Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MÉDITATIONS POUR TOUS LES JOURS DE L’ANNÉE

JUIN

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(note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1759)


1er juin

Sur les jugements du monde.


1er Point.

Un vrai Chrétien méprise les jugements du monde.

Il en connaît la fausseté, l'injustice, l’inconstance, l’aveuglement, aussi ne s'y arrête-t-il pas; refusant d'y prêter attention.

Ce n’est pas qu’un Chrétien ne doive pas, à un certain point, se faire une bonne réputation; mais il ne veut en avoir qu’auprès des personnes sages et vertueuses qui ne suivent, dans leurs jugements, que les lumières de la raison et les règles de la «Religion», de la vérité et de la justice.


2e Point.

Raisons qui le déterminent à les mépriser.

Il regarde le monde comme un assemblage confus de personnes de divers caractères et d’inclinations différentes dont la plupart n’ont ni science, ni vertu, ni conduite, ni jugement;


DES PERSONNES QUI SAVENT À PEINE DISCERNER LE BIEN DU MAL;


qui n’ont aucune idée du vrai mérite alors que chacun se croit capable de gouverner les autres tandis qu’il ne sait pas se gouverner lui-même.

Avec peine en trouverez-vous deux qui aient les mêmes sentiments, et à peine en trouverez-vous un qui ait des sentiments raisonnables!


* * *

2 juin

Sur le désir de plaire au monde.


1er Point.

Le monde ne mérite pas les peines que l'on prend pour lui plaire.

Quand on ne songerait qu’à plaire à un seul homme dans le monde par le désir de s'avancer et de faire sa propre fortune; à combien de fatigues, d’assiduités et de complaisances pénibles ne faut-il pas s'assujettir?

Ne sera-t-on pas obligé d’étudier ses goûts, ses inclinations, ses humeurs pour s’y conformer, et ensuite se régler sur sa conduite quelque déréglée qu'elle puisse être?

Mon Dieu, y a-t-il donc quelque homme sur la terre qui mérite de pareils sacrifices!

Non, Seigneur, ces sacrifices ne sont dus qu’à toi, parce qu'il n’y a que toi qui en sois digne, et parce que TU ES LE SEUL MAÎTRE qui puisse nous en récompenser dignement.


2e Point.

Le monde n'est pas en état de récompenser les peines que l'on prend pour lui plaire.

Insensés que nous sommes, disaient ces deux Courtisans dont parle Saint Augustin au livre de ses Confessions, NOUS OUBLIONS LE CIEL POUR NE PENSER QU’À LA TERRE; nous laissons des biens réels pour courir après des ombres; nous essuyons mille peines et mille dégoûts pour obtenir de frivoles récompenses, que le monde fait attendre longtemps, qu'il accorde difficilement, qu’il ôte quelquefois rapidement:


Tant de soins et tant de travaux ne seraient-ils pas mieux employés

à chercher les récompenses du Ciel?


* * *

3 juin

Sur la vanité.


1er Point.

La vanité nous porte à croire que tout le monde nous estime.

C’est une illusion, car:

1. Les esprits éclairés - qui sont en très petits nombres sont, pour l'ordinaire, avares de leur estimes.

Ils aperçoivent plus aisément les défauts, ils les sentent plus vivement; et rien n'est plus rare et plus difficile que de remplir parfaitement l’idée qu’ils ont du vrai mérite.

2. Ce qui vous paraît le plus estimable en vous, paraît fort médiocre, et peut-être fort méprisable à ceux qui vous connaissent.


2e Point.

Rien de plus difficile que de savoir au juste si l'on est estimé des hommes.

Leur coeur est impénétrable; ils sont naturellement faux et dissimulés, et il s’en faut beaucoup pour que leurs paroles expriment toujours leurs véritables sentiments.

La politesse les oblige à se donner perpétuellement les uns aux autres les marques d'une estime réciproque.

Comment distinguer celles que la coutume, la bienséance et l’usage du monde ont rendu presque nécessaires, de celles qui partent de l’esprit et du coeur!


Combien de fois arrive-t-il que celui qui dit du bien de vous en votre présence,

vous déchire quand vous êtes absent?


* * *

4 juin

Sur l'amour des louanges.


1er Point.

La vanité nous porte à aimer les louanges.

La plupart des hommes les désirent avec tant d'ardeur, que c’est presque la seule récompense qu’ils veulent avoir de leurs travaux et de leurs peines.

Il ne leur suffit pas d’avoir eu une conduite digne de louanges; ils veulent en être loués:

ils ne se contentent pas d’avoir des talents ou des vertus; ils veulent encore que tout le monde le sache, ET que tout le monde le leur dise.


2e Point.

Fausseté de la plupart des louanges que l'on donne ou que l'on reçoit dans le monde.

Elles sont fausses ou par leur objet, ou par leur principe.

1. Par leur objet; parce qu’on loue ce qui ne mérite pas d'être loué; les folles dépenses, la fausse grandeur et les fausses vertus.

2. Par leur principe; ON LOUE POUR S’ATTIRER DES LOUANGES RÉCIPROQUES, pour gagner, pour séduire ceux qui sont les distributeurs des grâces et les arbitres de la fortune.


Souvenez-vous que si la vraie vertu est essentiellement louable,

elle ne veut jamais être louée:


ELLE CESSE DE MÉRITER LES LOUANGES QUAND ELLE LES RECHERCHE

et qu’elle n’en est jamais plus digne

que lorsqu'elle est plus attentive à les éviter et plus peinée de les entendre.


* * *

5 juin

Sur le fondement de l'espérance Chrétienne.


1er Point.

Elle est fondée sur l'étendue des connaissances de Dieu.

Avec lui point de mérite caché, point de mérite inconnu: il le voit là où il est; il l’aperçoit jusque dans les ténèbres, JUSQUE DANS LES REPLIS LES PLUS INTÉRIEURS DE NOS CONSCIENCES.

Il connaît ce mérite du coeur qui échappe à la connaissance des hommes; et de là vient qu’il tient compte, non seulement de nos actions et de nos œuvres; mais aussi DE NOS INTENTIONS ET DE NOS DÉSIRS.

De là vient qu'il connaît aussi la préparation de notre coeur, et qu’il suffit de vouloir lui plaire pour être agréable à ses yeux.

Éternel! tu me sondes et tu me connais,

Tu sais quand je m’assieds et quand je me lève, Tu pénètres de loin ma pensée;

Tu sais quand je marche et quand je me couche, Et tu pénètres toutes mes voies.

Car la parole n’est pas sur ma langue, Que déjà, ô Éternel! tu la connais entièrement. (Psaume CXXXIX. 1-4.)


2e Point.

Sur sa souveraine équité qui règne dans ses jugements.

CES JUGEMENTS dont on nous fait tant de menaces, NE SONT TERRIBLES QUE POUR LES PÉCHEURS.

Ils doivent faire la consolation et l'espérance des Justes; parce qu’ils sont sûrs que tout le bien qu’ils font, quelque petit, quelque léger qu’il soit en apparence, est toujours d’un grand prix aux yeux du Seigneur.

Avec lui tout est compté, rien n’est perdu: Un verre d'eau donné en son nom ne sera pas sans récompense.

Et quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense. (Matth. X. 42.)


* * *

6 juin

Sur la Conscience.


1er Point.

Cette Conscience nous accuse..... devant Dieu.

Il y a une telle opposition entre la Conscience et la conduite de la plupart des hommes qu'il est impossible que leur Conscience ne se soulève régulièrement contre leur conduite.

Dieu considère ce que la Conscience nous enseigne, ce que nous croyons et ce que nous faisons.

Il conçoit toutes les vérités qu’il a, pour ainsi dire, imprimées dans notre âme, en nous donnant la grâce de la Foi, et il aperçoit bien souvent dans nos moeurs un désaveu de ces mêmes vérités.

Il fait toute chose bonne en son temps; même il a mis dans leur coeur la pensée de l’éternité... (Eccl. III. 11.)

C’est donc proprement notre Conscience qui criera vengeance, et qui demandera justice contre nous.


2e Point.

Cette Conscience nous confondra un jour au jugement de Dieu.

Comment soutiendrons-nous ses plaintes et ses reproches?

Comment résisterons-nous à la force invincible du témoignage qu’elle rendra contre nous?

Que répondrons-nous au Souverain Juge, quand il nous dira:

Voilà ce que vous avez cru et voilà ce que vous avez fait!

- Vous avez cru que vous étiez obligé de m’aimer de tout votre coeur;

et vous avez aimé de viles créatures plus que moi.

- Vous avez cru que vous étiez obligé de renoncer au monde par les engagements que vous avez pris lors de votre baptême,

et vous n’avez jamais cessé d’en être l’esclave.


... que tu combattes le bon combat, en gardant la foi et une bonne conscience.

Cette conscience, quelques-uns l’ont perdue, et ils ont fait naufrage par rapport à la foi. 

(1 Tim. I. 18-19.)


* * *

7 juin

Sur l’examen de conscience.


1er Point.

L'importance de cet examen.

Comment pourra-t-on s’accuser de ses fautes?

Comment prendra-t-on la résolution et les moyens de s’en corriger, si on ne les connaît pas?

Et comment les connaîtra-t-on, si on n’a pas soin d’examiner souvent sa conscience et de se faire rendre compte à soi-même de toutes ses actions?

Jésus-Christ compare le Vrai Fidèle à un habile Négociant:

En est-il un seul qui manque à examiner chaque jour ses gains et ses pertes?

Un, qui, s’apercevant qu’il a fait quelque perte, ne tâche AUSSITÔT de la réparer?

Ainsi devons-nous examiner chaque jour les pertes que nous faisons dans la voie du salut pour empêcher qu’elles ne s’accumulent; que le vice ne prenne racine dans notre coeur, que les mauvaises habitudes ne s’y fortifient et que la désobéissance s'y installe.


2e Point.

État d'une âme qui néglige d'examiner sa conscience.

J'ai passé, dit le Sage, par le champ du paresseux et par la vigne de l’insensé; tout y était plein d'orties, tout y était couvert d'épines.

J’ai passé près du champ d’un paresseux, Et près de la vigne d’un homme dépourvu de sens. Et voici, les épines y croissaient partout, Les ronces en couvraient la face, Et le mur de pierres était écroulé. (Prov. XXIV. 30-31. V. S.)

Tel est l’état déplorable de ces mondains ou de ces chrétiens rétrogrades, qui ne pensent jamais à examiner leur conscience; elle ressemble à un champ inculte et abandonné qui ne produit que des ronces et des épines.

C’est par la pratique fréquente et habituelle de cet examen qu’on les découvre et qu’on les arrache.

Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. (2 Cor. XIII. 5.)


* * *

8 juin

Sur deux sortes d'examen de Conscience.


1er Point.

Le premier est un examen habituel, qui se fait sur toutes les actions et sur tous les moments de notre vie.

C'est une attitude nécessaire qui confirme notre vigilance Chrétienne.

Il est vrai de dire que toute la vie d’un Chrétien doit être UNE CENSURE SECRÈTE ET CONTINUELLE de ses pensées, de ses désirs, de ses actions; il doit toujours avoir son âme «dans ses mains» pour en connaître et pour en apprécier tous les sentiments.

S’il la perd un seul instant de vue, elle s’égare sans presque qu’il s’en aperçoive.

Mais comme la légèreté de l’imagination et les distractions inséparables de la vie humaine ne réussissent que trop souvent à le tirer de cet état habituel de vigilance, il doit encore avoir chaque jour un temps fixe et déterminé pour examiner sa conscience.

Saint Chrysostome recommande comme une pratique salutaire de le remettre à la fin du jour, au premier silence de la nuit;

- parce que nous sommes alors rendus à nous-mêmes, dégagés de la dissipation du monde;

- parce que cette pratique constamment observée deviendra un frein capable de nous rendre plus attentifs et plus retenus dans la journée qui précédera l’examen dans celle qui le suivra.


* * *

9 juin

Sur l'objet de l'examen de conscience


1er Point.

Il doit se faire sur trois questions:

1. Qu'ai-je fait?

2. Comment l'ai-je fait?

3. Qu'ai-je manqué de faire?

La première regarde la nature de nos actions;

La seconde regarde les défauts qui peuvent s'y être glissés, les circonstances qui les ont accompagnées, l'intention qui nous y a conduit.

Une action bonne en elle-même peut être «vicieuse» et déréglée par les circonstances et par son motif.

La troisième regarde les péchés d'omission qui sont quelquefois innombrables.


2e Point.

On doit appliquer ces trois questions, non seulement aux devoirs généraux et communs à tous les Fidèles, mais encore aux devoirs propres et particuliers de son état.

a) Sur les devoirs généraux communs à tous les Fidèles; il faut voir en quoi on a péché contre Dieu, contre le prochain et contre soi-même:

- soit par des fautes directes et formelles,

- soit par des omissions.

b) Sur les devoirs propres et particuliers de son état; il faut examiner en quoi on a manqué, comme maître, comme citoyen, comme serviteur, comme fils comme père de famille, comme personne publique, chargée d’un tel emploi, d’une telle fonction dans la société.


* * *

10 juin

Sur la sévérité de l'examen de 
conscience.


1er Point.

On doit être sévère dans cet examen.

Parce qu'on fait alors contre soi-même les fonctions de la justice et de la colère de Dieu pour prévenir, devancer son jugement.

Or, qu’elle, sera dans le jugement que nous voulons prévenir, l’exactitude de ses recherches et la sévérité de ses décisions?

Elles ne pourront être ni obscurcies par l’erreur, ni corrompues par l’intérêt.

Celles que nous portons contre nous-mêmes dans l’examen de conscience, doivent donc avoir les mêmes qualités. 
Pour cette raison:

IL FAUT DONC LES FORMER SUR LA LOI DE DIEU,

- sans écouter ni l’amour-propre, ni la prudence de la chair, ni la politique du monde;

- sans interpréter sa Loi, en la comparant à l’exemple, à la coutume ou aux préjugés du siècle; mais:

EN LA PRENANT TELLE QU’ELLE EST, SANS ALTÉRATION ET SANS DÉTOUR.


2e Point.

Ce jugement que nous portons contre nous-mêmes dans l'examen de conscience n'est point définitif et sans appel.

Il y a un Tribunal supérieur et souverain où tout sera revu avec la plus grande exactitude.

Flattez-vous, rassurez-vous tant qu’il vous plaira, DIEU SERA VOTRE JUGE;

Plus vous aurez eu de ménagement et d’indulgence pour vous,

PLUS VOUS ÉPROUVEREZ LA RIGUEUR ET LA SÉVÉRITÉ DE SA JUSTICE.


* * *

11 juin

Sur les défauts de l'examen de conscience.


1er Point.

Par rapport à sa fréquence et à sa durée.

Les uns le font trop rarement: ils laissent écouler de longs intervalles d'un examen à l'autre, par là:

- ils ne pensent plus au bien et au mal qu'ils ont pu faire;

- ils ne se connaissent plus, et leur coeur devient pour eux un abîme impénétrable qu'il leur est impossible d’approfondir.

Cet examen, qui doit être exact et sévère, n’est plus qu’une revue superficielle et précipitée, qui ne sert qu'à étourdir la conscience, et qui n’est nullement capable de l'éclairer.

Souvent on repousse cet examen de conscience jusqu'à des moments où l’accablement du sommeil appesantit également les yeux du corps et de l'âme.

Quel fruit pouvez-vous attendre d’un examen fait avec tant de tiédeur et de négligence?


2e Point.

Par rapport à son contenu.

On se justifie soi-même à ses propres yeux; on a recours à mille faux prétextes, pour excuser ses propres fautes.

- Tantôt on s’autorise à mettre en avant la bonté du motif qui nous a fait agir;

- Tantôt on en rejette la responsabilité sur une malheureux et inévitable nécessité.

On reconnaît les péchés que l’on a commis, mais on se persuade qu’il y a une impossibilité réelle, et qu’il y aurait même une espèce de scandale dans tout ce que l’on ferait pour le réparer.


* * *

12 juin

Sur les prétendus avantages de la naissance.


1er Point.

Selon les idées du monde, un homme, né d’un sang illustre, est destiné à un brillant avenir.

En raison de sa naissance, il aurait droit aux plus grands emplois, aux charges les plus importantes, sans avoir aucun des talents nécessaires pour les remplir, et sans qu’il soit obligé de prendre le temps et les soins nécessaires pour s’y préparer.

Il sait tout sans avoir rien appris; et il est propre à tout, sans s'être capable de le démontrer:

Son mérite est en quelque sorte assuré et établi sur celui de ses aïeux;

Plein de ces vains préjugés, il n’y a point de charge si grande et si difficile, à laquelle il soit en droit de prétendre.


2e Point.

Selon les Principes de la «Religion» l’homme, le plus distingué par sa naissance, est obligé d'attendre – comme ceux qui naissent dans l'obscurité – le choix et la vocation de Dieu pour aspirer aux charges désirées.

Il est obligé d’examiner devant Dieu s’il en est capable; de consulter ses forces et d'exercer son esprit et ses talents, par un travail assidu, pour se mettre en état de répondre aux vues et aux desseins de la Providence.

Il ne doit employer ni les intrigues sourdes et odieuses, ni les moyens bas et illicites pour s’élever.

La paresse, l’inapplication, loin d’être des prérogatives de sa condition, en sont plutôt des abus criants dont il faudra rendre compte au Tribunal du Souverain Juge.


* * *

13 juin

Sur la dévotion des Grands.



1er Point.

Il est rare qu’elle soit entière et parfaite.

Plusieurs se croient dispensés de plusieurs obligations que la Loi de Dieu leur impose, ils regardent leur état comme une condition privilégiée qui les dispense de plusieurs points de la Loi.

Ils ne réfléchissent pas que leur état est moins un privilège, qu’un obstacle!

Par conséquent, par rapport au salut, ils oublient:

- qu' il n’y a qu’une seule et même Loi,

- qu' un seul et même Évangile, pour les grands et pour le peuple,

et surtout-  que TOUS les hommes sont égaux en Dieu et en Jésus-Christ.

En Dieu, devant qui toutes les grandeurs humaines, ne sont qu'un néant; et en Jésus-Christ qui regarde tous les fidèles comme ses frères; qui ne connaît point de titre et de qualité préférable à celle de Chrétien, ni de droits plus précieux sur l’héritage céleste que ceux qu’ils ont acquis par le Baptême et l'engagement à suivre le Seigneur.


2e Point.

Ils ne se font aucun scrupule de plusieurs comportements condamnés par la Loi; tels que font généralement la plupart des entreprises:

- Les hauteurs de la fierté;

- Les prétentions de l’orgueil;

- La sensibilité dans les injures;

- La fourberie et la duplicité dans les concurrences;

- L’injustice dans l’autorité;

- L'excès et la fréquence dans les plaisirs.


Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs,

et dont vous les avez frustrés, crie,

et les cris des moissonneurs sont parvenus

jusqu’aux oreilles du Seigneur des armées. (Jacques V. 4.)


* * *

14 juin

Sur l'Autorité.


1er Point.

Tout homme qui exerce dans le monde quelque portion d’une autorité publique ou particulière doit à Dieu, la même obéissance qu'il exige de ceux qui lui sont soumis.

S’il porte à leur égard une fonction de responsable, il veut être obéi, et il réclame hautement les droits attachés à ce titre quand on s’écarte de la soumission qui lui est due.

Quand je parle à mon Serviteur, disait le Centurion, je lui dis: faites cela, et il le fait.

... Moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres; et je dis à l’un: Va! et il va; à l’autre: Viens! et il vient; et à mon serviteur: Fais cela! et il le fait. (Luc VII. 8. V. S.)

Le Dieu que nous servons n’a-t-il pas à notre égard les titres et les droits de Père et de Seigneur?

Le fils honore son père, disait-il à son peuple par le Prophète Malachie, et l'esclave son seigneur; mais si je suis Père, ou est l’honneur qui m’est dû; et si je suis Seigneur, où est l’obéissance que l’on ne peut me réfuter sans crime?

Un fils honore son père, et un serviteur son maître. Si je suis père, où est l’honneur qui m’est dû? Si je suis maître, où est la crainte qu’on a de moi? Dit l’Éternel des armées à vous, sacrificateurs, Qui méprisez mon nom, Et qui dites: En quoi avons-nous méprisé ton nom? (Malachie I. 6. V. S.)


2e Point.

On affermit sa propre autorité en se soumettant à celle de Dieu, c'est par lui que les Rois règnent, et que les Législateurs font de justes Lois.

Si je désobéis hautement et continuellement à Dieu, quelle obéissance dois-je attendre de ceux qui me sont soumis?


MES EXEMPLES N'AFFAIBLIRONT-ILS PAS MES COMMANDEMENTS?


Père, maître, homme sans foi, sans lois, sans moeurs, comment oserai-je reprocher à mes Domestiques, mes Ouvriers leur infidélité, à mes enfants leur défaut de soumission, leurs dérèglements?

Leurs yeux seront fixés sur moi pour me punir même de mes révoltes contre lui.

Dieu ne permettra-t-il pas qu’ils ne suivent trop exactement le modèle insoumis qui j'ai été pour m'en chagriner?


* * *

15 juin

Sur les obligations attachées aux Charges et aux Dignités du monde.


1er Point.

Elles ne sont établies que pour le bien des particuliers, et pour l’utilité publique.

Voilà quelle est la fin de leur institution. On n'est donc pas prince, magistrat, juge, maître et homme public pour soi, mais POUR LES AUTRES.

Le nom même de charge que l'on donne aux emplois et aux dignités du monde, annonce en quelque sorte, tout le poids des obligations qu’elles imposent à ceux qui en sont revêtus.

- Ils ne doivent plus vivre et travailler pour leur bonheur, et pour leur intérêt particulier;

- ils ne doivent plus avoir en vue que le bonheur et l’intérêt des autres;

- leurs jours ne sont plus à eux, mais au public.


2e Point.

On abuse donc des charges et des dignités du monde:

a) Quand on en retranche les travaux pour goûter les douceurs de la vie;

b) quand on se dispense de ce qu’elles ont de pénible pour ne s’attacher qu’à ce qu’elles ont d’agréable;

c) quand on les prend uniquement pour illustrer son nom, pour nourrir son ambition, pour contenter sa vanité, pour flatter son orgueil;

d) quand on s’en tient au mauvais usage qu’en ont fait ceux qui nous ont précédés, sans examiner le bon qu’ils en ont dû faire; en un mot:


ON ABUSE

QUAND ON EN NÉGLIGE LES DEVOIRS

ET QUE L’ON REGARDE CETTE NÉGLIGENCE

COMME UNE PRÉROGATIVE DE SON ÉTAT.


* * *

16 juin

Sur la différence des devoirs.


1er Point.

Tous ne sont pas de la même importance et parfois, on abuse de cette différence.

On en abuse quand on s'attache aux moindres devoirs, et qu'on néglige les plus essentiels.

C’est ce désordre que Jésus-Christ reprochait sans cesse aux Scribes et aux Pharisiens:

Vous payez, leur disait-il, avec une scrupuleuse exactitude la dîme des plus petites herbes, tandis que vous négligez ce qu'il y a de plus important dans la Loi; savoir, la justice la miséricorde et la foi.

Vous observez le Sabbat avec une fidélité, qui va presque jusqu'à la superstition et vous ne craignez pas de commettre des injustices le jour même du Sabbat.

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et que vous laissez ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité:

c’est là ce qu’il fallait pratiquer, sans négliger les autres choses. (Matth. XXIII. 23. V. S.)

Combien de faux Chrétiens pourraient aussi se reconnaître dans ce portrait?

Combien n’en voit-on pas qui ne s’attachent qu’aux plus menues pratiques de la dévotion, dont ils font leur capital? tandis qu’ils oublient ces grands devoirs que la foi, la justice et la charité nous imposent.


2e Point.

On en abuse quand on s'attache tellement aux pratiques essentielles que l'on croit pouvoir négliger les moins importantes.

Remarquez que le Sauveur du monde ne condamne pas la régularité des Scribes et des Pharisiens à observer toutes les traditions de leurs pères: comment aurait-il pu en faire un «crime», lui qui avait dit qu'il fallait observer toute la Loi, sans en omettre un seul point?

Que fait-il donc?

Il approuve ce qu’ils font,

et il les blâme de ce qu’ils ne font pas.


En comparant deux sortes de devoirs, dont les uns sont des plus essentiels, et les autres paraissent moins nécessaires, il leur déclare d’abord qu’il faut OBSERVER LES PREMIERS, et ensuite NE PAS OMETTRE LES AUTRES.


* * *

17 juin

Sur les vérités de la Foi.


1er Point.

Il y en a de deux fortes.

Il a des vérités de spéculation, des dogmes, des mystères que nous sommes obligés de croire: la parole de Dieu étant et restant toujours la vérité!

Il a des vérités de mise en pratique, des préceptes, des règles de morale que nous sommes obligés de suivre.

Saint Grégoire observe que notre âme est à l’égard de ces deux sortes de vérités, comme l’œil de notre corps est à l’égard des objets qu’on lui présente. Pour qu’il les voie clairement et distinctement:

Il faut qu’ils soient placés à une juste distance, parce qu’une trop grande proximité deviendrait un obstacle à son action, et qu’un trop grand éloignement épuiserait toute sa force.

Ainsi notre âme ne peut avoir une idée claire et distincte des mystères et des dogmes de la foi parce qu’ils sont trop au-dessus de nous, et que leur élévation les mettent hors de la portée de nos faibles lumières.

Nous devons donc les croire sans être étonnés de ce que nous ne pouvons toutes les comprendre.


2e Point.

À l'égard des vérités de pratique et des règles de morale.

Nous n’en avons qu’une idée confuse et imparfaite quand il s’agit de nous en faire une application personnelle parce que nous voyons de trop près ce qui nous touche immédiatement.

C'est donc surtout, à l’égard de cette application personnelle, que l’on doit se méfier de ses propres lumières.


On en a toujours assez pour régler la conduite des autres,

MAIS

on en manque souvent pour se conduire soi-même.


* * *

18 juin

Sur la grièveté du Péché 

(La dangerosité)


1er Point.

Le péché, selon Saint Thomas, consiste à préférer la créature au Créateur.

Oui, toutes les fois que l’homme se détermine à violer la Loi de Dieu pour se livrer à l’attrait de ce qui le séduit, il s’érige une espèce de tribunal au fond de son coeur.

Il met en opposition le créateur et la créature; et après avoir examiné les avantages qu’il peut espérer de l’un et de l’autre, il prononce en faveur de la créature au préjudice de ce qu'il doit à Dieu.


2e Point.

Ce qui nous cache la grièveté du péché, c’est que nous n’en jugeons que par la grandeur ou la légèreté des peines qui y sont attachées.

Nous mesurons les péchés, non sur leur malice et leur grièveté naturelle, mais sur la qualité des malheurs qu'ils sont capables de nous attirer.

Ils ne nous paraissent plus ou moins énormes selon qu'ils peuvent devenir plus ou moins dangereux pour nous.

Le nom même dont on qualifie les grands «crimes» (péchés) n’a de rapport qu'avec notre propre intérêt; nous ne les appellerons «mortels» que s'ils donnent la mort à notre âme, oubliant que Dieu n'a pas fait de classement concernant LE péché.

Si nous envisagions le péché avec des yeux purs et désintéressés, nous apercevrions dans les plus «légers» péchés un attentat contre la sainteté de Dieu capable d'attirer sur nous toutes les malédictions du Seigneur.

L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra. (Ezé. XVIII. 4.)

LE SALAIRE DU PÉCHÉ, C’EST LA MORT;

mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur. (Rom. VI. 23.)

* * *

19 juin

Sur l'outrage que nous faisons à Dieu 
par le péché.


1er Point.

Nous désobéissons à ses commandements.


TOUT PÉCHÉ RENFERME UNE RÉBELLION

OUVERTE ET AUDACIEUSE CONTRE DIEU.


Il nous dit:

Aimez-moi de tout votre coeur, de toute votre âme, de toutes vos forces!

C’est-à-dire aimez-moi sans exception et sans réserve; aimez-moi plus que vous-même; souvenez-vous que je suis un Dieu jaloux; que tout partage m’offense, et que je suis résolu de le punir.

ET LE PÉCHEUR LUI RÉPOND:

Ce Commandement, aussi absolu qu’il puisse être, ne sera pas capable de m’arrêter dans mes résolutions et ne m'empêchera pas de choisir ce que je veux aimer en premier.

Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée.... de toute ta force. (Matth. XXII. 37; Marc XII. 30.)

Celui qui a mes commandements et qui les garde, C’EST CELUI QUI M’AIME; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai, et je me ferai connaître à lui. (Jean XIV. 21.)

2e Point.

Nous oublions ses bienfaits.

Tout péché renferme une ingratitude monstrueuse envers Dieu.

- Il ne met point de bornes à ses bienfaits, et nous en mettons à notre reconnaissance et à notre amour;

- il nous comble de biens, et nous comptons pour rien, pour peu de choses le fait de l'offenser:


NOUS LUI DEVONS TOUT,

ET NOUS NE CRAIGNONS PAS DE LUI DÉPLAIRE.


... toute iniquité ferme la bouche.

Que celui qui est sage prenne garde à ces choses,

Et qu’il soit attentif aux bontés de l’Éternel.

(Ps. CVII. 42-43. )


* * *

20 juin

Sur la négligence à éviter dans ce qu'on appelle les fautes
 légères.


1er Point.

On ne doit pas confondre cette négligence avec la fragilité.

Dieu fait que nous sommes fragiles, mais il ne nous permet pas d’être négligents.

Il pardonne à notre faiblesse les fautes qui nous échappent; mais il n’a pas la même indulgence pour la liberté que nous prenons de les commettre avec réflexion:

Celui qui méprise les petites fautes, dit le Sauveur, tombera peu à peu dans les grandes.

Celui qui est fidèle dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes. (Luc XVI. 10. V. S.)

Remarquez qu’il ne dit pas celui qui les commet par hasard et par fragilité, mais CELUI QUI LES MÉPRISE, c'est-à-dire, celui qui les commet par principe et par habitude sans tenir compte des avertissements.


2e Point.

Différence du pécheur et du Juste à l'égard des fautes dites légères.

Tous deux ont le malheur d'y tomber, puisque nous sommes tous pécheurs, et qu’il n’y a point de vie si pure et si parfaite qui ne soit souillée de quelque tache aux yeux du Seigneur.

Le juste pèche par surprise, par inadvertance.

Le pécheur par réflexion.

Le juste s’aperçoit de ses moindres chutes, et il se les reproche;

Le pécheur ne s’en aperçoit pas ou, s’il les voit, il ne daigne pas y faire attention;

L’un n’est pas plutôt tombé qu’il se relève;

L’autre demeure tranquille dans son péché;


L’UN S’EN CORRIGE

L’AUTRE Y PERSÉVÈRE.


Examinez ici votre conduite et vos sentiments à l’égard des fautes dites légères, et jugez si vous méritez d'être mis au rang des justes ou des pécheurs.


* * *

21 juin

Sur les vaines excuses des fautes dites légères.


1er Point.

Elles ne sont pas aussi excusables que nous le pensons.

En effet, nous ne pouvons pas les rejeter sur la violence extrême des penchants qui nous y portent, ni sur l’importance des intérêts qui nous les font commettre, pas plus que sur la grandeur et la difficulté des sacrifices qu’il faudrait faire pour les éviter.

Elles sont indépendantes de tous ces motifs par leur légèreté.


2e Point.

Elles donnent lieu à craindre que ceux qui les commettent n'aient une inclination secrète à commettre ensuite des péchés plus considérables par le manque de vigilance.

On est bien près des grands péchés quand on s'approche si souvent et si volontiers de leurs limites.

Bien près, si l’on dispute avec Dieu en lui présentant quelques excuses pour amoindrir notre responsabilité.

Si l’on chicane sur la Loi que l'on observe, n'est-il pas à craindre que l'on commencerait à aimer la petite faute dite légère, celle qu'on se permet de commettre quoiqu'elle soit reconnue comme un péché aux yeux de Dieu?


* * *

22 juin

Sur l'habitude des fautes dites légères.


1er Point.

Elle est extrêmement dangereuse pour le salut parce que nous n'en sentons pas le danger.

On serait effrayé de l’habitude des grands «crimes» (péchés), mais on se familiarise aisément avec les fautes légères quand elles ne sont pas confessées et abandonnées.

On ne se jette pas dans un précipice connu; mais s'il est caché, on s'en approche sans crainte et l’on y tombe sans y penser.

Telle est l’habitude des fautes légères; les chaînes qu’elles forment se fortifient d’autant plus QU’ELLES PÈSENT DE MOINS EN MOINS À NOTRE CONSCIENCE séduite par leur légèreté!

De pareilles «petites» fautes n’alarment point la conscience; on ne se fait aucun scrupule de les commettre ni de les renouveler! Ainsi, des infidélités journalières entrent en quelque sorte dans le plan et dans l’ordre de notre conduite.


2e Point.

Cette habitude nous conduit insensiblement aux plus grands désordres.

Jésus-Christ l'a dit:

Celui qui méprise les petites fautes, tombera peu à peu dans les grandes, et cet oracle se vérifie tous les jours par l’expérience.

Celui qui est fidèle dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les moindres choses l’est aussi dans les grandes. (Luc XVI. 10. V. S.)


- Salomon n’est d’abord que sensuel, et il devient idolâtre;

- Saül commence par être jaloux, et il devient furieux;

- Absalon par être ambitieux, et il devient rebelle;

- Pilate par être timide, et il devient injuste;

- Judas par être intéressé et il devient traître et perfide.


La réprobation a commencé par la négligence

elle finit par le crime et par l’injustice.


* * *

23 juin

Sur les petites actions de Vertu.


1er Point.

C'est un abus de croire qu'on ne puisse acquérir la sainteté que par des actions héroïques.

Vous êtes, il est vrai, dans une disposition habituelle de faire pour Dieu, s’il le fallait, les plus grands sacrifices; mais les occasions en sont rares; et si vous attendez qu'elles se présentent:

1. Vous n'êtes pas sûr de les trouver;

2. Si elles arrivaient, vous n’auriez peut-être pas la force de résister à de si grandes épreuves.

Bornez-vous donc à vous sanctifier par les actions de vertu dont l'occasion se présente tous les jours et qui sont à votre portée.

Souffrez patiemment des refus qui vous dérangent, des propos qui vous ennuient, des importunités qui vous sont désagréables, etc..


2e Point.

Par les petites actions de vertu multipliées, on se fait un trésor dans le Ciel.

C’est un trésor qui ne tarit jamais parce qu’il augmente tous les jours.

Si ces petites actions de vertu ne sont pas considérables en elles-mêmes, elles le deviennent par leur multitude.

Toutes ses pratiques réunies forment, avec le temps, un amas de richesses spirituelles dans notre âme:


Nous sanctifions par là tous les jours,

et par conséquent toutes les années de notre vie

toutes nos années sanctifiées font une vie sainte.


Ne nous lassons pas de faire le bien; car nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas. (Gal. VI. 9.)


* * *

24 juin

Sur le mérite des petites actions 
de vertu.


1er Point.

Si elles sont petites par leur matière, elles peuvent devenir grandes par leur principe.

Le mérite de nos actions ne se mesure pas par l’importance ou la légèreté de leur objet. Ce qui contribue beaucoup à en augmenter le prix:

- C’EST LA DISPOSITION INTÉRIEURE DE CELUI QUI AGIT;

- C'est la fin qu’il se propose;

- C’est la noblesse et la pureté du motif qui le fait agir.

On fait peu pour Dieu, mais on voudrait faire davantage.

On profite des plus petites occasions pour le glorifier et lui plaire, mais on voudrait en avoir de plus grandes et de plus nombreuses.


2e Point.

On peut juger de leur mérite par la grandeur de la récompense qui nous est promise.

Le Seigneur ne dit pas au Serviteur fidèle que sa vie a été remarquée par des actions éclatantes; mais il lui dit:

«Parce que tu as été fidèle en peu de chose, reçoit la récompense qui t'est due.»

«Le monde regardait ces petites actions de vertu que vous pratiquiez avec tant d'exactitude et de fidélité comme des oeuvres puériles et superstitieuses; j’en juge différemment; vous entrerez dans la joie de votre Seigneur.»

C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître. (Matth. XXV. 21.)

Peut-on donner une plus haute idée d'une action, que de dire qu’elle mérite une telle récompense?


* * *

25 juin

Sur la vaine gloire.


1er Point.

Elle corrompt toutes les vertus et détruit le mérite de toutes nos actions.

Elle le fait quand elle en est le PRINCIPE ou quand elle en est le RÉSULTAT.

- Elle en est le principe, lorsque nous n’agissons que pour notre gloire particulière;

- Elle en est le résultat, lorsque nous mettons notre bonheur et notre satisfaction dans la gloire qu’elles nous attirent:

ILS ONT REÇU LEUR RÉCOMPENSE EN CETTE VIE, disait le Sauveur, en parlant de ceux qui sont idolâtres de la vaine gloire.

ILS NE DOIVENT DONC PLUS S’ATTENDRE À ÊTRE RÉCOMPENSÉS DANS L'AUTRE.


2e Point.

Les vertus cachées et les oeuvres d'une piété commune sont moins exposées à une vaine gloire que les vertus et les actions d'éclat.

Les premières n’excitent aucun applaudissement; elles échappent ordinairement à la vue des hommes, et toujours à leur estime ou ils ne les aperçoivent pas, ou s’ils les voient, ils n’en connaissent pas le mérite: ce sont des fruits de justice et de sainteté qui croissent, pour ainsi dire, aux pieds et à l’ombre de la croix.

Dans les vertus et dans les actions éclatantes, il faut être en garde contre la vaine gloire: on s’observe, parce que l’on est observé.

Il est recommandable de se placer dans des occasions obscures où l’on n’est en spectacle qu’à soi-même, et où l’on n’a pour témoin et pour Juge, que Dieu et notre conscience!


* * *

26 juin

Sur l'usage qu’un Chrétien doit faire de ses talents.


1er Point.

Il doit d'abord s’appliquer à les connaître.

Les uns en ont de grands; d’autres n’en ont que des petits.

Les hommes ne diffèrent pas moins entre eux par la quantité des talents que par leur qualité de coeur.

Parmi les serviteurs de l’Évangile, le premier en avait cinq; le second, deux, et le troisième n’en avait qu’un. (Matth. XXV. 15.).

Tout Chrétien est obligé de profiter de ses talents, pour établir le règne de Dieu dans son âme, et, s'il se peut, dans celles des autres.

Ne prétendez pas vous dispenser de cette obligation, en disant que vous n’avez que des talents médiocres; il n’y en a point de médiocres par rapport à Dieu et au salut:

- n’avez-vous pas un esprit capable de connaître Dieu,

- de connaître vos devoirs?

- N’avez-vous pas un coeur capable de l’aimer?

En faut-il davantage pour remplir les desseins que le Créateur a eus sur vous en vous mettant au monde?


2e Point.

Des abus à éviter dans l'usage des talents.

Si ceux qui ont de grands talents cherchent à les faire briller pour leur propre gloire, ils les rendent stériles pour leur salut.

Ceux au contraire dont les talents sont obscurs n’osent pas les mettre en œuvre par une défiance mal comprise.

On oppose deux règles à ces deux abus:

1. Employez les grands talents avec humilité;

2. Servez-vous des plus petits avec confiance.


* * *

27 juin

Sur l'état de tiédeur.


1er Point.

C’est un état à craindre même parmi ceux qui font profession de piété.

On est exempt des grands «crimes» (péchés) et des vices grossiers; mais:

- on peut devenir sans ardeur pour les biens du Ciel,

- sans goût pour la prière,

- sans application au travail,

- sans ferveur

- et sans piété dans la pratique de ses devoirs:

Dans cet état on a, pour ainsi dire, ni vice, ni vertu.


On évite le mal SANS faire le bien;

c’est ce qu’on appelle un état de tiédeur et de négligence dans les voies du salut.

2e Point.

Danger de cet état de tiédeur.

On peut le comparer à une fièvre lente et cachée qui mine peu à peu les forces de l'âme, et qui se confirme de jour en jour.

On demeure tranquillement dans cet état, parce qu’on ne se sent coupable d’aucun péché.

On avoue que l'on n’est pas du nombre des Chrétiens fervents; mais on ne croit quand même pas être dégradé jusqu'au rang des pécheurs.

Nous voyons cependant que le Seigneur rejette également l’âme tiède et celle qui est infidèle;

Nous voyons qu’il prononce les mêmes malédictions contre celui qui abandonne totalement l’œuvre de Dieu et contre celui qui la fait avec négligence.

Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. (Apoc. III. 16.)

Maudit soit celui qui fait avec négligence l’oeuvre de l’Éternel... (Jérémie XLVIII. 10.)


* * *

28 juin.

Sur l'abus des richesses.


1er Point.

On en abuse quand on manque aux dépenses nécessaires.

La vertu consiste à éviter tout excès; elle ne se trouve que dans ce milieu juste et précis, qui s’éloigne à égale distance des deux extrémités:

Il peut donc y avoir un excès dans l'épargne comme dans la profusion, et tout excès est dangereux.

Vous ménagez vos biens jusqu'à vous refuser le nécessaire, c’est donner dans l’avarice; est-il un vice plus contraire à la raison et à la "Religion"?

1. À la raison; car à quoi servent les richesses, si l'on n’en fait aucun usage?

2. À la "Religion" qui nous prescrit un détachement entier, absolu des biens de la terre.


2e Point.

On en abuse quand on fait des dépenses superflues.

C’est un autre excès beaucoup plus ordinaire et aussi pernicieux que le premier: c’est donner dans un luxe réprouvé.

Les chrétiens mondains croient être les vrais propriétaires de leurs biens alors qu'ils n’en sont que les dispensateurs et les économes.

- Ils s’imaginent que toutes les dépenses leur sont permises quand ils sont assez riches pour les soutenir;

- ils croient même pouvoir déranger leurs affaires sans charger leur conscience:

mais ils sont dans l’erreur, puisque la "Religion" condamne également toute épargne et toute dépense excessive.


* * *

29 juin

Sur la distinction du nécessaire et du superflu.


1er Point.

Un Chrétien doit regarder cette distinction comme un des plus importants objets de son attention et de ses scrupules.

Il n’est que le dispensateur et l’économe des biens qu’il possède; il lui sera donc demandé compte au Jugement de Dieu de l’usage qu’il en aura fait.

À ce Jugement, Dieu fera lui-même la distinction du nécessaire et du superflu.

Il sera dit que le nécessaire appartenait au riche, et que le superflu était dû tout entier aux pauvres et au service de Dieu.

Il est donc de la plus haute importance pour le salut du riche de savoir distinguer exactement l’un de l’autre puisque, s’il employait à son usage ce surperflu qui ne lui appartient pas, il serait condamné au Tribunal de Dieu comme un administrateur infidèle.


2e Point.

Cette distinction est fondée...

1. Sur les bienséances essentielles et indispensables de sa condition.

2. Sur les possibilités de son revenu (pas de dettes).

Toutes les fois que la dépense passe une de ces deux bornes, ou toutes les deux ensemble, c’est une dépense superflue.

LA SEULE QUALITÉ DE RICHE n’est donc pas un titre suffisant pour autoriser de grandes dépenses; elle suppose seulement un superflu plus considérable et par conséquent une obligation étroite de soulager un plus grand nombre de pauvres.

Celui qui a pitié du pauvre prête à l’Éternel, Qui lui rendra selon son oeuvre. (Prov. XIX. 17.)

Celui qui donne au pauvre n’éprouve pas la disette, Mais celui qui ferme les yeux est chargé de malédictions. (Prov. XXVIII. 27.)


* * *

30 juin

Sur le Luxe.


1er Point.

Les uns vivent dans un luxe qui s'étend généralement à tous les domaines.

Ils veulent briller dans tout; ils ne suivent point, dans leur dépense, d’autre règle que leur volonté qui embrasse avec une égale ardeur:

- tout ce que la mode enfante;

- tout ce que la vanité inspire;

- tout ce que le caprice est capable de suggérer.

En vain la «Religion» leur dit:

«Bornez-vous au simple nécessaire relatif à votre état», mais ILS SONT SOURDS À CETTE VOIX et ils n’écoutent que des flatteurs avides et intéressés qui applaudissent à toutes leurs dépenses parce qu’ils en profitent.


2e Point.

D'autres donnent dans un luxe de fantaisie.

Ils portent à l'excès certaines dépenses selon leur goût et leur caprice pour lesquelles ils n’épargnent rien, tandis qu'ils sont modérés, retenus et quelquefois avares dans toutes les autres.

Ainsi le mauvais riche donnait principalement dans le luxe de la table et dans le luxe des habits:

- il était vêtu de pourpre et de lin;

- il était tous les jours assis à une table somptueuse;

cependant il fut jeter dans l’enfer, non pour avoir été riche, dit Saint Chrysosthome , mais pour avoir fait un mauvais usage de ses richesses.

Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. (Luc XVI. 25.)

* * *

 



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