Actes IX. 36)

Corneille: Tes prières et tes aumônes sont montées devant Dieu, et il s’en est souvenu. (Actes X. 4.)

Ne regardez donc pas les pauvres comme des malheureux qui ont recours à votre charité et à votre compassion; regardez-les comme des créanciers fondés en droit d'attendre de vous que vous vous acquittiez de votre dette à leur égard.


2e Point.

La plupart des riches se persuadent faussement que l'aumône est de leur part une pure libéralité, une largesse à donner à bien plaire.

C’est sur ce faux principe qu’ils se croient maîtres de la donner ou de la refuser comme il leur plaît.

C’est sur ce faux principe qu’ils se croient dispensés de prendre chaque année sur leurs revenus ce superflu fixe et déterminé, dont ils sont redevables aux pauvres.

C’est leur condition d’être pauvres, disent-ils, comme la mienne est d’être riche.


Il est vrai, c'est leur condition d’être pauvres;

mais ce n’est pas leur condition d’être abandonnés:

*

c’est leur condition d’implorer votre secours, parce qu’ils sont dans le besoin;

mais c’est la vôtre de les secourir, parce que vous êtes dans l'abondance.


* * *

6 juillet

Sur la charité envers les Pauvres.


1er Point.

Elle doit s'étendre à tous les pauvres que l'on peut soulager.

Jésus-Christ, au jour du dernier jugement, dira aux réprouvés:

Allez maudits au feu éternel; parce que, ajoutera-t-il, ce que vous n'avez pas fait pour le moindre des miens, c'est-à-dire, pour le moindre des pauvres, c'est pour moi que vous ne l'avez pas fait.

Seigneur, quand t’avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t’avons-nous pas assisté?

Et il leur répondra:

Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses à l’un de ces plus petits, C’EST À MOI QUE VOUS NE LES AVEZ PAS FAITES. (Matth. XXV. 44-45. V. S.)

Je ne dois donc pas laisser un seul pauvre sans l'assister selon mon pouvoir, mesuré lui-même par les règles de la prudence Chrétienne.

Si j’y manque, Jésus-Christ me le montrera au jour du dernier jugement, et me dira: «en manquant de charité pour ce pauvre, tu en as manqué pour moi-même.»


2e Point.

La charité doit être attentive et vigilante.

Remarquez que Jésus-Christ ne dira pas: «ce que vous avez positivement refusé», mais: «ce que vous n'avez pas fait»

Donc s'il se trouve, non seulement sous mes yeux, mais en quelque endroit du monde que ce soit qui soit à portée de ma connaissance et de mon secours,

SI, AU LIEU DE SOULAGER LE MALHEUREUX, LE PAUVRE, j'aurais employé mon temps et mon bien en divertissement mondains et frivoles, Jésus-Christ me le reprochera au jour du jugement, et me dira:

«Ce que tu n'as pas fait pour ce malheureux, c'est pour moi que tu ne l'as pas fait; tu l’as laissé languir dans la faim et dans la misère alors que tu pouvais connaître ses besoins et les soulager; c’est moi-même que tu as abandonné pour jouir de ton bien en frivolités et en loisirs.


* * *

7 juillet

Sur la dureté des riches envers les
 pauvres.


1er Point.

Beaucoup de riches craignent de rencontrer les pauvres et de les connaître.

L’horreur qu’ils ont pour la pauvreté, rejaillit jusque sur les pauvres: les riches se croient déshonorés par l’entretien d’un homme semblable à eux, simplement parce qu’il est dans la misère.

La seule vue des tristes effets de l'indigence révolte leur délicatesse: ils craignent que leur conscience ne leur reproche leur dureté, et ne les avertisse de leurs obligations. Ils ressemblent à ces dissipateurs endettés qui s’imaginent ne rien devoir, quand ils peuvent se dérober à la vue de leurs créanciers.

Partage ton pain avec celui qui a faim,

Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile;

Si tu vois un homme nu, couvre-le,

Et ne te détourne pas de ton semblable. (Ésaïe LVIII. 7.)


2e Point.

Ils refusent de les soulager.

J’ai besoin de tout mon bien, disent-ils, pour soutenir mon état; je n’ai que le juste nécessaire.

Sont-ils en droit de dire: MON BIEN, MES TERRES, MES REVENUS?

Non, puisque rien n’est à eux jusqu'à ce qu’ils aient abandonné aux pauvres le superflu qui leur appartient.

Quel est ce nécessaire dont ils parlent?

Est-ce le nécessaire à la vie et à la condition?

Dieu ne le demande pas.

C’est donc le nécessaire au jeu, aux plaisirs, à la sensualité, à l’ambition ou à l’avarice. Mais ce prétendu nécessaire est un véritable superflu qui appartient aux pauvres.

Le prophète va même encore plus loin:

Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a faim, Si tu rassasies l’âme indigente, Ta lumière se lèvera sur l’obscurité, Et tes ténèbres seront comme le midi. (Ésaïe LVIII. 10)


* * *

8 juillet

Sur le goût de la dépense.


1er Point.

C'est un goût très commun et très néfaste.

Il est la source de mille désordres:

- il rend ceux qui s’y livrent insensibles aux besoins des pauvres;

- il porte le trouble et la division dans le sein des familles;

- il arme les pères contre les enfants, et les enfants contre les pères;

- il sépare les époux et les épouses;

- il ouvre des abîmes de dettes que rien ne saurait remplir;

- il anéantit la fortune des mondains pour la vie présente et le salut pour la vie future.


2e Point.

Pour le réprimer, un Chrétien doit se borner au vrai nécessaire, c’est-à-dire, aux dépenses absolument nécessaires à sa vie et à sa condition.

L’une et l’autre est l’ouvrage de Dieu, dit Saint Augustin; il veut que vous conserviez son ouvrage, et par conséquent que vous souteniez votre vie et votre condition.

Mais ce luxe immodéré qui s’étend au-delà des besoins, de la condition, et de la vie, n’est point dans l’ordre de Dieu; IL NE VIENT QUE DU DÉSORDRE DE VOS PASSIONS.

Bornez-vous donc à ce qui suffit à l'ouvrage de Dieu et retranchez tout ce qui ne sert qu'à entretenir l'ouvrage du Démon.

Incline mon coeur vers tes préceptes, Et non vers le gain! (Ps. CXIX. 36.)


* * *

9 juillet

Sur les moyens de connaître le superflu et le distinguer du nécessaire.


1er Point.

Vous n'en aurez jamais une connaissance exacte si vous consultez:

1. VOS PASSIONS; puisque c'est à elles à en décider. Plus on aurait de passions à satisfaire moins on serait obligé d'être charitable.

2. UNE JEUNESSE INCONSIDÉRÉE qui ne respire que l’amour des plaisirs: Cet âge, dit Saint Augustin, est, à la vérité, la fleur de la vie; mais en même temps l’écueil le plus dangereux de la raison et de la vertu.

3. UN MONDE PROFANE ET DÉRÉGLÉ. Ses excès vous avertissent assez du peu de sûreté qu’il y aurait à suivre ses maximes.


2e Point.

Pour avoir une idée juste de votre superflu; vous n'avez qu'à consulter:

1. L'ÉVANGILE, qui interdit aux riches comme aux pauvres, l’usage immodéré des biens de la terre:

2. LE MONDE RAISONNABLE ET VERTUEUX. Il y a dans tous les états de fidèles adorateurs dont la conduite peut vous servir de modèle. Comparez leurs biens avec les vôtres et voyez ce qu’ils regardent comme leur superflu et suivez à proportion la même règle et la même mesure.

3. ENFIN, LES PAUVRES EUX-MÊMES. Lazare ne montrait-il pas au mauvais Riche un superflu dont il abusait quand il demandait à être nourri des miettes qui tombaient de sa table?


* * *

10 juillet

Sur le malheur des temps.


1er Point.

Les guerres qui désolent les Provinces et qui épuisent les Royaumes d'hommes et d’argent; les maladies qui dépeuplent la terre;

La stérilité des campagnes, qui réduit tout un peuple à la misère: c'est ce qu’on appelle le malheur des temps.

Les riches du monde sont bien souvent ceux qui en souffrent le moins; et cependant ces malheurs leur servent de prétexte pour se dispenser de l’aumône.

Ils tarissent la source de leurs charités; mais ils n’arrêtent pas la licence effrénée de leur luxe et de leurs dépenses.

Ils prétendent donc qu’il n’y a que les pauvres seuls qui doivent porter le faix de la misère publique, et ils se croient en droit de supprimer les soulagements qu’ils leur doivent dans le temps où ils ont le plus de besoin d’être soulagés.


2e Point.

Les riches du monde sont ceux qui devraient le plus souffrir du malheur des temps, car ce sont eux qui les attirent par leurs péchés.

Ce sont eux que Dieu regarde avec des yeux de colère: les pauvres ne font qu’exciter sa compassion.

Les riches devraient donc ressentir plus que personne de l'amertume de ces fléaux terribles, qui ne sont destinés qu’à les punir.

Si les pauvres étaient seuls à en éprouver les rigueurs, il s’ensuivrait que Dieu, en faisant tomber ces fléaux sur la terre, n’aurait voulu frapper que des malheureux.

À vous maintenant, riches! Pleurez et gémissez, à cause des malheurs qui viendront sur vous. (Jacques V. 1.)


* * *

11 juillet

Sur les devoirs des riches dans les malheurs publics.


1er Point.

Leurs devoirs envers Dieu, c'est de l'apaiser par la repentance.

C'est ainsi qu’en usaient les Esther, les David, les Mardochée, quand le Seigneur déchargeait sur son peuple les vases de sa colère.

Nous avons péché disaient-ils, nous avons commis l'iniquité; humilions-nous et .....;


RETOURNONS À LA LOI DE DIEU QUE NOUS AVONS ABANDONNÉE.


2e Point.

Leur devoir envers les pauvres est de les soulager par les aumônes.

N'est-il pas juste que la miséricorde et la charité croissent à proportion que la misère augmente?

Faut-il que les pauvres soient de plus en plus abandonnés, lorsqu’ils sont plus malheureux?

Pour quelle raison seriez-vous tout à fait exempt des peines et des châtiments dont vos frères sont accablés?

La «religion» ne vous oblige-t-elle pas de regarder alors comme superflues des dépenses qui dans d'autres temps paraîtraient nécessaires?

Peut-on nier que les pieux excès de la charité ne deviennent, dans ces tristes occasions, une loi de justice et d’humanité?


* * *


12 juillet

Sur la Libéralité.


1er Point.

Celui qui se contente de céder aux pauvres le superflu, qui leur appartient, n'a pas encore le mérite d'une charité généreuse et libérale.

Il peut l’avoir aux yeux des mondains qui ne connaissent point de superflu, et qui regardent les petites aumônes comme des libéralités prodigieuses; il pourra même l’avoir aux yeux des pauvres qui ne connaissent pas toujours l’étendue de leurs droits parce qu’ils ignorent souvent jusqu’où s’étend le superflu des riches.

Mais il n’aura pas ce mérite singulier et surabondant aux yeux du Seigneur, puisqu’en s’acquittant précisément de ce qu’il doit, il donne véritablement ce qui n’est pas tout à lui.


2e Point.

La plupart des Saints ont eu le mérite d'une charité libérale et généreuse, parce que leurs aumônes étaient prise, non seulement sur leur nécessaire à soutenir leur condition, mais quelquefois sur le nécessaire à soutenir leur propre vie.

Telle était l’aumône de cette pauvre Veuve dont il est parlé dans l’Évangile, qui n’avait jeté que deux oboles dans le trésor des pauvres: Tous les autres; dit Jésus-Christ à ses Disciples, ont donné de leur superflu; mais celle-ci a donné tout ce qu'elle avait, tout ce qui lui restait pour vivre.

Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu’aucun de ceux qui ont mis dans le tronc; car tous ont mis de leur superflu, mais elle a mis de son nécessaire, tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. (Marc XII. 43.44.)


* * *

13 juillet

Sur les Prières des pauvres.


1er Point.

Elles sont efficaces auprès de Dieu, quand ils prient pour le bonheur et pour le salut d'un Chrétien charitable.

Ne méprisons point les pauvres, disait Saint Grégoire de Nisse, leur amitié est précieuse et mérite d’être recherchée.

Faites-vous des amis, disait le Sauveur, par les richesses, qui sont presque toujours ou le fruit ou la semence de l’injustice, afin que lorsque vous viendrez à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels.

Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer. (Luc XVI. 9. V. S.)

Paroles qui s'opposent à l'idée que les pauvres ont en main les clefs du Ciel et que le salut des riches dépend en quelque sorte de leurs sollicitations et de leurs prières. Leurs mains, il est vrai, sont faibles et semblent inutiles sur la terre; mais elles sont bien fortes et bien puissantes, lorsqu’elles présentent au Seigneur les dons que nous leur avons faits.


2e Point.

Les vices personnels des pauvres ne rendent pas inutiles les prières qu'ils font pour ceux qui les ont soulagés.

Pensez-vous en effet que dans cette foule de pauvres, qui pleuraient la vertueuse Tabitha (Dorca), il n'y en eût pas de semblables à ceux d’aujourd’hui?

Les larmes mêmes de ces pauvres eurent peut-être autant de part à cette résurrection que les prières de l’Apôtre.


L’Éternel écoute les pauvres,

Et il ne méprise point ses captifs.

(Ps. LXIX. 33.)


* * *

14 juillet

Sur le soin que doivent avoir les pères d’élever et d’enrichir leurs enfants.


1er Point.

Ce soin est le prétexte dont quelques-uns servent pour se dispenser de l'aumône...

... mais, néanmoins, ils paraissent uniquement s'en occuper que lorsqu’on leur parle de soulager les pauvres; hélas ils n’y pensent plus quand il est question de leurs amusements et de leurs plaisirs.

Leurs malheureux enfants ne voient-ils pas tous les jours, que le plus clair de leur patrimoine est employé à nourrir le luxe et la vanité d'un père prodigue et dissipateur des biens que Dieu a déposé dans ses mains?

Ne voient-ils pas avec douleur leur éducation négligée par mille folles dépenses?

Et ces mêmes pères, lorsqu’on leur parle du précepte de l’aumône se défendent bien haut en disant que les obligations de la Loi naturelle et divine leur impose de prendre d'abord soin de ses enfants.


2e Point.

C'est uniquement le luxe et non l'affection paternelle qui les empêche de soulager les pauvres.

Et ce qui le prouve leur disait Saint Augustin, c'est que s’il arrive qu’un de vos enfants vous soit enlevé par la mort, que ferez-vous?

Si c’était pour enrichir cet enfant que vous réserviez une partie de vos biens que ne la donnez-vous aux pauvres quand vous l’avez perdu ?

Vous voilà libre; vous voilà dégagé de tous les devoirs qui vous liaient par rapport à lui; alors, pourquoi donc retenir encore cette portion de l’héritage qui lui était destinée?

Pour continuer à nourrir le luxe et la vanité d'un père prodigue et dissipateur des biens que Dieu a déposé dans ses mains!


* * *

15 juillet

Sur la préférence qu’un Chrétien doit à Dieu

et à l'entretien de son Salut sur tout autre objet.



1er Point.

Quant à Dieu: Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi, nous dit-il lui-même, n'est pas digne de moi.

Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi (Matth. X. 37. V. S.)

L’amour paternel, quoique naturel et indispensable a donc des bornes, des priorités qui sont l’amour que nous devons à Dieu.

Tous nos autres amours doivent être subordonnés à ces bornes qui sont les Commandements de Dieu, et les lois qu’il nous impose.

Voilà les barrières où il doit s’arrêter; et sitôt qu’il les franchit, il devient nécessairement «criminel» et désordonné.


2e Point.

Quant à l'entretien de notre salut: C’est le plus grand et le plus essentiel de nos intérêts.

Si l’on craint que les enfants ne se trouvent pas assez riches pour la vie présente, on doit encore bien plus craindre de se trouver soi-même dépourvu de vertus et de mérites pour la vie future.

Si la prudence ne permet pas à un père d’abandonner tous les biens à ses enfants, lorsqu’il les établit sur la terre, elle lui permet encore moins de sacrifier le salut de son âme, à leur élévation et à leur fortune.


* * *


16 juillet

Sur les devoirs des pères à l’égard de 
leurs enfants.


1er point.

Il ne suffit pas de les former pour le monde; il est encore plus important de les élever et de les former pour le Ciel.

C'est par de fréquentes et solides instructions et par DE BONS EXEMPLES, sans lesquels les plus belles instructions seront stériles et infructueuses.

Quel exemple leur donnez-vous, s’ils ne vous voient occupés qu’à jouir des faux biens de ce monde, et à violer toutes les règles de l’Évangile pour satisfaire mille projets d’ambition et de vanité?

Comment pourrez-vous leur inspirer des sentiments de «Religion», s'ils s'aperçoivent que vous ne la pratiquez pas?


2e Point.

Qu’elles sont les instructions qu'il importe le plus de leur donner?

Elles sont toutes renfermées dans ces paroles, que le Saint-Esprit adresse à tous les pères:

Ayez soin: leur dit-il, de faire connaître à vos enfants les saintes Ordonnances du Seigneur, afin qu'ils mettent en lui toute leur espérance; qu'ils n'oublient jamais les merveilles qu'il a faites en faveur de vos pères, et qu'ils songent nuit et jour à méditer et à pratiquer sa Loi.

Tels sont les biens dont il faut leur faire un fond considérable; tels sont les trésors qu'il faut principalement s’attacher à leur acquérir.

Quelque fortune que vous leur laissiez après votre mort,


LA MEILLEURE PARTIE DE LEUR HÉRITAGE SERA TOUJOURS

L’AMOUR ET LA CRAINTE DE DIEU,

La charité, la justice, les prières pour les pauvres.


Instruis l’enfant selon la voie qu’il doit suivre;

Et quand il sera vieux, il ne s’en détournera pas.

(Prov. XXII. 6.)


* * *


17 juillet

Sur les avantages attachés à la pratique de l'Aumône.


1er Point.

Dieu met à SA propre place celui qui fait l'aumône.

Un Chrétien charitable, dans l'esprit de la «Religion», n’est pas seulement un homme qui soulage son semblable:

C’est un homme qui tient la place de Dieu même, de cet Être infiniment miséricordieux, qui n’aime à exercer son pouvoir que par ses bienfaits.

Faire l'aumône, c’est donc être le Substitut, l'Ambassadeur et le Coopérateur de Dieu même à l’égard du pauvre.

Un Chrétien charitable est comme un envoyé de Dieu qui produit des changements soudains et souvent imprévus, dans l'âme et dans la fortune des malheureux.


2e Point.

Dieu se met lui-même à la place de celui qui reçoit l'aumône.

Un pauvre, dans l’esprit de la «Religion», n’est pas seulement une portion de l’humanité affligée et souffrante; c’est un membre de Jésus-Christ, qui souffre; c’est Jésus-Christ en personne qui nous demande du secours et du soulagement.

Si vous saviez quel est celui qui vous demande un peu d’eau pour étancher sa soif, disait autrefois le Sauveur à la Samaritaine.

Vous le savez, Chrétien; vous n’ignorez pas que:

C’EST JÉSUS-CHRIST MÊME QUI A RECOURS À VOUS DANS LA PERSONNE DE CE PAUVRE:

Serez-vous assez barbare, assez ingrat, assez impie pour lui refuser ce qu'il vous demande, et ce que vous pouvez aisément lui donner?

Celui qui a pitié du pauvre prête à l’Éternel, Qui lui rendra selon son oeuvre. (Prov. XIX. 17.)

Celui qui méprise son prochain commet un péché, Mais heureux celui qui a pitié des misérables! (Prov. XIV. 21.)

Celui qui donne au pauvre n’éprouve pas la disette, Mais celui qui ferme les yeux est chargé de malédictions. (Prov. XXVIII. 27.)


* * *


18 juillet

Sur les abus de l'avarice et de la 
libéralité

(la largesse).


1er Point.

Ce qui fait le crime et le malheur de la plupart des riches, c'est qu’ils abusent perpétuellement de l’avarice et de la libéralité.

Jugez-en par l’usage qu’ils font de leurs richesses, et vous verrez:

- Qu'ils portent la libéralité (la largesse) à l'excès, lorsqu'il faudrait être avare. Vous verrez qu’ils donnent TOUT au plaisir, et RIEN à la charité et au devoir;

- Qu’ils ne se ménagent rien pour leurs plaisirs;

- Qu’ils ne regrettent rien quand il s’agit de briller aux yeux du monde et de l’éblouir par le pompeux spectacle de leur opulence ou encore, pour jeter à pleines mains l’or et l’argent sur des tables de jeu.

- Ils sont toujours prêts à contenter les flatteurs qui n’encensent leurs défauts que pour partager leur fortune.


2e Point.

Ils portent l'avarice à l'excès lorsqu'il faudrait être libéral.

Quand on les sollicite en faveur des pauvres, leurs mains se resserrent; ils se plaignent des plus petites dépenses; on ne les leur arrache qu’avec peine; et souvent même il n’est pas possible de leur arracher la moindre obole.

S’il y a chez toi quelque indigent d’entre tes frères, dans l’une de tes portes, au pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne,

TU N’ENDURCIRAS POINT TON COEUR ET TU NE FERMERAS POINT TA MAIN DEVANT TON FRÈRE INDIGENT. (Deut. XV. 7.)


* * *

19 juillet

Sur le sacrifice que l'on fait à Dieu par
 l'Aumône.


1er Point.

L'écriture ne donne pas seulement le nom de sacrifice à l’oblation des victimes, que l'on immolait dans le Temple de Jérusalem.

TOUT CE QUE L'ON OFFRE À DIEU, tout ce que l’on fait POUR LUI OBÉIR et pour lui plaire, est appelé sacrifice.

Ce nom est donné:

- À la prière par laquelle on applique son esprit à Dieu;

- Au jeûne et à l’abstinence, par laquelle on mortifie sa chair;

- À l'aumône, par laquelle on sacrifie à Dieu une partie des biens qu’on a reçus de lui pour l’employer au soulagement des pauvres.


2e Point.
De tous ces sacrifices, celui de l'aumône est le plus agréable à Dieu.

Qu’ai-je à faire de vos victimes et de vos prières, disait-il à son peuple par le Prophète Ésaïe, ce que je veux, c’est que vous soulagiez l'indigent, et que vous secouriez l'Orphelin? Que vous sert-il d’affliger votre corps par le jeûne?

Le jeûne qui me plaît, c’est que vous partagiez votre pain avec le pauvre, et que vous respectiez en lui votre propre chair; en un mot, je veux la miséricorde plutôt que le sacrifice.

Et si vous n’êtes miséricordieux et charitable, tout ce que vous m’offrez, tout ce que vous faites pour moi, n’est d’aucun prix à mes yeux.

Voici le jeûne auquel je prends plaisir:

Détache les chaînes de la méchanceté,

Dénoue les liens de la servitude,

Renvoie libres les opprimés, Et que l’on rompe toute espèce de joug;

Partage ton pain avec celui qui a faim, Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile;
Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable.
Alors ta lumière poindra comme l’aurore, Et ta guérison germera promptement; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l’Éternel t’accompagnera. (Ésaïe LVIII. 6. V. S.)


* * *

20 juillet

Sur les murmures des pauvres contre 
les riches.


1er Point.

Ces murmures rendent les pauvres coupables devant Dieu.

Ils sont obligés de souffrir – sans murmurer – à cause des maux que Dieu leur envoie:

En murmurant, ils perdent le mérite inestimable de leurs souffrances;

Ils violent, à l'égard des riches, les lois de la charité Chrétienne quand ils ne cessent de réclamer pour eux-mêmes;

Leur pauvreté, qui les rend semblables à Jésus-Christ, n'est plus reconnue dans cette heureuse ressemblance en raison de leur impatience.

Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis. (2 Corinth. VIII. 9.)


2e Point.

Ces murmures n'empêchent pas la colère de Dieu sur les riches pour avoir occasionné leurs murmures.

La malédiction que le pauvre aura prononcée contre eux, dans l’amertume de son âme, montera quand même jusqu'à son trône, et il sera exaucé; parce qu’il est l’ouvrage de Dieu. C’est le Sage qui nous en assure.

Parce que les malheureux sont opprimés et que les pauvres gémissent, Maintenant, dit l’Éternel, je me lève, J’apporte le salut à ceux contre qui l’on souffle. (Ps. XII. 5.)

Il jugera les pauvres avec équité, Et il prononcera avec droiture sur les malheureux de la terre; Il frappera la terre de sa parole comme d’une verge, Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant. (Ésaïe XI. 4.)


* * *

21 juillet

Sur les reproches que les riches font
 aux pauvres.


1er Point.

On leur reproche leur oisiveté, leur paresse et leurs simulations.

Ces reproches ne sont pas toujours vrais!

Est-il donc si difficile de trouver de vrais pauvres, de vrais malades, de vrais malheureux?

Tous ceux qui se disent pauvres, sont-ils des imposteurs?

Jésus-Christ nous aurait-il fait un précepte qui ne peut être appliqué à personne?

- Que de captifs qui gémissent dans les fers, et qui attendent inutilement que la charité les délivre!

- Que d’orphelins abandonnés, à qui les riches sont obligés de tenir lieu de pères ou de soutiens!

Où ne trouve-t-on pas encore cette multitude innombrable d'aveugles, de boiteux, de paralytiques qui environnaient la piscine de Béthesda?


2e Point.

Les riches devraient s'appliquer à eux-mêmes, les reproches qu'ils font aux pauvres.

Ce sont, disent-ils, des gens oisifs, paresseux qui pourraient vivre de leur travail et qui se font un métier de leur misère.

- Mais quel usage les riches du monde font-ils de leurs forces et de leurs temps?

- Est-il rien de plus inutile que leur vie?

- Ne se passe-t-elle pas, bien souvent, à ne rien faire ou à faire des riens?

Ils reprochent aux pauvres leurs artifices et leurs impostures.

- Mais de quels artifices, de quelles impostures n’usent-ils pas eux-mêmes pour obtenir des faveurs et des grâces?

- Ne se font-ils pas plus pauvres qu’ils ne le sont?

- Ne disent-ils pas qu’ils sont menacés d'une ruine entière si l’on ne satisfait au plutôt les désirs insatiables de leur ambition?


* * *


22 juillet

Sur la charité des premiers Fidèles.
(Charité = Amour)


1er Point.

Il n'y avait point de pauvres parmi eux!

Non qu'ils fussent tous également riches; mais:


PARCE QUE TOUS LES PAUVRES ÉTAIENT ÉGALEMENT SOULAGÉS.


La charité du Maître avait bien passé dans l’âme des Disciples, à tel point que tous leurs biens étaient en commun, et que TOUS ils ne faisaient qu'un coeur et qu'une âme.

C’était à cette charité universelle, généreuse et surabondante que l’on connaissait les Chrétiens.

Les temps et les mœurs sont changés: le nombre des pauvres est si grand parmi nous, que l'on en est surchargé.


2e Point.

D'où vient cette différence?

C’est que dans ces heureux siècles:

- Les pauvres, mêmes, étaient charitables,

et qu’aujourd’hui les riches sont cruels:

- Les Chrétiens étaient tous sobres et modestes

et nous sommes devenus intempérants et fastueux;

- Ils n’avaient d’ambition que pour le Ciel,

et nous n’en avons que pour la terre:

- Leur modestie faisait la richesse des pauvres,

et notre luxe fait leur misère.


QUE NOTRE CHARITÉ SE RANIME, ET CETTE ÉGALITÉ SERA RÉTABLIE.


* * *

23 juillet

Sur la tranquillité d'un Chrétien charitable à l'heure de sa mort.


1er Point.

La mort, selon les personnes, se présente sous deux idées effrayantes.

D'abord comme un naufrage universel qui engloutit notre corps, nos biens, nos dignités et nos plaisirs.

Nous n'avons rien apporté en ce monde, et nous devons rien rapporter.

C’est, en effet, une grande source de gain que la piété avec le contentement; car nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter... (1 Tim. VI. 6-7. V. S.)

Mais cette idée n’a rien d'effrayant pour un Chrétien charitable.

- Il a devancé la mort en se dépouillant lui-même d’une grande partie de ses biens en faveur des pauvres.

- Il a donné à la charité ce qui faisait la force de l’avarice.

- Il s’est dépouillé de ses biens par ses aumônes;

- Il a fait marcher ses richesses devant lui;

- Il a transporté ses biens dans l’autre vie par ses charités, et il est sur le point d’aller prendre possession de richesses éternelles dans le Ciel.


2e Point.

La mort se présente à notre esprit comme le moment d’un examen sévère et rigoureux de notre vie, qui décidera de notre sort pour l'éternité.

Il est réglé, dit l’Apôtre, que tous les hommes mourront une fois, et après suit le jugement.

Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement... (Hébr. IX. 27.)

Ce jugement, loin d'être terrible pour le Chrétien charitable, devient plutôt la source de ses consolations et le fondement de son espérance. Il ne craint point de s'entendre dire par le Souverain:

Rends-moi compte de ton administration:

que sont devenus les talents que je t'avais confiés?

Quel usage en as-tu fait?


LES PAUVRES RÉPONDRONT POUR LUI.


* * *

24 juillet

Sur les aumônes des Pécheurs.


1er Point.

Elles ne suffisent pas pour effacer leurs péchés s'ils y persévèrent.

Il ne faut pas s’imaginer qu’un pécheur puisse acheter, par ses aumônes, le droit de persister dans ses désordres, dans son péché.

Si ce trafic avait lieu, il s’ensuivrait que les riches auraient plus de moyens et de facilité pour se sauver que les pauvres.

Ils ont confiance en leurs biens, Et se glorifient de leur grande richesse.

Ils ne peuvent se racheter l’un l’autre, Ni donner à Dieu le prix du rachat. (Ps. XLIX. 6-7.)


2e Point.

L'aumône a cependant une vertu particulière pour attirer du Ciel les grâces qui sont nécessaires au pécheur pour se convertir.

C’est en ce sens qu’il est dit:

La charité couvre la multitude des péchés...

Avant tout, ayez les uns pour les autres une ardente charité, car la charité couvre une multitude de péchés. (1 Pierre IV. 8.)

Donnez et l'on vous donnera...

Donnez, et il vous sera donné: on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis. (Luc VI. 38).

Ainsi, ce Centurion, dont il est parlé au livre des Actes, obtint du Ciel la grâce de la Foi parce qu'il faisait beaucoup d'aumônes au peuple et qu'il priait Dieu continuellement.

Il vint un Ange du Ciel qui lui dit: Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu'à Dieu, et il s'en est souvenu.

Corneille dit: Il y a quatre jours, à cette heure-ci, je priais dans ma maison à la neuvième heure; et voici, un homme vêtu d’un habit éclatant se présenta devant moi, et dit: Corneille, ta prière a été exaucée, et Dieu s’est souvenu de tes aumônes. (Actes X. 30-31. V. S.)

Combien de riches retenus par de «criminelles» habitudes dans les liens de l’iniquité, pourraient obtenir, par les mêmes moyens, la grâce de se convertir!


* * *

25 juillet

Sur la restitution.


1er Point.

Il y a, malheureusement, très peu de riches dans le monde, qui ne soient obligés à de grandes restitutions.

Ils dépensent le bien d'autrui avec autant de facilité que s’il leur appartenait; ils ne se font aucun scrupule de charger leur conscience de dettes sans chercher à savoir s’ils seront jamais en état de les acquitter.

Ils ne pensent pas que la «religion» et la justice les obligent à rendre à leur maître légitime, les biens et les emprunts dont ils abusent et, dans le cas où il ne serait pas possible de le trouver, à les rendre à Dieu en les donnant aux pauvres.


2e Point.

L'aumône ne peut jamais suppléer à la restitution, ni la restitution à l'aumône.

L’une est essentiellement prise sur le bien d’autrui, et l’autre doit être faite sur son propre bien.

Il y en a, dit Saint Chrysostôme, qui veulent donner par charité ce qu’ils ont ravi par fraude ou par violence; mais il y a beaucoup de différence entre faire des œuvres de miséricorde, pour expier ses péchés, et commettre des péchés pour en faire des œuvres de miséricorde.

Celui qui restitue, n'est pas libéré de l’aumône;

et celui qui fait l’aumône, s’il a du bien d’autrui, est encore obligé à la restitution.

Ainsi le célébre Zachée accomplissait toute justice en disant à Jésus-Christ:

Seigneur, je donne la moitié de mon bien aux pauvres, et si j'ai fait tort à quelqu’un, en quoi que ce soit, je lui en rends quatre fois autant.

Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j’ai fait tort de quelque chose à quelqu’un, je lui rends le quadruple. (Luc XIX. 8. V. S.).


* * *

26 juillet

Sur l’excellence de la Charité.

(Charité = Amour)


1er Point.

C'est la plus grande de toutes les vertus, la seule qui n'aura jamais de fin.

Toutes les autres sont fondées sur notre misère et sur notre imperfection, et nous ne devons les regarder comme de vrais biens, que parce qu’elles servent de remède à nos maux.

1. La foi met en évidence ce que personne ne voit; elle suppose une ferme assurance des choses qu’on espère (Héb. XI. 1.);

2. L’espérance est la marque de nos besoins; c’est en espérance que nous sommes sauvés (Rom. VIII. 24);

3. La prière est un aveu de notre faiblesse, de nos besoins; Corneille, ta prière a été exaucée, et Dieu s’est souvenu de tes aumônes (Actes X. 31.);

4. La patience, une attente dans nos afflictions; il faut que la patience accomplisse parfaitement son oeuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien. (Jacq. I. 4.);

5. La repentance a un rapport essentiel avec nos péchés. Le Seigneur use de patience envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance. (2 Pierre III. 9.).

Toutes ces vertus seront donc bannies du Ciel, parce que tout ce qui est lié à la faiblesse et à l'imperfection de l’humanité en sera exclu pour toujours.


2e Point.

La charité seule nous suivra dans le Ciel.

Nous posséderons un Dieu qui est la Charité même.

Dieu est amour; et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. (1 Jean IV. 16.)

C'est là que Jésus-Christ notre rédempteur et notre chef se réunit avec tous ses membres, par les liens indissolubles d’un amour éternel.

C’est là que Dieu se plaît à combler les désirs de ces âmes bienheureuses avec lesquelles il partage la félicité et la gloire.

C’est là enfin que la charité (l'amour) règne et qu’elle produit dans tous les cœurs une paix et un bonheur qui n'auront jamais de fin.

La charité (l'amour) ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra.

Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra. (1 Corinth. XIII. 8.10.).


* * *

27 juillet

Sur l'ordre que l'on doit observer dans
 la pratique de l'aumône.


1er Point.

L'aumône doit être faite:

1. Avec choix;

2. Avec discernement;

3. Avec mesure.

Avec choix en préférant ses proches et ses domestiques, lorsqu’ils sont véritablement pauvres, à des étrangers;

Ainsi donc, pendant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi. (Galates VI. 10.).

Avec discernement, en donnant plutôt à ceux qui se trouvent dans une impuissance absolue de s'aider, qu'à ceux qui peuvent encore trouver dans leur travail quelques ressources à leur misère;

Avec mesure, en évitant de donner trop aux uns, et par-là de se mettre hors d'état de soulager les autres.


2e Point.

S'il arrivait par malheur, et non par défaut de recherche et d'attention, que l'on se fut trompé dans le choix des pauvres que l'on soulage, on ne perdrait pas pour cela le mérite de la charité

Quand j’assiste un homme dans son indigence c'est la nature même et non la qualité de ses mœurs qui est l'objet de ma compassion. Il sera peut-être un fourbe et un imposteur qui dérobe aux véritables pauvres les aumônes qui leur sont dues.

Je l'ignore; et il ne m’a pas été possible d’en être exactement informé.

Il ne saurait donc me frustrer moi-même du mérite de ma charité.

Il sera puni, sans doute, pour avoir pris une aumône qu’il ne méritait pas; mais je serai récompensé de la lui avoir donnée.


* * *

28 juillet

Sur les actes de piété passagers.


1er Point.

On appelle actes de piété passagers, ceux qui naissent des occasions et des circonstances, mais qui ne se maintiennent pas.

On reconnaît, on pleure même les désordres de sa vie; mais après quelque intervalle de dévotion, on reprend sa vie ordinaire et l’on revient aux mêmes péchés.

On promet à Dieu d’y renoncer, et on le promet avec sincérité; mais on n’a pas assez de courage pour demeurer ferme dans sa résolution.


LE COEUR EST ATTENDRI POUR UN TEMPS;

MAIS IL N’EST PAS CHANGÉ.


Cet acte de piété doit ordinairement sa naissance, à quelque affliction imprévue, ou à quelque solennité religieuse qui touche les sentiments, ou aux approches de la mort; mais comme il n’est pas solide et enraciné dans le coeur, il s’évanouit promptement avec les causes et les occasions qui l’ont fait naître.


2e Point.

L'illusion des actes de piété passagers.

Réfléchissez et comprenez que même si votre dévotion disparaît, LES VÉRITÉS SUR LESQUELLES ELLE ÉTAIT APPUYÉE et qui la rendaient nécessaire, SUBSISTENT TOUJOURS.

Les jugements de Dieu n’en sont pas moins terribles quoique vous n’y pensiez plus!

Voulez-vous être comme les enfants qui, pour se dérober à la vue de ceux qui les cherchent, ferment les yeux, et s’imaginent ensuite qu’on ne les voit plus?


* * *


29 juillet

Sur l'Humilité.


1er Point.

L'humilité Chrétienne n'est point une vertu basse et méprisable et incompatible avec la grandeur.

Pour s’en convaincre, il faut d’abord s’en former une idée juste et précise.

Elle tient, comme les autres vertus, le milieu entre deux vices contraires; l’orgueil et la faiblesse de coeur et d’esprit que l’on nomme pusillanimité;

l’orgueil qui se croit digne de tout, capable de tout,

la pusillanimité qui n’est propre à rien.

Tomber dans la pusillanimité pour fuir l’orgueil ce serait donner dans le même excès, que de tomber dans l’avarice pour fuir la prodigalité.


2e Point.

On peut pratiquer l'humilité dans le monde:

1. En ne courant point, comme les ambitieux, après les honneurs du monde;

2. En souffrant patiemment que d’autres vous soient préférés dans la distribution des faveurs du monde;

3. En servant aussi fidèlement dans l’oubli et dans l’obscurité, que dans l'éclat des honneurs du monde.


* * *


30 juillet

Sur l'humilité de Jésus-Christ.


1er Point.

Apprenez de moi, nous disait-il — que je suis doux et humble de coeur.

Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. (Matth. XI. 29. V. S.)

L’humilité est-elle une vertu si rare et si difficile, que nous ne puissions la connaître que par vous Seigneur?

Oui, répond Saint Augustin, les hommes seuls n’y seraient jamais parvenus: IL FALLAIT QU’UN DIEU VÎNT LEUR EN DONNER L’EXEMPLE, parce qu’il n’y a rien qui soit plus enraciné dans leur coeur que l’orgueil.

Avant la ruine, le coeur de l’homme s’élève; Mais l’humilité précède la gloire. (Prov. XVIII. 12.).


2e Point.

Toute la vie de Jésus-Christ n'a été qu'un exercice continuel de l'humilité.

Il a voulu naître d’une mère pauvre, dans une étable et dans une crèche;

il a voulu être circoncis, et ensuite baptisé, comme pécheur; fuir en Égypte, comme faible.

Lorsque dans la suite on veut le faire Roi, il se cache;

il s’abaisse à la fin de sa vie jusqu'à laver les pieds de ses Disciples, et il couronne tant de grands exemples par la mort ignominieuse de la croix.

Mais pourquoi, Seigneur, s’écrie Saint Bernard, tant d’abaissements pour une Majesté si grande?


C'est afin qu'il n'y ait plus personne qui ose se glorifier sur la terre.


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31 juillet

Sur la nécessité d'être humble pour plaire 
à Dieu.


1er Point.

Rien ne lui plaît sans l'humilité.

Il faut donc que cette vertu précède, accompagne et suive toutes nos actions.


DÈS LE MOMENT OÙ L’ORGUEIL S'Y MÊLE,

IL EN DÉTRUIT TOUT LE MÉRITE!


Au reste, cet orgueil est d’autant plus à craindre, quand on a beaucoup de mérite et de vertu; car les actions blâmables sont la matière des autres vices.

Les actions les plus louables sont l’aliment de l’orgueil: les autres vices ne vont qu’avec le désordre et la honte.


2e Point.

Tout ce qui est infecté par le levain de l'orgueil, déplaît à Dieu.

Un chrétien fidèle aura beau avoir fait de grands progrès dans la piété, s’il admet dans son coeur un sentiment d’orgueil, un désir de plaire aux hommes et d’attirer leur estime, une secrète complaisance dans son propre mérite, il perd à ce moment-là tout le fruit de ses travaux passés; il échoue malheureusement au milieu de sa course;


TOUTE SA VERTU SE BRISE CONTRE CET ÉCUEIL DE L'ORGUEIL.


Quelque mérite que vous ayez acquis, souvenez-vous que Dieu résiste aux superbes et qu'il donne sa grâce aux humbles.

... C’est pourquoi l’Écriture dit: Dieu résiste aux orgueilleux, Mais il fait grâce aux humbles. (Jacques IV. 6.)

Et tous, dans vos rapports mutuels, revêtez-vous d’humilité; car Dieu résiste aux orgueilleux, Mais il fait grâce aux humbles. (1 Pierre V. 5)


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